Listen to your Heart - Léticia Joguin-Rouxelle - E-Book

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Léticia Joguin-Rouxelle

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Beschreibung

Tome 1/4 Grace et Lilian, deux êtres profondément écorchés par la vie, ne croyaient plus en rien et surtout pas en l'amour. Mais quand le destin s'en mêle, peuvent-ils réellement lutter contre cette attraction? Entre rancoeur, peur et désir, Grace et Lilian vont devoir faire un choix : tenter le tout pour le tout ou se protéger coûte que coûte... La raison fera t-elle le poids face au plus pur des sentiments ? Pour le savoir écoutez l'appel de l'amour et suivez le rythme de sa mélodie.

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Seitenzahl: 574

Veröffentlichungsjahr: 2023

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DÉDICACE

Sommaire

JE NE PROMETS RIEN

PROLOGUE

CHAPITRE 1

Grace

Lilian

CHAPITRE 2

Lilian

Grace

CHAPITRE 3

Lilian

Grace

CHAPITRE 4

Grace

Lilian

CHAPITRE 5

Grace

Lilian

CHAPITRE 6

Grace

CHAPITRE 7

Lilian

CHAPITRE 8

Grace

Lilian

CHAPITRE 9

Lilian

Grace

CHAPITRE 10

Lilian

CHAPITRE 11

Grace

CHAPITRE 12

Lilian

Grace

CHAPITRE 13

Lilian

Grace

CHAPITRE 14

Grace

Lilian

CHAPITRE 15

Grace

Lilian

CHAPITRE 16

Grace

Lilian

CHAPITRE 17

Grace

Lilian

CHAPITRE 18

Grace

CHAPITRE 19

Lilian

CHAPITRE 20

Grace

CHAPITRE 21

Lilian

Grace

CHAPITRE 22

Lilian

Grace

CHAPITRE 23

Lilian

Grace

CHAPITRE 24

Lilian

Grace

CHAPITRE 25

Lilian

Grace

CHAPITRE 26

Lilian

Grace

CHAPITRE 27

Lilian

Grace

CHAPITRE 28

Lilian

Grace

CHAPITRE 29

Lilian

Grace

CHAPITRE 30

Lilian

Grace

CHAPITRE 31

Lilian

Grace

CHAPITRE 32

Lilian

Grace

CHAPITRE 33

Lilian

Grace

CHAPITRE 34

Lilian

Grace

CHAPITRE 35

Lilian

Grace

CHAPITRE 36

Lilian

Grace

CHAPITRE 37

Lilian

Grace

CHAPITRE 38

Lilian

Grace

CHAPITRE 39

Grace

CHAPITRE 40

Grace

CHAPITRE 41

Grace

CHAPITRE 42

Lilian

CHAPITRE 43

Grace

CHAPITRE 44

Lilian

ÉPILOGUE

JE NE PROMETS RIEN

Je ne promets rien,

Je ne demande rien,

Je veux juste un chemin

Qui s’appellera demain

J’écris des paroles de chansons,

Sur lesquelles s’inscrit ton nom

Je ne te promets rien

Sinon de t’aimer sans écrin

Je ne promets rien,

Ni les caresses des soirs d’étés

Ni les demains ensoleillés

Je ne promets rien

Je veux juste qu’on écoute nos cœurs et nos corps

Je veux juste qu’on se laisser porter…

Si la raison se trompait encore

Me laisseras-tu partir sans remords

Sans tenter de m’aimer?

Je ne promets rien d’autre

Que des baisers

Desquels, je voudrais que tu deviennes apôtre

Je ne promets rien d’autre

Que t’aimer ici et maintenant

Que t’aimer tout simplement

Sans qu’aucune question ne soit posée

Je ne veux rien d’autre que tes bras

Dans lesquels, je me sens moi

Et souvent, je te dis…

Souvent, je t’écris…

Essayons… On verra…

Leticia Joguin Rouxelle

PROLOGUE

De ma vie, jamais un regard ne m’avait tant désarmée…

Quand j’ai plongé mes yeux dans les tiens, je me suis sentie mise à nue, comme si tu avais su lire à l’intérieur de mon âme et te l’étais tout bonnement appropriée…

Trois minutes, trois minuscules minutes, à la fois si longues et si courtes, ont suffi…

Déjà, à cet instant précis, je savais que je ne saurais plus faire sans toi, tu as su briser ma carapace. Pourquoi? Comment? Ça, je ne saurais te le dire, mais ton regard acier a su frayer un chemin à travers ma peau tout entière…

Ces quelques secondes ont suffi, oui, parce que j’ai reçu un coup au cœur, un uppercut qui m’a mise à terre, sans que je ne sache encore comment m’en relever.

Je m’étais pourtant tellement juré, et promis de ne pas retomber amoureuse, de ne plus ressentir ce genre de choses qui font mal.

Je voulais juste m’amuser, ne plus jamais rien ressentir, ne plus avoir ces frissons-là, parce que construire de nouveau quelque chose pour que tout s’écroule comme un château de cartes, je ne le voulais plus.

J’avais suffisamment morflé, trinqué, donné… L’amour, ça n’était pas pour moi. Je ne voulais plus aimer…

Mais toi, t’es arrivé, t’as juste foutu un putain de coup de pied dans mes résolutions, t’as mis un bordel dans ma vie si bien désorganisée que j’ai peur…

Oui, j’ai peur, parce que…

Je me sens vivante, tellement libre quand mes doigts effleurent ton corps, parce que je me sens voler à chacun de tes mots.

Ma peau me brûle partout où tu as oublié de laisser tes empreintes, elle a froid et elle est en manque de chacune de tes caresses.

Alors que je pensais savoir ce que je voulais, tu m’as complètement désarmée, transformée ou bien m’as-tu seulement mise face à moi-même?

Qui suis-je? Que veux-je au fond?

Jamais je n’ai connu cette connexion, cette attraction, ce sentiment de ne vouloir que toi et toi seul comme si c’était nécessaire à mon souffle, à ma vie… Comme si j’avais été en apnée jusque-là…

Pourtant, notre histoire semble si banale… Au début, du moins…

Avant que tu ne viennes tout compliquer, tout changer, tout transfigurer…

Que vais-je faire de nous, puisque tu m’as déjà vaincue?

Qu’est-il advenu de la fille si sage que j’étais? Je ne me reconnais plus. Je ne sais plus qui je suis quand tu t’approches de moi. Est-ce qu’au fond tu ne m’as pas réveillée?

Révélée à moi-même?

Mais une fois conquise, tu t’en vas…

Et puis, tu reviens…

Que dois-je faire pour que tu restes enfin?

Pour que tu comprennes que je ne suis pas toutes ces autres, que je ne te laisserai pas…

Le combat ne fait que commencer…

Qui de nous deux va gagner?

CHAPITRE 1

Grace

Je me lève d’un pas décidé. Après tout, il est temps d’arrêter de se lamenter sur son sort. J’ai presque trente-cinq ans, pas soixante-dix, bordel de merde! Je veux faire quelque chose de ma vie… Terminé le temps où un homme imposait sa loi dans ma vie et gérait l’entièreté de mon existence, allant jusqu’à remettre en cause tous mes choix.

Je veux crier au monde entier que j’existe, que je suis vivante, souriante, je veux que plus jamais rien ne m’arrête.

C’est bien joli de rêver, mais pour réaliser ses songes, il va bien falloir se mettre debout!

Alors que je tâtonne dans le noir à la recherche du bouton qui va arrêter ce stupide réveil qui me casse la tête dès le matin, je fais tomber mon portable et me casse la gueule de mon lit… Foutue poisse!!! Tu comptes me lâcher un jour, ou t’as décidé de me pourrir jusqu’à la fin de mon existence?

