Magie alternative - Laura Wilhelm - E-Book

Magie alternative E-Book

Laura Wilhelm

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Beschreibung

La jeune Léna doit faire face à de nouvelles épreuves, alors que des secrets lui sont dévoilés...

Après un malheureux événement et en proie à d’horribles douleurs, Léna doit reprendre sa vie en main. C’est le cœur brisé et le corps meurtri que l’aventure reprend de plus belle.
La Porte du Temps et son clan d’Élues lui font un merveilleux cadeau, mais son corps pourra-t-il supporter la charge que cela implique ?
Sa mère n’était-elle qu’une humaine ou avait-elle finalement elle aussi des pouvoirs magiques ? Et pourquoi ne lui a-t-elle donc jamais parlé de l’existence de sa tante Morgane ?
Ses retrouvailles avec Rick lui laissent un goût amer dans la bouche. Réussira-t-elle à le ramener à la raison ou choisira-t-il de succomber définitivement à sa nature démoniaque ?
Au delà de la magie de ce monde éphémère, Léna va découvrir des secrets que sa famille pensait à jamais oubliés.
Encore une fois la jeune fille se retrouve confrontée à un choix qui changera sa vie, qu’elle le veuille ou non…

Le deuxième tome de la saga Azmel, aussi captivant que le précédent, est à découvrir sans tarder !

EXTRAIT

Je me souvenais qui j’étais et la souffrance s’immisçait peu à peu dans mon cœur. Lorsque tout me fut revenu en mémoire, je m'étais mise à paniquer. J’avais tenté de reprendre possession de mes membres, en vain.
C’est alors que les cauchemars arrivèrent. Des cris, des images. Des rêves qui n’avaient aucun sens. Une torture physique insupportable… L'impression de ne plus être humaine, ou bien d'être enfermée dans un bocal noir, où ma conscience pouvait rejoindre la réalité sans que cette réalité en soit atteinte.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

L'auteure a réussi à me faire voyager et vivre cette histoire de l'intérieur. La magie et l'amour sont les deux moteurs de ce roman et l'écriture fluide et harmonieuse nous embarque dès les premières pages. - Blog de Katia Eray

À PROPOS DE L'AUTEUR

Varoise de vingt-huit ans, Laura Wilhelm écrivait des nouvelles fantastiques et aimait créer des mondes imaginaires depuis son adolescence. Azmel est apparu dans sa tête comme une évidence à l'âge de 18 ans, l'aboutissement d'un rêve d'enfant.
La sortie de son premier roman ( Azmel, La Porte du Temps) a été vécue comme une incroyable aventure car Laura Wilhelm est prête à présenter la suite de cette histoire.

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... À tout ce monde qui ne veut plus croire...

... N’oubliez jamais cette lueur d’espoir...

... car la persévérance mène à la victoire...

(Laura Wilhelm)

Prologue

Pour que ma vie soit parfaite, il aurait fallu retourner dans le passé et empêcher mes parents de sortir ce soir-là.

Sans cet accident, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne serais jamais allée à Amary, je n’aurais jamais reçu ces pouvoirs ni jamais rencontré Rick.

Sans la mort de mes parents, je n’aurais jamais autant souffert de l’absence de cet homme, ni même pris conscience de ce monde de magie éphémère, d’amour interdit et de tout cet univers parallèle qui reste en suspens.

* * *

Je me rappelais. La Porte du Temps, les frères noirs. Kyle et Léïan, la lumière et cette puissance énergétique venant du plus profond de mon être.

Ensuite, mon réveil douloureux et l’épisode de la crique. Comment pouvait-il me rejeter de cette façon après tout ce qu’il se passait entre nous ? Comment pouvait-il arriver à nier ce lien sans rien laisser paraître ? Pourquoi, après toutes ces épreuves que nous avions traversées, continuait-il à croire que notre séparation était la meilleure des solutions ? Ne souffrait-il pas autant que moi ?

Je ne pouvais en supporter davantage. Il fallait que je le fasse réagir. Je devais savoir quelle importance j’avais à ses yeux et si le fait d’avoir essayé de tout abandonner pour lui avait réellement un sens. Car pour moi tout était clair, mais je commençais vraiment à douter de la réciprocité de cet attachement.

Je me revoyais, les bras en croix au-dessus du vide, les yeux pleins de larmes, soutenant le regard moqueur de la lune. Mes jambes engourdies ne voulaient pas bouger, refusant d’accepter ma décision.

Paralysée par tous ces sentiments contraires, je baissai les yeux pour admirer la beauté des vagues frémissantes le long des rochers.

Puis, en l’espace d’une seconde : ce contact, cette main qui vint saisir mon poignet et cette douleur, physique, qui s’empara de tout mon avant-bras. Une douleur qui ne ressemblait pas aux décharges d’Azmel. Et pourtant…

* * *

… Rick… Lorsque nous nous étions rendu compte que le sortilège ne fonctionnait pas, un tas de questions s’étaient bousculées dans ma tête. Mais que s’était-il réellement passé ? Avais-je réussi à annihiler Azmel pendant l’ouverture de la Porte du Temps ? Avais-je renoncé à mon destin d’Élue ?

Honnêtement, à cet instant, je m’en moquais. Je n’avais qu’une envie, celle qui me torturait depuis des mois : le serrer contre moi. Sentir enfin son cœur battre contre moi, et pouvoir palper sa chaleur sans en être physiquement repoussée.

Je garderai toujours cette soirée dans ma mémoire. Les seules heures où nous avions pu profiter de notre amour. Les seuls instants gravés, à jamais, au plus profond de moi-même. Ces images magiques, son parfum envoûtant mon corps. J’aurais aimé avoir le pouvoir d’arrêter le temps et de rester dans ses bras.

J’étais devenue lui, il était devenu moi. J’aurais tellement aimé plus, plus de temps, plus de contact. Lovée contre cet homme avec qui je ne faisais plus qu’un.

Mais comme nous le savons, tous nos actes ont des conséquences. Pour certains elles sont minimes, mais quand nous refusons fermement que notre bonheur s’achève, les répercussions peuvent être beaucoup plus lourdes à supporter.

J’avais parfaitement conscience que mon petit monde allait finir par s’effondrer. Mais je savais aussi que ce qui nous arrivait ne se reproduirait peut-être plus jamais à l’avenir.

Avec le recul, je dus reconnaître mon égoïsme. À toujours en vouloir plus que ce qui m’avait été donné, il fallait bien que l’incidence de mes faiblesses soit à la hauteur de mes actes. Ou plutôt, à la hauteur de nos actes interdits depuis des centaines d’années par mes propres ancêtres. Cependant, aveuglée par ces instants merveilleux je n’avais rien vu arriver.

