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Homme de tous les excès, Michel Destombes peut apparaître aussi lumineux qu’opaque. De retour de vacances, sa femme et leurs deux fillettes disparaissent brusquement sur le bitume d’une station-service. Ce phénomène inexpliqué le précipite dans une fantasmagorie déclinante où ressurgissent passé, présent et futur proche…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Romantique insaisissable,
Robin Dupisre se considère comme un artisan ferrailleur de la littérature contemporaine.
Même les dieux ne réussissent pas est son quatrième ouvrage publié.
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Seitenzahl: 273
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Robin Dupisre
Même les dieux ne réussissent pas
Roman
© Lys Bleu Éditions – Robin Dupisre
ISBN :979-10-377-8849-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
La vie m’ordonne la dactylographie, un jour de brillance, avant de me coucher sur un tapis d’étoiles.
Tout commence par le vide avant de faire le plein, la mappemonde en bandoulière et l’humanité à portée de vue. Les dieux s’apparentent dans une juxtaposition de contrées et de planètes effilochées. Intouchables, les muscles saillants, ils se pavanent de nos déboires et de nos désillusions tout en savourant un cocktail détonant et ironique, parfumé d’intrigue et de mystère, sur l’île de la mer Égée.
Esprits, pouvoirs magiques, croyances, tout se conjugue puis se confond dans une multiplicité d’influences que nos petites épaules ne peuvent plus supporter. Ainsi, des millénaires d’illusions et de désastres sont derrière nous et des galaxies d’interrogations sont face à nous. Et pour la suite de ce feuilleton allégorique, un zeste de patience exacerbée et une ribambelle de citrons verts devront faire le panache sur le long comptoir de nos discussions animées.
Renommées, filiations, nous provenons, qu’on le veuille ou non, d’une mythologie antique, intensément surréaliste. Et c’est lorsque le soleil se lève que nous nous dressons sur nos jambes avant de nous perdre dans le flou de nos connexions fantasmagoriques.
Il existe tellement de façons de dire et de lire le monde. Et celui-ci est si difficile, si compliqué à analyser que l’on ne peut qu’y boxer sur le ring de ses paradoxes. Mais quelle est véritablement son origine ? De quelles imperfections idéologiques sommes-nous constitués ? De quels systèmes survivrons-nous et de quelles pratiques, et de quelles velléités ? Resterons-nous des personnalités à la parole imaginaire et sans ne pouvoir infléchir aux vertus négatives de notre époque ? Car le temps passe et tout vacille. Accablés par une certaine lassitude, notre seul crime est peut-être d’exister ?
La vie est rarement un conte de fées, c’est plutôt une galère à rebours. Plus tu avances et plus tu t’enlises, que tu sois anodin et « bien dans tes baskets », diva, neurasthénique ou loufoque. Et dans le domaine des rêves et cauchemars, difficile de tenir la distance. Nous sommes donc souffrants, mais toujours investis de cet espoir d’un pays où fleurissent d’autres possibles.
En effet, on recherche toutes et tous une patrie pour y vivre. C’est un scénario à la fois beau et étrange, d’une confusion sans précédent. Mais c’est également un dédale de couloirs bicolore dont les hirondelles sont annonciatrices d’homicide. Et, quel que soit le jaillissement du printemps, notre position sensuelle et amoureuse se désintègre et nos larmes s’égrènent dans un océan de pluie.
La tristesse n’est pas un décor de carte postale. Elle existe et subsiste dans cette dangereuse forêt idéologique. C’est une faiblesse ajoutée et dont le mal-être est un carburant à puissance indéterminée, et qui slalome dans les méandres de notre civilisation et alimente insidieusement notre existence.
Balayé par des années de poussière, l’acte de survie reste intentionnel. C’est ainsi que nous sommes victimes sans avoir décidé de l’être. Cloîtrés dans la jouissance de notre résistance, nous évoluons dans le cadre de nos possibilités, en toute désapprobation.
