Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Bienvenue dans la collection Les Fiches de lecture d’Universalis
Écrits à Guernesey en 1864 et 1865, et publiés l’année suivante simultanément à Bruxelles et Paris,
Les Travailleurs de la mer sont certainement, des œuvres composées par Victor Hugo (1802-1885) pendant l’exil, celle qui doit le plus au lieu lui-même.
Une fiche de lecture spécialement conçue pour le numérique, pour tout savoir sur Les Travailleurs de la mer de Victor Hugo
Chaque fiche de lecture présente une œuvre clé de la littérature ou de la pensée. Cette présentation est couplée avec un article de synthèse sur l’auteur de l’œuvre.
A propos de l’Encyclopaedia Universalis :
Reconnue mondialement pour la qualité et la fiabilité incomparable de ses publications, Encyclopaedia Universalis met la connaissance à la portée de tous. Écrite par plus de 7 400 auteurs spécialistes et riche de près de 30 000 médias (vidéos, photos, cartes, dessins…), l’Encyclopaedia Universalis est la plus fiable collection de référence disponible en français. Elle aborde tous les domaines du savoir.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 73
Veröffentlichungsjahr: 2015
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.
ISBN : 9782852294776
© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.
Photo de couverture : © Monticello/Shutterstock
Retrouvez notre catalogue sur www.boutique.universalis.fr
Pour tout problème relatif aux ebooks Universalis, merci de nous contacter directement sur notre site internet :http://www.universalis.fr/assistance/espace-contact/contact
Ce volume présente des notices sur des œuvres clés de la littérature ou de la pensée autour d’un thème, ici Les Travailleurs de la mer, Victor Hugo (Les Fiches de lecture d'Universalis).
Afin de consulter dans les meilleures conditions cet ouvrage, nous vous conseillons d'utiliser, parmi les polices de caractères que propose votre tablette ou votre liseuse, une fonte adaptée aux ouvrages de référence. À défaut, vous risquez de voir certains caractères spéciaux remplacés par des carrés vides (□).
Écrits à Guernesey en 1864 et 1865, et publiés l’année suivante simultanément à Bruxelles et Paris, Les Travailleurs de la mer sont certainement, des œuvres composées par Victor Hugo (1802-1885) pendant l’exil, celle qui doit le plus au lieu lui-même. Cette influence s’accentue par la suite : au roman, intitulé initialement L’Abîme, et achevé en avril 1865, Hugo ajoute en effet, en mai, un livre liminaire, « L’Archipel de la Manche », qu’à la demande des éditeurs il consent à retirer de l’ouvrage avant de le réintégrer en 1883. Un autre long chapitre descriptif, « La Mer et le vent », daté de février 1865 et détaché dans les mêmes circonstances, sera publié en 1911. Il se trouve depuis placé en addenda du roman, sous l’appellation de « reliquat ». Ainsi approximativement reconstitué, l’ensemble met en évidence l’importance du décor marin de l’archipel anglo-normand où l’écrivain va vivre, méditer et créer de 1855 à 1870.
Le Fou, Victor Hugo. «.Il se tient tout entier hors de l'écume, et, s'il y a à l'horizon des navires en détresse, blême dans l'ombre, la face éclairée de la lueur d'un vague sourire, l'air fou et terrible, il danse..»Les Travailleurs de la mer, Victor Hugo (1802-1885). Dessin à la plume et aquarelle, Le Fou, 1850. Musée Victor Hugo, Paris. (AKG)
Entre ce préambule et cet épilogue, qui mêlent érudition géographique et historique, description naturaliste, souffle épique, vision poétique et réflexion philosophique, le récit proprement dit se divise en trois parties, d’inégale longueur. La première, intitulée « Sieur Clubin », présente les principaux protagonistes et met en place les ressorts de l’intrigue : Mess Lethierry, vieil armateur de Guernesey, possède un bateau à vapeur, La Durande, qui assure la liaison avec Saint-Malo, au grand mécontentement des marins de l’île qui voient d’un mauvais œil ce progrès technique. L’un d’entre eux, Clubin, aidé de son complice Rantaine, échoue volontairement le navire sur des récifs. Au cours du naufrage, Clubin est emporté par une pieuvre géante et disparaît avec son secret. Lethierry promet la main de sa nièce, Déruchette, à qui parviendra au moins à sauver les machines du navire. La deuxième partie, « Gilliatt le malin », forme le cœur du roman : Gilliatt, un pêcheur solitaire mal vu de la population de l’île, se lance dans l’aventure par amour pour Déruchette. Les trente-sept chapitres qui suivent sont le récit halluciné du terrible combat mené par le héros contre la nature hostile. Résistant à la faim, à la soif et à l’épuisement, surmontant tous les obstacles, essuyant une terrible tempête, affrontant enfin la pieuvre géante qui avait emporté Clubin, Gilliatt, à force d’intelligence et de ténacité, parvient à transborder les machines sur sa frêle embarcation, et à les ramener à Saint-Sampson. La troisième partie, « Déruchette », beaucoup plus courte, est l’implacable épilogue de cette histoire : surprenant une conversation qui lui révèle que Déruchette est éprise du pasteur Ebenezer, Gilliatt renonce à celle qu’il aime. Et, comme Lethierry s’oppose à cette union, il va jusqu’à aider les deux amants à s’enfuir. Cet ultime sacrifice accompli, il se laisse engloutir par les eaux.