J’étais dans ses bras, tout contre lui. Les vagues venaient chatouiller les cristaux de sable juste à côté des rochers qui devançaient la crique.

Nous profitions d’un magnifique coucher de soleil hivernal lorsqu’une fulgurante douleur transperça mon corps tout entier.

Je me souvins d’y avoir résisté quelques secondes, d’avoir vu ses yeux changer de couleur. Son regard était effrayé et cette lumière orangée avait envahi toute la grotte.

Une sensation de picotements étranges et intenses m’avait parcouru des pieds à la tête en engourdissant mes membres. Une douleur si violente qu’il n’est pas permis à un être humain de subir sans que son corps ne l’abandonne. J’avais sombré dans l’inconscience…

* * *

Petit à petit, de nouvelles sensations apparurent. Des odeurs et des sons que mon cerveau ne sut analyser. Rien ne m’était familier et pourtant, je savais que mon corps était incapable de se réveiller pour l’instant. Incapable de reconnaître quoi que ce soit. Le choc avait été si fort que mon âme avait dû volontairement se déconnecter du système nerveux.

Bizarrement, mon esprit reprenait conscience de temps en temps. Lorsqu’un mouvement se faisait près de moi ou qu’un son résonnait un peu plus fort qu’à l’ordinaire.

Au début, j’étais effrayée. Tout était noir. Je ne pouvais pas prendre possession de mon enveloppe charnelle et j’étais incapable de faire le moindre geste. Les bruits autour de moi me faisaient vraiment peur.

Je ne ressentais aucune sensation physique. C’était comme si j’étais prisonnière à l’intérieur de moi-même.

Mon esprit alternait entre états de conscience et d’inconscience. Je ne comprenais pas exactement ce qui se passait, ni même ce que j’étais. Depuis combien de temps étais-je dans cet état ?

Puis, après un temps que je n’aurais su définir, je commençais à reconnaître de plus en plus de choses, et, à me rappeler doucement de ce qui m’avait conduite ici.

Je me souvenais qui j’étais et la souffrance s’immisçait peu à peu dans mon cœur. Lorsque tout me fut revenu en mémoire, je m’étais mise à paniquer. J’avais tenté de reprendre possession de mes membres, en vain.

C’est alors que les cauchemars arrivèrent. Des cris, des images. Des rêves qui n’avaient aucun sens. Une torture physique insupportable… L’impression de ne plus être humaine, ou bien d’être enfermée dans un bocal noir, où ma conscience pouvait rejoindre la réalité sans que cette réalité en soit atteinte.

— Elle a bougé ! s’écria la voix enfantine.

De rapides mouvements se firent autour de moi. Je me débattais depuis plusieurs jours contre cet état. J’arrivais enfin à reconnaître les voix mais mon corps refusait d’être de nouveau contrôlé par mon esprit.

Que fallait-il que je fasse pour revenir ? Rick ? Aussi loin que mes souvenirs remontaient, il me semblait que je n’avais jamais senti sa présence. Ou était-il maintenant ? Que s’était-il réellement passé ?

Tout à coup, une lumière aveuglante se logea contre mes paupières. Je pouvais sentir sa chaleur.

J’ouvris un œil, puis l’autre…

Chapitre 1

Le réveil sonna mon heure. Cela faisait trois jours que j’étais sortie du coma. Je réapprenais doucement à me servir de mon corps engourdi. Presque six mois sans activité physique et mes muscles étaient atrophiés.

Le premier jour, j’avais eu du mal à me tenir sur mes jambes, mais aujourd’hui, je pensais être capable de marcher avec l’aide de ces satanées béquilles bien sûr.

J’avais vraiment envie de retourner au lycée et surtout de revoir mes amis. J’imaginais déjà la tête que feraient Jess et Dylan.

Je me levai doucement. Mon dos me faisait mal mais je me ménageai. À vrai dire, je le faisais surtout pour que ma tante me laisse sortir de la maison.

Après avoir pris une bonne douche et un petit-déjeuner en famille, Andy nous accompagna au bahut.

* * *

En sortant de la voiture de ma cousine, je pus reconnaître les silhouettes de Jess, Dylan et Franck sur notre petit muret habituel. Cependant ils n’étaient pas seuls, trois personnes que je ne connaissais pas riaient de bon cœur avec eux.

Jamie m’aida à me tenir sur les béquilles et nous nous avançâmes lentement vers eux. Jess fut la première à remarquer mon arrivée. Son visage rondouillard s’illumina d’un seul coup, puis Franck et Dylan suivirent son regard perturbé.

Mon amie se mit à crier de joie et se précipita vers moi pour me prendre dans ses bras.

— Doucement… doucement ma chérie.

Elle s’écarta pour me laisser respirer.

— Ho ! Pardon ! s’esclaffa-t-elle.

Elle mit ses mains sur mes épaules, sourit, puis continua :

— Qu’est-ce-que tu fais ici ? Depuis quand es-tu sortie du coma ? Mais tu es toute maigre ! Tu manges au moins ?

— Laisse-la un peu tranquille ! Tu ne vois pas qu’elle est fatiguée ? Rien que le fait de se tenir debout doit l’épuiser et toi, tu l’embêtes avec toutes tes questions ! s’énerva Franck.

Il me regarda avec douceur.

— Content de te revoir parmi nous !

Il me fit ses sempiternelles grosses bises baveuses sur les deux joues avant que Dylan me dise bonjour à son tour. Voyant que je peinais à monter sur le muret pour m’y asseoir, mon ami à la peau de jais posa son sac à dos pour me prêter main forte.

— Alors raconte !

Tout me revint en mémoire comme une bombe.

— Je me suis réveillée il y a trois jours. J’avais mal de partout et j’ai encore un peu de difficultés avec mon équilibre.

— C’est sûr, après six mois de coma, ton corps doit tout réapprendre. Tu vas faire de la rééducation ou un truc comme ça, non ? me demanda Dylan.

— D’ailleurs, tu n’aurais pas dû venir au lycée toi ! Les vacances sont dans deux semaines ! s’écria Franck.

— Et on passe les premiers examens aujourd’hui en plus ! termina Jess.

Tout le monde éclata de rire. Jess n’avait pas changé et moi, j’avais bien choisi mon jour pour réapparaître !

Je tournai la tête vers la fille et les deux garçons qui accompagnaient mes amis.

— Ah oui, je te présente Mélinda, commença Jamie.

La fille s’approcha pour me faire la bise.

— Enchantée ! me dit-elle tout sourire.

— Et eux, ce sont David et Steeven, ses cousins.

Le premier me regarda intensément et fit une petite révérence, le second se contenta d’un sourire amical.