Les maltraitances sociales sont sans fin sans qu’il nous arrive toujours à ce que nous croyons. Comme si notre cœur sortait de notre poitrine. Nous sommes dépassés, incontrôlables de cynisme.
Regardons dans les yeux notre société actuelle, précaire et atrocement réglementée, n’est-elle pas aussi dévastatrice qu’un code de carte bleue ?
C’est alors que les plans sociaux se multiplient, une multitude de personnes passent chaque mois sous le seuil de pauvreté, jamais le taux de suicide n’a été aussi élevé, les étudiants sont livrés à eux-mêmes, et parfois se prostituent pour un repas…
Bienvenue dans le royaume de l’idiotie où les fous portent des couronnes et les reines s’érotisent de porte-jarretelles. Faut-il nous souhaiter bonne chance dans cette sinistre fin de cycle ?
Avec pour figure de proue la religion qui se régale de nos condamnations, et nous aspire et nous décalque de notre tangibilité. Mais n’a-t-elle pas été créée via le diable en personne ? L’ambitieux Lucifer Iblis, roué de coups sous les quolibets d’une foule hilare, tient enfin et peut-être sa revanche…
Bataclan, désordre et enchevêtrement, certains tapissent leurs émotions pour contenir leur chagrin pendant que d’autres réfléchissent de travers avec leurs amplitudes psychiatriques totalement dépourvues de lucidité.
Ainsi nous vivons à l’envers dans le paradoxe de l’hypocrisie.
En résumé : les coffres des banques sont pleins, nos frigos sont vides et nos cerveaux en famine. Et l’organisation mondiale de lutte contre les braves gens se congratule dans le luxe, la criminalité et l’exubérance.
Car notre société contemporaine est une confluence de deux phénomènes, la haute bourgeoisie et la grande pauvreté dont nous sommes l’expression. Visiteurs injustement imparfaits et cohabitant dans une planète en ruines dont le toit crevé apporte une vue imprenable sur l’éphémère.
Bien heureusement reste l’amour, mais sur quel versant de la montagne se positionne-t-il ?
Et combien de temps, une histoire, aussi passionnée soit-elle, peut résister entre deux êtres sans devoir surmonter le passé et ses dents de loup ?
Quand une personne renaît, une autre doit indéniablement disparaître, juste une question d’équilibre, non ?
L’aventure est une machine à décrypter le cosmos, elle est la trame de notre histoire fictive ou réelle. Néanmoins, avec cette impression que seuls les artistes combattent. Et dont la brume naturelle rajoute le sel au piment, l’écorce à l’arbre, les cristaux à la glace, le noir au blanc, et la vie à la mort.
Mais rien ne résiste à l’agression, au mercantilisme et à la bêtise humaine. Ce sont des traces indélébiles, comme une urine acide qui suinte depuis les murs d’un commissariat. Comme « une lettre à l’amer » qui aurait été lancée par un ancêtre complice et dont on doute de l’authenticité, mais que l’on s’évertue à appliquer les règles et notices, aveuglés de réussite et de compétitivité.
Nos succès restent évanescents et périssables avec cette objectivité que c’est toujours le plus narcissique qui gagne et l’emporte.
Et quand on regarde le ciel on a l’impression qu’il lui manque l’œil gauche et quand le ciel nous regarde, comme c’est étrange et se confirme, il lui manque l’œil droit.
On croit toujours que « les choses de la vie » vont s’améliorer, se diversifier, mais non… Tout redevient vite insipide dans cet asile de médiocrité où l’on se disperse immédiatement dans la fabulation. Notre éducation intellectuelle semble bannie dès le premier pied posé sur la terre ferme. Tout compliment de tout à chacun dans ce théâtre de précipice semble périlleux et respire la poudre.
J’ai parfois des fous rires quant à vos explications avec l’envie de m’enrouler verticalement dans une feuille d’aluminium.
