Littérature allemande - Encyclopaedia Universalis - E-Book

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L'histoire de la littérature allemande est le reflet de son histoire politique. L'Allemagne, longtemps divisée, longtemps incertaine de son identité, ouverte de toutes parts à l'influence de l'étranger, souvent ravagée par les guerres, a produit une littérature où les …

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Seitenzahl: 102

Veröffentlichungsjahr: 2015

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ISBN : 9782852297265

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

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Littérature allemande

Introduction

En 1795 – au milieu même de ce que la postérité devait dénommer le classicisme allemand –, Goethe fait paraître un bref article intitulé « Sans-culottisme littéraire ». C’était une réponse à un médiocre libelle qui venait de déplorer qu’il y eût en Allemagne si peu d’œuvres classiques. Depuis un demi-siècle, répond Goethe, on s’est précisément efforcé de former en Allemagne le goût du public et de guider les jeunes écrivains ; une sorte d’« école invisible » s’est constituée ; on est sorti des ténèbres et on se gardera bien désormais de refermer les volets. Pourtant, ajoute Goethe, il n’existe aucun auteur allemand qui osera se dire « classique ». Pour qu’il y ait un classicisme, il faut une histoire, une tradition, un public, une culture. Rien de tout cela n’existe encore. Et il continue : « On ne peut pas reprocher à la nation allemande que sa situation géographique l’enferme dans d’étroites limites, tandis que sa situation politique la divise. Nous ne désirons certainement pas que se produisent les bouleversements qui pourraient préparer en Allemagne des ouvrages classiques. »

L’Allemagne d’aujourd’hui n’est certes plus celle de 1795. Et, pourtant, les réflexions de Goethe n’ont rien perdu de leur vérité. L’histoire de la littérature allemande est le reflet de son histoire politique. L’Allemagne, longtemps divisée, longtemps incertaine de son identité, ouverte de toutes parts à l’influence de l’étranger, souvent ravagée par les guerres, a produit une littérature où les phases d’ombre ne cessent d’alterner avec les phases de lumière. Dans ce pays sans capitale, les centres intellectuels se déplacent, selon le cours des événements historiques, de Zurich à Leipzig, de Königsberg (ou même Riga) à Weimar ou à Francfort. L’Autriche, qui était restée longtemps une province parmi d’autres, prend conscience depuis Joseph II de ses vertus originales et ouvre des routes qui lui sont propres. Et, il y a moins de quarante ans, l’Allemagne s’est trouvée à nouveau coupée en deux parties, qui d’abord se sont ignorées ou combattues, et, depuis peu de temps seulement, cherchent à nouveau à se rejoindre intellectuellement.

Les chefs-d’œuvre du roman courtois au Moyen Âge ne seraient pas nés sans les modèles français ; le latin reste jusqu’au seuil du XVe siècle la langue des philosophes et des professeurs ; au XVIIe siècle et encore longtemps après, le français est le langage des cours ; les gallicismes encombrent et boursouflent l’allemand courant ; Frédéric II ne fait aucun cas de ses compatriotes et il appelle Voltaire à la cour de Berlin, Maupertuis à l’Académie. On comprend aisément que, lorsqu’une littérature voulut se définir, elle dut s’armer contre l’influence étrangère et rejeter parfois avec humeur la tutelle qui la tenait prisonnière. Le « classicisme » allemand est le dernier des classicismes européens ; le naturalisme, le symbolisme ne prennent pied en Allemagne qu’au moment où ils commencent à s’épuiser en France. Au moins à deux reprises, cependant, ce fut l’Allemagne qui montra la route : le mot « romantisme » a, outre-Rhin, un sens, une profondeur, une originalité qui lui sont propres ; une grande part du lyrisme d’aujourd’hui y prend racine. Et, en littérature comme dans les arts plastiques, l’expressionnisme est pour l’essentiel un produit allemand. Cela ne signifie évidemment pas qu’en dehors de ces deux périodes il n’y ait que de la sécheresse et du vide : les grands écrivains n’ont jamais manqué, mais ils restent isolés, souvent enfermés au fond des provinces, sans lien entre eux, sans écoles, sans académies.