Mélinda était une petite brune aux cheveux longs et à la silhouette élancée. Elle avait l’air sympathique malgré son grand air mystérieux. À moins que ce soit son côté ténébreux qui lui ait donné ce style ? Ou bien peut-être son look un peu gothique ?

Les deux garçons étaient totalement différents. Le premier était brun aux yeux bleus et me rappelait un peu… Rick. Non ! Je ne devais pas penser à lui ! Il m’avait abandonnée sans me donner aucune explication ! Après le bonheur absolu qu’il m’avait procuré, je ne comprenais pas pourquoi il avait agi ainsi et avec autant de lâcheté ! Comment avait-il pu me faire ça ? Non ! me repris-je, il fallait que j’arrête de me faire du mal à cause de lui, sinon j’allais devenir complètement folle !

Je jetai un coup d’œil furtif vers les cousins de Mélinda. Le second était un peu plus grand que le premier. Blond, avec des grands yeux noirs, il n’avait pas l’air insensible aux charmes dévastateurs de ma jeune cousine.

Jess était toujours en couple avec Dylan et Jamie avait sûrement dû se faire à l’idée.

— Bon, vous êtes tous prêts pour l’exam de math ? demanda Dylan à ma grande surprise.

Le joueur de basket qui ne pensait qu’à s’amuser avait-il été converti par mon intello de meilleure amie ?

Mais en cherchant les regards moqueurs des autres, je remarquai qu’en réalité, ils paniquaient tous autant qu’ils étaient. Pourquoi n’arrivais-je pas à capter l’importance de la chose ? Les gens que je connaissais si bien avaient l’air de porter le monde sur leurs épaules et, tout comme le Titan Atlas, ils avaient visiblement très peur de le faire tomber par terre.

Je ne relevai donc pas cette phrase venant de Dylan, la situation n’était pas propice à la plaisanterie.

— Toi aussi tu vas y passer aujourd’hui, me dit Jess.

Oups ! Il avait dit math ? Ce n’était pas possible, je sortais à peine du coma. Je n’avais même pas eu le temps de rattraper les cours.

De toute façon : « qui ne tente rien n’a rien ». Ce n’était pas grave pour les examens d’aujourd’hui, à partir de ce soir je comptais bien rattraper mon retard…

Assise sur le muret, je remarquai que ma petite bande d’amis s’était réorganisée. Franck nous avait abandonnés pour aller discuter près de la porte d’entrée du lycée avec un garçon que je ne connaissais pas.

Quant à Jamie, elle s’était un peu éloignée de moi avec la nouvelle et son cousin aux yeux noirs.

Jess n’arrêtait pas de me dévisager, ce qui me ramena à la réalité.

— Tu vas arrêter de me regarder comme ça toi ! J’ai l’impression d’être un animal de cirque ! lui criai-je en souriant.

Elle me rendit mon sourire et se jeta de nouveau dans mes bras.

— Si tu savais combien j’ai eu peur pour toi et comme tu m’as manqué !

Puis elle recula d’un pas et me fit une petite tape dans le dos.

— Et t’aurais dû prévenir que t’étais réveillée !

Dylan ne put s’empêcher d’éclater de rire.

La sonnerie retentit et David m’aida gentiment à descendre du muret. C’était parti pour trois heures d’examen.

* * *

À la pause déjeuner, je rejoignis Jamie qui m’attendait, seule. Elle avait eu la gentillesse de me prendre un plateau repas qu’elle mit devant moi dès mon arrivée.

— Merci ma belle, lui dis-je épuisée.

Le trajet de la salle de classe aux tables m’avait vidée de toute énergie. Elle me fit un petit signe de tête.

— Qu’est ce qui se passe Len ? Tu as l’air différente.

— À vrai dire, je me pose beaucoup de questions. Quand j’étais (je marquai une pause, incapable de prononcer cemot)… il s’est passé quelque chose de bizarre, confiai-je.

— Raconte.

— Et bien, je ne saurais pas exactement l’expliquer avec nos mots. Au début, j’étais effrayée, tout m’était étranger. J’entendais des bruits sans comprendre ni même savoir ce que j’étais. J’avais peur… et j’ai commencé à alterner des moments de conscience et d’inconscience. Des rêves, des pas. Je n’arrivais plus à distinguer ce qui était réel ou ce qui ne l’était pas.

— Oui, c’est étrange.

— Vers la fin, j’essayais de reprendre le contrôle de mon corps mais je n’y arrivais pas. Jusqu’au moment où j’ai pensé à Rick. Il fallait que je me réveille ! Je suis sûre que c’est le fait d’avoir pensé à lui qui m’a ramenée à la vie.

— Ah… lâcha-t-elle sans conviction.

— Quoi « ah » ? Qu’est-ce qu’il y a ? Il s’est passé quelque chose d’important pendant mon « absence » ?

Elle fit mine de réfléchir, cherchant les mots pour ne pas me blesser.

— C’est Rick. En fait, ça fait trois mois qu’il est parti.

— Comment ça parti ? m’étouffai-je entre deux bouchées de riz.

— Oui, il est parti. Il est resté à ton chevet pendant plus de deux mois. Il dépérissait de jour en jour. Il culpabilisait trop, Léna.

Je sentis les larmes me chatouiller les paupières.

— Te voir dans cet état le tuait à petit feu. Et puis, un jour, il n’est plus venu.

— Mais où est-il Jamie ? Où est-il ? m’énervai-je en tapant du poing sur la table.

— Je ne sais pas. Jason m’a dit qu’il était parti dans sa famille paternelle, un oncle ou des cousins je crois. C’est tout.

Mais pourquoi ? Le sentiment de révolte laissa la place à une amère sensation, celle de la solitude. Je me sentis tout à coup comme seule au monde, privée de ma raison de vivre. Une fois de plus, il m’abandonnait.

Eh bien, c’était la fois de trop ! S’il n’était pas assez fort, mentalement, pour supporter tout ça, il n’y avait aucune raison pour que je le sois pour deux. Certes, il allait me manquer, je savais au fond de moi que ce démon était l’amour de ma vie mais à présent, il était hors de question que je gâche mon existence !

Jamie remarqua mon conflit intérieur et ne put s’empêcher de sourire.

— Ne t’inquiète pas, Len, on est tous là pour toi, dit-elle comme si elle avait lu dans mes pensées.

— Salut les filles ! Alors cet exam ?

Mélinda s’assit à côté de nous et entama son déjeuner.

— Très bien pour moi, répondit Jamie.

Je baissai les yeux. Comment aurait-il pu bien se dérouler, sachant que j’avais la moitié de l’année à rattraper ?

