Les paillettes ne brillent pas toujours - Sandra Vergoby - E-Book

Les paillettes ne brillent pas toujours E-Book

Sandra Vergoby

0,0

Beschreibung

L’herbe est-elle plus verte ailleurs ? C’est néanmoins ce que pense Juliette, une jeune femme de trente-six ans, en couple depuis plus de quinze ans avec Cyprien, homme avec lequel elle a eu deux enfants. Face à ses rêves, elle décide de le quitter pour une grande vie à la destinée pailletée. C'est alors que tout bascule. Aveuglément, elle se lance corps et âme dans ce nouveau monde, sans imaginer une seconde que tout est faux et que tout n’est qu’illusion. Elle s’enfonce au fil du temps dans une spirale infernale, engendrée par des personnes malveillantes et impitoyables, où l’attend, comme lui avait prédit cette « voix » surgie de nulle part un matin de printemps, un avenir plus qu’incertain. Juliette paiera cher ses erreurs et saura désormais que l’herbe est plus verte, seulement là où on l’arrose.


À PROPOS DE L'AUTEURE


En parallèle à sa carrière professionnelle et à son rôle de maman, Sandra Vergoby n’a cessé de développer son goût pour l’écriture. Enfant, elle écrivait des BD, adolescente, des poèmes et adulte, elle s’est lancée dans les histoires. Dans ce roman-fiction à suspense, elle manifeste une grande réflexion sur la capacité de l’être humain à se réinventer et à installer de la résilience en lui.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 463

Veröffentlichungsjahr: 2022

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Sandra Vergoby

Les paillettes ne brillent pas toujours

Roman

© Lys Bleu Éditions – Sandra Vergoby

ISBN : 979-10-377-5665-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À vous, les deux grands hommes de ma vie, que

j’aime profondément. Je vous dédie ce roman.

Mais je le dédie aussi à ma famille, pour tout l’amour et

le soutien que vous m’avez donné depuis… toujours.

À Marie, qui est à mes côtés depuis si longtemps.

À Mireille, sans qui ce roman n’existerait pas.

À Geneviève, pour le temps qu’elle m’a consacré.

À tous ceux qui m’ont inspirée, de près ou de loin et qui ont apporté de la matière à cette histoire.

À ceux qui m’ont aimé et à ceux qui ne m’ont pas aimé,

et qui ont donné du corps à ce livre.

Préface

Dans quel pétrin je suis !

Ce soir, étendue sur ce vaste lit blanc, ce n’est pas de lui que j’ai peur, ce n’est pas à lui que je pense, car aussi menaçant qu’il puisse être, il est devenu, à cet instant, foncièrement insignifiant. Je lui assène un coup dans le tibia, mais il n’a pas l’air de le sentir. Péniblement, je tente de ramper, grâce aux quelques forces qu’il me reste, laissant derrière moi une longue traînée rouge qui ne m’effraie même pas. Je suis si faible, je voudrais crier, je voudrais appeler, je voudrais ne pas être seule, je voudrais me sauver, mais j’en suis incapable et je n’ai avancé que de deux mètres lorsque je me reprends un ultime coup sur le haut du dos. Mon visage ensanglanté s’enfonce dans la neige, qui amortit le choc.

Allongée face au sol, impassible, la tête à moitié engloutie dans le froid glacial de ce trente et un décembre, la série inévitable des regrets me tombe dessus. Tout y passe, mais je crois que c’est de coutume dans ces moments-là. Il fait noir, je suis frigorifiée, et je passe de l’état d’angoisse à la béatitude en une petite fraction de seconde. J’ai comme l’impression de sombrer mais je reste consciente, avec une respiration modérée qui me déstabilise. Le sang coule le long de mes tempes et ce goût de métal qui a envahi ma bouche ne me quitte plus.

D’un coin de l’œil, je l’aperçois gesticuler dans tous les sens. Peut-être qu’il me parle, ou même qu’il s’égosille à force de crier, mais je ne l’entends plus. Comment pourrais-je ? Tout va très vite et mes pensées défilent à une vitesse folle. Prise de nostalgie, je me lance spontanément dans mes doléances, et le film de ma vie se met en route. J’ai conscience de ne pas avoir été capable de faire de mes difficultés des victoires lorsque cela s’imposait… Je n’ai pas vu mes enfants grandir pour la simple et bonne raison que j’ai passé mon temps à survoler notre vie, consciemment ou inconsciemment, en fait je ne sais pas vraiment. Je n’ai pas voulu entendre les méfiances de Cyprien. J’ai laissé tomber Alma, à qui j’ai préféré un monde de paillettes et de faux-semblant. J’ai passé mon temps à courir après un empire que je n’ai jamais eu, mettant de côté mes priorités.

Tout s’emmêle et s’entremêle dans ma tête gelée.

Je suis littéralement terrifiée à l’idée de ne plus jamais revoir mes deux amours. Mes deux petits anges que j’aime tant. Je ne leur ai pas assez dit d’ailleurs, je n’ai pas assez profité d’eux, Je n’ai pas fini de leur apprendre le courage, la bravoure, la volonté, la générosité, la résilience, en un seul mot, la vie.

Je pense aussi à Sacha, qui s’est tant méfié, que j’aurais dû écouter dès le début et grâce à qui j’ai grandi malgré tout. J’avais tellement d’espoirs pour ce binôme improbable, qui avait considérablement surmonté les obstacles auxquels nous avons été confrontés si souvent.

Bien sûr que c’est trop tôt pour lâcher, pour me laisser partir là ou inlassablement mon subconscient me tire, mais je n’ai plus la force de me battre contre ce monstre qui ne fatigue pas de me piétiner jusqu’à ce que la mort s’en suive. Je m’appelle Juliette, je suis fatiguée, éreintée et mon corps est littéralement anémié.

Aussi surprenant que cela puisse être, moi qui ai si souvent pleuré, je n’ai à cet instant plus de larmes à donner, plus de rancœur à expulser, car là, maintenant, je ne suis pas en colère, je suis désormais résignée.

1

Quatre ans plus tôt…

— Juliette ! Juliette ! Juuuuulieeeeeette !

Vautrée dans son canapé flambant neuf, Juliette, le moral en baisse, n’a franchement pas envie d’être dérangée. Bien au chaud sous son plaid, elle y passe depuis quelques temps des journées entières à rêvasser devant des téléfilms sans intérêt. Au grand désespoir de Cyprien, elle qui était toujours pleine de projets plus saugrenus les uns que les autres, s’est désormais résignée à une vie de flemmarde endurcie.

Qu’est-ce qu’il a à crier…

— Oh ! Juliette tu dors ?

Sa voix résonne dans leur vaste maison qui allie le bois et la pierre, où les plafonds sont si hauts que même les échos s’y méprennent et qu’ils n’ont pas encore pris le temps de finir de rénover, mais où l’on s’y sent bien malgré tout.