Dans une conférence qu’il prononce à Munich en 1928, Hugo von Hofmannsthal oppose la conscience littéraire en France et en Allemagne : en France, la littérature constitue l’« espace spirituel » ; Molière ou La Fontaine ou Victor Hugo sont présents dans tous les esprits, même les plus humbles ; une sorte de canon esthétique s’est constitué au cours des âges, dans lequel la nation se retrouve ; une tradition, peut-être trop rigide d’ailleurs, a fixé à chacun son rang et n’est que rarement mise en cause. En Allemagne, au contraire, aucun écrivain – même pas Goethe – n’est à l’abri de la contestation ; les valeurs se détruisent et s’inventent sans cesse ; on dirait qu’une puissante « anarchie créatrice » (Hofmannsthal) les fait à tout moment surgir du vide. D’où la difficulté pour l’historien de définir des courants et des lignes directrices.

Claude DAVID

1. Le Moyen Âge et le XVIe siècle

La naissance d’une littérature allemande coïncide avec le règne de Charlemagne. Les grands centres littéraires sont les monastères où l’on transcrit les quelques rares textes témoignant de l’ancienne culture allemande (Charmes de Mersebourg, Chant de Hildebrand). Mais l’essentiel de l’activité consiste à traduire et à commenter les œuvres d’inspiration chrétienne (Livre des Évangiles de Otfrid de Wissembourg, Heliand), et les œuvres originales sont rares (Chant de Louis, Muspilli).

Le règne des empereurs saxons et des premiers Saliens marque un net recul de la littérature en langue vulgaire : le latin prédomine. Hrotswit von Gandersheim, première poétesse allemande, fait œuvre d’historienne et de dramaturge, mais ses pièces de théâtre sont destinées à la lecture. Précieux jalon entre les chants épiques et les épopées du XIIIe siècle, le Waltharius mêle des éléments antiques, chrétiens et germaniques : le héros préfigure le chevalier des époques ultérieures. Vers 1050, le Ruodlieb, premier roman du Moyen Âge, anticipe sur ce que sera la littérature chevaleresque vers 1200. De la survie de l’allemand témoigne Notker III (vers 950-1022), surnommé le Teuton, qui tente sans succès de doter sa langue maternelle d’un vocabulaire philosophique.

• Littérature sacrée, littérature profane (XIe-XIIe s.)

Entre 1060 et 1170, période marquée par les conflits opposant la papauté et l’Empire (Canossa, 1077 ; concordat de Worms, 1122 ; querelle des Investitures) ainsi que par divers mouvements de réforme, il faut distinguer entre deux groupes de textes, ceux d’inspiration cléricale et ceux de la littérature profane.

Jusqu’en 1130, presque toutes les œuvres écrites sont consacrées à des sujets religieux, invitant l’homme à fuir le monde où tout est vanité (Memento mori), retraçant la vie des patriarches (Genèse de Vienne) et l’histoire spirituelle de l’humanité (Chant d’Ezzo). Le fait marquant de cette période est la naissance d’une poésie mariale en langue vulgaire (vers 1150). À partir de 1170 environ, la littérature religieuse n’imprime plus sa marque à la vie littéraire allemande.

Parallèlement à ce mouvement, la littérature profane connaît un nouvel essor vers 1125-1150, et voit la création d’œuvres se répartissant en deux groupes : les épopées de clercs et les épopées dites, à tort, de jongleurs. La notion d’empire occupe une place prépondérante dans le Rolandslied d’un certain Konrad, adaptation fort libre de La Chanson de Roland, et dans La Chronique des Empereurs, ouvrage hétéroclite et touffu se trouvant à la croisée des courants les plus divers mais qui présente de ce fait un grand intérêt. Le goût de l’exotisme et du merveilleux transparaît dans La Chanson d’Alexandre, adaptation d’un ouvrage français.

Le second groupe comprend deux œuvres importantes, Le Roi Rother (vers 1150-1160), s’organisant autour du thème de la quête de la fiancée et ayant pour arrière-plan le monde des croisades, et Le Duc Ernst (vers 1190), centré sur le thème du vassal qui se révolte contre son suzerain, fuit l’Empire et traverse des aventures merveilleuses dans un Orient fabuleux avant de se réconcilier avec l’empereur.