— Je n’aurais peut-être pas dû revenir au lycée aujourd’hui. Je me suis laissée surprendre par ces écrits, admis-je.

— Mais peut-être que la direction de l’établissement accepterait de faire un geste en sachant quelle est ta situation ?

Je relevai les yeux vers Mélinda.

— Je ne veux pas que le jury soit plus clément avec moi à cause de mon coma.

— Je comprends, reprit-elle, c’est un peu comme un défi pour toi.

Je hochai la tête, c’était un peu ça effectivement.

— Mais tu sais que si tu n’as pas assez de points, tu ne pourras même pas avoir accès aux épreuves de rattrapage, continua-t-elle.

— On verra bien, lui répondis-je sèchement.

Jamie se leva et adressa un clin d’œil à Mélinda.

— Bon les filles, je vous laisse. Mon entraînement commence dans dix minutes.

* * *

Je me retrouvai donc seule avec la nouvelle petite brune de la bande.

— J’ai tellement entendu parler de toi que j’ai déjà l’impression de te connaître, me dit-elle.

Cette fille avait l’air sympa, la petite lueur qui brillait dans ses yeux me mit tout de suite en confiance. Je souris.

— Alors, comme ça mes amis t’ont parlé de moi ?

— Oui. Tu es très appréciée par ici tu sais ?

Cette gentille phrase me réchauffa le cœur.

— Et comment tu t’es retrouvée à Amary toi ? lui demandai-je.

Nous passâmes l’heure du déjeuner à faire connaissance. Mélinda avait emménagée à Amary avec ses deux cousins, Steeven et David, qui n’étaient autres que ses deux meilleurs amis.

En réalité, elle avait vécu une grosse déception amoureuse et tous les trois avaient décidé de recommencer à zéro dans une nouvelle ville, là où personne ne les connaissait.

Elle me confia être tombée amoureuse d’un garçon, qui, après quelques mois de vie commune, s’était avéré être un véritable psychopathe. Elle ne me raconta pas tous les détails mais je compris que si elle était venue se perdre ici c’était en grande partie pour lui échapper.

Je sentis une grande blessure au fond d’elle, une blessure qui n’avait pas encore eu le temps de cicatriser. Qu’avait-il pu se passer ? Qu’est-ce qui pouvait pousser une jeune femme à vouloir disparaître ? Et à se déplacer avec ses deux cousins ?

Remarquant que j’étais mal à l’aise, elle changea de sujet. À moins qu’elle n’ait fait ça pour ne plus y penser ?

— Et du coup, vous l’avez évité le sanglier ?

Mais de quoi parlait-elle ? Quel sanglier ?

— Tu ne te rappelles pas de ton accident de voiture ?

Je me pinçai les lèvres. C’est vrai qu’avec tous ces événements ma famille avait sûrement dû inventer une excuse pour justifier mon état.

— Pas vraiment, en fait je dois t’avouer qu’il y a encore beaucoup de trous noirs dans ma tête. Je ne me rappelle pas totalement de ma vie avant l’accident. Tout est flou.

Elle me sourit gentiment.

— En tout cas, tu as vraiment eu de la chance.

— C’est vrai. Mais je suis sûre que mes souvenirs me reviendront peu à peu.

Il fallait que je feigne l’amnésie pour ne pas donner de détails différents de ce qu’avaient pu raconter mes cousines. Je ne devais pas attirer davantage l’attention sur moi.

Nous avons rejoint Jess et les autres au muret. Cette dernière n’en revenait toujours pas.

— Vu que tu viens de revenir, je me dois de t’informer qu’une petite fête est organisée sur la plage. Évidemment, tu es la bienvenue ! me dit-elle.

— Une fête avec un grand feu et des chamallows ? demandai-je avec un ton moqueur.

Elle hocha la tête et tout le monde rit de bon cœur. La sonnerie retentit et nous nous sommes dirigés vers nos salles d’examen respectives.

* * *

Le soir même, j’attendis que tout le monde soit rentré à la maison pour éclaircir mes zones d’ombre avec ma famille. Andy et Jamie étaient en train de regarder la télévision lorsque leur mère rentra du travail.

— J’ai quelques questions à vous poser, commençai-je.

Nous nous sommes toutes les quatre réunies dans le salon.

— Que veux-tu savoir ma chérie ? me demanda Éléonore.

Tellement de choses se bousculaient dans ma tête que je ne savais plus par où commencer.

— Alors, c’est quoi cette histoire de sanglier ? Quelle version dois-je tenir aux humains quand ils me demandent ce qu’il m’est arrivé ?

Elles esquissèrent un sourire commun.

— En fait, tu étais en voiture avec Andy. Elle a évité un sanglier et dérapé sur une plaque de verglas… la voiture est tombée dans le fossé et a descendu plus de quinze mètres en tonneaux avant qu’elle soit arrêtée par les arbres, me répondit Éléonore, ta cousine a eu la chance d’avoir été éjectée par la portière conducteur.

— Heureusement que je n’avais pas mis ma ceinture ! enchérit Andy.

Elles éclatèrent de rire.

— Et la voiture ? demandai-je d’une toute petite voix.

— J’ai dû la vendre dans une autre région, pour éviter qu’on la reconnaisse par ici. L’argent a permis à Andréa d’en acheter une autre.

Je me frottai les mains.

— J’avoue que cette histoire est la plus plausible. Bravo les filles ! Ça n’a pas été trop dur ?

— Nous n’avions jamais perdu espoir, nous savions que tu finirais par reprendre possession de ton corps, me répondit ma tante.

— Tu savais que je me battais à l’intérieur de moi-même ?

Elle me regarda tendrement.

— Il n’est pas rare, après un choc pareil, que le cerveau décide volontairement de se déconnecter de l’enveloppe charnelle. Je veux dire chez les forces supérieures.

— Tu aurais été une simple humaine, tu en serais morte, me dit Andy.

Un élan de colère me traversa.

— Si j’avais été une simple humaine, comme tu le dis si bien, rien de tout cela ne serai arrivé !

Elle baissa la tête. Et je regrettai immédiatement mes paroles. J’aurais aussi pu me réveiller dans un cercueil à six pieds sous terre, mais elles, elles avaient toujours cru en moi. Une fois de plus, je n’avais pas su contrôler mes émotions.

— Tu as raison. Excuse-moi… répondit-elle sur un ton à peine audible.

Chapitre 2

De la vitre de l’Audi d’Éléonore, je vis Jess qui nous attendait, comme d’habitude, avec Dylan dans ses bras.

Jamie me prit mon sac des mains pour me ménager. Cette fois-ci, j’eus un peu plus de mal à monter les escaliers qui menaient au muret. Les muscles de mes jambes se réveillaient doucement et la douleur était toujours présente.

