Littératures des Caraïbes - Encyclopaedia Universalis - E-Book

Littératures des Caraïbes E-Book

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Le terme « Caraïbe » s'est peu à peu imposé pour nommer l'ensemble des îles et des pays qui bordent la mer des Antilles, en particulier lorsqu'il s'agit de désigner les réalisations culturelles de la région. Il tend à remplacer le mot « antillais » qui s'était diffusé au XIXe siècle dans un contexte colonial.

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Veröffentlichungsjahr: 2016

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ISBN : 9782341003056

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

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Littératures des Caraïbes

Introduction

Le terme « Caraïbe » s’est peu à peu imposé pour nommer l’ensemble des îles et des pays qui bordent la mer des Antilles, en particulier lorsqu’il s’agit de désigner les réalisations culturelles de la région. Il tend à remplacer le mot « antillais » qui s’était diffusé au XIXe siècle dans un contexte colonial. Renvoyant aux Indiens caraïbes, victimes du génocide lent de la colonisation, il manifeste la volonté d’ancrer la vie culturelle dans les racines les plus profondes des îles.

Si la culture caraïbe originelle n’est plus qu’un objet d’études pour les archéologues, il s’est développé, dans la créolisation de cette partie du monde, un ensemble de cultures très originales aussi bien dans la vie quotidienne (cuisine...) que dans les formes esthétiques (musique, peinture, littérature...). Les littératures, en langues européennes importées mais aussi dans les langues – les créoles – qui se sont développées sur place, apparaissent dès le XVIIIe siècle. Elles prennent au XIXe siècle et surtout au XXe siècle une ampleur considérable. Des mouvements comme la « négritude » ou le « négrisme », le « réalisme magique » ou « merveilleux », la « créolité » connaissent une influence débordant largement la Caraïbe. Le prix Nobel de littérature a récompensé deux grands écrivains caribéens : Derek Walcott (1992) et V. S. Naipaul (2001).

1. La littérature de langue française

• Les origines

Malgré le discrédit que jettent, aux premiers siècles de la colonisation, les créoles expatriés ou les voyageurs sur la vie culturelle aux îles françaises de la Caraïbe (« Les talents n’y sont point connus ; et l’homme de lettres, fût-il créole, y porte un air étranger », écrivait à la fin du XVIIIe siècle le Guadeloupéen Léonard, installé en France et admiré pour ses Idylles [1766], auxquelles Sainte-Beuve devait reprocher de manquer de couleur locale), il existe, surtout à Saint-Domingue, une importante activité intellectuelle : en témoignent l’existence de cabinets de lecture, la mise en place d’imprimeries (la première en 1763) diffusant des almanachs et des journaux (La Gazette de Saint-Domingue à partir de 1764), la publication de travaux d’érudits locaux, le succès des théâtres (dès 1740 dans la ville du Cap-Français), qui donnent parfois des pièces d’inspiration locale, où l’on fait même une place à la langue créole. Cependant, l’essentiel de la littérature des îles aux XVIIe et XVIIIe siècles est constitué de textes écrits par et pour des Français de la métropole : récits de voyage, « relations » des missionnaires, descriptions à visée scientifique. Ces textes, qui opèrent une prise de possession des îles par l’écriture, veulent intéresser leurs lecteurs à ce monde nouveau, voire susciter des vocations coloniales. L’Histoire générale des Antilles habitées par les Français (1667-1671) du père Du Tertre rassemble une documentation qui se veut exhaustive et expose un point de vue « officiel ». Les Nouveaux Voyages aux îles de l’Amérique (1722) du père Labat, plus pragmatiques, agrémentent d’anecdotes souvent savoureuses la peinture des mœurs coloniales. Avec Moreau de Saint-Méry, né à la Martinique, se fait jour le projet d’une encyclopédie du savoir colonial : sa Description [...] de la partie française de l’île de Saint-Domingue (1797) nous donne un inventaire longtemps inégalé des réalités créoles.

• La littérature haïtienne

Bien que l’accession à l’indépendance, en 1804, ait bouleversé de fond en comble toutes les structures de l’ancienne colonie de Saint-Domingue, le français est demeuré langue officielle d’Haïti. Sans doute le créole est-il la langue maternelle de la plupart des habitants, mais l’usage du français, langue de grand prestige culturel, devait manifester, aux yeux de l’étranger, le haut degré de civilisation atteint par les Haïtiens. De plus, à l’intérieur du pays, la maîtrise du français constitue l’un des critères d’appartenance à l’élite nationale. Une telle situation ne pouvait que favoriser la pratique littéraire : la production d’Haïti est, proportionnellement, la plus abondante d’Amérique, après celle des États-Unis. Elle est étroitement liée à l’œuvre de construction nationale, et ne peut donc être que patriotique. En même temps, elle est longtemps restée tournée vers la France (et ce tropisme n’a pas complètement disparu), comme pour recevoir sa légitimation d’un pays considéré comme l’arbitre des valeurs littéraires.

