Louise et Apophia - Claudia Fath - E-Book

Louise et Apophia E-Book

Claudia Fath

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Beschreibung

Apophia et Louise échangent un premier regard riche en émotion partagée. Et pourtant, tout les sépare en apparence. C'est par l'intermédiaire de Ninna, sa fille, que Louise, la quarantaine et du charme, rencontre la jeune et jolie africaine Apophia. L'une est ingénieure, l'autre médecin. Il n'a suffi que de cette conversation pour mettre en lumière les conséquences de leur philosophie de vie à la suite d'un évènement familial douloureux.

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Seitenzahl: 103

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Louise et ses parents ont tout quitté avec comme seul bagage des angoisses que Ninna porte à son insu depuis sa naissance jusqu’au jour où elle fait la connaissance d’Apophia.

En souvenir de ton inoubliable dernier clin d’œil vert clair.

Table des matières

Les fragilités de Louise

Louise amoureuse

Louise, une épouse comblée

Les origines familiales de Louise

La famille s’agrandit

Les préparatifs de Noël

La meilleure copine

L’enfance ensoleillée

L’homme blanc

Une nouvelle amie

Apophia

La rose des sables

L’évasion

Le départ

Une mère de substitution

Une mauvaise nouvelle

Louise et Apophia

Le retour au pays

1. Les fragilités de Louise

Son apprentissage de la marche avait surpris bien des personnes dans son entourage. Louise ne prenait jamais de virage en marchant. Cela se traduisait donc systématiquement par un arrêt puis par un changement de direction de son corps avant de reprendre sa marche pour atteindre sa cible. Son père s’en amusait au début avant de s’en inquiéter. Sa mère le rassurait pensant qu’elle agissait ainsi par manque d’assurance. Elle avait raison car peu de jours de pratique ont suffi à Louise pour se déplacer comme vous et moi qui ne souffrons d’aucun handicap physique. D’ailleurs quelques années plus tard, Louise démontra une radicale façon de descendre de son vélo sans petite roulette. Très simplement elle freinait pour l’arrêter puis elle se laissait tomber. Bizarrement elle ne pleurait pas mais elle inquiétait sa mère quand celle-ci découvrait ses genoux et ses coudes en sang. Ses parents comprirent assez vite pourquoi elle n’utilisait pas souvent son vélo. Sa mère surtout sentait chez elle ses doutes si bien qu’elle redoubla d’attention et de protection face à elle, si fragile à ses yeux. En grandissant Louise prenait beaucoup de plaisir à voir sa mère cuisiner de nombreux plats particulièrement quand la famille maternelle venait déjeuner à la maison. La délicatesse de la préparation des spécialités familiales était identique à celle que la mère de Louise portait aux siens. Elle se manifestait dès que la sonnerie de la porte d’entrée retentissait.

- Louise, veux-tu aller ouvrir à Tonton Paul, Tata Monique s’il te plaît ?

Louise se précipitait pour écourter leur attente, convaincue que c’était le premier signe de délicatesse envers des invités.

- Bonjour Louise.

- Tu as bien grandi ! lui disait systématiquement son oncle dès qu’il la voyait c’est-à-dire trop souvent à son goût. Elle haussait les épaules en riant car elle savait bien que cette moquerie n’avait pas d’autre dessein que de la taquiner. Une fois à table, le festin démarrait par des entrées à base de charcuterie et servies sous forme de pâtés, de feuilletés et de tourtes. Du Ricard en été ou du vin rouge en hiver les accompagnait. Louise savourait son sirop d’orgeat, avec des glaçons en plus l’été. Pendant ce temps elle écoutait les adultes, toujours les premiers à entamer la conversation dont elle savait qu’elle s’éterniserait.

- Tiens j’ai eu des nouvelles de Suzette. Tu sais celle qui habitait à l’angle de l’épicerie de Monsieur Bouchard. Elle a perdu ses parents dans un accident de voiture. Déjà en dépression, elle n’arrive pas à s’en remettre.

- Tu te souviens de Madeleine. Elle était au collège avec Angèle et Pierre. Elle vient d’accoucher d’un petit garçon qui se prénomme Léon.