Juliette voulait un palace, Cyprien leur a trouvé une ancienne ferme, immense du fait de ses multiples dépendances, ce qui occupe Rose-Marie, leur aide-ménagère, des journées entières. Cette femme attachante, qui a évolué aux côtés de Juliette depuis son plus jeune âge, travaillait déjà pour ses parents en tant que fille au pair, jusqu’à ce qu’elle rencontre son mari et prenne son envol. D’ailleurs, tous les dimanches, elle y passe prendre le thé et leurs après-midis se résument à se remémorer leurs souvenirs d’antan. Les deux femmes sont toujours restées en contact et il était tout à fait naturel, après le décès brutal de son mari il y a trois ans, que Juliette lui offre le logis. Atteinte d’une maladie génétique rare, Rose-Marie n’a jamais pu avoir d’enfants, et a jeté son dévolu sur la petite Juliette qu’elle considère depuis toujours comme sa fille. En échange, elle a tenu à s’occuper de la maison, comme elle le faisait déjà alors qu’elle avait tout juste vingt ans. Juliette est très attachée à ce petit bout de femme que les années n’ont pas épargné.

Elle finit par répondre à Cyprien à moitié endormie…

— Oui Cyp, ne crie pas, je t’entends !

— Tu n’es pas allée au courrier ce matin ? Son ton est ironique.

L’ironie, comme l’humour, ce n’est pas tout à fait ce qui le représente, bien au contraire… Juliette comprend donc rapidement qu’il y a quelque chose pour elle, quelque chose d’important lorsqu’il lui tend une enveloppe qu’elle saisit hâtivement.

Le courrier porte à son entête le nom du courtier longtemps sollicité par Juliette. À sa lecture, peinant à cacher sa joie, des larmes de bonheur l’envahissent.

— C’est bien ce que je pense Juliette ? lâche Cyprien d’un ton contrarié.

— C’est bien ça oui. Mon dossier est accepté ! Un an de bataille, et un organisme bancaire me suit enfin. C’est merveilleux ! Il faut vite que je téléphone à Marie et à Marius pour leur annoncer la bonne nouvelle ! Je n’en crois pas mes yeux et ils ne vont pas y croire non plus !

Cyprien fait mine d’être détaché et ne la félicite pas. Se serait trop lui demander, à lui qui espérait tant que ce courrier n’arrive jamais.

Il sait pourtant qu’elle se bat depuis des mois, qu’elle ne se consacre qu’à ça. À son projet, son gros projet professionnel. Juliette avait eu jusque-là pas mal de déceptions, et ce projet était vraiment au-dessus de ce qu’elle avait déjà pu entreprendre tout au long de son existence. Elle avait déjà eu l’opportunité de créer plusieurs petites entreprises, mais aucune d’elles ne lui avaient assouvi sa soif de pouvoir et de reconnaissance. Elle avait pourtant acquis en expérience et savoir-faire, mais ce n’était pas suffisant. Elle, ce qu’elle voulait plus que tout, c’était gravir les marches de son empire. Juliette savait que Cyprien, grand et fidèle ouvrier de bon augure, ne supportait plus ses va-et-vient dans leur vie, déjà difficile à gérer, sans encore y ajouter les problèmes de tous chefs d’entreprises, aussi petites soient-elles. Pour le coup, ce nouveau projet qui semble à cet instant se concrétiser, il l’a en horreur et ne manque pas de lui faire, à nouveau, part de ses objections.

— Juliette, sérieusement, tu ne veux pas te poser un peu, trouver un petit boulot tranquille. Se serait moins stressant tu sais et en plus tu aurais davantage de temps pour toi, pour nous !

Peu convaincue, Juliette fait la moue.

— Tu avais un super projet avec Alma, c’était plus sûr, plus sérieux, mieux quoi !

— Laisse ma cousine en dehors de ça Cyprien !

— Elle était bien plus que ta cousine et tu le sais très bien.

Cyprien sous son petit air de surfeur n’est pas un fainéant, bien au contraire. Acharné du travail et issu d’une famille d’ouvriers dans l’agroalimentaire, cet homme prône la valeur familiale et la vie paisible. Il ne comprend pas les ambitions de sa femme, et encore moins ses absences.

Juliette se contrarie de ne pas se sentir épaulée et félicitée à ce moment-là.

— Mais Cyp, j’ai besoin de bouger, de créer, de diriger ! Depuis le temps que je suis sur ce projet, tu n’es pas content pour moi ?

— …

— Non tu n’es pas content, je le vois bien. Nous en avons pourtant parlé dès le début. Tu connaissais mes intentions alors pourquoi maintenant tu rechignes ?

— Pour être honnête, je ne pensais pas que tu y arriverais…

Ces derniers mots furent un électrochoc. Cyprien n’avait donc jamais cru en elle ? N’est-il pas censé la connaître depuis toutes ces années ? Il l’avait pourtant vu évoluer, il savait que c’était une battante, et qu’elle aspirait aux grandes choses de la vie.

Une fois de plus, il était à côté de la plaque et une fois de plus il s’y prenait mal pour le dire.

Juliette a beaucoup souffert de son impassibilité et pense qu’ils ont perdu leur temps avec le conseiller conjugal, pourtant consulté des mois durant.

Il est bien loin de l’exploratrice du monde qu’elle est, toutefois, elle a aimé, toutes ces années, penser qu’ils étaient complémentaires.

Cyprien considère qu’elle devrait se poser. Il a sûrement raison, mais elle a ce besoin perpétuel d’évolution, de passion et de création. Dans son univers à lui, on se satisfait d’un rien. Dans sa vision à elle, plus on en fait, plus on en veut.

Juliette fête ses trente-six ans aujourd’hui, à deux enfants et maintenant, si elle veut accomplir ses rêves et avancer dans la vie qu’elle désire depuis toujours, elle doit désormais foncer. Hors de question, si près du but, de se laisser décourager. Elle veut bâtir un empire, peu importe les conséquences, et peu importe s’il ne comprend pas et qu’il reste à la traine. Juliette est déterminée à avoir la vie dont elle rêve depuis toujours.

2

Cinq ans plus tard…

Ma chère Alma.

Je prends enfin le courage de t’écrire. Il m’a été bien difficile de te retrouver, je t’ai longtemps cherchée, en vain. Ce soir, lorsque je t’ai vu au journal télévisé depuis mon lit d’hôpital, j’ai fondu en larmes. Que d’émotions ! Mais je sais, désormais, comment te joindre. Tu es toujours aussi majestueuse, mon Alma ! On ne voyait que toi à l’écran et tu as eu la carrière que tu as voulue. C’est toi qui avais raison, mon Alma. Si tu savais, comme je regrette, si tu savais…

Je sais ce que tu as dû penser en ouvrant ce courrier, mais je dois te raconter mon histoire. Elle n’excusera sûrement pas que j’ai tout gâché, mais nous étions si jeunes encore. J’avais besoin de plus Alma, et j’ai bien failli y arriver. Malheureusement, le sort en a décidé autrement.

Après notre violente dispute, J’ai décidé de faire cavalier seul et je me suis mise à la recherche d’établissements et de personnes qui pourraient m’aider à construire l’avenir glorieux que je désirais tant. Et il y a cinq ans, je l’ai trouvé. Je sais ce que tu m’aurais dit Alma, mais j’ai foncé tête baissée.