Ma vie n’est qu’un enchaînement d’histoires insipides et sans saveur, il est bien loin le temps où je rêvais de rencontrer le prince charmant… Et pourtant, en éternelle amoureuse de l’amour, j’ai donné de moi entièrement à chacune de mes histoires.

Pour que ça se termine inlassablement en catastrophe…

L’amour?

J’y crois plus. C’est de la foutaise, du mensonge en barres pour petites filles naïves. Cette fois, je veux inverser les rôles et me redonner un nouveau souffle. Bien que je n’aie jamais été véritablement douée pour ce genre de choses, peut-être est-il temps de changer la donne. Je n’ai eu que trois histoires sérieuses dans ma vie et mes deux dernières ont terminé de me briser un peu plus.

Mais c’est fini, tout ça… Plus de souffrance, parce que plus de sentiments. Je ne veux plus tomber amoureuse, je veux m’amuser!

On est au vingt-et-unième siècle, non? Il est loin le temps où les femmes n’avaient pas le droit de choisir avec qui elles voulaient partager leur lit!

Pas d’attaches, pas d’engagement, juste le plaisir pour leitmotiv… Ça doit bien exister ce genre de relation, non?

Je soupire. Pourtant, je sais au fond que j’en rêve encore, de cette histoire qui me fera vibrer, qui me fera décoller de la terre et toucher les étoiles. Je secoue la tête.

« Ressaisis-toi, l’amour c’est de la merde! Le sexe, c’est bien… Prends ton plaisir et fais comme eux, barre-toi! »

Ouais, OK madame la raison, sauf que ben moi, je n’ai jamais fait ça… Je n’y connais rien en matière de plan cul… Un plan cul, dans ma bouche, ça a un goût de poison. Je vais faire comment pour me donner sans sentiments, moi?

La trajectoire que je souhaite prendre va me changer à jamais. Et pourtant, si c’était le moment? Peut-être dois-je changer pour que mes relations évoluent? C’est vrai je tombe inlassablement sur le même genre de mec, et si je les attirais? Inconsciemment, je veux dire… Vous savez le genre de mec torturé et cinglé, celui qui t’envoie des étoiles les premières semaines et qui après te fait culpabiliser pour ce qu’il est lui? Tu sais, celui qui t’attire si bien dans ses filets que tu ne vois pas l’uppercut t’arriver en pleine gueule. Cette droite si bien sentie qu’elle te fait partir le cerveau en vrille, et te fait croire que tu es tout ce qu’il te reproche : trop grosse, trop moche, pas assez intelligente…

La vérité pourtant, c’est que c’est eux qui étaient tout ça… Mais faire culpabiliser l’autre pour ses erreurs à soi est tellement plus facile, ça permet de ne pas regarder l’ignoble vérité en face.

Je file jusqu’à la salle de bains, il est sept heures quinze, Lina va se réveiller, il est grand temps de sauter dans la douche. J’observe ce corps dans la glace, ce corps que je déteste, parce qu’on m’a obligée à le vomir. Je ne vois que les bourrelets, les vergetures, mon ventre énorme qui déborde. Je pleure en silence comme chaque matin. Comment pourrais-je faire en sorte que l’on m’apprécie, même pour une nuit alors que je suis incapable moi-même de me trouver à mon goût?

Stupide résolution. Vais-je être seulement assez forte pour la tenir?

Je rentre dans la douche, le jet d’eau m’apaise un peu, j’ai pris l’habitude depuis ma rupture de mettre un point d’honneur à redevenir une femme et pas ce sordide fantôme…

Je me cachais dans des joggings informes, des vêtements trop larges, je pensais que cela suffirait à me fondre dans la masse.

Pourtant, je rêve de tant de choses que mon crâne est à la limite de l’implosion.

Un peu de cran, que diable!

« Tu es belle, généreuse, tu n’es pas parfaite, mais tu mérites d’être heureuse… »

Ce mantra que je me répète inlassablement depuis des jours et des jours m’aide réellement. J’essaie tant bien que mal de croire à ces paroles, il y a des jours avec et des jours sans…

***

Lilian

J’ai encore la gueule de bois. J’ai trop bu hier, la vodka finira par avoir ma peau, mais au moins je ne pense plus à elle. Enfin, juste le temps où je suis bourré, raide mort. J’enchaîne les conquêtes, je me perds dans d’autres corps que le sien, ça me soulage sur l’instant, mais le matin, je ne pense qu’à elle et mon cœur me brûle encore.

Putain, mais pourquoi il a fallu que je tombe amoureux de cette salope de garce?

Je croyais que nous deux c’était pour la vie, jusqu’à ce qu’elle se barre avec mon meilleur pote. Je suis, enfin j’étais militaire. Je partais en mission et je lui faisais confiance, je croyais que Skype suffisait à la rassurer…

Et pour nos trois ans, je voulais lui faire une surprise. J’avais eu ma perm’ quarante-huit heures avant la date prévue et j’ai sauté dans le premier avion. J’avais le cœur qui battait la chamade, j’étais tellement excité de la revoir enfin que j’en tremblais carrément de joie. Je comptais les minutes où mes yeux la reverraient enfin, je ne cessais de sortir la petite boîte en velours rouge de ma poche, je voulais qu’elle devienne ma femme, je le voulais tellement! Arrivé à Roissy, j’ai pris un taxi, j’avais vraiment la flemme de me taper les quarante minutes de métro qui me séparaient de notre appart, de ses bras, de ses jolis yeux noisette. Mon envie d’elle se compressait à l’intérieur de mon pantalon, parce que bien sûr, elle dirait « oui », c’était évident. Ensuite, je lui aurais fait l’amour pendant des heures pour rendre hommage à son corps, celui qui me faisait perdre la tête depuis plus de mille deux cents jours.

Je me rappelle alors ce funeste jour d’août, d’il y a presque un an, qui a marqué ma vie à jamais.

J’ai tapé le code de la porte d’entrée de notre immeuble, j’avais les mains moites, j’étais fébrile. De quoi avais-je peur au fond puisqu’elle m’aimait? J’ai monté quatre à quatre les escaliers et arrivé au cinquième j’ai essayé de faire le moins de bruit possible, il était huit heures du mat’, on était samedi, elle ne bossait pas ce jour-là et cette grasse matinée, lové dans son cou, j’en rêvais depuis deux mois.

J’ai glissé la clé dans la serrure et me suis avancé à tâtons dans la pénombre de notre cocon. J’ai enlevé mes rangers le plus doucement possible. Pepito notre chat est venu se frotter contre mes jambes, j’ai souri et lui ai fait une caresse tout en posant mon doigt sur ma bouche en lui intimant télépathiquement de ne pas éveiller de soupçons quant à ma présence.

Je me suis avancé à pas de loup jusqu’à la porte de notre chambre, alors que je l’entendais gémir dans son sommeil. Elle fait toujours ça en dormant, et j’adorais entendre ce son mélodieux à mes oreilles, ça me donnait toujours envie d’elle au réveil.

Alors que je posais la main sur la poignée, un frisson m’a parcouru l’échine dorsale, j’ai palpé ma poche avant, la boîte était toujours là, bien au chaud, mais j’ai été stoppé net dans mes pensées par un râle qui n’avait rien de féminin.

La porte s’est ouverte dans un fracas, faisant trembler le mur adjacent et le cauchemar qui défilait sous mes yeux m’a rendu fou de rage.

Elle était là sur le lit, notre lit, à quatre pattes, Guillaume entre ses cuisses.

