Malaga, pas sans mon nom - Santiago Vizcaino - E-Book

Malaga, pas sans mon nom E-Book

Santiago Vizcaíno

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Beschreibung

Une littérature insolente de l'Équatorien Santiago Vizcaíno, traduit pour la première fois en français.
Willy est une vraie plaie, toujours insatisfait, qui se comporte comme un sale gosse, avec une certaine jouissance à ne pas être du bon côté. Immigré équatorien fraîchement débarqué à Malaga, il dresse, dans une langue piquante et tranchante, un portrait décalé et grotesque de son environnement et de sa situation personnelle. 
Car Willy écrit. Il écrit d'une voix amère, comme une logorrhée lancinante, où les scènes s'enchaînent, offrant une galerie de portraits cyniques de losers qui nous éloigne des grandes et belles histoires ou de la grande vie que l'on s'imagine pouvoir mener dans la métropole méridionale.
Malaga, pas sans mon nom est une novella qui nous invite à pénétrer dans un espace où il est permis de se montrer insolent, où l'égoïsme n'est pas vu d'un mauvais oeil, et où la haine devient un besoin…


À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Quito, en Équateur en 1982, Santiago Vizcaíno est titulaire d'une licence en communication et littérature, il a aussi étudié à l'université de Malaga. Ses textes ont été publiés dans de nombreuses revues et son œuvre poétique a été plusieurs fois récompensée.

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Malaga, pas

sans mon nom

. Santiago Vizcaíno .

elytis

. Un Équatorien en Espagne .

Traduit de l’espagnol (Équateur)par Benjamin Aguilar-Laguierce

. i .

moi, tout ce que je voulais, c’était voir la mer de malaga. je m’étais mis dans la tête cette drôle d’idée, qu’on pouvait voir l’afrique depuis là. quel couillon ! je suis resté deux jours à madrid et j’ai eu peur. peur de ces milliers de paires d’œils qui me scrutent de haut en bas comme une bête de foire. s’il n’y avait pas tant de ces satanés équatoriens ici ça serait une autre histoire. peut-être même qu’on me prendrait pour un totem pré-colombin. ouais, mais non. il commence à faire un froid de chien et moi j’ai que ce blazer de merde, comme un brigand cultivé. ou plutôt comme un brigand au blazer made in china. ouais, parce qu’en équateur, tout ce qu’on te présente comme « amerloque » ou italien ou français, c’est chinetoque. même ces saloperies des boutiques : ne pas laver à la machine. ne pas sécher directement au soleil. ne pas repasser à haute température. à quoi bon cracher cent cinquante dollars si rien qu’en l’enfilant tu le crèves ton blazer ? et toi aussi, tu te crèves. c’est comme ça.

quand t’es à madrid tu te sens tout chose. précisons : comme une grosse merde étalée devant le palais royal. et ce froid, rien à voir avec nos simagrées à quito, nos « achachay » de froid, mais alors rien. tu te tapes la plus grosse gueule de bois de ta vie, tout ça à cause du froid. encore, le froid, ça passe. mais alors la gueule de ces nasillards, c’est insupportable, on comprend bien ce qu’a dû sentir moctezuma quand il s’est trouvé nez à nez avec le canon de cortés. et le pire, c’est que ça te rentre dans la peau, en deux heures tu prends l’accent de la vache espagnole. et la vache espagnole elle t’emmerde. mais à madrid tu seras toujours une bête de foire au blazer chinetoque, un peu comme un rat mort dans une rue de caracas. une ruelle, celle du coupe-gorge. il peut sembler surprenant qu’un latino descendu de ses andes, qui devrait nettoyer des chiottes, s’habille comme ça : un dandy néobaroque, en quelque sorte. un vulgaire spécimen qui s’enfile du jambonneau aux patates à vingt euros le plat. ces putains de patates qu’il mangerait pas s’il avait pas violé mon arrière-arrière-arrière-grand-mère. mes pensées, bien entendu, c’est de la sous-merde : sous-développé souterrain suburbain. mais je ferme pas ma gueule, je dis ça à une immigrée chilienne qui me dévisage comme si je l’avais offusquée, elle.