Il était difficile pour moi de réunir tous les fonds nécessaires, alors j’ai demandé de l’aide à mon amie Marie. Tu te souviens de Marie ? Elle est toujours aussi douce, tu sais. Elle n’a pas pu résister à mes requêtes incessantes, et a fini par me suivre dans ce projet grandiose. J’ai aussi sollicité Marius, rappelle-toi, il vivait dans la roulotte chez les Dupont. Tu dois en perdre l’équilibre je suis sûre ! Mais tu sais il avait bien mûri et face à la situation stable qu’il avait acquise, je n’ai pas hésité une seconde à m’adresser à lui. Il a bien sûr approuvé sans hésiter un instant tu t’en doutes…

Un jour, Cyprien m’a rapporté de la boite aux lettres un courrier m’informant que je pouvais bénéficier d’un prêt bancaire pour compléter les fonds nécessaires à l’acquisition de mon projet. Ce jour-là, Alma, tout a basculé. Je ne le savais pas encore et j’ai appelé mes amis, folle de joie, laissant Cyprien malheureux comme tout.

— Allo ? Marie !

Il n’est pas impossible que je lui aie percé un tympan…

— Oui allo ma chérie, ça va ? Tu m’as l’air tout agitée ! Qu’est-ce qu’il t’arrive encore ?

Elle riait, comme d’habitude.

— Oui, je vais bien ! Tu ne devineras jamais, j’ai reçu un courrier à l’instant et… une banque me suit ! C’est incroyable. Un rêve qui se réalise. Je suis complètement paniquée et en même temps si heureuse !

— Eh mais c’est une excellente nouvelle ! Je suis contente pour toi Juliette. Désormais, tu n’as plus qu’à faire tes preuves. Et je crois en toi, tu vas y arriver.

Comme tu le sais, Marie est apaisante, sûre d’elle, avec toujours les mots qu’il faut pour te rassurer. Pour te consoler, tout en étant une oreille très à l’écoute des autres. Je l’admire, Marie. Elle est juste. Elle est posée. Nous nous étions rencontrés il y a une vingtaine d’années à l’occasion d’une soirée chez des amis, et ne nous sommes plus jamais quittées. Je lui confiais tout. Encore aujourd’hui, elle est comme une sœur et nous sommes inséparables. Ça doit te rappeler quelque chose…

Je ne t’avais plus à mes côtés, alors c’est évidemment vers elle que je me suis tournée pour mon nouveau projet.

— Ta proposition tient toujours du coup ? Car la banque ne finance pas tout, tu sais je t’en ai parlé.

J’étais un peu gênée, je t’avoue que de lui rappeler qu’elle devait me prêter de l’argent me mettait assez mal à l’aise. Mais elle a été très rassurante.

— Oui Juliette, ma proposition tient toujours. Préviens-moi lorsque tu auras besoin des fonds, que je débloque un compte.

— Ouiiiiiiii super ! Je te dirai ça. Je vais prévenir Marius et reprendre contact avec les vendeurs. Je te rappelle ! Bisous !

Cinquante mille euros. Cette somme, pour moi énorme, elle l’investissait dans ma société, en devenant actionnaire à vingt-cinq pour cent. C’est pour dire la confiance qu’elle avait en moi et en ma volonté. Et encore, ces vingt-cinq pour cent, elle n’en voulait pas. Par principe, j’avais insisté, parce que tu vois, sans elle, rien de tout ça n’aurait été possible. Quant à Marius, eh bien, nous sommes passés de voisins à amis il y a une dizaine d’années. J’avais en lui une confiance absolue. Et tout comme Marie, à ce moment-là, il était prévu qu’il investisse lui aussi cinquante mille euros.

Lorsque je l’ai appelé, j’étais toujours aussi folle de joie.

— Marius ! Allo ?

— Eh ! salut jolie blonde ! Tu vas bien ?

— Mais oui ! Oui ! Ouiiiiiiii ! Devine qui va être associé !

Ma voix tremblait, j’étais envahie de multiples émotions.

— Mais c’est génial ! Ah, je savais que tu y arriverais ! Je le savais ! Félicitation associée !

Que ça m’avait fait du bien de voir que l’on croyait en moi !

— Bon, je vais appeler les vendeurs et on se tient au jus, d’accord ?

— Oui ma grande, pas de soucis, je m’y vois déjà !

— Et moi donc !

J’avais raccroché essoufflée, sous le regard médusé de Cyprien, et je m’étais lancée dans la planification de l’évolution du dossier « Juliette 007 ».

Mon projet était grandiose. Beaucoup n’y croyaient pas. C’était la reprise d’une somptueuse auberge, qui proposait des produits du terroir ainsi que des spécialités de la région.

Fréquentée par une clientèle huppée, elle était ouverte tous les midis, et se situait à la sortie d’une petite commune en pleine expansion et elle fonctionnait déjà très bien. La petite particularité, c’est que le week-end, la grande salle attenante faisait guise de dancing et des cinquantenaires et plus, pouvaient festoyer dans une ambiance cadrée et agréable sur un fond musical adéquat à leur génération. Il y avait peu de temps, les chambres à l’étage, pourtant luxueuses, avaient été en partie transformées en salle de séminaire et en un petit appartement de fonction qui n’avait jamais été habité. Mais aux yeux des habitants du canton, cet établissement resterait à jamais l’auberge du village.

Je me suis vraiment plongée dans les papiers Alma, tu aurais été fière de moi. Le chiffre d’affaires était correct, cependant ils avaient un gros problème de marge. Même très gros. Cela aurait pu paraître inquiétant mais ta cousine Juliette était une aventurière, tu le sais mieux que personne. C’était donc mon défi ! Voilà ce que je me suis dit, et j’ai préparé mon avenir.

Une équipe resterait en place et l’autre partie serait à créer. J’allais devoir commencer à organiser les plannings et à recruter…

Ah, mon Alma, j’étais tout échauffée face aux nouvelles tâches que j’allais devoir accomplir. Marc le vendeur, propriétaire du fonds de commerce mais aussi des murs de l’auberge avait mis en place le dancing depuis moins de deux ans et ne proposait pas de repas ces soir-là, malgré la demande évidente. Je comptais bien développer et proposer des menus dégustations élaborées avec les produits des fermes voisines. L’idée plaisait à mes deux amis associés qui me trouvaient déterminée dans mon nouveau rôle et ils ne cachaient pas leur enthousiasme qui me donnait des ailes.

3

Mon projet se concrétisait, c’était désormais sûr et je passais beaucoup de temps dans cet établissement, qui n’était pas encore le mien.

J’étudiais les bilans en long, en large et en travers, même si je l’avais déjà fait cent fois. Je cherchais la faille, afin de résoudre ce problème de marge lorsque j’en serai l’heureuse propriétaire, mais il y avait quand même quelque chose qui m’échappait. Si tu avais été là, je pense que tu m’aurais stoppé illico dans mon élan. Mais tu n’étais pas là mon Alma, à cause de moi je ne le sais que trop bien.