La séance de rééducation de ce matin m’avait épuisée. Je dus marquer une pause et manquai de faire tomber ma béquille.

— Ça va Léna ?

Jamie me rééquilibra avec une poigne que je ne lui connaissais pas. Je hochai la tête.

— Merci, ça va.

Jess et Dylan, alertés par mon raffut, me regardaient du haut des marches, inquiets.

— Ça va je vous dis ! m’énervai-je.

Je m’assis tant bien que mal sur le petit muret en m’efforçant de ne pas laisser paraître le mal que je ressentais, affichai un sourire et laissai parler mes amis.

— Hey Léna !

Une main vint se poser sur mon épaule.

— Franck !

Il me colla encore ses deux grosses bises sur les joues. J’éclatai de rire.

— Bon, tout le monde est prêt pour les prochains examens ? demanda Jess.

Dylan émit un petit sifflement pour se moquer d’elle. Comprenant son caractère ironique, elle se retourna vers lui et lui tira la langue.

La sonnerie retentit. Franck, Jamie et Dylan nous abandonnèrent pour aller subir les dernières heures de cours de l’année scolaire.

Une idée me vint à l’esprit lorsque Jess me tourna les talons.

— Ça te tenterait de passer l’après-midi à la plage avec moi ?

Elle me lança un regard insolent, comme si je lui demandais la lune, et fit mine de réfléchir.

— Ben, en fait, Dylan a son entraînement cet après-midi et il m’a demandé d’être présente.

Je baissai la tête, déçue.

— C’est pas grave, une autre fois d’ac ?

Elle me fit un grand sourire en guise de réponse avant de déguerpir dans les couloirs déjà vides du lycée.

Une pointe de jalousie s’immisça en moi, cela ne me plaisait vraiment pas que mon amie privilégie un garçon à notre amitié. Cependant, je ne pouvais que la comprendre et mieux que personne malgré ma déception.

— Je viens avec toi, moi, si tu veux ? répondit une petite voix doucereuse derrière mon épaule.

Je me retournai. Mélinda me faisait face.

— Oui ce serait sympa ! Et puis comme ça, on aura l’occasion de faire un peu plus connaissance ! dis-je réjouie.

— On se retrouve ici après le déjeuner ?

— Ça marche ! À plus tard alors !

* * *

Je passai ma matinée à travailler les cours que j’avais en retard pour le dernier examen de l’année. J’étais complètement perdue !

Heureusement, Madame Folley, la principale de l’école, avait accepté que je passe tout de même les épreuves cette semaine afin de me mettre en condition pour l’année prochaine. Car, à cause de ces six mois d’absence, j’étais bien obligée de redoubler ma terminale. C’était la meilleure solution à envisager même si cela me déplaisait complètement. J’allais devoir travailler dur pour obtenir mon diplôme. L’année dernière n’avait vraiment pas été facile pour moi mais je ne devais pas me laisser aller à mon chagrin.

Après le déjeuner, nous étions donc allées à la plage pour profiter du sable chaud. J’enlevai mes chaussures pour sentir les grains passer entre mes doigts de pied. Quel plaisir ! Rien n’avait changé, la plage, la mer, les palmiers ! Je pouvais même reconnaître le petit chemin qui menait à la crique.

La crique… Un petit coup vint frapper mon cœur. Les souvenirs que j’avais amassés ici étaient encore palpables.

Je repris mes esprits et jetai mes béquilles à côté de la serviette que Mélinda avait posée pour moi.

Elle, elle s’était assise à même le sable, les jambes en tailleur et ses mains avaient commencé à enlever les grains de sable des coquillages.

— Tu vis ici depuis longtemps ? lui demandai-je.

Elle releva doucement la tête vers moi.

— Ça fera trois mois dans deux jours.

— Et tu te plais à Amary ?

— Oui j’aime beaucoup cette ville, les gens sont très accueillants ! Je n’ai pas eu de problèmes pour m’intégrer au lycée grâce à tes amis. Tu as de la chance tu sais ?

C’est vrai, j’avais de la chance de les avoir dans ma vie. Je lui souris. Elle ne dit mot et se mit à regarder aux alentours avec inquiétude avant de replonger ses mains dans le sable.

— Quelque chose ne va pas ? demandai-je.

— Non, c’est juste que… lorsque mes cousins ne sont pas avec moi, j’ai toujours cette impression de ne pas être en sécurité.

Sa voix avait maintenant pris un air grave. Un air qui piqua ma curiosité au plus haut point.

— Pourquoi ? Enfin, pardonne ma question mais pour quelle raison tu ne serais pas en sécurité ici ?

Elle me regarda droit dans les yeux, me transperçant l’âme. Une émotion si intense l’avait prise que je la vis tressaillir.

— J’ai toujours peur que mon ex me retrouve. C’est pour ça que j’ai été obligée de déménager à Amary.

— Il t’a fait du mal ? m’inquiétai-je.

Elle ne répondit pas et fit glisser une petite coquille vide entre ses doigts. Le bruit des vagues venait chatouiller mes oreilles. Cette fille avait l’air d’avoir vécu un enfer. Je respectai son silence.

Au bout de quelques minutes elle ouvrit enfin la bouche.

— Mes parents sont tous les deux décédés quand j’avais neuf ans, ce sont mes cousins qui se sont occupés de moi jusqu’à ce que je rencontre Laurent.

Elle reprit son souffle, lasse.

— Tout s’est passé très vite, nous étions très amoureux. Il avait six ans de plus que moi mais l’âge ne comptait pas à mes yeux. Il était tellement gentil, beau, intelligent… J’ai emménagé chez lui à peine un mois après notre premier baiser. J’étais vraiment heureuse ! Tout se déroulait comme dans un rêve.

Une mouette passa si près de nous qu’elle dut faire une pause. Je remarquai qu’un pli horizontal lui barrait le front.

— Puis petit à petit, je me suis mise à détester les gens qui m’entouraient. Il me disait qu’il avait entendu mes amis mal parler de moi et ma famille s’est doucement éloignée de sans que je sache pourquoi. Je me suis retrouvée seule avec lui, lui qui devenait mon pilier de vie. Mais… tu vois, j’étais encore vierge… et je voulais encore attendre avant d’avoir notre premier rapport.

Je remuai la tête en signe de compréhension.

— … c’est comme ça que ça a commencé. Tous les jours, il insistait, et comme je refusais, il se montrait de plus en plus violent. Du coup, je me braquai et restai seule dans mon silence.

— Il t’a… ?

— Non. Après l’une de nos disputes, j’ai téléphoné à David pour qu’il vienne me chercher. Laurent m’avait enfermée à clef dans la chambre et était sorti faire des courses. Il avait levé la main sur moi une fois de trop.