Au fil des discussions ininterrompues, Louise n’écoutait plus rien. Elle ne voyait sur la table que des assiettes de brochettes de saucisson dont chaque rondelle portait l’inscription d’un prénom entendu dans ces flots de paroles : Suzette, Madeleine, Georgette, Laurence, Madeleine, Angèle, Pierre, Léon, Antoine, Luc, Clément, Armand, Armande, Marie, Odette, Jean-Claude, Hélène, René, Roger, Bernadette, Anne, Annie, François, Fernand, Irène, Yvonne, Christiane, Jean-Pierre, Eugène, Yves, Guy, Michel, Robert, et bien d’autres encore, séparée par un mot ou un nom de rue trop compliqué à prononcer pour elle, bref du charabia. Bien sûr à chaque repas familial les brochettes s’allongeaient. Pas facile à digérer tout ça avec le temps pensait Louise. D’ailleurs au moment de servir le café, sa mère lui lançait un clin d’œil en guise de signal pour sortir de table.

- Merci Maman.

Louise filait à toute allure jouer dans sa chambre ou dans le jardin si la météo s’y prêtait. L’angoisse montait chez elle avec l’accumulation de tous ces prénoms et de ces mots inconnus qui lui suggéraient pourtant l’existence d’une vie passée ailleurs.

Vers l’âge d’un peu plus de dix-sept ans, son père se mit en tête de la préparer à passer son permis de conduire.

Un matin alors qu’elle prenait son petit déjeuner son papa s’assit auprès d’elle.

- Tu es dans l’année de tes dix-huit ans, âge auquel tu vas passer ton permis de conduire. J’ai réfléchi. Je vais te préparer à la pratique avant que tu commences des leçons. Et je vais t’acheter le livre du code de la route.

Les paroles du père de Louise étaient toujours rapidement suivies des faits. Ainsi le samedi matin suivant, en ouvrant les volets de sa chambre, elle aperçut au loin la voiture familiale qui ne semblait pas toucher terre. Elle frotta ses yeux, pensant ne pas être bien réveillée. Sa vision était la même. Elle descendit à la cuisine et ne croisa personne. Elle prépara son petit déjeuner. A peine installée, elle entendit les pas pressés de son père.

- Bonjour Louise. As-tu bien dormi ?

- Oui Papa.

- C’est parfait. Dès que tu as fini, tu vas à la grange.

- Très bien. A toute à l’heure.

Comme convenu, Louise rejoignit son père. Elle prit juste dans le vestibule sa casquette bleue marine avec une ancre marine blanche sur la visière, y enfonça ses cheveux mi longs châtains clairs. C’est qu’il commençait à faire chaud à la mi-juin. Tout en marchant elle regrettait de ne pas avoir pris ses lunettes de soleil.

- Ah te voilà Louise, lui lança son père tout joyeux.

Elle s’immobilisa. Elle n’avait jamais vu ça. Depuis son réveil elle ne rêvait pas. Pour la première fois de sa vie elle leva la tête pour regarder la grosse berline familiale. En effet celle-ci était posée sur quatre cales, aussi stable qu’une chaise sur ses quatre pieds.

- Louise, je vais te montrer.

Son père grimpa dans la voiture, en s’aidant d’un tabouret à trois pieds en guise de marche pied. Il ferma la portière. Il était au volant. Il mit le contact. Elle ne voyait que les roues dont celles de devant qui se mettaient en mouvement, de plus en plus vite. Jusque-là tout semblait normal puisque c’était une traction avant se disait-elle. Le clignotant droit était actionné en alternance avec le gauche et synchronisé avec l’orientation des roues. Elle sentait l’odeur du gaz d’échappement. La voiture ne s’ébranlait pas. Puis les roues s’immobilisèrent. Le moteur s’arrêta. Son père descendit de la même façon qu’il était monté. A cet instant, elle réalisa que de spectatrice elle devenait le pilote d’un engin roulant qui justement ne roulait pas. Cette scène au cinéma ne serait pas passée inaperçue se disait-elle.

- Louise, tu vas prendre ma place au volant et moi je prends celle du passager. Ensuite je vais t’expliquer chaque geste.

Inquiète, elle se retrouva assise au volant. Mais elle était beaucoup plus petite que son père ! - Attends-moi, je reviens, lui lança son père d’un air aussi grave qu’un salarié des pompes funèbres.

Il revint une dizaine de minutes après, équipé de deux coussins que Louise plaça sur son siège. En effet, ça changeait tout. Maintenant elle voyait droit devant elle le capot et deux arbres, un cerisier et un mirabellier. Son père lui expliqua la mise en route du moteur puis les gestes pour passer la première vitesse. Pas évident ce phénomène de balancier entre les deux pédales à l’extrémité, l’accélérateur à droite et l’embrayage à gauche. Elle en aurait oublié facilement celle du milieu, le frein, dans ce contexte. Elle s’exécuta. Elle cala, puis elle redémarra. Au début le moteur alternait entre sous régime et sur régime puis tout à coup Louise semblait rouler à bonne allure. Enfin façon de parler. Alors son père lui demanda de tourner à droite. Et elle tourna aussitôt le volant à droite.