Je n’ai pas réfléchi plus, je n’entendais ni ses cris, ni ses larmes, ni ses supplications tandis que je me suis jeté sur lui. Les coups ont plu encore et encore… Mon cœur s’est brisé dans un silence assourdissant, dans la rage qui me consumait… tout comme ma carrière…

CHAPITRE 2

Lilian

Août 2016

J’ai eu beau essayer de réfléchir, de comprendre, d’essayer de pardonner pendant des heures et des heures, des journées entières… J’ai même culpabilisé, cent fois, mille fois… Peut-être que je ne lui ai pas accordé assez d’intérêt, de temps ou d’amour… Peut-être n’ai-je pas su trouver les mots qu’il fallait pour lui prouver combien je l’aimais?

Je n’ai pas réfléchi sur l’instant, je l’ai attrapé, lui, j’ai cogné comme un fou, ivre de rage, je l’ai presque tué.

J’ai vu ses yeux s’agrandir d’effroi, de terreur, de… dégoût? Mais j’ai eu tellement mal… J’avais le sentiment d’être devenu un monstre à ses yeux. Mais plus je le frappais, plus ça me soulageait. Plus j’entendais ses os craquer et le sang couler, plus je prenais du plaisir à le faire.

Mon cœur était devenu un trou béant en entrant dans cette chambre, noir et froid comme les ténèbres, j’avais si mal que tout mon corps s’endormait dans la douleur.

Et maintenant…

Maintenant, je vais devoir répondre de mes actes. J’ai frappé le premier, il était sans défense, et le témoignage de Rosanna est effarant. Évidemment, personne ne prend en compte le fait que je me suis senti doublement trahi, je n’ai pas le droit d’utiliser ma licence de karaté autrement que pour me défendre, or là…

Je n’ai d’autre choix que d’accepter ma sentence, je perds ma licence, ma place dans l’armée et j’écope de quatre mois de prison ferme. Je l’ai tant explosé qu’il a pris trente jours d’ITT1…

J’ai tout gagné, quoi…

Ils voulaient faire de moi un exemple, ils ont réussi… Quelle ironie, vraiment! De victime de sentiments, de trahison et d’adultère, je deviens un monstre-agresseur à la limite de l’assassin et je la perds.

Définitivement.

En même temps, mon passé ne m’aide pas…

J’ai passé mon adolescence en foyer, ma sœur et moi ayant été abandonnés par notre père. Notre mère est morte dans un accident de voiture, c’est lui qui conduisait, il avait encore trop bu, elle est morte sur le coup. Il s’est enfoncé dans l’alcool, la drogue, et moi j’ai commencé à traîner, à merder complet…

À treize ans, je vendais déjà du shit pour les grands du quartier, c’était ça ou le frigo vide pour Marine et moi, et il était hors de question qu’elle crève la dalle.

Et puis, on m’a demandé d’aller toujours plus loin, de fournir toujours plus et plus gros. Évidemment, ça me rapportait plus de tunes, alors je n’ai pas hésité, mais je me suis fait choper. Tribunal des mineurs à quatorze ans, foyer de jeunes délinquants pendant six mois, Marine placée en foyer. Alors j’ai fermé ma gueule, je me suis tenu à carreau parce que je ne voulais pas être séparé d’elle, j’ai toujours voulu la protéger et ne pas être à ses côtés me déstabilisait.

Elle était mon pilier, elle remplaçait Maman parce qu’elle me temporisait, me faisait la morale et moi, je ne pouvais pas la laisser toute seule. On a toujours été liés, unis et soudés, envers et contre tout.

J’ai fait acte de bonne conduite et à quinze ans je l’ai rejointe dans son foyer.

Heureusement, elle était douée pour les études et elle, ça l’a sauvée. Mon truc à moi, c’est le dessin, je noircis des feuilles entières, mais sans diplôme et avec un casier, vous croyez que ça fait quoi de moi?

Je suis un paria, un marginal, je ne suis ni dans ni pour la société dans laquelle on vit. Tout est bien trop inégal, tout est toujours pour les riches et les étrangers. Je ne suis pas raciste, mais voilà, je suis né ici et on fait quoi pour moi, pour m’aider à m’en sortir?

J’en ai marre de bouffer de la merde.

— Lilian Morin, votre incarcération prend effet immédiatement.

Je baisse les yeux, je me sens tellement coupable, ce n’était pas moi ce mec-là, je ne suis pas comme ça! Mais les actes parlent plus que les mots.

***

Grace

Août 2016

J’en peux plus de cette vie.

Je ne me sens ni aimée, ni soutenue, ni même regardée. Je ne suis bonne qu’à faire le ménage, les courses et m’occuper de Lina.

Ah et j’oubliais… Écarter les cuisses.

Le désir, je ne sais même pas ce que c’est… J’ai cru trop longtemps que c’était une espèce de devoir conjugal, mais la vérité, c’est que je n’ai pas envie qu’il me touche. Je ne ressens plus rien et à force, j’ai le sentiment que mon corps est mort.

Je ne suis plus une femme. Je me sens juste comme une chose qu’on prend et qu’on laisse traîner dans un coin. J’avance avec ma carcasse, cachée dans mes vêtements informes, tel un cadavre. J’aurais voulu être un fantôme, invisible et transparente pour que personne ne me regarde…

Le problème des relations, c’est qu’elles démarrent toutes par un mensonge, à vouloir faire trop bien, à faire en sorte que tout soit beau et rose, on en oublie une chose : être soi-même. Et on se ment. On porte un masque pour faire en sorte que tout se passe bien. Pour éviter les conflits, on se tait. Et au final, on se meurt.

Mon sourire s’est effacé au fil du temps, la tristesse s’est immiscée dans mon regard. L’amour n’existait plus, mais j’ai continué à y croire, parce que c’est plus simple de rester dans quelque chose que l’on connaît et que l’on contrôle un minimum. Même si je la détestais, je n’avais que ça comme vie, alors je faisais avec.

Et le problème en fait, c’est que l’acceptation nous conduit à nous enfermer dans quelque chose qui ne nous convient plus. Et est-ce que cela nous convenait dès le début? Est-ce qu’on ne se fourvoie pas soi-même? À se mentir? Parce que c’est bien ça, justement, on ne se montre jamais, on se cache, alors qu’être sincère avec soi permet d’être honnête avec l’autre. Ça évite les mauvaises surprises à long terme, parce qu’on sait où va, on sait dans quelle direction avancer, on compose avec les failles de l’autre et les siennes. Et là, la chorégraphie n’est plus la même, de spectateur, on devient acteur. On ne subit plus son existence, on la vit tout simplement.

JE NE VEUX PLUS DE CETTE VIE-LÀ!

Je veux ressentir autre chose que ce qu’il dit de moi.

Je mérite mieux, j’en suis convaincue. Alors pourquoi je reste? Par habitude? Par peur d’être seule?

Il va falloir que je résolve moi-même cette énigme.

Peut-être que je trouverai pire…

Mais ça, seul le destin me le dira…

1 Incapacité Temporaire de Travail

CHAPITRE 3

Lilian

Pendant qu’on me passe les menottes, je me retourne et vois son visage. Elle tient fermement sa main dans la sienne. Son visage à lui est tuméfié de tous les côtés. C’est clair, je l’ai pas loupé. Le regard qu’elle me jette est plein de dédain, mélangé à de la haine, c’est viscéral et ça me prend aux tripes. Ça me brûle la gorge et des larmes viennent s’immiscer dans mes iris sans que je ne les ai invitées, toute cette histoire me fait crever à petit feu. Jamais ça n’aurait dû se passer comme ça. Jamais.