— Et qu’en ont pensé tes cousins ?

— Ils m’ont tout de suite protégée, mais Laurent revenait à la charge. En plus du harcèlement téléphonique, il venait tous les jours devant ma maison, s’asseyait sur le banc en face de ma fenêtre et attendait (elle marqua une pause et déglutit difficilement) … pendant des heures. Mes cousins ont décidé qu’il était temps de partir de Sarvas pour s’installer ici et j’ai changé de téléphone.

Sur ses paroles, elle se leva et me tendit la main.

— On va voir si l’eau est bonne ? demanda-t-elle pour changer de sujet.

Je la suivis à mon rythme, en boitillant sans mes bâtons jusqu’à ce que ma peau ressente la fraîcheur de l’eau.

Je m’assis sur un petit rocher en laissant tremper mes pieds. Mélinda avait foncé dans la mer et nageait énergiquement dans un sens, puis dans l’autre. Elle me fit de grands signes avec ses bras et revint lentement vers moi.

— Et toi ? Tu es arrivée à Amary depuis longtemps ?

— Depuis presque un an maintenant. Mais bon, j’ai déjà perdu six mois !

— Et tes parents, ils sont où ? Jamie m’a dit que tu vivais avec elles mais ne m’a jamais parlé de tes parents.

Quelque chose en moi se brisa. Les points de suture n’étaient pas aussi solides que j’aurais pu le penser. Depuis tout ce temps… la blessure était encore si présente, comme si l’accident avait eu lieu la semaine dernière. Mon visage trembla.

— Pardon… Je ne voulais pas.

— Non, ce n’est pas de ta faute, tu ne pouvais pas savoir.

Je me redressai pour revenir m’asseoir sur la serviette. Mélinda me suivit.

— Mes parents sont décédés dans un accident de voiture. J’habitais à Paris avant de venir ici. Un peu comme toi, ma tante et mes cousines m’ont accueillie chez elles car elles étaient la seule famille qui avait gardé un lien avec eux. Je n’ai toujours pas réussi à apprivoiser cette douleur. Je vis avec, mais leur seule évocation me brise un peu plus à chaque fois… lui confiai-je.

— Je comprends.

L’après-midi touchait à sa fin et nous commençâmes à rassembler nos affaires sur le ton de la plaisanterie. Chacune de nous avait remis son masque de façade que nous utilisions en public, un peu comme dans les théâtres romains, celui avec le grand sourire.

— Et David ? Tu le trouves comment ? me demanda-t-elle.

Cette question me prit au dépourvu. Je la regardai fixement, en essayant de sonder son visage. Plaisantait-elle encore ou était-elle sérieuse ? David… C’était son cousin qui me faisait penser à Rick non ? Je ne savais pas quoi répondre.

— Mon cousin, précisa-t-elle, David, c’est le brun aux yeux bleus. Il m’a confié qu’il aimerait te connaître un peu plus. (Elle rit) C’est vrai, après toutes les super choses que tes amis nous ont racontées sur toi, je veux bien croire qu’il soit curieux.

Non, non. Elle est sérieuse ! Elle comprit à ma mine surprise que je ne lui dirais rien mais l’information restait en suspens dans mon esprit.

* * *

Quand nous sommes revenues au lycée, toute la petite bande était au complet.

— Et ben ! T’étais passée où, toi ? me demanda Jamie.

Mélinda, qui avait eu la gentillesse de me raccompagner, m’adressa un clin d’œil avant de s’en aller rejoindre ses cousins.

— À plus ! lui lançai-je.

Jamie se rapprocha de moi.

— Alors t’étais où ?

— À la plage, je voulais profiter un peu d’être dehors.

— Cool !

Elle me toisa de haut en bas et me fit tourner sur moi-même.

— En tout cas t’as pas pris de coup de soleil ! s’esclaffa-t-elle.

Oh oui ! C’est vrai ! J’avais complètement oublié que mon corps perdait ses pigments à mesure que j’utilisais mon don.

Mélinda avait pris de jolies couleurs mais rien pour moi. Ma peau était toujours aussi blanche. Il fallait que je me fasse à l’idée que je ne reverrais plus jamais mon bronzage d’été. Jess quitta la main de Dylan et accourut vers moi d’un pas décidé.

— Tu es allée à la plage avec elle ?

— Oui, répondis-je avec une certaine nonchalance.

Jamie, sentant le caractère nerveux de notre conversation, s’éloigna de nous. Elle alla rejoindre Franck sur la table en bois en face du muret.

— Je pensais que tu serais encore là à quatorze heures, qu’on aurait pu y aller ensuite.

— Peut-être, mais quand je te l’ai proposé, tu as refusé catégoriquement avec cette excuse bidon de l’entraînement de Dylan alors bon…

— Bien sûr que oui je voulais venir avec toi ! Mais tu t’es fait une nouvelle amie apparemment !

— Qu’est-ce que t’as Jess ? Tu cherches l’embrouille ? Qu’est-ce que tu me fais là ?

Elle rougit d’un coup et recula d’un pas.

— Je pensais avoir ta priorité dans tes amis ! dit-elle en me tournant le dos.

Je sentis une grosse poussée d’adrénaline me parcourir l’échine. Mais pour qui se prenait-elle ? Elle était devenue dingue ou quoi ?

— Ben justement moi aussi ! m’écriai-je assez fort pour que tout le monde m’entende.

Elle fit volte-face.

— Tu sors à peine du coma et tu cours déjà les rues ! Et tu en oublies même tes propres amis !

Jamie se releva du banc en même temps que les autres. Ils ne comprenaient pas ce qu’il passait. On pouvait lire le choc sur les traits de chacun, et certainement moi la première.

— Je ne t’appartiens pas Jess ! Ni à toi, ni à personne ! Depuis que tu as un copain tu n’as plus de temps pour moi et je ne le crie pas sur tous les toits moi ! Je te laisse vivre ton bonheur parce que ça me fait plaisir que tu sois heureuse ! Mais ne me balance pas des idioties pareilles au visage, sous prétexte que tu es mal lunée et jalouse !

Je sentais mes globules rouges faire le tour de mes membres anesthésiés. Mon énergie faisait de nouveau acte de présence dans mon corps d’Élue et j’avais peur de lâcher prise sur ma meilleure amie.

Je récupérai donc mes béquilles en refoulant toute cette force dans mes entrailles et passai devant elle sans lui adresser un regard.

Dylan me rattrapa et m’aida à descendre les escaliers.

— Mais qu’est-ce qu’il s’est passé Len ?

