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Un panorama des lettres hispano-américaines peut-il être autre chose qu'une juxtaposition de vues sur les littératures propres à chacune des nations qui forment l'Amérique hispanique ?
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Seitenzahl: 73
Veröffentlichungsjahr: 2016
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ISBN : 9782341002011
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Un panorama des lettres hispano-américaines peut-il être autre chose qu’une juxtaposition de vues sur les littératures propres à chacune des nations qui forment l’Amérique hispanique ? On pourrait d’abord en douter. Pourtant, quelles que soient les différences dues à la diversité des climats, des sources et des modes de peuplement, à l’inégalité de l’évolution économique et sociale, ce sont, du point de vue littéraire, les ressemblances qui, de beaucoup, l’emportent. Elles sont essentiellement le résultat de trois siècles de domination espagnole, autant que d’un effort commun et simultané pour s’en libérer. Cette émancipation accomplie, la tradition espagnole n’en a pas moins subsisté dans la religion, les mœurs, les goûts et, par-dessus tout (malgré des différences dialectales qui vont d’ailleurs s’effaçant) dans la langue. Certes – contre le vœu du libérateur Bolivar –, les nouvelles nations issues du démembrement de l’ancien empire espagnol ont, en général, moins cultivé le sentiment de leur unité que celui de leurs particularismes. Aujourd’hui encore la définition, toujours inachevée, de leur identité nationale (« mexicanité », « péruvianité », « argentinité », etc.) offre aux littérateurs un thème inépuisable de spéculations plus ou moins arbitraires. Mais pour qui observe de l’extérieur cette vaste partie du monde, le développement des lettres y apparaît remarquablement analogue en ce qu’il résulte d’une évolution politique très similaires : passage brusque d’une économie agraire quasi féodale aux formes modernes du capitalisme ; dictatures nées de coups d’État ou de révolutions avortées ; conflits entre nations limitrophes ; et, plus récemment, résistance à l’impérialisme nord-américain – autant de facteurs qui ont déterminé chez les écrivains de ces nations un état d’inquiétude et de mobilisation permanente, moins favorable à l’exercice des lettres pures qu’à celui d’une littérature d’action. Aussi bien, malgré des exceptions (notamment au début de la période dite moderniste), ce caractère militant fut et reste l’un des traits saillants et communs de la littérature en prose.
On note, d’autre part, le fait que la ligne de démarcation est moins nette qu’en d’autres lieux entre la prose et la poésie, la plupart des écrivains qui comptent ayant été à la fois poètes et prosateurs (le cas de D. F. Sarmiento, J. Montalvo ou J. E. Rodó, qui n’ont guère écrit qu’en prose, est exceptionnel). Et si la poésie fut et continue d’être largement pratiquée presque partout, ainsi que la littérature historique, la narration brève et l’essai, en revanche le roman proprement dit n’est guère apparu que dans la seconde moitié du XIXe siècle. Quant à la littérature dramatique, elle est généralement négligeable.
Autre caractéristique, la proportion élevée d’auteurs importants ayant exercé des fonctions diplomatiques et consulaires (R. Darío, A. Blest Gana, A. Reyes, M. A. Asturias, P. Neruda, O. Paz, etc.) contribue à manifester les liens qui existent, d’une part entre la culture proprement hispano-américaine et celle du dehors, et, d’autre part, entre la littérature et la politique.
On ne saurait trop insister sur ces liens. À la différence des hommes de lettres européens, les auteurs hispano-américains se définissent moins en fonction de telle esthétique ou de telle idéologie que par l’importance relative qu’ils donnent à l’idéologie et à l’esthétique ; moins par la préférence qu’ils donnent à telle ou telle littérature étrangère que par leur ouverture – ou leur opposition – aux influences étrangères, d’où qu’elles viennent. Au reste, dans la mesure où les écrivains participent aux luttes politiques et sociales, la plupart tendent à adopter des positions réformistes ou franchement révolutionnaires, et ceux qui se désintéressent de ces luttes s’avouent de moins en moins conservateurs ou réactionnaires, alors que les gouvernements de leur pays le sont pour la plupart. D’où le nombre assez considérable de ceux qui ont vécu, de gré ou de force, hors de leurs frontières (éventuellement dans l’exil plus ou moins doré de quelque ambassade).
C’est notamment parmi ceux-là qu’on retrouve, opposé aux nationalismes à vues courtes, un patriotisme subcontinental analogue à celui qui animait leurs ancêtres aux origines de l’Indépendance.