Alors que je hurle intérieurement, je tourne légèrement la tête vers la droite et j’aperçois les jolis yeux bleus de ma petite sœur. Les siens ne cachent pas les perles qui roulent sur ses joues, son visage est trempé par ces gouttes d’eau salée et j’y vois clairement autant de peine que de déception. La dernière chose que je voulais, c’était la faire souffrir, elle. Autant dire que je suis vraiment un grand frère de merde. Et je vais avoir quatre longs mois pour réfléchir à tout ça…

Quatre mois enfermé entre quatre murs.

La seule chose que je me promets, c’est que plus jamais aucune femme ne me mettra à terre comme elle l’a fait, elle. Et pendant que je suis le flic qui m’emmène par une porte derrière le juge, je sais que cette décision va changer diamétralement le cours de ma vie. Et pourtant, je ne rêve que d’une chose : serrer dans mes bras celle qui m’a brisé. Parce que je ne saurais que lui pardonner tout ce qu’elle m’a fait et me fera à l’avenir…

Je m’assois dans le fourgon tête baissée, j’ai eu tort et j’accepte les conséquences de mes actes.

Le flic en face de moi, me tape alors sur l’épaule et me fait un grand sourire avant de prendre la parole :

— Franchement, je te tire mon chapeau…

— Pardon?

— On est tous d’accord avec toi, l’autre méritait sa branlée.

— Je ne suis pas sûr que j’aurais dû taper aussi fort…

— Pour nous, t’as fait ce qu’il fallait, tu devrais d’ailleurs même pas être en taule… Et si besoin tu demandes après le gardien Muller, il t’aidera.

— C’est gentil, merci.

— Ne me remercie pas, c’est normal de s’aider entre nous… Au lieu d’emprisonner nos soldats, ils feraient mieux de s’occuper de la racaille qui pourrit nos quartiers.

— C’est sympa de me comprendre, mais bon j’ai failli commettre un homicide quand même

— Tu t’es arrêté à temps… Alors, on va dire que tout va bien. Ne culpabilise pas, il n’en vaut pas la peine, vraiment.

Je me remémore encore cette scène… Mon pied est directement venu se planter dans sa joue, l’éjectant sur le côté droit du lit. Rosanna s’est recroquevillée dans les draps, sa bouche était déformée par la terreur. Je ne réfléchissais plus, comme si l’animal présent en moi avait pris les commandes de mon corps. Je me suis jeté sur lui et mes poings le martelaient de part en part jusqu’à ce que je l’entende appeler les secours. En à peine quinze minutes, les pompiers débarquaient, suivis de près par la police. Sa voix remplie de sanglots résonne encore dans ma tête :

— DÉPÊCHEZ-VOUS! IL VA LE TUER!

J’ai regardé le corps de celui qui était mon meilleur ami, presque inerte sur le sol de la chambre, son visage pissait le sang, il se tenait les côtes et râlait, mais il était en vie. Moi, j’étais comme mort à l’intérieur, tandis qu’elle se rhabillait, se tenant le plus loin possible de moi. J’ai jeté une couverture sur lui, et je suis parti sans mot jusqu’à la cuisine. Je me suis assis et j’ai allumé une clope pendant que des coups se mettaient à tambouriner la porte d’entrée. Je me suis levé, j’étais calme alors je leur ai ouvert. J’ai expliqué la situation à un des pompiers pendant que les deux autres portaient un brancard et se dirigeaient vers ce qui était autrefois notre chambre.

Tout s’est ensuite déroulé comme dans un film, la police qui débarque et me passe les menottes, même si j’avais l’air calme, puis l’interrogatoire et la garde à vue.

J’ai tout avoué directement, à quoi ça aurait servi de mentir de toute façon? L’état de Guillaume parlait pour lui…

Quand je pense qu’il était comme un frère pour moi, on a tout fait ensemble, les conneries, les nanas, mais jamais j’aurais cru qu’il allait me trahir comme ça… Pas avec elle…

***

Grace

Mes mains glissent sur mon piano, c’est la seule chose que j’ai conservée depuis toutes ces années, mais je n’ai le droit de m’en servir que lorsqu’il n’est pas là. La musique, c’est cette bulle hors du temps qui me permet de tenir quand je me sens mal et que le monde, mon monde, part à la dérive…

Je chantonne tout doucement, Lina s’approche de moi, s’assoit sur le petit banc et m’entoure de ses bras.

— C’est beau, Maman…

— Tu trouves?

— Oui et j’adore quand tu chantes, pourquoi tu ne chantes pas tout le temps?

— Bah tu sais bien, je ne suis pas assez folle pour casser la tête aux voisins.

— Pourquoi Papa ne veut pas que tu chantes?

— Je ne sais pas, ma puce…

— C’est parce qu’il est fatigué qu’il faut pas faire de bruit?

— Oui, sûrement, ma chérie…

Je soupire, je ne sais pas comment la rassurer, j’essaie à chaque fois de trouver au mieux les mots, elle n’a que sept ans et j’ai tant à cœur de la protéger.

— Pourquoi Papa crie?

— Il ne crie pas.

— Si, je vous entends le soir, tu sais… Vous allez vous séparer?

Ses yeux brillent, je sens de la tristesse dans ses prunelles noisette, mais elle reprend avec tout le courage qu’on peut avoir à son âge :

— Il n’a pas le droit de te parler comme ça, je t’entends pleurer… Il n’est pas gentil avec toi.

— Mais non, ne t’inquiète pas, ça va, ce sont des histoires de grands et puis avec toi, il est gentil, non?

— Oui, mais il ne joue pas avec moi, je préférerais qu’il passe du temps avec moi plutôt que de dormir.

— Je suis désolée, ma chérie… Bon, il est temps d’aller dormir, d’accord? Tu as école demain.

— D’accord, je vais me brosser les dents.

Je la vois se lever d’un bond et courir dans l’appartement, ses boucles châtain virevoltent autour de ses épaules.

C’est elle, ma plus belle réussite.

Je souris tristement, qu’est-ce que je deviendrais si je la perdais? C’est pour elle que je reste, que j’endure les insultes, son problème avec l’alcool, parce que je ne veux pas faire de peine à notre fille. Mais combien de temps vais-je encore tenir, sans ciller, sans me perdre moi-même? Combien de temps avant que je ne me brise totalement?

Je me suis tant mise de côté que parfois, je ne sais même plus qui je suis… Elle est ce fil fragile qui me raccroche à la vie, j’étais seule et enceinte quand je l’ai rencontré, il m’a prise sous son aile, mais il a terminé de me casser de l’intérieur.

Je croyais avoir trouvé le prince charmant, mais notre histoire a pris une tournure à laquelle je ne m’attendais pas…

Les sourires ont fait place aux larmes, lentement, sournoisement. Les mots ont une saveur âcre et amère, ils s’insinuent trop bien dans les esprits faibles, fragiles et sensibles.

J’ai beau m’appeler Grace, je ne ressemble plus à sa définition aujourd’hui.

CHAPITRE 4

Grace

Encore une nuit pleine de cauchemars. Une nuit noire remplie de milliards d’araignées velues. Elles courent toutes vers moi et je ne sais pas comment leur échapper. Je sens mes jambes presque voler tant je fais de grandes enjambées, mais bientôt je suis coincée…

Je vois ses yeux m’observer dans le noir… Rouge sang, comme si toutes les veines de l’intérieur avaient éclaté. Plus d’araignées, plus de grandes pattes, juste lui qui m’observe, tapi dans un coin. Le décor a diamétralement changé, je ne suis plus dans une forêt, mais dans une longue pièce. Une sorte de couloir. J’ai froid. Je prends soudain conscience que ma peau frissonne et que je suis toute nue. L’enfilade est parsemée de miroirs de sorte que je vois encore et encore ce corps qui me dégoûte. Et sa voix sifflante qui murmure à chacun de mes minuscules pas :

« Regarde-toi… T’es immonde. »

« Tu me donnes envie de gerber. »

J’ai peur, je m’agenouille et je pleure. Je m’écroule littéralement au sol, ma tête vient se ficher entre mes jambes tandis que je presse mes mains sur mes oreilles.