- N’oublie pas de mettre le clignotant à droite quand tu tournes à droite. Et pareil pour tourner à gauche, lança son père.

Avec fermeté et force, elle se saisit du commodo clignotant qui lui resta immédiatement dans la main. Son père, surpris, un peu agacé, le prit, ouvrit la portière et descendit avec élan sans penser qu’il était perché. Elle entendit un bruit sec et un gémissement. Puis la tête de son père réapparut. C’était bon signe sourit Louise qui vit son père disparaître dans le garage. Soulagée, elle ne s’attarda pas non plus et elle se dirigea d’un pas soutenu vers la maison. Elle pensa à planifier sans délai le reste de sa journée au cas où son père lui proposerait une nouvelle séance. Mais il n’y eut plus d’autres séances !

2. Louise amoureuse

Les deux « L », comme les surnomment parfois leur fille Ninna quand ils la contrarient n’auraient pas dû se rencontrer. Nés sur deux continents différents, c’est la famille de Louise qui s’est installée dans la région où vivait celle de Lucien. Elle était alors âgée de neuf mois. Au lycée, il fréquentait une bande de copains et de copines qui aimaient s’amuser, toujours partants pour mettre de l’ambiance. En particulier ils organisaient des soirées, les samedis. Ils avaient le sens de la fête. Avec leurs cheveux longs, leurs pantalons à pattes d’éléphants et leurs chemises à fleur ils ne passaient pas inaperçus auprès des autres lycéens. Cette notoriété légitimement acquise auprès d’eux suffisait pour que ces derniers s’inscrivent nombreux le mercredi pour la fête. Lucien avait le rôle d’organisateur et de trésorier. C’est lui qui réservait la salle communale du village où il habitait. Le reste de l’équipe se chargeait de la sono, du disc-jockey et des boissons. C’était un séducteur qui avait besoin de plaire et de séduire. Il accumulait avec tant de rapidité les flirts avec les filles les plus jolies du lycée qu’il pensait sincèrement les avoir toutes abordées. Mais une lui a manifestement échappé. Il est vrai qu’elle ne traînait pas trop dans les couloirs du lycée. Son père Jean la déposait chaque jour cinq minutes avant le début des cours et venait la chercher ponctuellement à la fin des cours. Son statut d’entrepreneur lui permettait d’adapter ses horaires. Cette illusion d’être d’un rang social élevé inspirait Louise au point de le désigner de temps en temps comme son chauffeur particulier. Ils en riaient bien volontiers. Elle ne participait pas non plus aux activités extra scolaires. Quand elle n’étudiait pas, elle aidait ses parents, propriétaires viticoles, sauf durant la période estivale, de Juillet à Août, durant laquelle elle travaillait à la piscine en plein air de sa ville. Elle y travaillait toute la journée presque sans coupure, juste le temps d’avaler le déjeuner frugal préparé par sa mère. Elle s’occupait des vestiaires, elle gardait les vêtements en échange d’un bracelet en caoutchouc rouge numéroté. Très sollicitée le matin et en fin d’après-midi, le reste du temps elle lisait au fond du local sombre sans fenêtre, assise sur une chaise coincée entre une armoire en fer rouillée et le mur en chaux noirâtre. C’est à cette époque que lui est venu ce goût prononcé pour la littérature, en particulier les romans autobiographiques. Elle n’oubliait jamais de passer à la bibliothèque le lundi, jour de fermeture de la piscine, pour faire le plein de livres pour la semaine. Gracieuse, polie, gentille et mignonne, elle plaisait beaucoup aux hommes. Le sachant, elle restait toujours très discrète et de marbre face à tous les courtisans venus exposer leur anatomie d’Apollon. Elle avait tant besoin d’un peu d’argent pour financer ses frais de scolarité. Un jour, un des copains de Lucien suggéra à la troupe de passer une journée à la piscine où elle travaillait. Ce plan d’eau était réputé dans la région pour ses nombreux bassins extérieurs dont un olympique, sa cafétéria, ses terrains de volley sablonneux, ses nombreux sols pleureurs, ses espaces verdoyants bordant d’immenses pelouses. Un vrai paradis ! C’était le premier dimanche de Juillet, avant la dernière semaine de cours, qu’ils se donnèrent rendez-vous le matin devant l’entrée. Lucien était accompagné de Marjorie, sa petite amie depuis à peine deux semaines.

En s’approchant des vestiaires, l’équipe lança à Louise un salut enjoué.