Je pris appui sur son bras et relevai vers lui mes yeux pleins de larmes. J’avais oublié que ce don était si puissant. J’avais oublié qu’il me demandait une si forte maîtrise de moi-même.

— Je crois qu’elle a pété un plomb c’est tout.

— Mais pourquoi ? Elle était si contente que mon entraînement se finisse plus tôt pour aller à la plage avec toi ! On t’a attendue toute l’après-midi. On croyait que tu étais allée étudier. Et puis j’ai entendu ce que tu as dit sur elle, tu sais… depuis qu’elle est avec moi. Tu m’en veux pour quelque chose ?

— Mais non Dylan, c’est pas ça ! Je ne te reproche rien du tout. Je suis même très contente que tu lui donnes tout ce bonheur, elle le mérite vraiment… soufflai-je.

— Alors quoi ? Personne ici ne vous a jamais vues vous disputer !

— Quand elle a refusé mon invitation, Mélinda a sûrement dû voir ma mine dépitée et m’a proposé d’y aller avec elle. Faire connaissance quoi. J’ai de suite accepté, ça me faisait tellement plaisir de redécouvrir la plage. On y est allé après le déjeuner vers treize heures. Vous m’avez ratée de peu.

Il sourit.

— Je ne veux pas que tu penses que je te vole ta meilleure amie c’est tout. Je voulais que les choses soient claires entre nous, qu’il n’y ait pas de malaise, tu vois ?

Je hochai la tête.

— Ne t’inquiète pas. Il n’y a pas de malaise avec toi. Je crois qu’il faut qu’elle apprenne à calmer ses nerfs et qu’elle comprenne aussi que si elle, elle a le droit de faire sa vie, j’en ai le droit aussi. Je ne comprends pas pourquoi elle réagit comme ça alors que moi je n’ai jamais fait une affaire d’état si elle avait d’autres projets que de passer du temps avec moi. Ce sont ses réflexions qui m’ont énervée ! Elle n’avait pas à me parler sur ce ton, et encore moins m’afficher devant tout le lycée !

Il me laissa mes béquilles, et me sourit encore, mais cette fois d’un air penaud. Il ne comprenait toujours pas la réaction aussi violente de sa douce moitié.

* * *

Ma chienne, Naja, se rua vers moi dès que j’eus tourné la poignée de la porte d’entrée.

— Doucement ma belle ! Maman n’a pas encore repris toutes ses forces ! lui dis-je en la prenant dans mes bras.

— Tu veux qu’on aille se balader ?

Elle aboya si fort qu’elle en transpirait de joie, sa petite queue en faisait presque des loopings ! Je déposai mes affaires dans la cuisine et pris des biscuits dans le placard.

— Pas de laisse pour toi aujourd’hui. Mais tu restes près de moi hein ?

Elle s’assit pour me faire comprendre son accord. Puis se releva aussitôt pour aller gratter à la porte.

— Oui c’est bon j’arrive !

Nous avons donc pris le chemin vers les ruines d’Amary qui se trouvaient sur la propriété de ma tante. J’avais moins de mal avec les béquilles que le matin, mais je craignais que mon corps ne soit pas encore prêt à se porter tout seul.

Lorsque nous arrivâmes à la clairière, je marquai une pause contre un morceau de roche pour reprendre mon souffle. Naja, qui ne m’avait pas vue m’arrêter, revint à moi en courant. Sa jolie petite tête blonde me disait : « Tu as vu Maman ? Je t’écoute hein ? ! ». Je souriais intérieurement.

Je posai mes béquilles à terre et m’essayai à faire quelques pas dans l’herbe, toujours appuyée sur la roche, puis je lâchai doucement ma prise et mis un pied devant l’autre.

Je sentais une pression dans mon bassin et les muscles de mon dos me tiraillaient jusqu’aux épaules. Mais je fis encore un pas. Il fallait que je marche sans être encombrée de ces horribles machins qui me faisaient mal aux mains !

Naja resta à côté de moi, comprenant mon possible besoin d’appui. Malgré l’engourdissement de mon corps, j’arrivai à me tenir droite et à marcher sans trop de mal. Une bonne nouvelle !

En me rapprochant de la chapelle, je sentis l’attraction de la Porte du Temps. Si forte et si douce… qu’il me prit l’envie d’y descendre.

Aidée par les murs de roche blanche, je me dirigeai à l’instinct vers celle-ci. Dans la pénombre. Des images me revinrent en mémoire. Mes souvenirs coupables venaient m’accabler.

J’arrivai devant la Porte. Naja émit un petit couinement pour signaler sa présence à ma droite. Un gémissement presque inaudible, comme si elle aussi respectait ce lieu qui aurait pu être mon tombeau.

Mes mains passèrent sur les gravures, de gauche à droite. De droite à gauche. Le nom de Patricia vint claquer dans mon esprit. L’odeur d’encens était encore plus palpable que dans mon souvenir. Patricia…

Je m’agenouillai devant la Porte en signe de résignation. La culpabilité était telle que je pouvais sentir le fourmillement de ma force dans mes jambes et dans mes bras.

Je n’avais été qu’une égoïste ! Il avait suffi à ces deux Nubbuks de me donner la motivation dont ils avaient besoin pour repartir à leur époque, et moi, comme une idiote, j’avais pu croire que c’était la seule solution à cet amour interdit !

J’avais trahi ma propre famille, les seules personnes qui m’avaient acceptée sans condition après la mort de mes parents ! Et Rick ? Mais où était-il, bon sang ? Pourquoi s’était-il encore enfui ? N’y avait-il vraiment plus d’espoir ? Fallait-il que j’oublie cet amour ?

Mes mains vinrent à présent toucher le sol poussiéreux de la crypte. Je m’appuyai tant bien que mal sur mes genoux qui commençaient à me donner des signes de douleur. Les larmes coulaient le long de mes joues sans que je puisse les retenir.

Une phrase que je m’étais dite à l’enterrement de mes parents fit soudain surface dans ma tête :

« Je ne comprendrais jamais pourquoi lorsque l’on aime quelqu’un le destin décide toujours de nous l’enlever. Peut-être est-ce parce qu’il nous fait grandir, passer à autre chose ou bien nous émancipe de la dépendance créée par l’amour ? »

Un an plus tard je n’avais toujours pas de réponse mais le même schéma se reproduisait encore : un être cher à mon cœur disparaissait !

Chapitre 3

J’étais au beau milieu d’un rêve génial quand les rayons du soleil vinrent me chatouiller le nez.

Je me relevai difficilement d’entre les coussins et ouvris la grande porte-fenêtre qui donnait sur mon balcon. J’inspirai à fond l’air frais du matin. Une belle journée en perspective.