Je ne veux plus rien entendre, je ne veux plus rien voir, je ne veux plus rien savoir.

— Maman…

Je sursaute dans mon lit, encore secouée des spasmes de mes sanglots qui se brisent dans le silence glacial de ma chambre. J’observe tout autour de moi. Le couloir a disparu et je suis seule avec mes frayeurs. Mon regard vient se fixer dans celui, noisette et pur, de ma petite fille.

— Pardon, ma puce… Je… J’ai fait un cauchemar…

— Oui… Tu as crié, tu m’as fait peur… Ça va?

— Oui… Je vais toujours bien quand tu es là.

Je tends mes bras vers elle et elle saute sur le matelas pour venir se nicher contre moi. Quelle heure peut-il bien être? J’essaie d’attraper mon téléphone. Une heure trente du matin. Il n’est pas là. Il n’est pas rentré et Dieu seul sait dans quel état il va être. Je frissonne.

— T’as froid, Maman?

— Oui… Mais ce n’est pas grave…

— Je vais rester avec toi! Je vais te protéger contre les monstres qui te font peur!

— D’accord, ma petite guerrière, reste avec moi, tu es trop forte, personne n’osera s’attaquer à moi, si tu es là!

Elle se met à rire et ça me fait du bien, c’est un son doux, cristallin, comme une petite clochette. Non, personne ne me fera du mal si elle reste avec moi.

Je pianote fébrilement un texto sur mon portable.

[T’es où?]

[Qu’est-ce que ça peut te foutre? Je travaille moi, contrairement à toi.]

[Tu rentres à quelle heure?]

[J’en sais rien, tu me casses les couilles avec tes messages. Tu ferais mieux de dormir, après tu vas encore te plaindre que t’es fatiguée, alors que tu branles rien de tes journées.]

Je ne réponds pas. Ça ne sert à rien en fait, si ce n’est à l’énerver encore plus. Quand il rentrera, il verra que je ne suis pas seule dans la chambre et ira cuver dans la chambre d’amis, ça vaut mieux comme ça. Je ne supporte pas qu’il me touche quand il est ivre. Je ne supporte plus qu’il me touche, en fait. Tout est une façade chez nous, ses baisers lorsque nous recevons du monde ont le goût de l’hypocrisie.

Je veux changer tout ça. Au fond de moi, je le sais. Mais je vais où, sans argent, sans travail? Je fais quoi? Comment?

Pourtant, mon cœur me crie que je dois tout arrêter, et ma raison m’implore encore d’essayer que je ne sais pas ce qui m’attend derrière…

Oui, c’est peut-être vrai… Mais si je n’essaye pas comment le saurais-je?

Et plus le temps passe, plus je suis convaincue qu’il ne changera pas. Parce que c’est sans doute moi qui dois changer les choses, les transformer.

Me transformer.

***

Lilian

Cent-vingt jours d’incarcération. Cent-vingt jours à réfléchir, à sentir le temps qui passe. À ne voir le monde qu’à travers des barreaux, même pas dorés en plus. Mais cent-vingt jours, aussi, à faire le point. Je n’ai vu que Marine durant mes parloirs.

— Elle va bien?

— T’es sérieux, là? Je te signale que c’est à cause de cette salope si t’es là, ne me parle pas d’elle…

— Allez, je veux juste savoir si elle va bien…

— Mais on s’en fout… Tu ne vois pas que cette relation t’a toujours fait plus de mal que de bien? Qu’elle était malsaine pour toi? Ne me dis pas que t’espères la retrouver quand même!

Je baisse les yeux.

— Franchement, tu me désespères. Elle ne mérite même pas tout ça. Oublie-la, ça vaut mieux.

J’essaie de lui sourire, mais franchement, je ne peux pas lui faire ce genre de promesse. Rosanna me manque. Elle était mon soleil, ma raison de vivre, ma came.

Je sais ce qu’elle a fait, je sais qu’elle m’a trahi, mais je me sens incomplet sans elle, comme si elle avait pris une part de mon âme et était partie avec. Je dois vraiment paraître pathétique comme mec… Je me désespère tout seul honnêtement. Jamais je n’aurais cru aimer à ce point, elle me rend vivant, mais me tue en même temps.

Mes nuits ne sont peuplées que de son corps, de son parfum, du goût de sa peau, et puis de cette dernière scène sordide de mon meilleur ami en train de la baiser et de la faire jouir.

Je me réveille en hurlant, des larmes plein le visage. J’enrage contre moi-même de n’avoir pas su la garder à moi. Pour moi. J’aurais fait d’elle ma reine alors que je suis devenu le bouffon du roi.

Mes dessins se muent en mots, je me mets à écrire ce que je ressens, mes pensées les plus intimes défilent sur les pages blanches. Cette passion d’elle me dévore, me consume et me meurtrit. Que vais-je faire de moi-même? J’ai le sentiment de traîner mon cadavre chaque jour qui passe, je ne suis plus que l’ombre de celui que j’étais, je me sens tellement vide parce que je l’ai laissée combler tout l’espace. Je me suis piégé moi-même parce que je ne sais pas faire autrement, pour moi si on ne se donne pas entièrement à une histoire, elle ne vaut pas la peine d’être vécue. Mais je n’avais pas saisi à ce moment-là que lorsqu’elle se termine, elle détruit tout sur son passage, aveuglément.

Une musique éveille alors mon attention, une voix grave, chaude et cassée s’élève dans notre 7 m2. Mon codétenu est plutôt cool, il ne m’adresse pas la parole et j’avoue que son indifférence à mon égard m’arrange.

— C’est quoi ce que t’écoutes?

— Ah… T’es pas muet finalement? Une amie d’enfance qui chante, mais elle a jamais percé.

— C’est dommage.

— Je trouve aussi… Mais quand elle aura compris que son mec est un connard peut-être qu’elle se décidera enfin à vivre.

— C’est elle qui joue?

— Oui, elle fait du piano depuis toute petite… Avec des potes, on avait enregistré ça pour l’aider, mais ça n’a pas fonctionné.

— Pourquoi elle a pas persévéré?

— Bah elle avait pas trop confiance en elle à l’époque, et puis on la voit plus en fait, son dernier mec la tenait en laisse, j’sais même pas si elle est encore avec…

— C’est triste, elle a vraiment du talent. T’es là pourquoi au fait?

— Bagarre… Récidive de coup et blessures, trafic de shit. Et toi?

— J’ai mis trente jours d’ITT à mon meilleur pote

— Ah ouais… Mais c’était plus trop ton pote à ce moment-là, non?

— Plus quand je l’ai surpris en train de sauter ma nana…

— Sérieux mec… C’est pas pour elle que tu chiales quand même!

— J’ai pas trop envie d’en parler…

— Ce que j’en dis c’est juste que si elle l’a fait une fois, elle recommencera… Salope un jour, salope toujours. T’as vraiment envie de la partager?

— Non, pas vraiment.

— Si j’étais toi, je ferais un trait dessus, y’a suffisamment de meufs qui demandent qu’à se faire sauter, à force t’oublieras.

— Ouais, je sais pas…

Je me tais et je laisse mes yeux se fermer dans la pénombre de la cellule. Cette voix m’interpelle, j’ai le sentiment qu’elle sait trouver mes failles. Qu’elle parle à mon âme brisée.