Si tu désires un rôle, une place, il te faut écrire un roman, le roman de ta destinée. Il te faut produire de l’inattendu, savoir te transposer dans tes propres songes, perdre le contrôle et lâcher prise, à jamais…
L’écriture est un sprint vers un ailleurs, une alchimie sentimentale qui restera coupable dans ce paradis clochard. Car la mélodie dominante de notre abnégation n’est autre que la solitude.
Ce qui est terrible dans le malheur, c’est qu’il ne prévient pas, et ce qui est intrigant dans le bonheur, c’est qu’il s’enfuit déjà.
Quand la lune se mêle aux larmes et le soleil à nos sourires, je revois ce vieil homme au regard perçant. Lui seul détient la vérité, enfin, une infime partie.
Il nous faut donc traverser l’allégresse des temps disparus.
Tout homme marche sur des charbons ardents, funambule de sa propre série noire et toute femme danse sur un lit de pétales, somnambule dans une nuit arc-en-ciel.
Et n’ayons surtout pas peur du choc des retrouvailles, bien au contraire. Allons-y, c’est essentiel, parcourons à pied le trait lumineux qui brille dans nos yeux, enfin…
Restons plaisants, aimables, à l’écoute, mais sauvages.
Le destin est d’une puissance outrageuse, car ce qui doit arriver finit toujours par arriver.
Je fume des mélodies sans filtre et dans ce tourbillon se peuplent mes pensées.
Alors je palpe de la feuille blanche qui enivre.
Nous sommes tous des naufragés. Même toi…
Papa, j’ai froid !
Moi aussi j’ai froid, Papa !
Mais tu ne peux pas fermer ta fenêtre, Michel ?
Attends, je tire encore juste deux, trois bouffées, je viens de l’allumer !
Mais on ne fume pas dans une pompe à essence ! Tu le sais bien, c’est dangereux ! Et puis Anouchka et Marion sont tremblantes, regarde-les, elles ont la chair de poule !
Mais je suis à l’intérieur de la voiture, non ? Il n’y a aucun danger et je flirte le cendrier !
Oui, mais ce n’est pas une raison pour être égoïste ! Et puis ça va encore empester le tabac dans cette maudite bagnole !
C’est pourquoi j’ouvre !
Mais ça caille dehors ! T’es barbant ! Sans compter les nombreuses traces que laisse la fumée sur le ciel de toit !
On se sentira moins observé !
Mais de qui tu parles ?
Ne me dis pas que tu ne les entends pas ?
Mais tu deviens complètement parano, tu recommences ?
Non, je suis juste réaliste !
Mais je vis avec un taré, ce n’est pas possible !
Mais maudite bagnole ou pas, ne frappe pas comme cela sur le tableau de bord, Romy ! Ça me cogne le ciboulot !
Je frappe ce que je veux et quand je veux ! Monsieur tient à sa petite berline ?
C’est affectif, tu le sais bien ! Et je ne pourrai plus jamais m’en payer une autre, même d’occase ! T’es vraiment une mégère, toujours à critiquer mes faits et gestes !
Elle est bien finie la saison des flatteries, l’été a déroulé sa bosse ! Comment tu m’as appelée déjà hier soir ? Mon poison ? C’est bien cela ?
Nous étions énervés, comme à notre habitude.
Tu avais trop bu plutôt, n’est-ce pas ?
Affirmatif !
C’est toujours le même refrain avec toi ! Tu perds le fil, et jamais plus d’éloges à mon égard ne sortent de ta bouche !
Tu ne parlerais pas pour deux, à toujours faire les questions ainsi que les réponses ?
Vous êtes tous semblables, les hommes !
Explique-moi.
Quand une femme souhaite changer les mauvaises habitudes et s’évertue à dire les vérités qui fâchent, elle ne peut être qu’offensée, voire insultée… Et par vous, les gusses !
Mais tu déformes toujours tout ! Décompresse et domine ta colère, tu veux ?
Éteins-nous cette cigarette de suite, s’il te plaît !
Deux minutes, tu veux ? Je reprends mes esprits !