Je m’imprégnais des lieux pour mes nouvelles idées, et j’en débordais, ce qui n’était pas pour en déplaire à mes deux amis associés. Que tu comprennes bien, notre trio s’était formé uniquement dans mon intérêt. Le but de cette opération étant de m’aider à concrétiser mon projet. Je sais ce que tu penses en lisant ses lignes, et tu me dirais « Ne sois pas si naïve Juliette, bon sang ! Grandis un peu ! » Ah oui je te vois derrière cette lettre comme si tu étais en face de moi…

Puis les rendez-vous pour décrocher des aides financières supplémentaires n’arrêtaient pas. Nous n’étions pas coincés mais prévoir une trésorerie solide nous rassurait. Malheureusement, ces coups de main de l’État espérés ont été une succession d’échecs. Toujours ce problème de marge qui leur faisait peur. L’établissement ne serait pas viable…

S’il n’était pas viable, à la vue de la clientèle présente tous les midis et le week-end dans cette auberge, j’en ai déduit qu’il y avait une très mauvaise gestion ! Mais tu me connais, je ferais mieux. Et ça me paraissait plutôt surprenant, parce que la patronne, la femme de Marc, avait l’air plutôt sérieuse. Il y avait donc quelque chose chez eux à creuser… Cela ne me faisait pas peur, tu penses bien ! J’étais clairement aveuglée par mon optimisme et ma volonté à reprendre cette magnifique et luxueuse auberge. J’y tenais tellement !

La salle de restaurant était presque pleine tous les midis de la semaine et les soirées au dancing étaient juste exceptionnelles. D’ailleurs, je ne comprends pas que ce concept n’ait pas encore été copié dans le secteur. On pouvait y danser jusqu’à cinq heures du matin, tout en y dégustant des champagnes et des vins millésimés que jamais je n’aurais pu m’offrir et bientôt on pourrait y déguster de bons produits régionaux. Un animateur musical était également en place et la clientèle admise dans cet établissement était largement ciblée et filtrée. C’était l’idée du siècle Alma.

Les propriétaires, avec qui nous avions fortement bien sympathisé, nous rassuraient beaucoup. Ils étaient très proches de nous et j’admirais ces gens-là. Je ne sais pas ce que je me suis imaginée à cette époque, mais j’étais fière, Alma. Fière de les côtoyer, fière de leur succéder. Nous savions que Marc ne voulait pas vendre son commerce, qu’il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Mais sa femme n’en pouvait plus, elle était fatiguée des infidélités incessantes de son mari. Je pense qu’il avait dû faire un choix entre l’auberge et sa femme. Pourtant c’est plutôt lui qui portait le pantalon au sein du couple. Leur relation était très étrange, tu l’aurais tout de suite remarqué. Enfin, beaucoup de choses nous ont échappé à ce moment-là et tu me connais, je n’y ai pas prêté plus attention que ça. Je craignais trop de découvrir une réalité curieusement anormale. Peur que mon projet ne se concrétise pas, peur de m’apercevoir que c’étaient des gens saugrenus, déséquilibrés, louches. Je t’en passe, mais j’ai vraiment pensé à ça.

4

Après quelques mois d’échanges, nos rapports sont rapidement passés du professionnalisme à l’amitié. Marie était un peu plus détachée, elle ne les appréciait pas du tout. J’aurais dû y prêter plus attention, essayé de la comprendre ou plus simplement de lui demander des explications. Mais j’ai préféré détourner le regard. Comment dis-tu toi déjà ? Ah oui, faire la politique de l’autruche.

Marius et moi passions presque tout notre temps libre avec eux. Il faut dire que Marc était très avenant et festif et c’était le genre de type qui liait facilement des liens avec les autres et malgré son statut de milliardaire, il restait accessible. Positif, optimiste, vraiment il faisait bon vivre dans son univers. Quant à Suzanne, sa charmante épouse, elle était adorable. Une femme très gentille, professionnelle, avec la tête sur les épaules, le tout sur un brin de naïveté, ce qui faisait tout son charme. Elle était beaucoup plus en retrait que son mari, il y avait comme une forme de soumission tu sais, un truc étrange planait dans l’air lorsqu’ils étaient dans la même pièce. J’ai pensé que ce devait être leur façon de fonctionner. Elle était si douce. Cette femme d’une cinquantaine d’années bien tassées était très élégante avec ses cheveux d’une blancheur particulière, toujours tirés à quatre épingles. Elle me procurait beaucoup de sérénité et me rassurait face à ce nouvel univers qui m’ouvrait enfin les bras.

Ce couple m’avait envouté c’est irrévocable. Marc était un homme grand, arborant une chevelure blonde, qui lui tombait sur les épaules. Il exhibait une carrure musclée, toujours revêtu de costumes de grands créateurs, son allure ne laissait personne indifférent. Sûr de lui, un brin extraverti, il vendait beaucoup de rêve quand il s’exprimait dans son jargon dont lui seul avait la recette et j’étais comme une gamine qui découvrait la vie lorsque j’étais à ses côtés. Une autre vie, que j’avais tant attendue.

***

Et puis il y a eu ce fameux matin.

Comme tous les jours après avoir déposé les enfants à l’école, je me rendais à l’auberge qui se situait à quelques kilomètres de chez moi. Avec Marie et Marius, nous avions bien avancé dans notre dossier, ils m’aidaient beaucoup pour tout ce qui était administratif et ce n’était plus qu’une question de semaines avant que ce soit moi et uniquement moi, qui ouvre cette somptueuse auberge chaque jour. Je me voyais déjà dirigeante de ce complexe atypique, riche et célèbre et laissais mon imagination et mes rêves m’envahir lorsqu’un chevreuil m’a coupé la route. Je peux te dire que je suis vite revenue à la réalité. La panique totale. J’ai freiné de toutes mes forces et ma voiture s’est retrouvée dans le talus. Pas de collision, et la bête s’était enfuie. Je suis sortie de mon véhicule un peu choquée et j’ai dû m’asseoir sur le bas-côté le temps de reprendre mes esprits. Tremblante, je peinais à réaliser ce qu’il s’était passé. Et là, Alma tu me crois ou pas, mais je te jure que j’ai vécu le moment que tu vas lire plus bas.

— Tu l’as manqué de peu, et tu as eu beaucoup de chance par la même occasion jeune fille !

Une voix sortie de nulle part s’était adressée à moi et bien évidemment j’avais sursauté !

— Qui est là ?

Je n’étais pas du tout rassurée et surtout je ne voyais personne, ce qui n’arrangeait rien.

— Tu ne peux pas me voir mais n’aie crainte, j’ai un message pour toi, et même si je n’avais pas prévu cet incident avec le chevreuil, il tombe plutôt bien

Ma tête vacillait dans tous les sens, j’étais en train de rêver ce n’était pas possible autrement. Le choc avait dû être plus violent que je ne l’imaginais. Je me suis empressée de retourner dans ma Toyota mais étonnamment, elle était fermée à clé.

Ah la panique, Alma ! Tu me connais…

— Qui êtes-vous, que voulez-vous ? Montrez-vous, vous me faites peur !

— N’aie pas peur, je t’ai dit que tu ne craignais rien !

— Et je dois vous croire sur parole ? Vous plaisantez !

— Je suis ce qu’il y a de plus sérieux. J’ai un message pour toi. Il risque d’être difficile à entendre, à croire, mais je t’assure que c’est important et je te conseille fortement d’en tenir compte.