CHAPITRE 5

Grace

Ce soir, il n’est toujours pas rentré. Encore. Lina est couchée depuis deux heures, car elle a école demain. Il ne travaillait pas aujourd’hui et je commence à appréhender dans quel état il va revenir. D’ailleurs, va-t-il rentrer seul ou devrais-je faire la boniche et servir ces messieurs qui vont picoler ensemble? Pendant qu’ils referont le monde en critiquant leurs conjointes et en s’extasiant sur les « meufs bonnes » qui passent à la télé?

Oui, car évidemment, je ne suis pas ce genre de femme, moi…

Je ne suis ni belle, ni bonne, ni rien d’ailleurs. Je devrais être heureuse, voire soulagée qu’il n’ait pas ce genre de propos à mon égard, mais en fait, si j’étais « bonne », ça voudrait dire qu’il me désire. Mais j’ai juste le sentiment d’être un dévidoir.

Ça fait bien longtemps qu’il n’y a plus de jeu de séduction entre nous. Y’en a-t-il eu un, un jour? J’ai souvent le sentiment qu’il a eu pitié de moi et qu’il a voulu jouer le bon samaritain, sans en avoir les épaules pour autant.

Quand les mots grosse salope, grosse pute et grosse connasse rythment ton quotidien, l’amour existe-t-il encore?

Je n’en viens qu’à une seule et unique conclusion : il ne peut pas m’aimer pour me traiter ainsi…

Je me mets au lit avec un livre alors que la sonnerie de la porte d’entrée retentit. Il est minuit, un long frisson parcourt mon échine. J’oscille entre l’envie de m’enfouir sous ma couette et laisser les coups se murer dans le silence de la nuit…

Mais si je n’ouvre pas, il va insister et je ne veux pas que Lina se réveille.

Je sors de mon lit et enfile un pull à la va-vite. Je ne dois cependant pas aller assez vite, car je sens ses coups de sonnette devenir plus agressifs.

Je traverse la salle à manger, puis le salon, je bifurque sur la droite et longe le grand couloir d’entrée.

Je tourne les clés dans la serrure, j’ai à peine le temps de poser ma main dessus qu’elle s’ouvre en un geste nerveux, il apparaît dans l’encadrement de la porte. Ses yeux sont rougis par l’alcool, il tient à peine debout et comme je le craignais, il n’est pas seul.

Ses lèvres s’approchent de moi et je sens la nausée arriver. Je me recule sans m’en rendre compte, ce qui l’exaspère encore plus.

— Qu’est-ce que t’as encore? J’ai le droit de me détendre… Je travaille, moi! Sois gentille et brave comme d’habitude, va chercher des verres et le whisky.

Je me retourne pendant que je me dirige vers la cuisine et je l’entends ricaner avec ses nouveaux potes de beuverie.

« Tu l’as bien dressée dis donc! »

« J’avoue, elle est cool ta nana, la mienne serait déjà en train de criser! »

« Elle baise aussi? Parce que si oui, elle est parfaite, épouse-la! »

Les sanglots me montent à la gorge.

Pas ce soir, Grace, retiens-toi, par pitié, ne pleure pas. Oui, c’est un connard et oui, tu vas changer tout ça.

Et je ne sais pas ce qu’il me prend, mais je ressors de la cuisine et je me vois en spectatrice lui dire, le plus calmement du monde :

— Finalement, je suis fatiguée. Mais tu sais où tout se trouve, n’est-ce pas? Donc débrouille-toi.

Je le vois déglutir, son sourire s’est envolé et la fureur que je lis dans ses yeux ne me dit rien qui vaille. Mais il ne fera rien. Pas ici, pas devant tout le monde. Cette fois, c’est moi qui gagne. Je n’ai plus l’intention de me taire, c’est terminé.

Tu ne sais pas à qui tu as affaire, mais tu vas vite le découvrir.

Je ne suis plus ta chose. Je ne serai plus jamais la chose de quelqu’un. Ce temps-là est révolu.

Je ne savais pas à ce moment-là que je venais de déclarer la guerre…

***

Lilian

Je ne me lasse pas d’entendre cette voix grave sur cet air de piano. C’est curieux le sentiment qu’elle me procure, elle me berce et m’apaise…

Quand j’écoute ses notes cassées, je ressens toute sa peine, comme si son âme était aussi brisée que la mienne.

J’imagine de grands yeux clairs, verts ou bleus, je ne sais pas… Et je les dessine sur mes cahiers, encore et encore.

— T’as du talent grave en fait!

Je me retourne et vois les yeux bruns de Cyrille penchés au-dessus de moi, j’étais tellement perdu dans mes pensées que je ne l’ai pas vu s’asseoir à côté de moi. Il sort un morceau de shit de sa poche et commence à le brûler pour rouler un joint.

— T’en voudras?

— Pourquoi pas...

— J’ai l’impression que tu dors mieux depuis que tu fumes avec moi.

— J’avoue, ça m’apaise.

Il me sourit et me montre du doigt le dessin que je suis en train de peaufiner.

— Je peux?

— Ouais, vas-y, c’est pas un secret.

Il prend une des feuilles étalées sur la petite table et me tend le pétard. Je tire une grande taffe dessus et me laisse glisser sur ma chaise. C’est vrai que ce truc de merde me fait du bien, je me sens plus zen, je dors mieux. Rosanna me manque toujours, mais je pense moins à elle. Peut-être parce que je ne la vois pas, alors j’en fais le deuil, tout doucement.

J’entends Cyrille rire tout doucement, il se passe la main dans ses cheveux.

— Y’ a un truc de drôle?

— Nan, juste un truc trop chelou…

— Quoi?

— Ce sont les yeux de qui? Là?

— Bah je sais pas, depuis que tu m’as fait écouter la chanson de ta pote, là, je me suis mis à dessiner ça.

— Justement… On dirait les siens… C’est ça qui est trop dingue!

— Les siens? Ceux de ta pote?

— Ouais… Mortel… Elle a les yeux verts en amande, mais les siens ont l’air toujours tristes comme si elle portait tout le poids du monde sur ses épaules, mais quand elle rit, ils s’illuminent et tu vois un paquet d’étoiles dedans...

— Tu parles d’elle comme si t’étais love!

— Nan… Nan, je le suis plus… J’aurais bien voulu, mais bon… Ça s’est pas fait c’est comme ça… Au fil du temps, on est devenus des vrais potes, comme si c’était ma petite sœur, tu vois? Et je t’avoue que ça me fait chier de plus la voir.

— Je comprends… Ça fait longtemps que tu l’as pas vue?

— Ouais j’sais pas peut-être presque huit-dix ans en fait… La dernière fois, elle était en couple avec un gros con… Il lui a fait arrêter le chant et le piano… Et petit à petit, je la voyais plus… J’ai retrouvé le CD y’a pas longtemps, ça m’a rappelé v’là le tas de souvenirs quand on traînait dans le quartier. Tu sais, c’est le genre de nana entière, mais réservée. En vrai, j’ai été tant de fois dans la galère, elle a toujours été là et moi, je l’ai lâchée.

— Bah, tu viens pas de dire que c’est elle qui a coupé les ponts?

— Oui et non… J’avais de moins en moins de nouvelles, elle traînait qu’avec sa bande de bourges… Mais j’ai pas cherché à en avoir non plus. J’espère qu’elle est plus avec ce connard, il la trompait avec tout ce qui bouge. Enfin bref, j’sais même pas où elle vit maintenant. Elle a quitté Paname, c’est tout ce que je sais…

— Peut-être qu’elle est revenue, maintenant?

— Nan… franchement, je pense pas… Surtout si elle s’était repointée dans notre petit quartier de Saint-Denis, je l’aurais su.