Éteins-la, je te dis !
Arrête, cela dégénère…
T’es chiant !
Tu t’es fait mal à la main, pas vrai ?
Romy ne souhaite pas lui donner raison et réplique.
La nicotine reste vraiment l’héroïne des imbéciles. Tu m’irrites à un point, tu ne peux pas t’imaginer ! Mais tu ne peux pas t’abstenir, juste une matinée ? Tu oublies que mon oncle Henri n’est plus de ce monde et à cause de ça ! tout en désignant de son index la clope rougissante de Michel.
Mais t’es toujours dans l’exagération ! Je ne fais rien de mal ! Et puis la fugue éternelle de ton oncle, c’est plutôt une bonne nouvelle, non ?
Tu n’as jamais pu le blairer !
Et comment ! Mais lui non plus ne pouvait me voir en peinture !
Si tu pouvais t’arrêter, faire disparaître cette addiction, ce serait déjà un premier miracle ! Tu t’étais engagé, non ?
Mais m’arrêter de quoi ?
De fumer, idiot ! En plus, cela te coûte cher !
Ma parole, t’es programmée pour ? On dirait un robot qui entre en action et rabâche sa programmation ! Mais tu ne peux pas me lâcher cinq minutes !
Et toi ? Tu te méprends de la même attitude, comme si de rien n’était, et ceci sur tous les sujets, tu me désoles à te débiner ainsi ! Je reconnais bien là ta force de caractère ! Plutôt inexistante, voire chimérique !
Et pourquoi devrais-je me transcender ?
Tu déconnes, j’espère ?
Déjà, tu m’empêches de baiser et demain, ce sera quoi ? Plus de jam-sessions à la maison ? Plus de matches de foot à la télé ? Plus d’apéros entre copains ?
Pense aux petites, Michel ! Nous ne sommes pas seuls ! Tu dérapes là ! Et je ne t’empêche de rien ! Tu ne serais pas si distant !
Mais dès que je t’approche, tu me repousses !
Et en rentrant, ta batterie de merde qui squatte le salon, je vais te la foutre à la déchetterie ! Cela nous fera de la place !
Essaie un peu ! Tu vas voir ! La musique représente tellement pour moi !
De toute façon, tu joues toujours les mêmes morceaux ! Avec ton pote Zaccharie, ce crétin !
C’est un génie !
Un génie ? Haha ! Laisse-moi m’esclaffer ! Et il est où ton
Stevie Ray Vaughan
actuellement ?
Aucune idée, je te l’accorde, on s’est un peu embrouillés, mais pour si peu de choses…
Papa, ça veut dire quoi « baiser » ? C’est comme un baiser ?
Demande plutôt à ta mère, Anouchka, elle t’expliquera !
Ne sois pas odieux, Michel, tu veux ? réagit instantanément Romy.
Non, Michel n’est pas odieux, et tu sais quoi, Michel ? Eh bien, il va faire de l’essence, comme un bon petit mari obéissant, et même plus qu’un plein, un ras bord, on est là pour cela, non ? Excusez-moi, mes chéries, mais j’en avais besoin, le tabac est mon antistress !
Ce n’est pas grave, Papa ! répondent les deux sœurs dans une même langueur et fortement embarrassées par cette énième discorde déclenchée par leurs deux parents.
Oui certes, mais on peut faire une pause également, non ? Se détendre, se dégourdir les jambes et se rafraîchir le visage ? Manger un morceau ! relaie Romy. T’es toujours pressé de toute manière, avec toi, impossible de se poser, tu accélères, mais tu ne sais jamais où tu vas ! Je n’ai pas raison ? Mais réponds, quoi !
Que veux-tu que je te réponde ?
On en est où tu crois ? Enfin, à peu près…
Tu veux dire nous deux ? Parfois j’ai l’impression que notre destin s’ouvre les veines.
Mais non, la distance !
Je ne sais pas ! Châtellerault, je pense ? Je crois avoir aperçu le panneau en ouvrant les yeux !