Je regardais partout mais je ne voyais toujours personne et comme par hasard, aucun véhicule ne circulait sur cette route pourtant passante d’habitude.

— Je crois que je n’ai pas d’autre choix que de vous écouter, mais qui que vous soyez, je vous en prie, montrez-vous.

— Je ne peux pas Juliette et je pense que ça n’arrivera jamais.

— Vous connaissez mon prénom ?

— Je te connais par cœur Juliette.

— …

— Je sais que ceci a l’air invraisemblable, mais ne cherche pas à en savoir davantage et contente-toi du message que je vais te livrer. Ne me pose aucune question après. Ne parle jamais de moi, de ce moment à quiconque. Est-ce que c’est bien clair pour toi ?

J’étais restée muette, je n’avais pas les mots face à cette situation plus qu’improbable. J’avais même pensé à toi, espérant te trouver cachée dans un buisson, enfin voilà, tu connais bien mon imagination débordante.

— …

La voix avait insisté, sur un ton plus ferme cette fois-ci.

— Est-ce que tu as bien compris ce que je viens de te dire ?

— Oui, j’ai compris.

— Très bien, alors écoute-moi attentivement. Ta vie s’apprête à changer à tout jamais. Nous ne pouvons malheureusement pas revenir en arrière ni changer les choses. Cela causerait un dérèglement du temps, et j’ai cru comprendre que les conséquences qui en découleraient seraient irréversibles et violentes. Cependant, le message que je m’apprête à te révéler, si tu ne l’oublies jamais, te sauvera d’un avenir incertain. Et ça Juliette, tu peux le changer. Il faut que tu comprennes que ta folie des grandeurs va t’entraîner dans la démesure et tu vas être amenée à prendre des décisions – tu as même commencé d’ailleurs – qui vont bouleverser ta vie et t’amener à rencontrer des personnes malveillantes. Tu vas prendre des risques qui vont te confronter à des choses qui te dépassent. Ne te laisse pas déborder par tes émotions, ou par tes rêves qui même si tu ne t’en rends pas encore compte aujourd’hui, ne sont pas les bons.

J’écoutais ces paroles que je ne comprenais pas, mais qui avaient en moi un effet surréaliste. La voix a repris.

— Je dois être sûr, même si à cet instant tu ne sais pas de quoi je parle, que tu n’oublieras jamais ce que je viens de te dire. Je ne pourrai peut-être jamais revenir vers toi.

— Vous êtes bien venu une fois, pourquoi ne serait-ce pas possible de revenir ?

J’avais fait mon arrogante là. J’avais un peu plus d’assurance, extérieurement, évidement.

— Je ne sais pas Juliette, c’est déjà un miracle que je puisse te parler aujourd’hui.

Il n’empêche que je ne savais toujours pas si je rêvais ou si je vivais réellement ce moment…

— D’accord, si vous le dites… Et de qui est ce message ? Je peux le savoir au moins ? Si vous voulez que je vous prenne au sérieux, je dois avoir un minimum d’informations complémentaires. Donc, de qui vient ce message ?

— …

Un vent violent s’était mis à souffler et la voix avait disparu avec la poussière des champs terreux qui s’envolait dans l’air chaud de ce début de printemps.

Déboussolée, j’avais ouvert la portière de ma voiture qui miraculeusement n’était plus verrouillée. J’étais restée assise un instant sur mon siège, en me repassant le film improbable qui venait de se dérouler, avant de reprendre ma route pour l’auberge. Je ne pensais qu’à cette voix, et je n’arrivais pas à savoir si je l’avais imaginée ou si elle m’avait réellement parlée. J’ai roulé sans m’en rendre compte, l’esprit dans le vague de mes pensées errantes.

Quand je suis arrivée sur le parking de l’auberge, j’ai freiné brutalement. Mais que venait-il de m’arriver ? Est-ce que l’on me voulait du mal ? Quelles décisions ne devais-je pas prendre ? J’étais désorientée, mais je devais faire face à mes émotions et tenter aussi bien que mal de ne pas laisser paraitre ma stupéfaction et ma crainte naissante. Dès que j’eus passé la porte d’entrée, Suzanne avait réagi immédiatement.

— Salut Juliette ! Tu n’as pas l’air en grande forme aujourd’hui ! Sacrée tête que tu nous fais là !

Elle souriait aimablement, comme d’habitude.

— Si, ça va. J’ai juste un peu la tête ailleurs mais ça va, ne t’inquiète pas.

Je lui avais glissé au passage un sourire généreux et c’était passé comme une lettre à la poste.

J’avais très envie d’appeler Marie et de tout lui raconter. Mais les consignes étaient claires, personne ne devait jamais savoir. Et puis toi-même tu me dirais que c’est abracadabrant cette histoire, alors, même mon amie de toujours ne me croirait pas non plus. Elle m’aurait sûrement prise pour une folle. Je me voyais bien lui dire qu’une voix était venue me parler, et que je n’avais vu personne. Elle m’aurait fait interner dans la foulée…

En attendant Alma, même aujourd’hui, je ne sais toujours pas si je l’ai fantasmée ou pas. Si seulement tu avais été là, toi tu savais tout, tu comprenais tout.

En tout cas, j’avais décidé d’oublier ce qu’il s’était passé. Ma décision était prise, je n’y penserais plus et je reprenais normalement le cours de ma vie là où je l’avais laissé. Marc était arrivé sur ce fait, et j’avais accepté un verre de Côte-Rôtie 2011 qu’il m’avait gracieusement proposé. Je n’avais plus envie de me poser des questions, rien de tout ça n’était arrivé, point final ! Tu vas encore me parler de l’autruche, je sais bien.

5

Puis les semaines passaient, et les festivités s’enchaînaient, comme jamais je n’avais connu cela. J’ai découvert ce milieu qui fusionnait festivités, gestion et contribution de soi. Marc devenait donc mon mentor dans ce nouveau monde. Suzanne m’accueillait à bras ouverts et me considérait comme une petite sœur. Je me sentais bien avec eux, même si parfois je trouvais que Marc la mettait trop de côté. Je te dirais même que c’était embarrassant mais en femme soumise, elle ne s’opposait jamais.

Il y avait aussi cette femme, Carmen, leur belle-sœur. Les cheveux d’un rouge éclatant, toujours lâchés mais jamais négligés, lui donnaient un style atypique. Elle était toujours présente, toujours là, dans les parages et Marius ne l’appréciait pas plus que moi. Quant à Marie, je ne t’en parle même pas, elle la supportait encore moins. Je ne comprenais pas ce que cette femme faisait toujours avec nous. Le genre de pin-up peu habillée, maquillée à outrance, et la poitrine toujours à l’air. Et crois-moi elle n’était pas toute jeune. Je ne suis pas sûre mais je pense qu’elle approchait la soixantaine. Mais nous devions faire avec, Carmen avait l’air d’avoir de l’importance aux yeux de Marc.