Je l’entends soupirer. La vie est bizarre, des gens arrivent dedans, la changent puis en repartent. Tandis que d’autres la transforment à jamais et te laissent des souvenirs qui te marquent, te déchirent et t’obsèdent pour toujours…

Rosanna est ce genre de personne. Quoi que j’en dise, je sais qu’elle sera toujours là, dans un coin de ma tête et de mon putain de cœur.

Dans la pénombre, à la lueur blanchâtre de la lune, une larme roule sur ma joue, je l’essuie d’un revers rageur alors que le faisceau lumineux semble pointer vers mes feuilles noircies.

Un nouveau regard à la fois triste et plein d’espoir semble m’observer tandis que les notes de piano emplissent mon crâne douloureux de douceur et m’apaisent…

CHAPITRE 6

Grace

J’ai cherché longtemps à lui pardonner ses erreurs, à lui trouver des excuses, mais la vérité c’est qu’il n’y avait pas lieu d’en trouver…

Je ne suis plus que l’ombre de moi-même et je me dégoûte à en vomir… Ces cicatrices sur mon ventre devraient être le plus beau tatouage dessiné sur ma peau, mais à cause de lui, elles sont devenues ma plus grande honte.

Je n’ai plus écouté mon corps ni ma raison, je me suis laissé submerger par ses mots et ils sont devenus mes maux. Ceux qui te rentrent dans la chair et s’impriment si durement que toute ta réalité est complètement déformée.

Pourtant au fond je sais, même si j’en crève, même si mes larmes me brûlent la rétine et l’âme, que je ne suis pas le monstre dont il me traite.

Il m’a toujours reproché de ne pas avoir fait Lina avec lui, mais si un autre enfant n’est jamais arrivé, c’est peut-être que le destin me réservait finalement autre chose, quelque chose de meilleur.

Quelqu’un m’attend quelque part c’est évident, quelqu’un qui m’acceptera telle que je suis et qui ne me changera pas. Quelqu’un qui saura en me voyant que je ne suis que ce que je suis et que finalement, c’est bien ainsi.

Ses paroles m’ont fait tant de mal, souffrir et détruite que je me suis laissée aller… Chaque larme représentait un carré de chocolat, des frites avec de la mayonnaise ou bien un hamburger. Je savais que c’était nul, j’essayais de vomir derrière ce que j’avais ingurgité, mais le mal était fait… Tapie dans l’ombre, cette nourriture poison me guettait et il n’y avait que cela qui me réconfortait. Ça et ma Lina. Mon ange, ma douceur, la plus belle chose que j’ai faite en ce bas-monde.

Alors, pour elle, au moins pour elle, je ne dois pas continuer à me détruire, je suis bien plus forte que ça, bien plus forte que lui.

Tout en me regardant dans la glace, j’observe mes yeux rougis, des gouttelettes d’eau salées finissent par mourir au coin de mes lèvres. Comment j’ai pu dormir aussi longtemps? Comment j’ai pu laisser mon esprit se noyer dans un tel cauchemar éveillé...

COMMENT?

J’ai tout laissé tomber pour lui, le piano, le chant, mes rêves de gamine.

PUTAIN… POURQUOI?

C’est ma vie. Ma saloperie de vie. Si je fais des erreurs, je les assume, mais plus jamais on ne décidera à ma place.

Je ne me suis même pas rendue compte que j’étais sortie de la salle de bain, mes doigts défilent sur les touches noires et blanches. La musique remplit tout l’appartement et se déverse entièrement dans mon âme. Je ris et je pleure en même temps, ces accords m’avaient tellement manqué que leur son me laisse au bord de l’extase. Je ne suis que ces touches de basses et d’aiguës, cette mélodie à la fois puissante, cristalline et désinvolte.

Mais d’un seul coup, la symphonie se brise, je sens mes doigts craquer, arrêtés en plein Vivaldi dans leur course folle. La douleur fuse dans toute ma main pendant que je ne vois que son poing qui l’écrase, ses yeux fous et son rictus démoniaque me regarder plein de défi.

Je me lève d’un bond et je soutiens son regard.

— J’espère que je t’ai pété tous les doigts et que tu ne pourras plus jamais t’en servir… à part pour récurer les casseroles, parce que c’est tout ce que t’es bonne à faire.

— Ça suffit, maintenant!

— Non, ça ne suffira jamais. Tu es à moi!

Sa main agrippe mon cou, il me pousse jusqu’à ce que j’atteigne le mur adjacent, il me plaque contre celui-ci et colle son front contre le mien. Je suffoque, je commence à manquer d’air.

— T’es à moi, tu m’entends? Tu ne me parleras plus jamais comme tu l’as fait hier soir.

Je feins de m’évanouir pour qu’il me lâche, ce qu’il finit par faire heureusement. Jamais jusqu’à ce jour il n’avait levé la main sur moi. Je tombe à genoux et je lui crache, pleine de haine.

— Sinon quoi? Tu crois que tu vas me buter et récupérer Lina?

Je me redresse tant bien que mal et je lui fais front.

Il soupire, me regarde dédaigneusement et tourne les talons.

— T’es vraiment qu’une pauvre cinglée!

Je me mets alors à rire, un rire hystérique qui s’échappe tout seul de ma gorge, je me rends bien compte à cet instant précis que je dois avoir l’air d’une folle.

— C’est l’hôpital qui se fout de la charité, là? T’es qu’un pauvre macho alcoolique, tu passes ton temps à me rabaisser pour ne pas que c’est toi que tu insultes inconsciemment, tu viens juste de tenter de m’étrangler, mais c’est moi qui suis tarée, hein?

— J’aurais dû te laisser agoniser quand il t’a défoncé la gueule ton ex, quand il était en plein trip. Ouais, j’aurais dû… Tu mérites pas de vivre, t’es qu’une pauvre merde!

— Mais fallait le faire… Ah, mais non, je suis trop conne, c’est vrai! Sans moi, Lina ne serait pas là et tu n’aurais pas de fille…

— T’as pas le droit de jouer là-dessus!

— Et pourquoi pas?

— Parce que tu lui ne ferais jamais de mal…

Il sourit. Enfin, c’est plutôt un rictus crispé qui s’affiche sur son visage.

— Va te démaquiller, tu ressembles à rien comme d’habitude. Finalement, tes parents t’ont choisi un prénom qui te va à merveille, sauf qu’ils auraient dû remplacer le c par deux s…

Il me laisse là, pantelante sans rien à lui rétorquer pendant que mes larmes coulent, acides, brûlantes et dévastatrices sur mon visage.

Et il a encore gagné…

CHAPITRE 7

Lilian

Tourner en rond. Serait-ce tout ce que je suis condamné à faire dans cette putain de taule? 7 m2. Aucune intimité… Heureusement, Cyrille est cool et on a trouvé des points d’entente pour rendre la promiscuité vivable. On parle beaucoup ensemble, son trip à lui c’est le rap et je trouve qu’il se débrouille plutôt bien. Étrangement, on parle aussi beaucoup de Grace. Je l’ai même aidé à écrire un titre pour elle…

— Pourquoi tu tiens tant à lui dire que t’es désolé?

— J’sais pas… Sûrement parce que contrairement à elle, j’me suis pas acharné, j’ai laissé tomber, je l’ai laissée tomber.

— Ouais, mais ça t’en sais rien, peut-être que sa vie au final, elle l’a choisie.

— Tu la connais pas comme je la connais. Elle est entière, vraiment entière. C’est même une putain de casse-couilles, parce qu’elle ne lâche jamais rien, même les causes les plus désespérées.

— T’en étais une?

— Un peu. Regarde où je suis encore.

— Pourquoi t’utilises pas ton temps ici pour faire un truc de bien? Genre reprendre tes études?