Encore combien de route ? J’en ai marre de conduire. Tu sais bien que je déteste ça. Pourquoi tu m’obliges toujours ?
Mais je ne suis pas en état ! Tu le vois bien ! Un peu plus de trois heures environ, j’avais l’impression de m’être planté dans l’itinéraire, mais non, pas d’inquiétude, de mémoire on a juste à poursuivre, donc si notre position est exacte, on prend vers Poitiers, Niort, Saintes puis direction Bordeaux.
Mais pourquoi tu ne branches pas notre GPS au lieu de tout vouloir ordonner ?
La prise de l’allume-cigare ne fonctionne plus, je te dis !
Mais tu ne peux pas la faire changer, en commander une autre ?
Je m’en occuperai à notre retour.
Faut faire la vidange, les filtres aussi, ainsi que la courroie de distribution m’a dit le mari de Gaëlle.
Il ne peut pas la fermer, celui-là, toujours de bon conseil ! Mais dépenser, on ne fait que cela !
Et ton portable, ton
Nokia
ridicule ?
Panne sèche ! Je ne peux le redémarrer, enfin je ne trouve plus mon câble.
T’es vraiment
borderlin
e ! Espèce d’idiot, tu n’aurais pas fracassé le mien ! Je fais comment à présent, moi ?
Je suis désolé, Romy, sincèrement.
Prends ton chargeur avec toi, tu feras le nécessaire à l’intérieur, tu trouveras bien une prise d’alimentation aux chiottes où je ne sais où ?
Bien vu, mais il est où ?
Dans la boîte à gants, t’as déjà zappé ?
Ah oui, merci.
T’as juste à activer la trappe devant toi pour le retrouver ! Tu sais encore bouger le bras, j’espère ?
Fous-toi de ma gueule ! tout en prenant sa recharge de téléphone mobile que Michel place dans le renfoncement de son blue-jean. Oups, y a aussi mon câble !
T’as des sous ?
J’ai ma carte Visa dans mon autre poche avec mon passeport ! tout en vérifiant son propos d’un geste soudain. Mais si je le réactive, ça va être long pour vous ? prolonge-t-il d’un air inquiet, de larges cernes sous ses yeux brillants.
On te rejoint !
Non, vous m’attendez ici, cet endroit est si glauque à l’extérieur, je ne me fais pas d’illusion quant à l’intérieur ! On trouvera bien plus écolo un peu plus loin, un espace vert ou dans le genre, et puis on peut s’en passer du téléphone, ça te kidnappe ton intimité cette saloperie !
Et si les filles veulent faire un jeu ?
Elles ont leurs bouquins, non, des magazines ?
Si tu le dis ?
Tu ne pars pas sans moi ? lui dit-il en ouvrant la porte-passager. Tu ne me laisses pas là, dans ce trou à rats ?
Je vais me gêner ! sous-entend Romy tout en se massant légèrement la main.
Je regrette le temps où tu m’envoyais du bout des doigts des baisers à l’autre bout de notre galaxie Romy ?
Tu m’étonnes ! Mais une rechute n’est plus prévisible…
Toujours pas d’amnistie ?
Toujours pas… Même pas en rêve !
Tu m’en veux à ce point ?
Devine ?
Ne pars pas sans bruit, je te prie, jamais !
Comme par magie ? Tu veux dire ?
Ou sorcellerie !
Crétin de narcissique, va !
Haha ! Tu es si fascinante ! lui dit-il tout en tentant de lui caresser la joue de sa paume gauche alors que Romy s’évade un peu plus. Tu as toujours un réel pouvoir sur moi, tu sais ? Mais comment ranimer notre flamme et sauver notre mariage ?
Tu n’as plus les cartes en main, mon pauvre Michel, lui rétorque-t-elle, indifférente à ce geste. Si tu savais ? Ma robe de mariée est au fond de la piscine…
De toute façon, c’est vrai qu’il ne me reste que si peu de toi ! lui avoue-t-il tout en écrasant sa cigarette blonde sur l’angle de l’éteignoir.