Encore qu’elles n’aient rien d’« hispanique », on se résignerait mal à passer sous silence les manifestations littéraires des populations aborigènes. Mais ce qu’en ont préservé ou reconstitué les chroniqueurs, espagnols ou métis, des premiers temps qui suivirent la conquête, ainsi que les recherches des érudits de notre temps, forme un corpus réduit et d’authenticité discutable, étant donné l’absence d’écriture proprement dite, même dans les cultures précolombiennes les plus évoluées. Tels vestiges de la lyrique aztèque (cf. les ouvrages d’Angel María Garibay) et tels livres sacrés de l’aire maya-quiché (Popol Vuh, Livres de Chilam Balam) permettent de s’en faire une assez haute idée. Mais, une fois passé l’étonnement de la découverte, les clercs qui les avaient recueillis et l’administration vice-royale ont surtout pris à tâche de substituer dans tous les domaines, ad majorem Dei gloriam, aux survivances des âges païens la culture catholique de la Péninsule. Au Pérou, la Chronique de Huamán Poma de Ayala et les émouvants Comentarios reales du métis Garcilaso de la Vega, dit l’Inca (XVIe siècle), témoignent presque seuls d’une collaboration hispano-indienne restée sans lendemain.
Au demeurant, malgré la fondation des premières universités (à Saint-Domingue, puis à Lima) et l’introduction de l’imprimerie (à Mexico en 1537), la culture demeura le privilège d’une minorité espagnole ou créole, tandis que les masses corvéables demeuraient analphabètes. Pendant presque toute la période coloniale, la littérature hispano-américaine ne représente donc qu’un chapitre de la littérature espagnole, qui la revendique à juste titre.
L’apport le plus original y est constitué par l’histoire de la conquête et la description des territoires et des peuples conquis. Aux relations des découvreurs et des conquérants (Colomb, Cortés, Bernal Díaz del Castillo), s’ajoutent celles des missionnaires (le franciscain Bernardino de Sahagún, le jésuite José de Acosta). Parmi ces derniers écrits, une place à part revient à ceux, courageux – notamment la Brevísima Relación de la destrucción de las Indias (1542) –, du père dominicain Bartolomé de Las Casas, défenseur des Indiens (sinon des Noirs...), tant pour leur éloquence que pour la générosité qui les anime.
Graduellement, au propos documentaire et apostolique, s’ajoutent des desseins proprement littéraires, sous l’influence notamment de la Compagnie de Jésus. Remarquable à cet égard est le poème en neuf chants où Bernardo de Balbuena, futur évêque de Porto Rico, exaltait la Grandeza mejicana (1604). Le mélange de faste rhétorique et d’exubérance naturelle y propose un équivalent littéraire de ce baroque tropical prodigué à la même époque dans les édifices religieux de la Nouvelle-Espagne.
La difficile conquête du Chili sur les tribus guerrières des Araucans inspira deux épopées à l’antique : l’Araucana (1569-1589), d’Alonso Ercilla y Zúñiga, et l’Arauco Domado (1596), de pedro de Oña, où les réminiscences de l’Arioste ne sont pas moins sensibles que l’imitation de Virgile.
L’apogée du genre dramatique en Espagne durant le Siècle d’or eut peu de répercussion dans le Nouveau Monde. Cependant le théâtre n’en est pas absent. Religieux d’abord, à des fins d’évangélisation, il a tendu progressivement à se laïciser. Mais c’est un hasard qui a fait naître à Mexico Juan Ruíz de Alarcón (1581-1639), auteur de La Verdad sospechosa (source du Menteur de Corneille) : ses comédies de caractère, justement fameuses, ne doivent rien au climat de la vice-royauté.
Le plus étonnant phénomène que produisit cette colonie est l’œuvre de Juana de Asbaje (1648-1695), devenue en religion Sor Juana Inés de la Cruz. Pourvue de tous les dons, également curieuse de littérature, de science et de théologie, Juana préféra bientôt à la cour du vice-roi la retraite d’un couvent de hiéronymites. De sa production multiforme on retient surtout ses poèmes, précieux et mystiques, où la pénétration et la virtuosité de la moniale portent les marques d’un génie à la fois ardent et contrôlé, sans pair.
En dépit de l’Inquisition et de toutes les précautions prises par les pouvoirs pour maintenir les esprits dans les bornes de l’orthodoxie religieuse et politique, les « lumières » du XVIIIe