— Sérieux? Mais t’as cru que j’avais quel âge!

— J’sais pas. Y’a pas d’âge, nan?

— Le quartier m’a bouffé, c’est fini pour moi. Par contre, t’as raison sur un point. Je vais arrêter mes conneries. Je vais taffer comme un gros nase, mais ce que je vais gagner, je pourrais en être fier.

— Mais en fait t’as quel âge?

— Trente-quatre piges. Toi, t’es un jeunot à côté de moi… hein?

— Ouais, on a genre dix ans d’écart.

— C’est pour ça, écoute-moi quand je te dis que ta Rosanna, elle vaut pas le coup, même si elle revient.

— Bah, elle reviendra pas.

— Oh que si, elle reviendra. Parce que t’es celui qui est gentil.

— Ouais, qu’est con surtout.

— Surtout!

Il se met à rire et même si ça m’agace, je sais qu’il a raison. Il tousse en avalant une taffe de joint et reprend :

— Mais bon, faut que tu fasses tes expériences tout seul, que tu te rendes compte par toi-même que tu mérites mieux qu’elle.

Et pendant qu’il me fait sa petite leçon de morale que je n’écoute qu’à demi-mot, je continue à dessiner inlassablement ces yeux qui m’obsèdent tant.

Des pas se font entendre dans le couloir adjacent, signe qu’un gardien ne va pas tarder à se pointer par ici. Cyrille écrase son joint ouvre la fenêtre et embaume la cellule de produit à chiottes, je lui fais signe que ça ne sert pas à grand-chose, mais je crois qu’il est trop pris dans ce qu’il fait pour me prêter attention.

Cependant, la voix que l’on entend nous rassure tous les deux. C’est Muller, et comme Cyrille dit souvent, heureusement qu’il a hérité de moi comme codétenu.

— Morin, parloir!

Je le regarde, surpris. Ma sœur n’est censée venir que demain.

— C’est qui?

— J’sais pas, mais elle est bonne, tu vas pas t’ennuyer!

Il ouvre la cellule et je le suis, non sans appréhension. Parce que quelque part, je me doute de qui va se tenir en face de moi et alors que j’ai rêvé son retour, je ne suis plus si pressé de la retrouver, finalement.

Il me fait descendre un escalier, puis un autre, jusqu’à ce qu’on arrive à une porte coulissante qui s’ouvre à l’aide de sa carte dans un bruit strident.

Je connais le chemin par cœur, je pourrais le refaire les yeux fermés, trois pas puis on tourne à droite, dix pas puis on tourne à gauche et enfin trente pas jusqu’à la salle de parloir, mais ce n’est pas là qu’il m’emmène visiblement puisqu’il ne s’y arrête pas comme d’habitude.

— Attendez… J’avais pas un parloir?

— Si, mais à priori, comme c’est ta fiancée, on s’est dit qu’on allait te filer une salle de parloir conjugal.

Il me fait un clin d’œil et un sourire qui en dit long, très long.

— Mais, j’ai pas…

La porte s’ouvre brusquement et je la vois devant moi. Ses longs cheveux ébène s’étalent jusque sur sa cambrure. Ses jambes interminables sont habillées d’un collant résille noire sur lequel vient s’apposer une mini-jupe en Skaï moulante.

Elle est un appel à la débauche, à la luxure et mon putain de corps ne sait pas lui résister.

Son haut rouge cintré et décolleté laisse entrevoir une partie de ses seins qui ne demandent qu’à sortir de là, tant ils semblent étouffer dans ce haut trop chaud tandis que mes mains tremblent de les sentir durcir.

Ses yeux noirs m’observent de haut en bas, je sens de la tristesse s’en échapper. Elle me sourit comme elle savait le faire avant quand elle voulait se faire pardonner quelque chose.

— Amoooor2...

Sa voix chante et m’appelle, je me sens envoûté comme si elle était une putain de sirène.

Et c’est ce qu’elle est, ma plus belle tentation, ma came… Je veux ma saloperie de dose.

La porte claque derrière nous et elle se jette presque littéralement sur moi.

— Perdón, mi amor3… Je ne sais pas ce qu’il m’a pris… Tu me manquais et…

— Tu m’aimes toujours?

— Bien sûr… Te amo como la luna amo el sol. Por siempre, tu lo sabes4…

Je sens son parfum et la douceur de sa peau dans mes bras. J’oublie tout quand elle est avec moi, elle me tue et je suis victime d’un homicide sexuel volontaire.

Mais j’aime ça.

Ses prunelles sombres me jaugent et m’aguichent en même temps, sa langue passe sur mes lèvres langoureusement et elle me mordille délicatement la bouche.

Elle prend ma main et la glisse sous sa jupe, je m’aperçois alors qu’elle ne porte rien en dessous. Sentir sa peau délicate et humide me rend incontrôlable.

Mes mains se faufilent sous son pull et cherchent ses seins que je sens durcir au contact de mes doigts, et mon corps, lui, n’en peut plus et la veut tout entière. Je la porte jusqu’à la table où je l’allonge et commence à l’embrasser, laissant ma langue glisser sur chaque centimètre carré de sa peau si savoureuse.

Alors que je remonte sa jupe, me laissant entrevoir l’entièreté de son intimité offerte, elle me regarde et sourit victorieusement tout en me lançant :

— Je t’avais manqué, amor…

Je ne suis qu’un pauvre mec dans le couloir de la mort à la merci de son corps.

2 Amour

3 Pardon, mon amour

4 Je t’aime comme la lune aime le soleil. Pour toujours, tu le sais

CHAPITRE 8

Grace

La guerre froide est déclarée, ici. Nous ne parlons presque plus même si je l’entends marmonner dans sa barbe les splendides noms d’oiseaux dont il peut me gratifier.

Je commence à étouffer, je voudrais retrouver mes amis, retourner à Paris, c’était une folie de l’avoir suivi, j’ai perdu tout le monde. Et je me retrouve seule, désemparée, sans famille ni argent… Je me suis moi-même enfermée dans cette tour quelque part, parce que je l’ai laissé mettre main basse sur mes émotions les plus profondes.

J’étais fragile et faible, et il a su profiter de ce moment où je n’étais plus vraiment moi-même. Quand est-ce que je l’ai été de toute façon? Il n’y a que quand je pose les doigts sur mon piano et que je me mets à chanter au rythme des accords qui défilent et dansent que je peux ressentir qui je suis réellement.

Et je ne suis pas ce qu’il me condamne à être. Je ne veux pas être ce genre de femme.

J’enfile une robe de chambre, il est déjà onze heures et demie et je viens seulement de me lever. Je me sens tellement lasse de cette existence! Personne ne m’a réveillée et je suppose qu’il a emmené Lina à l’école. Je n’ai que les courses, le ménage et m’occuper de ma puce comme activités quotidiennes. Ce qui est follement amusant.

Quelle vie merveilleuse, waouh!

Ah et j’oubliais les nombreux compliments auxquels j’ai droit, je suis une femme chanceuse et épanouie. D’ailleurs, je suis sûre que bon nombre adorerait prendre ma place. Qu’elles y viennent, je la leur cède bien volontiers.

Comme Damien tient son propre hôtel, je n’avais pas besoin de travailler et je le croyais aveuglément comme une gamine stupide quand il me disait que j’aurais tout le loisir de m’adonner à ma passion.

Ma main commence à bleuir et mon piano a pris un sacré choc, j’ai peur qu’il ne soit désaccordé à cause de notre dispute.

Une dispute, tu parles! Ça allait bien au-delà…

Il faut que je me sorte de ce calvaire, Dieu seul sait jusqu’où ça pourrait aller.