Un nationalisme littéraire

Les premiers textes (avec Vastey, Chanlatte ou Colombel) sont donc militants. Ils jouent leur partie dans les conflits pour le pouvoir qui ravagent le jeune État ; surtout, ils défendent l’indépendance de la nation et magnifient les mérites du peuple noir. Le théâtre et les chansons reflètent l’actualité et l’évolution des mœurs (François Lhérison, dans ses Chansons créoles, publiées aux Cayes au milieu du XIXe siècle mais aujourd’hui perdues, est sans doute le premier à recourir systématiquement à la langue populaire). La poésie, d’abord classique et élégiaque, s’accorde aux nouveautés du romantisme triomphant (Coriolan Ardouin et Ignace Nau cultivent leur mélancolie de jeunes gens promis à une mort précoce). Des revues littéraires, comme L’Abeille haytienne de Milscent, fondée en 1817, tentent de durer et de constituer un public littéraire. Le succès des idées romantiques favorise le développement d’un nationalisme littéraire : Émile Nau propose de prendre des distances avec « l’atticisme parisien » et de « naturaliser » le français, « langue quelque peu brunie sous les tropiques ». On se tourne vers l’histoire pour fonder l’identité nationale. Thomas Madiou publie trois volumes d’une Histoire d’Haïti (1847-1848), qui conduisent jusqu’en 1808 et bénéficient de nombreux témoignages oraux. Beaubrun Ardouin les complète et les continue dans ses Études sur l’histoire d’Haïti (1853-1860). Le premier roman haïtien est nécessairement un roman historique : c’est Stella (1859) d’Émeric Bergeaud, qui raconte un épisode des luttes pour l’indépendance. Tout au long du siècle, les écrivains célébreront Haïti comme le pays qui témoigne pour tout le peuple noir. C’est le titre explicite d’un ouvrage d’Hannibal Price publié en 1900 (Réhabilitation de la race noire par la république d’Haïti), de son côté, Anténor Firmin, en 1885, réfute Gobineau (L’Égalité des races humaines). Tout en continuant de suivre les modèles français, la poésie se fait volontiers patriotique, même chez Oswald Durand (1840-1906), très populaire en son temps et pourtant plus à l’aise dans l’aimable mélancolie des chansons créoles (Choucoune), ou dans les poèmes d’amour malheureux parce que traversé par le préjugé de couleur. Tertullien Guilbaud et surtout Massillon Coicou (qui devait mourir fusillé par un peloton d’exécution) sont les maîtres d’une poésie qui cherche à exorciser le déchaînement des guerres civiles. Des romanciers comme Frédéric Marcelin (Thémistocle-EpaminondasLabasterre, 1901) ou Fernand Hibbert (Séna, 1905) font le tableau amusé des mœurs populaires et la satire de la vie politique. Justin Lhérisson donne avec La Famille des Pitite-Caille (1905) un classique de la littérature haïtienne : il innove en empruntant sa forme à l’audience (sorte de palabre de la haïtienne) et sa langue au parler national créole.

L’appel de l’Afrique

L’intervention armée des États-Unis en 1915, qui entraîne l’occupation jusqu’en 1930 et la mise sous tutelle du pays, provoque un choc considérable. Une grave crise intellectuelle et morale ébranle la société haïtienne. Malgré la considération que l’on porte aux poèmes philosophiques d’Etzer Vilaire, malgré le charme des poésies symbolistes de Duraciné Vaval et Damoclès Vieux, l’élite haïtienne éprouve le besoin de rompre avec une tradition culturelle trop française. Infléchissant l’orientation nationaliste de La Ronde, revue qui a marqué les années 1900, La Revue indigène (fondée en 1927) et Les Griots (qui commence à paraître en 1938 et qui évoluera vers le populisme « noiriste » de l’ère Duvalier) soulignent par leurs titres la volonté de se retremper aux sources populaires et africaines. Lancé par Normil Sylvain, contesté par Dantès Bellegarde qui revendique l’appartenance d’Haïti à la culture française, le thème du recours à l’Afrique a trouvé son héraut en la personne du docteur Jean Price-Mars. Ses conférences, réunies en 1928 dans Ainsi parla l’oncle