Dans la cuisine, Jamie et Éléonore discutaient tranquillement devant leur petit-déjeuner respectif. Elles se regardèrent, étonnées, en me voyant arriver sans mes béquilles.

Mes forces revenaient petit à petit mais pas encore assez pour m’en passer totalement. Donc, je me forçai à montrer aux autres que tout allait bien malgré les douleurs. Car si je montrais ma réelle faiblesse, tout le monde me prendrait en pitié et je détestais ça ! Je n’avais pas besoin de ça en ce moment. Je voulais pouvoir profiter à fond de ce beau temps sans que mes proches s’inquiètent de ma santé physique.

Je fis une bise sur la joue de ma tante et pris place juste en face de ma cousine à qui j’adressai mon plus beau sourire.

Je remarquai que ses cheveux avaient bien poussé. Elle les avait presque au carré maintenant, ce qui faisait ressortir ses magnifiques yeux enfantins. Son visage respirait le bonheur et j’étais heureuse de voir ça.

Les derniers souvenirs que j’avais de ma jeune cousine étaient ceux d’une enfant tiraillée par un amour à sens unique et des doutes en ses capacités. Elle avait l’air d’avoir bien repris du poil de la bête.

— Tu viens ce soir sur la plage ? Je ne sais pas si tu te rappelles, c’est la fameuse soirée de fin d’année, me demanda-t-elle.

Je fis oui de la tête. C’est vrai qu’avec tous ces événements j’en oubliais ma vie humaine.

— On prendra des Chamallows ? lui demandai-je en plaisantant.

Elle me répondit par un clin d’œil, la bouche vissée à son bol de lait.

— Ah non Léna, me reprit calmement Éléonore, hors de question que tu te rendes à une fête dans ton état.

— Mais Tata… l’implorai-je avec une moue digne d’une fillette de quatre ans.

— Ma chérie, je suis directrice de l’hôpital de cette ville. Si j’ai pu te garder ici pendant ton coma c’est bien grâce à ce statut ! Et jamais je ne laisserais quelqu’un dans ta situation quitter mon hôpital après un réveil de moins d’une semaine ! Tu es encore en rémission et tu ne sortiras pas sans mon avis médical favorable au préalable.

Elle continuait de parler mais je ne l’entendais plus. Une petite mèche blonde était venue se lover contre sa nuque et la veine sur sa tempe droite avait gonflé. C’est fou comme elle pouvait ressembler à ma mère quand elle se mettait en colère.

Elle avait commencé à déblatérer son jargon professionnel et je compris qu’il était inutile d’essayer de trouver un compromis.

— … tu m’entends ? Ce n’est pas pour te punir ma belle, c’est vraiment pour ta santé, finit-elle.

Je hochai la tête en signe de résignation. Son expression s’était radoucie mais je me voyais déjà en train de griller des Chamallows sur les flammes des feux de camp. Impossible pour moi de ne pas y aller. Ma décision était prise.

Andy apparut toute pimpante et déjà prête à partir. Elle nous dit gentiment bonjour avant de passer la porte d’entrée.

Éléonore se leva de table, m’embrassa tendrement sur le front, prit une brique de jus de fruits dans le frigo et partit travailler.

Andy partie signifiait : salle de bain disponible ! Alors ni une, ni deux, j’abandonnai la table pour sauter sous la douche !

Lorsque je redescendis, il n’y avait plus personne dans la maison. Aujourd’hui, j’avais décidé de ne pas aller au lycée. La journée d’hier m’avait causé trop de fatigue, et puis pour être honnête, je n’en avais vraiment pas envie. Au diable les examens !

Seule, Naja trônait dans son panier, assise, comme si elle n’attendait que moi. Elle aboya pour me signaler son envie d’aller dehors. Sa petite queue remuait frénétiquement.

— Bon d’accord, on va se promener un peu !

Elle vint coller son petit museau contre ma paume et me lécha amoureusement le reste de la main.

* * *

Il était déjà dix heures du matin. Le soleil brillait et une légère brise me caressa le visage. Pour changer un peu de nos lieux de balade habituels, nous sortîmes hors de la propriété de ma tante.

Mes pas divaguaient au hasard dans la ville au gré de mes pensées. Ma chienne trottait joyeusement en s’arrêtant de temps à autre pour renifler les odeurs laissées par les autres chiens.

Je ralentis le pas quand les premières tombes entrèrent dans mon champ de vision. Mes jambes tremblèrent légèrement quand nous nous approchâmes du grand portail rouillé.

Je poussai la grille et un grincement strident résonna dans la rue ; de quoi me glacer le sang. Mais l’envie de sentir la présence de ma mère était plus forte que ma peur.

J’approchais doucement de la tombe de mes parents quand j’aperçus une frêle silhouette parcourir rapidement les allées du cimetière. Une ombre fine encapuchonnée dans un grand manteau noir. Je n’étais donc pas la seule à rendre visite à mes proches défunts.

Les corbeaux étaient toujours à la même place que la dernière fois. On aurait pu croire que le fossoyeur s’était amusé à fixer des statues de volatiles aux branches.

Une brindille craqua sous ma chaussure, la silhouette ralentit soudain le pas et remarqua ma présence, puis fit volte-face et se précipita vers la sortie. Étrange…

J’essayai tant bien que mal de comprendre cette soudaine apparition. Peut-être que mon imagination me jouait des tours ? Non, ça ne doit pas être important, me dis-je avant de revenir à mon intention première.

Il y avait plus de six mois que je n’avais pas visité leur tombe. Presque un an qu’ils étaient ici et elle était devenue comme toutes les autres. Froide et sans vie.

Les fleurs qui avaient été déposées avec tant de soin pendant les premiers mois étaient toutes fanées et donnaient une impression d’abandon. La présence que j’attendais ne vint pas me rassurer cette fois. J’avais le sentiment qu’ils n’étaient plus là.

— Papa ? Maman ? appelai-je.

Évidemment, je n’attendais aucune réponse orale. Seulement un signe aurait suffi à combler mon cœur. Peut-être étaient-ils partis ? Peut-être avaient-ils cru que je les avais oubliés. Non, c’était impossible, ils étaient là, j’en étais sûre !

Je m’assis sur le marbre glacial et fis passer mes doigts sur les gravures de leurs noms. Un léger frisson me parcourut le bas de la nuque.

Je sentais la force de mes dons mélangée à ma frustration remonter doucement le long de ma colonne vertébrale. Mes mains touchaient à présent la grande plaque lisse, je me décidai à parler. Je leur racontai ma mésaventure, le coma et mon histoire avec Rick. M’excusai de ne pas avoir pu leur rendre visite plus tôt.

Un corbeau croassa et une chaleur vint envahir mon cœur. Enfin !