• L’épanouissement de l’idéal courtois au XIIIe siècle

Les années 1170-1270 marquent un premier sommet de la littérature allemande. Cet épanouissement suivant de peu le développement historique (réussite politique des Hohenstaufen et fin des hésitations dynastiques pour un siècle) est dû à des influences venues de France. Les caractéristiques de ce temps sont le recul des œuvres religieuses, la vogue de l’épopée et de la poésie lyrique, l’importance de la forme, l’unification de la langue poétique à partir des parlers de l’Allemagne du Sud qui devient le grand centre culturel. Cette mutation correspond à l’épanouissement d’un idéal qui est celui de la chevalerie : le chevalier est un homme de bonne naissance, ayant reçu une éducation développant corps et esprit, devant pratiquer les vertus telles que force, courage, droiture et parfait savoir-vivre, fidélité, mesure et largesse. Le nouvel idéal est une tentative de synthèse entre les exigences de la vie en société et les devoirs du chrétien.

L’influence des nouvelles idées est perceptible dans les deux monuments de l’épopée héroïque, la Chanson de Nibelungen et Kudrun (vers 1240), remarquable par la courtoisie, la patience et la générosité de l’héroïne. Outre ces œuvres majeures, il faut citer les poèmes héroïques des gestes de Théodoric de Vérone, du roi Ortnit et de Wolfdietrich, écho très affaibli des antiques chants germaniques exaltant la notion de fidélité vassalique et riches en aventures merveilleuses.

Les romans importants de cette période sont des adaptations courtoises d’œuvres françaises, Énéide (vers 1170-1190) où Heinrich von Veldeke « ente la première greffe sur l’arbre de la poésie allemande ». Entre 1185 et 1205, Hartmann von Aue, le premier des grands classiques du roman courtois, introduit dans son pays les romans de la Table ronde et du roi Arthur, s’inspirant des œuvres de Chrétien de Troyes (Érec, Yvain) centrées sur les problèmes que pose la vie du couple dans la société aristocratique : comment concilier amour et prouesse ? Hartmann suit son modèle de près dans Iwein, dans Érec l’adaptation est plus libre et l’accent porte sur la règle fondamentale de l’idéal courtois : être agréable à Dieu et au monde. Dans son Parzival (vers 1210) adaptation du Conte du Graal de Chrétien, Wolfram von Eschenbach montre que l’idéal est réalisable : Parzival sait mériter la bienveillance du monde sans compromettre son salut. Vers 1210, Gottfried de Strasbourg semble remettre en cause les fondements de cet idéal dans Tristan. Tout en suivant le poème de Thomas de Bretagne (vers 1180), il y ajoute ses propres idées pour exalter, dans une langue admirable, l’élite restreinte des « cœurs nobles », de ceux qui ont compris qu’amour et peine sont inséparables. Si Tristan et Iseult incarnent certaines valeurs de l’idéal courtois, ils en refusent les exigences : l’amour est absolu et les autres vertus sont jugées par référence à lui ; là réside l’ambiguïté du roman, glorifiant l’amour même quand il est adultère.

La poésie lyrique et didactique représente une autre facette de l’activité littéraire du siècle des Hohenstaufen. Les chantres de l’amour courtois célèbrent le vasselage d’amour. Walther von der Vogelweide, le plus grand d’entre eux, refuse cependant de se consumer en une vaine attente et proclame la supériorité de la femme aimante sur la dame orgueilleuse. La poésie didactique s’occupe de la conduite que l’amour doit adopter dans le monde ; avec Walther, elle devient poésie politique. Le poète prend position dans le conflit opposant papauté et Empire, fustige la prétention du pape à vouloir régner sur le temporel comme sur le spirituel. Après Walther, Reinmar von Zweter maintient le genre à un certain niveau, mais bientôt il devient l’apanage des poètes bourgeois (Freidank) et n’exprime plus qu’un moralisme prosaïque.

Outre les tendances citées, le XIIIe siècle voit éclore des genres qui occuperont une place importante dans les lettres du bas Moyen Âge, le fabliau, avec le Stricker, et la satire perceptible dans Reinhart Fuchs de l’Alsacien Henri (vers 1180) et évidente dans Helmbrecht le Fermier, de Werner le Jardinier, qui stigmatise la prétention des jeunes rustres ambitieux voulant rivaliser avec les chevaliers et dénonçant la décadence de la chevalerie.

Le XIIIe siècle est aussi une charnière : on commence à écrire en prose. Cette nouveauté touche d’abord le droit (Eike de Repgau) et l’histoire, gagne du terrain sous l’influence de la littérature cléricale, qui revit dès 1250, et du développement de la prédication dont le plus célèbre représentant est Berthold von Regensburg. Cette évolution coïncide presque avec le début du Grand Interrègne (1254).

• L’essor de la culture bourgeoise (XIVe-XVe s.)