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La notion de lyrisme unit traditionnellement la poésie au chant. Ce terme doit en effet son nom à la lyre dont les accords harmonieux accompagnaient dans l'Antiquité les compositions des aèdes.
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Seitenzahl: 60
Veröffentlichungsjahr: 2016
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ISBN : 9782341004039
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La notion de lyrisme unit traditionnellement la poésie au chant. Ce terme doit en effet son nom à la lyre dont les accords harmonieux accompagnaient dans l’Antiquité les compositions des aèdes. Associé à la figure d’Apollon ou d’Orphée, cet instrument pacificateur devint le symbole de l’inspiration poétique et des pouvoirs du poète : suspendre le temps, calmer les souffrances, apprivoiser la mort... Issu de la langue grecque, l’adjectif « lyrique » apparaît en français au XVIe siècle, et se répand largement dans toutes les langues européennes. Plus tardif, le néologisme « lyrisme » date du début du XIXe siècle : il semble qu’il vienne traduire l’hégémonie romantique du genre lyrique, voire l’identification complète de la poésie à sa part la plus subjective. Pourtant, le lyrisme ne saurait se réduire à la seule catégorie de l’expression personnelle du poète. S’il se nourrit d’intimité, l’altérité le travaille. S’il articule une voix toute personnelle, c’est souvent pour y faire entendre l’épreuve de l’impersonnalité même. En fait, le lyrisme associe étroitement trois données : la subjectivité, le chant et l’idéalité.
Subjectif, le lyrisme prête voix au contenu sentimental de l’existence du sujet. Le poète lyrique est par excellence celui qui dit « je ». Sa parole se distingue par là de celle du poète dramatique et du poète épique. Expressive, elle tient d’abord du cri, mais s’attache à idéaliser une émotion intime et immédiate, au moyen d’un développement harmonieux.
Chantant et mélodieux, le lyrisme recherche l’harmonie. Il privilégie les valeurs musicales du langage. Son moyen d’expression privilégié est donc le vers, dont il a contribué à faire évoluer les formes. Les aspects du texte lyrique se sont modifiés à mesure que changeait le statut du sujet dans l’histoire, ainsi que son rapport au monde, au langage, aux œuvres du passé et à lui-même.
Idéal, le lyrisme sublime le contenu de la vie affective du sujet, avec le secours de la musique et des images. Il a vocation à l’éloge et à la célébration, tout autant qu’à la plainte élégiaque. Il recompose une unité dont la lyre même fut le modèle, en tirant parti d’une discorde affective
Sous des formes savantes ou populaires, le lyrisme prête voix à la gamme entière des émotions humaines, des plus fugaces aux plus durables, et des plus futiles aux plus nobles. Plus qu’un genre parmi d’autres, il tend donc à représenter l’expression poétique dans toute son étendue, voire le désir qui y préside et les énergies qui y sont à l’œuvre. Si l’on qualifie volontiers de « lyrique » celui à qui les mots viennent en abondance et par enthousiasme, c’est sans doute que ce terme vague désigne le mouvement même que la créature humaine accomplit dans le langage pour y chercher un bien qui demeure hors de sa portée au sein de la réalité.
Jean-Michel MAULPOIX
Jusqu’au début du XXe siècle, la littérature arabe est essentiellement poétique, et le développement du lyrisme se confond avec l’histoire de la poésie. Il trouve d’emblée son expression la plus élaborée dans la qaṣīda, composition d’apparat consacrée au panégyrique ou au thrène. Née, au cours de la période archaïque, dans la bouche des poètes bédouins, devenue exercice d’école lucratif chez les poètes sédentarisés des centres urbains de l’empire, réglementée par les théoriciens du IXe siècle (IIIe siècle de l’hégire), la qaṣīda va rester le genre dominant.
Cependant, la production se diversifie à partir de ses registres thématiques. Le traditionnel prélude élégiaque (nasīb) n’avait déjà pu contenir la plainte passionnée d’un Maǧnūn Layla, ni la quête amoureuse entreprise au Ḥiǧāz par ‘Umār Ibn Abī Rabī‘a. Du fait de l’urbanisation et du mélange des ethnies naît l’école courtoise de Baġdād menée par al-‘Abbās Ibn al-Aḥnaf, gloire de la cortezía arabe ; la poésie bachique s’impose avec le groupe des libertins conduit par Abū Nuwās ; la méditation devant l’existence et la mort connaît avec Abū-l-Atāhiya une haute fortune. En Andalousie, la poésie strophique du muwaššaḥ et du zaǧal propose un lyrisme plus adapté à la sensibilité populaire et à la générosité de la nature.
Ces voies, tracées pour la plupart dès le VIIIe siècle, seront les seules ouvertes à la création. À la stabilité étonnante des structures socio-culturelles correspondent une fixité non moins notable des genres et la permanence des sources d’inspiration.
Faisons justice d’une erreur trop longtemps tenue pour vérité : le poème ne se confond pas avec le chant, même à l’époque archaïque ; il se psalmodie, se déclame avec une scansion qui en marque le rythme ; il ne s’accompagne pas obligatoirement d’une mélodie. Les cantilènes chamelières, les litanies incantatoires de caractère magique et toutes formes de discours chanté ont contribué à délimiter la poésie, à mettre au point son langage et certains de ses procédés, mais doivent s’en distinguer. L’activité des musiciens-chanteurs du Ḥiǧāz, dont l’intervention fut décisive dans le domaine de l’amour courtois, et plus tard celle de leurs successeurs de la mouvance iraqienne, prouvent à l’évidence que la création poétique est indépendante de la composition musicale qui s’en inspire.
Le lyrisme arabe s’exprime en trois registres principaux : l’amour, la nature, les vertus humaines. Mais il réside moins dans le traitement de thèmes usés par un emploi trop fréquent que dans les structures du poème, l’organisation du vers et surtout la nature du langage. « Un même répertoire de grands sentiments, qui sont le lot commun de l’humanité, lui fournissant ses thèmes inépuisables d’inspiration », comme le fait remarquer Jean Cohen à propos de la poésie lyrique, « le poète est poète non par ce qu’il a pensé ou senti, mais par ce qu’il a dit. Il est créateur non d’idées mais de mots. » Considérons comment, dans la qaṣīda, le langage surmonte la banalité du contenu pour faire surgir sa poésie.
On connaît la division tripartite de la qaṣīda. C’est d’abord le nasīb, prélude élégiaque né de la visite d’un campement déserté, d’une séparation au petit jour, ou de l’apparition de l’ombre de la Dame ; à partir de ces situations conventionnelles, utilisant souvent la fiction de réminiscences lointaines, l’amant évoque sa passion en termes érotiques ou courtois. Le nasīb se présente comme un agglomérat de motifs et nuances thématiques. Le raḥīl, qui vient ensuite, est la marche vers le protecteur, à travers le désert et ses périls ; le poète décrit son coursier, ses armes, les bêtes sauvages, les forces de la nature qui s’opposent à son passage. C’est le lieu privilégié du lyrisme descriptif. Enfin le madīḥ se présente comme un panégyrique du dédicataire, une glorification de ses vertus, de son ascendance, de ses faits d’armes.