D’autant plus que nous passions beaucoup de temps avec nos nouveaux amis, chez eux, et les invitations ne cessaient. Leur maison, Alma, un château. Considérablement démesurée et sublime. Je ne saurais dire combien de pièces la composaient, mais c’était le rêve absolu. La première fois que nous avions été conviés à une de leurs soirées mémorables, j’avais cru entrer dans le palace de mes rêves. Nos hôtes nous avaient fait visiter en partie leur demeure avec fierté, ce qui nous avait pris un temps infini. Le marbre habillait les pièces du sol au plafond. Je ne te parle même pas des tableaux de peintres mondialement connus qui se trouvaient dans presque toutes les chambres. Des œuvres d’art émerveillaient nos yeux lorsque l’on passait d’une pièce à une autre. Et ce grand couloir, quelque peu effrayant, se terminait au pied d’un escalier, tout fait de marbre également. Malheureusement, nous n’avions pas eu accès au sous-sol, ou d’après les rumeurs, il s’y trouverait une petite galerie menant à diverses pièces secrètes. Rumeurs répandues sûrement par des concurrents ou des personnes jalouses, enfin c’est ce que j’ai supposé. Ils n’avaient pas souhaité que l’on aille plus loin dans la visite, ce qui avait surpris Marius, qui s’y était presque engagé et avait dû rebrousser chemin. Leur réaction suggérait qu’il se cachait quand même quelque chose de louche là en bas. Moi franchement je n’en ai pas fait de cas, tu sais bien pourquoi.

Tout ce que je voulais c’était les garder proches de moi et approfondir la relation avec leur cercle d’amis, qui était devenu le nôtre. Doucement, je me créais le réseau tant espéré au milieu d’ingénieurs, de notables, de propriétaires de vignoble, de chirurgiens et je t’en passe. J’y ai même rencontré une star du grand écran. Tu imagines ! La belle vie, c’est ça. Nous vivions la belle vie. Je n’étais pas peu fière et le temps passé avec eux était toujours aussi merveilleux.

Malheureusement, au bout de quelques semaines passées à leurs côtés, Marius, désillusionné, pensait que Marc cachait quelque chose et Marie, qui avait déjà évoqué le caractère particulier de ce monsieur, n’en pensait pas moins. Ce qui m’agaçait au plus haut point évidemment. Elle l’avait connu il y avait quelques années dans des circonstances qui ne lui avaient pas du tout plus et ne voulait pas en parler. Quelle surprise lorsqu’elle avait compris que le vendeur c’était lui ! Sa première réaction m’avait étonnée, elle était plutôt méfiante et craintive, mais comme je ne voulais pas gâcher l’enchantement qui fleurissait enfin ma vie, je n’avais pas relevé et je ne lui avais surtout rien demandé. Mais désormais, ils étaient deux à se méfier. Marius avait bien prévu de me faire la morale et de partager ses craintes avec moi. Il avait demandé à me voir en tête à tête, et était donc passé à la maison. Qu’est-ce qu’ils croyaient tous les deux ? Que j’allais prendre mes distances avec mes mentors ? Que j’allais renoncer à ma somptueuse auberge pleine de clients richissimes ? Si tel était le cas, autant te dire qu’ils se trompaient profondément. Je touchais mon but du bout des doigts. Rien ne pouvait plus m’arrêter.

Je ne te cache pas que le discours de Marius m’avait vraiment ennuyé.

— Salut ma belle blonde ! Tu vas bien ?

Il était entré chez moi et s’était dirigé directement vers la terrasse. Message compris !

— Je suppose qu’une petite bière s’impose ?

— Avec plaisir ! Mais ne crois pas que tu vas pouvoir m’amadouer miss Juliette ! Je suis venu te donner mon ressenti sur Marc et sur la tournure que prend cette relation.

Son ton devenait plus sérieux.

— Oui, je sais que tu ne le sens pas, qu’il y a des choses qui t’échappent…

Il me coupa.

— Oui, je ne le sens pas, il est fourbe. Certes, nous passons de bons moments, il nous reçoit toujours bien mais il cache quelque chose de pas très clair, son comportement est bizarre, tu ne le vois pas ?

Je ne savais pas si je distinguais un peu de jalousie dans ses paroles confuses ou s’il était vraiment inquiet. J’avais tenté de le rassurer sans pouvoir m’empêcher de lever les yeux au ciel.

— Mais non, on s’entend bien c’est tout, pourquoi chercher midi à quatorze heures ?

Il n’était pas convaincu…

— Je le vois te regarder, et c’est assez gênant devant Suzanne. Franchement Juliette tu ne vas pas tomber dans son panneau, pas toi quand même ! Ce n’est pas notre monde, nous sommes juste-là pour récupérer cette auberge, alors OK, ce serait dommage de ne pas en profiter, mais méfie-toi. C’est un séducteur, tu le sais bien, et n’oublies pas les raisons de notre présence avec eux, c’est professionnel, et même si nous avons lié un beau début d’amitié, tu ne dois pas pour autant en oublier les bases. En plus, il y a quelquefois… Enfin, je veux dire, tu ne trouves pas qu’il fait un peu psychopathe ?

Je n’avais pu retenir mon rire…

— Je sais ne t’inquiète pas ! Après, oui ! Il est réputé pour être un peu schizophrène, bipolaire et alors ? Avec nous il est top, il nous reçoit bien, pas de fausses notes en vue et surtout il peut changer d’avis à tout moment et ne plus me céder cette auberge. Alors tu vois, je veux bien faire abstraction de sa schizophrénie. Et puis tout ça, ce sont peut-être des calomnies, non ? Tout le monde le jalouse. Et concernant ses regards insistants, tu te trompes. Il entretient une relation avec Carmen déjà, ce qui prouve bien que je ne suis pas son genre de femme. Je ne crains rien je t’assure !

Il me blasait. Je voyais bien qu’il était devenu possessif, et ses réflexes d’avant revenaient, comme lorsque nous l’avions connu.

Il insistait.

— Je sais que tu es flattée Juju, qui ne le serait pas ! Ce grand Marc, milliardaire tout puissant en impose, c’est vrai. Mais il te met un peu trop sur un piédestal je trouve. Il ne te connait que de peu, alors pourquoi tout ce cinéma ? Sois honnête, ce n’est pas louche quand même ? Fais attention à toi, Marie le connaît d’avant, tu n’as pas oublié ce qu’elle nous a dit ! Et puis je n’arrête pas de repenser à son sous-sol, ils nous cachent un truc…

Cette fois, j’étais partie en fou rire incontrôlé.

— Oui, il doit y avoir des cadavres, lui avais-je dit en m’étouffant.

Et j’avais ri, mais ri de toutes mes forces lorsqu’il avait acquiescé.

C’est vrai que j’étais flattée, et que parfois ça pouvait être gênant, mais nous n’étions jamais rien que tous les deux donc il n’y avait pas d’inquiétude à avoir ! S’il avait une idée derrière la tête, c’était son problème. Me concernant, j’avais un but à atteindre et je ne me laisserai pas désabuser pour autant ! Et son histoire de cadavre au sous-sol, il fallait qu’il arrête les séries américaines lui aussi ! Je n’avais pas cherché plus loin, ce qui comptait c’était que les vendeurs ne changent pas d’avis et que je signe au plus vite l’achat de cette grande et somptueuse auberge.

— C’est bon tu as fini de rire ? Tu vas me prendre au sérieux maintenant ?

Marius était réellement agacé.