Si peu de moi ? Mais libère ton mépris, là, t’es ridicule. Allez ! Je te parie dix balles que tu tiens à peine sur tes quilles !
Le respect ? Tu connais ?
Alors, bouge-toi et fais-nous donc ton petit numéro de cirque ! Mais regarde-toi, on dirait un sac de plâtre ! pouffe Romy.
T’es aussi galeuse que tu es belle ! C’est dans ton ADN !
Tu me «
dragouilles »,
on dirait, car tu culpabilises à présent, c’est donc cela ?
T’es sérieuse, Romy, culpabiliser, moi ? Jamais !
Je n’en peux plus de toi !
Tu insinues que mon tour est passé ?
Mais la vie n’est pas un manège, Michel ?
Dommage, j’aurai choisi le carrosse pour t’emmener faire une sacrée promenade.
Plutôt la voiture du plombier non, c’est plus dans tes moyens ! Baratineur, va !
Ne rajoute pas de rides à ma peine de vivre, je te prie, poétise Michel, et tout en appuyant sur le bouton pressoir électrique.
Elle ébauche à présent un mini sourire, mais esquive la suite d’une conversation et tourne la tête pour s’en éloigner. Michel, quant à lui, sort de l’automobile avec une grande irritabilité. Les nerfs à vif et touché de nouveau dans sa conscience, il est également déçu d’afficher une image négative de leur couple devant leurs enfants. L’air frais lui ravive cependant les idées, mais il ne sait plus quoi penser de leur relation. Absent dans les effluves de son épouse et totalement irrésistible dans la non-acceptation de soi.
Leur voiture est stationnée devant une ligne de pompes à carburant, étrangement isolée quand on devine de la monotonie du paysage. Le décor autour d’eux n’est pas reluisant et manque indéniablement de standing, de relief ou de fantaisie, constitué de maisons et baraquements immobiles et aux toits de tôle et aux murs imprégnés de graffitis. Tout semble statique dans une ambiance anthracite, mais dépourvue de chaleur.
La moustache aussi fine qu’un trait de pinceau et les cheveux noirs gominés en arrière, Michel titube encore de la veille. Il a un mal fou à garder son équilibre et le brouhaha assourdissant de l’autoroute voisine ne lui épargne aucun tympan. Il regarde tout autour de son point de gravité, mais personne ne lui accorde la moindre attention, à part un vieillard solitaire, le sac à dos rongé par des kilomètres de planète, comme un clochard céleste détourné d’un roman de Jack Kerouac, mais qui crache dans sa direction.
Ses pupilles fatiguées déclinent à bien évaluer les distances avec cette sensation d’épuisement qui lui séquestre le bon fonctionnement de ses poumons. Un camion poids lourd entre à présent sur le site et apporte son lot de désolation en retentissant du klaxon. La bâche de ce véhicule imposant comme un éléphant est marquée d’un logotype de police grasse et d’un crénage réduit et qui lui plissent les sourcils. Michel se questionne quant à sa destination, de la traduction de cette langue qu’il ignore et de ce qu’il transporte.
Le ciel est couvert de nuages, vaste puis étonnamment lumineux. C’est maintenant une horde de motards qui pétarade, ces passionnés de deux-roues à l’esprit de solidarité chevillé au corps extériorisent leur liberté. Michel, lui, n’extériorise rien du tout, car il est encore au plus mal physiquement, ses genoux sont en vrac, son ventre gargouille une agitation malsaine, ses intestins gesticulent le mal de mer et une céphalée lui bastonne le cerveau.
Que c’est lugubre une aire de services, toujours et constamment en travaux, avec ses faux airs de camping modeste, ses poubelles remplies de déchets qui dégoulinent et ses tables de pique-nique qui sillonnent au lointain, on y attrape aisément le cafard. Celle-ci doit être classée en queue de peloton national tant elle est dérangeante et inhospitalière.