Dans la Préface de 1866, Hugo replace Les Travailleurs de la mer au cœur d’une trilogie de la fatalité : « L’homme a affaire à l’obstacle sous la forme superstition, sous la forme préjugé, et sous la forme élément. Un triple anankè pèse sur nous, l’anankè des dogmes, l’anankè des lois, l’anankè des choses. Dans Notre-Dame de Paris, l’auteur a dénoncé le premier ; dans Les Misérables, il a signalé le second ; dans ce livre, il indique le troisième. » Mais il ajoute : « À ces trois fatalités qui enveloppent l’homme se mêle la fatalité intérieure, l’anankè suprême, le cœur humain. » L’objet de ce deuxième roman de l’exil sera donc la lutte de l’homme contre la nature, manifestée ici par l’océan. Récit d’une double quête mystique – celle de La Durande, machine moderne, symbole du progrès humain, et de Déruchette (le diminutif même de La Durande), autrement dit l’amour –, qui verra le héros venir à bout des éléments avant de céder face à l’« anankè suprême ». Ainsi, à l’image du navire de Lethierry, la foi dans le travail humain vient s’échouer et s’engloutir dans l’abîme du cœur humain. Mais si l’hymne au progrès s’achève en plainte mélancolique, le sens du roman ne saurait se réduire à un apparent renoncement devant des forces que nous ne maîtrisons pas. Car l’expérience du héros, dans la mesure où elle témoigne de la capacité de l’homme à dépasser ses limites, constitue une véritable initiation : au terme de ce séjour passé dans la grotte marine, comme au sein des Enfers, Gilliatt, après avoir affronté mille épreuves et vu plusieurs fois ses efforts anéantis, sur le point de mourir, suscite finalement la pitié divine et renaît transfiguré : « Si cet homme nu n’était pas mort, il en était si près qu’il suffisait du moindre vent froid pour l’achever. Le vent se mit à souffler, tiède et vivifiant ; la printanière haleine de mai. Cependant le soleil montait dans le profond ciel bleu ; son rayon, moins horizontal, s’empourpra. Sa lumière devint chaleur. Elle enveloppa Gilliatt. [...] Une prodigalité de lumière se versa du haut du ciel ; la vaste réverbération de la mer sereine s’y joignit ; le rocher commença à tiédir, et réchauffa l’homme. Un soupir souleva la poitrine de Gilliatt. Il vivait. » Et il n’est pas jusqu’à la disparition finale dans l’abîme qui, par un renversement typiquement hugolien, ne se transforme en assomption après le sacrifice suprême.
Si, des trois romans de l’anankè, celui-ci est le moins populaire, cela tient sans doute à sa « pureté ». Ici, nulle fresque historique, nulle allusion à l’actualité politique, nulle concession aux procédés du roman-feuilleton ; la tentation même du pittoresque y est vite réprimée. La profusion du personnel romanesque qui caractérise Notre-Dame de Paris et Les Misérables cède la place à une remarquable économie : figures importantes mais guère développées, Lethierry, Déruchette, Clubin, Ebenezer s’effacent derrière la silhouette à la fois envahissante et floue de Gilliatt, le frustre, le taciturne, le mystérieux, mi-homme mi-bête, « monstre » dans la lignée des Quasimodo, Valjean ou Gwynplaine. L’intrigue elle-même ne révèle guère de rouages compliqués. Elle se résume à un effrayant huis clos, si l’on peut dire, entre un héros quasi muet et l’océan qui l’entoure. Dans ce poème en prose de cinq cents pages où le spectacle de la nature nous est décrit avec une extraordinaire virtuosité, associant la permanence des motifs et des images à un constant renouvellement des formules, se manifeste, plus que dans aucun autre de ses romans, le génie visionnaire sans doute, mais d’abord visuel, de Victor Hugo, comme en témoignent les superbes dessins qui illustrent le manuscrit original.
Guy BELZANE