— Oui je te prends au sérieux et ne t’inquiète pas Marius, cet homme ne me plait pas, il a une aventure avec Carmen, rien que ça, c’est rédhibitoire. En plus, Marie se méfie, elle a dû en entendre parler, je suppose, même si en attendant, on ne sait rien de ses craintes. D’ailleurs, il faudra qu’à l’occasion nous creusions le sujet avec elle. Donc d’accord, je me méfie aussi, mais j’irai quand même jusqu’au bout de mon rêve.

— Je ne sais pas Juliette… Je ne sais plus si c’est une bonne idée.

Marius avait fini sa bière écossaise et avait pris congé avant le retour de Cyprien.

Ce n’était toujours pas le top du top entre nous, je dirais même une très mauvaise période, et je ne savais pas si cela pourrait s’arranger. Il m’avait tellement laissée de côté dans le passé que là, avec ce projet et cette nouvelle vie, je revivais.

Tu te souviens qu’avec Cyp ça avait été le coup de foudre ? Si grand, si beau, mon surfeur. Nous nous étions rencontrés lors d’un pique-nique géant à l’occasion de la fête des voisins de notre village. Nous vivions chez nos parents qui étaient devenus amis, ce qui avait facilité nos premiers échanges. Nous ne nous sommes rapidement plus quittés et quelques années après notre rencontre, notre petit Mika arrivait. Et comme tu le sais, Gabriel est arrivé ensuite. J’étais si heureuse.

Mais tu vois Alma, les années ont défilé et l’homme que je croyais aimer ne m’a apporté que trop de désillusions. Je m’ennuyais terriblement avec lui, il était si absent. Tu sais que pendant six mois j’ai dormi sur le canapé ! Je mettrais ma main à couper qu’il ne l’avait même pas remarqué…

Le constat de notre vie de couple était déjà bien mitigé, mais une chose est sûre, notre routine laborieuse ne me convenait plus.

6

Ce même soir, il est rentré tôt, bien décidé à me faire changer d’avis sur mon avenir… plutôt maladroitement.

— Salut Juliette, ta journée s’est bien passée ?

— Oui, ça a été. Tu rentres bien tôt dis donc, tu ne m’as pas habituée à ça.

Il fallait quand même que je lui place avec ironie :

— J’ai besoin de te parler…

Il avait remis ses appréhensions sur le tapis. Pour une fois que j’avais refusé une invitation des vendeurs pour rester à la maison…

Il avait lancé les hostilités en me regardant préparer à manger. Rose-Marie passait la soirée chez une voisine, ça tombait bien.

— Écoute Juliette, tu n’es plus là, ce projet devient une obsession, j’ai l’impression que tu en fais un peu trop là, tu vois ?

Son ton était réservé, je pense qu’il n’osait pas me parler clairement.

— Oh mais Cyp ! Ce n’est plus un projet ! Ça y est, ça se fait et c’est très prenant. Comprends-tu que c’est une grosse entreprise ? Et que dans quelques semaines elle sera à moi ? Pourquoi n’es-tu pas fier de ta femme ? Je vais reprendre l’auberge la plus somptueuse du coin, Cyp !

Je savais qu’il ne comprenait pas, le monde des affaires ce n’était pas sa tasse de thé, alors si en plus je sympathisais démesurément avec les vendeurs, là, c’en était trop.

Il avait tout de même repris avec plus de hargne :

— Oui, dans quelques semaines, comme tu dis. En attendant je ne vois pas l’intérêt d’y passer autant de temps et de passer toutes tes soirées avec ces gens-là. En plus, hier, mon patron m’a parlé du propriétaire, le Marc, il le connaît très bien et je peux t’assurer que ce qu’il m’a dit ne m’a pas rassuré du tout et que tu sois en contact avec ce type m’effraie plus qu’autre chose ! Il y a des rumeurs sur lui…

Là, je l’avais coupé, c’était exagéré. Il m’agaçait à le dénigrer comme ça. J’étais sûre qu’il aurait pu inventer n’importe quoi pour me faire revenir en arrière.

— Tu n’y connais rien, Cyp ! C’est un homme qui fait des affaires et c’est sûr qu’il ne peut pas être aimé de tout le monde ! Les gens sont jaloux un point c’est tout ! Tu ne peux pas comprendre de toute façon ! lâchai-je sèchement.

— Juliette, mon patron est un homme d’affaires aussi, et il dit que ton Marc est… »

— STOP ! Maintenant, tu arrêtes je ne veux plus rien entendre. On ne reviendra pas en arrière, Cyp, que ça te plaise ou non.

J’avais mis fin à la conversation et appelé les enfants qui jouaient dans leur chambre. J’étais un peu tendue et franchement, si j’avais su que la soirée se passerait comme ça, je serais restée festoyer à l’auberge.

Il avait toujours été terriblement absent et maintenant qu’il décidait de s’intéresser à moi parce qu’il sentait que je lui échappais, je devais laisser tomber mon rêve ? Eh bien non ! S’il ne voulait pas comprendre que je visais un avenir prometteur et bien tant pis pour lui.

Le repas s’était terminé en silence, et je suis montée à l’étage lire une histoire à mes deux amours, qui eux, étaient ravis que je sois à leur côté ce soir-là. Je ne cessais de penser que Cyprien exagérait. C’était un comble pour quelqu’un comme lui qui avait passé sa vie au travail sans même se préoccuper de sa petite famille.

Tu le sais Alma, que j’ai cette maudite faculté à toujours ressasser les choses du passé, et que sûrement je m’en sers pour expliquer mes faits ou mes décisions, mais crois-tu vraiment que j’étais à côté de la plaque ? Que m’aurais-tu conseillé, mon Alma ?

Et cette voix inattendue, sortie de nulle part ce fameux matin de printemps, était-elle réelle ? De quoi voulait-elle m’avertir ? Que ma décision de mener mon projet à terme déclencherait des disputes continuelles avec Cyprien ? Bien que ça me paraisse légèrement dérisoire, j’aime à penser que si tel était le cas, l’avertissement était plutôt disproportionné. Ou peut-être que je me lançais dans une aventure trop périlleuse pour moi ? Ai-je imaginé tout ça ? Ce soir-là, j’étais perdue et je ne pouvais en parler à personne. Encore fois, je te le dis, toi mon Alma, tu aurais su quoi me répondre.

J’ai fini par me laisser couler dans un bain bien chaud, comme j’aimais tant le faire, et je me suis endormie dans un nuage de mousse parfumée.

7

Les journées suivantes se remplissaient à une vitesse folle. Je préparais mon « timetable », comme on dit et je ne cessais de faire des plans sur la comète. Marie, comme convenu, et malgré ses réticences à l’encontre de nos vendeurs, avait investi dans la société cinquante mille euros. J’étais ravie, ça se concrétisait, ça avançait vraiment cette fois. J’avais fait de même, c’était toutes mes économies. J’avais tout donné. Marius nous avait annoncé qu’il était un peu coincé financièrement à cet instant, mais que d’ici peu, tout se débloquerait. Il attendait une grosse entrée d’argent et ferait la transaction à ce moment-là. Ce n’est pas ce que Marie et moi avions compris au départ. Cet argent, il nous avait pourtant dit qu’il l’avait. Ce qui ne l’a pas empêché de signer et de prendre lui aussi vingt-cinq pour cent des parts. Et malgré les soupçons avisés de mon entourage, je lui avais tout de même offert ces quelques parts sociales. Marie n’était pas convaincue de ses bonnes intentions, mais c’était mon ami, j’avais confiance en lui. Il allait tenir ses engagements. C’était évident.