toujours est-il que c’est impossible de vivre à madrid. tel est mon lot quotidien : le sous-sol d’une pension au numéro 20 de la calle san mateo en face du musée de la renaissance. les talons aiguilles des espagnoles qui parlent à toute vitesse et enfilent tout aussi vite leurs bas en soie. des enfants bien élevés qui disent : c’est répugnant, bon papa, c’est répugnant. putain de merde. rebelote, je me sens encore une fois comme un sous-développé qui se prend pour quelqu’un d’à peu près cultivé, mais qui n’a personne avec qui parler de littérature ni de cinéma ni de musique ni de rien du tout. c’est pour ça que je me suis senti récompensé quand ils ont passé un porno espagnol après minuit. c’était la première fois que je faisais l’amour à une espagnole. façon de parler. l’amour elle le faisait ailleurs. en équateur, t’as que youporn et des suédoises, des polonaises, des russes et des roumaines. des blondes par centaines chinées au marché aux puces, mais on va pas faire la fine bouche, hein.

mon oncle vit ici. c’est un immigré. il loue ce sous-sol froid et il le sous-loue à une chilienne et une équatorienne qu’on ne voit que deux fois par semaine. c’est un sous-monde, celui de l’immigration. les équatoriens ici sont comme une plaie. enfin ils sont aussi un peu utilitaires. on sait bien ce qu’ils font, ce que les espagnols refusent de faire. ou du moins selon leur degré de pauvreté. ici les équatoriens sont pris de schizophrénie vitale. il se trouve que leur esprit est partagé en deux. ils vivent de la nostalgie. mais ils se sont aussi habitués à un style de vie confortable qui est celui que propose ce que l’on appelle le premier monde. quand ils rentrent en équateur, ils sont mal à l’aise. ils parlent différemment. ils s’habillent différemment. ils en viennent même à voir leurs racines avec mépris. c’est leur vengeance. le racisme dont ils sont victimes en espagne, ils le rendent largement à leurs semblables. la faiblesse identitaire de l’équatorien transforme les immigrés en monstres culturels.

mon oncle est un gars qui travaille dans l’hôtellerie. il est serveur et plongeur dans un restau de fruits de mer. les gens font la queue pendant des heures pour y manger. grâce à lui, j’ai pu déguster des trucs bizarres, des couteaux, des pouces-pieds ou des crabes dormeurs. j’ai aussi mangé des tripes à la madrilène, on appelle ça de la guatita en équateur. mais bien sûr, ce qu’il y a de meilleur, c’est le vin. tout le monde le sait. pour un euro tu peux acheter un pinard rance et rugueux qui te coûterait dix fois plus en équateur. tout le monde le sait.

je vais passer trois jours ici. j’ai toutefois déjà pu me faire une petite idée de ce monde. ce qui m’intéresse surtout c’est la vie de ces personnages appelés immigrés. les espagnols sont assez prévisibles. conservateurs à mort. mais ils savent très bien exploiter les touristes. enfin c’est une autre histoire. le sud-américain en général est un phénomène enrichi. sa condition le rend plus complexe. même sa langue a muté, et bizarrement. c’est poilant de les entendre dire tío, joder, macho, que te den por culo – mec, putain, mon gars, va te faire mettre – en sus des expressions idiomatiques propres à leur culture. les équatoriens et les boliviens tirent leur épingle du jeu. ce sont des alcooliques violents. leurs rares moments de repos sont entièrement dévoués à l’absorption de bière, la plus alcoolisée. ils se réfugient dans leurs appartements avec la plus ferme intention de s’autodétruire. c’est pour ça qu’ils se mettent facilement sur la gueule et se rendent cocus les uns les autres. il y a une frénésie sexuelle, parce que dans leurs pays, c’est péché. oh douce espagne, couvre ce sexe que je ne saurais voir.