Michel doute de l’heure qu’il est exactement, peut-être midi, un peu ou beaucoup plus. Sa montre imposantemalgré le look et l’aspect élégant qu’elle apporte à son poignet, se dérègle, retarde, avance ou disjoncte depuis plusieurs semaines. Il aime pourtant la consulter machinalement malgré ses indications anarchiques de boussole détraquée, et dont les aiguilles s’alignent sur le champ magnétique de la terre.
Il s’en veut de n’avoir pris la peine de la faire réviser malgré les conseils incessants de Romy. Mais rien que d’entrer dans une bijouterie ou de s’acheminer vers un centre commercial lui file la nausée. Il se vante d’ailleurs régulièrement auprès de son épouse de son aversion pour la société de consommation. Car Michel déteste l’argent qu’il compare à la peste. Et ne lui parlons pas de la bourgeoisie qui n’est pour lui qu’une vulgarité sans fin et le répugne. De toute façon, il est chaque jour minuit dans son cœur en lambeaux. Être malheureux, c’est un morceau de suspense à combustion lente.
Tu peux me dire l’heurequ’il est Romy ? J’ai comme l’impression que ma montre devient complètement dingue ! crie-t-il fortement, transi par le vent léger, mais glacial et qui lui gèle les extrémités. Elle m’annonce dix-huit heures dix-huit, le choix de l’apéritif peut-être ? Haha ! … Romy, tu m’entends ? … Romy ?
Mais Romy, hostile et rancunière, ne daigne lui répondre et le zappe comme un programme de télévision, préférant converser avec Anouchka et Marion à l’intérieur de l’automobile. Et dans l’habitacle spacieux, l’équipage, constitué de deux jeunes demoiselles et de leur maman, papote et échange.
— Maman, j’ai faim.
Oui, ma Nouchka ! Minute !
Et moi, j’ai soif ! soutient Marion.
OK, mais laissez-moi me recoiffer, voulez-vous ? tout en se contemplant dans le miroir intégré du pare-soleil.
Toujours aussi charmante malgré la réelle fatigue du voyage, Romy avait noué ses cheveux en chignon, un voile doré sur les paupières et une touche de rouge à lèvres corail. Vêtue d’une blouse péplum à volant au blanc éclatant et d’un pantalon ample et violet. Elle se sentait tout aussi chagrinée de ses multiples et incessantes disputes avec Michel, dont les tendances et effets boomerang lui vieillissaient son ordinaire, mais il était hors de question pour elle de céder le moindre pouce de terrain à son époux sur ce sujet. Avec calme et concentration, elle continuait donc de faire bonne figure devant ses deux filles, mais désormais avec une main droite reflétant les stigmates du coup porté sur le tableau de bord.
T’as mal, Maman ?
Grave ! J’ai l’impression que ma paluche enfle, regardez ?
Mais elle devient bleue ! s’exclame Anouchka.
Oui, bienheureux que cette bagnole est à assistance automatique, ce n’est pas galère pour passer les vitesses.
On mange quand, tu crois ?
Tout est dans le coffre, coincé entre nos valises, on va donc souhaiter le retour rapide de votre papa.
Cela peut être long ? s’inquiète Marion.
Tu le connais, qu’il soit content ou non, en plus avec son téléphone grotesque qui met des plombes à se recharger !
Maman ?
Oui ?
Je n’ai, mais pas du tout envie de retourner à l’école ! bougonne Anouchka avec détermination, les bras exagérément croisés.
Moi non plus ! ajoute Marion, manifestant également et par une grimace sa réticence.
Et vous pensez toutes les deux dans vos petites cervelles d’oisillons que j’ai envie de retourner bosser, moi ? Vous délirez ou quoi ? Vous avez déjà manqué votre première semaine de classe, estimez-vous heureuses, et c’est déjà pas mal ! C’est une chance d’aller à l’école pour apprendre et étudier. Et ce n’est pas donné et proposé à tous les enfants de ce monde… Moi à votre âge, j’aidais sans relâche mes parents à la pharmacie durant l’été et je ne bronchais pas ! Et on ne partait jamais en vacances, jamais vous m’entendez ?