Une fois le dossier administratif bouclé, l’argent débloqué et le prêt validé, nos vendeurs, Marc et Suzanne sont, quant à eux, partis en vacances. Nous n’avions pas trouvé cette attitude très professionnelle. Je pense qu’ils avaient bien le temps de prendre leurs congés une fois cette affaire conclue. Mes associés parlaient de comportement suspect mais bon, j’imagine qu’ils avaient besoin de se retrouver même si je l’avoue, j’ai jugé moi aussi un peu inattendue cette façon de faire qui n’était pas très sérieuse. Est-ce que d’être immensément riche donne le droit d’agir comme on en a envie ? J’espérais bien le savoir un jour en tout cas, parce qu’avec cette auberge, c’était bien le but que je m’étais fixé.

Nous avions dû prendre toutes les dispositions nécessaires via des signatures électroniques et correspondre par courriel. Surprenant mais après tout, ils étaient nos nouveaux amis, et nous étions, d’accord, surtout moi, dans une confiance absolue et bien que ce soit beaucoup de travail, j’étais très heureuse de la tournure que prenait ma vie.

Madame Juliette Lime, chef d’entreprise et pas n’importe laquelle s’il vous plait ! Je n’étais pas peu fière, je te l’avoue.

Il n’y avait plus qu’à attendre le retour des vacanciers pour officiellement récupérer les clés de l’auberge. En attendant, je rêvassais, allongée sur mon transat bien confortable profitant des derniers rayons de soleil de cette agréable fin de journée. Je ne savais pas encore comment j’allais me positionner. Quelle serait ma place ? Il ne fallait pas oublier que malgré mes deux associés, qui étaient là pour moi, mais uniquement sur le papier et qui avaient leurs vies et leurs emplois respectifs, j’allais devoir, concrètement, prendre à moi seule la place du couple. Marius travaillait dans le multimédia. Nous n’avons jamais réellement compris en quoi consistait son rôle, et comme il était de nature plutôt discrète, nous n’en saurions jamais plus, j’imagine. Il avait bien évolué le petit Marius. Je ne sais pas comment il s’y était pris mais il avait grimpé les échelons à une vitesse incroyable. Ce petit jeune de banlieue qui avait grandi dans la roulotte de mes voisins d’enfance était désormais un homme.

— Juliette, hé ho Juliette ! Tu vois, même à la maison tu sombres dans tes pensées !

Cyprien était rentré, il était énervé.

Il était toujours tendu ces derniers temps, alors j’ai envie de te dire que ça ne changeait pas grand-chose.

Il avait tenté, encore, de me dissuader, persuadé que c’était un établissement trop grand pour moi toute seule et que cette cession de l’auberge était plus que louche. Il ne voulait vraiment pas accepter que ce soit fait, qu’on ne reviendrait pas en arrière. Bien sûr que j’étais un peu paniquée à l’idée de prendre les rênes de ce complexe, mais je me sentais si fière ! Un pas de plus en direction d’une vie meilleure, que Cyprien ne voulait pas. Il me disait que j’étais aveuglée par Marc, que je lui donnerais le Bon Dieu sans confession, que je ne me rendais pas compte de l’endroit où je mettais les pieds. Il s’est même servi des enfants pour me faire culpabiliser. Tu te rends compte ! J’encaissais ses reproches dix fois par jour. Mais je n’ai pas cédé.

Mon quotidien s’était déjà transformé petit à petit. Tu penses ! Marc et Suzanne étaient enfin revenus de leurs vacances inattendues et je passais de nouveau toutes mes journées à l’auberge. Il manquait finalement un dernier document pour concrétiser notre affaire. J’avais donc dû attendre encore un peu. Je commençais à connaître beaucoup de monde et à rentrer tard, parce que oui, on travaillait mais il y avait aussi ce nouveau monde et ces nouvelles personnes que j’adorais. Je me sentais vivre, je me sentais exister.

Par conséquent, ma relation avec Cyprien est devenue de plus en plus compliquée. Marc l’avait bien compris et le lien qui s’était lié rapidement entre nous et qui inquiétait tant mon ami Marius se développait encore plus. Cet homme d’une cinquantaine d’années ne me lâchait plus. Même depuis son île paradisiaque où il avait pris du bon temps en attendant la vente finale. Il ne cessait de m’envoyer des photos et des petits messages, comme pour garder le lien soudé. J’étais extrêmement flattée, un peu gênée pour Suzanne, mais je me laissais embarquer dans cette amitié passionnelle qui se créait. J’en oubliais presque nos rapports de base à respecter et les mises en gardes de… de tout le monde en fait. Mais cet homme était entreprenant et entrepreneur. Il avait tout de suite compris que le moment était venu de me proposer l’appartement situé au-dessus de l’auberge. Cette proposition était pour le moins surprenante et elle annonçait le début d’une nouvelle vie qui s’offrait à moi. Étais-je prête à prendre cet appartement ? À quitter Cyprien ?

Eh bien voilà Alma, j’ai foncé tête baissée. J’ai accepté cette proposition alléchante sans prendre vraiment conscience que je signais la fin de mon histoire avec Cyp. Pour que Suzanne ne trouve pas étrange cette soudaine générosité, il m’avait proposé d’augmenter le loyer de l’auberge de mille euros par mois, seulement, disait-il, car cela devait rester officieux. Apparemment, les habitations ne sont pas autorisées dans cette zone et cela devait rester discret. Une fois la vente effectuée, il prendrait les dispositions nécessaires à la déclaration de ce logement nouvellement habité. Je n’étais pas sûre de tout assimiler mais naïvement, j’ai accepté.

Marius, ravi de pouvoir passer plus de temps avec moi, s’était presque installé à l’auberge en attendant que je prenne possession des lieux. Je voyais bien qu’il était fier de ce qui nous arrivait et qu’il prenait son rôle au sérieux. Ces temps-ci, je commençais à me rendre compte qu’il aimait se mettre en avant. Un côté de lui que j’ignorais. Et comme tu le sais Alma, toi qui as toujours des expressions toutes faites, chasser le naturel, il revient au galop. Il buvait beaucoup et consommait beaucoup de drogue aussi. Comme à l’époque de notre enfance. C’est bien pour ça, d’ailleurs, qu’on ne le côtoyait, pas si tu te souviens bien. Mais j’ai vraiment fait abstraction de toutes ces choses que je voyais, je voulais garder cette image de mon ami, qui avait grandement évolué depuis que je le connaissais. Et qui était aujourd’hui mon associé.

Ensuite, il avait fallu que je parle à Cyprien. Il était temps de lui dire ce que je projetais de faire, que notre vie à deux n’avait plus d’avenir, que j’allais partir et lui parler de mon nouvel appartement. C’était dur Alma. Facile de prendre des décisions, faut-il encore être capable de les assumer…