Pourquoi Papa, lui, il ne travaille plus ?
Parce que l’usine a fermé puis a été détruite, un vrai champ de ruines, tu perds tes souvenirs ou quoi ?
C’est-à-dire que j’étais petite…
Oui, excuse-moi, c’est vrai.
Elle a fermé à cause de Papa ?
Bien sûr que non, Marion !
Ils ne peuvent pas en reconstruire une ?
Ce n’est pas si simple…
C’est quoi maintenant à la place ?
Rien… Il ne reste que des produits toxiques et polluants au sol… Comme après une histoire d’amour !
Maman ?
Quoi donc encore, Anouchka ?
Pourquoi vous disputez-vous toujours ?
On ne se dispute pas, on n’est pas d’accord avec ton père, c’est tout !
Vous allez vous séparer ?
Laisse les grandes personnes régler leurs problèmes, tu veux ?
Si toi et Papa disparaissiez, qui s’occuperait de nous ? Mamie Josette ?
Mais pourquoi tu penses à une chose pareille ? Et tu n’as pas plus gai ?
La gaieté n’est faite que pour les gens malheureux, car ils souffrent en riant
!
Mais d’où sors-tu cela ? D’une récitation lointaine apprise en classe ou peut-être d’un flow de
Eenzel
que tu apprécies et admires tant ?
Non, c’est juste Papa qui s’est confié à moi, hier soir à notre location, mais je crois que…
Que quoi ?
Ben, il était complètement saoul alors qu’il ne faisait même pas encore nuit. Mais bien avant l’histoire de la discothèque Maman, tu sais ?
Ne m’en parle plus de cette discothèque, tu veux ?
Mais on voulait juste danser et s’amuser !
Eh bien, ce n’était surtout pas le moment de faire des caprices ! Il faut éviter les lieux où votre père se rince le gosier ! Ce n’est pas difficile à retenir, non ? Et puis les videurs ont failli lui casser la figure !
Mais Maman ?
STOP, je t’ai dit ! C’est de l’histoire ancienne désormais ! Point final !
Un silence s’installe entre elles, mais animé et ponctué de réflexions internes pour chacune, avant que Romy ne reprenne.
Elle doit se faire du mouron votre Mamie de ne pas avoir de nos nouvelles, et dire que les cabines téléphoniques n’existent plus s’exaspère Romy.
Il est cassé ton
smartphone
?
Oui, fracassé, en mille morceaux.
C’est encore de la faute de Papa ?
Trop long à t’expliquer… À moins que j’emprunte le portable de quelqu’un ? réfléchit-elle à voix haute. Tu le sais par cœur, son numéro, ma Nouchka ? lui demande Romy tout en se retournant. Cela m’épaterait que Michel l’ait dans son répertoire.
Non, je ne connais que le tien et celui de Papa ! Et aussi celui de Jeanne, ma meilleure amie ! … Je pourrai en avoir un pour cette rentrée ?
C’est
Niet
!
Mais Maman, toutes mes copines en ont un !
Ce n’est pas une raison ! Mon Dieu, mais quelle jeunesse allons-nous laisser à notre planète ?
C’était quoi une cabine téléphonique ? minaude Marion.
C’était un petit espace fermé et protégé des intempéries où tu pouvais appeler tes proches avec un gros téléphone noir. Fallait juste mettre une pièce.
Moi, j’adore Mamie Josette, sa gentillesse agit comme un aimant, poursuit Marion. Et elle sent toujours bon le mimosa.
C’est vrai ! Et elle nous fait de sacrés et bons gâteaux, et si succulents ! confirme sa mère. Enfant, j’en ai bien profité, tu sais ?
Arrête Maman, je m’en lèche les babines !
De toute manière dans cent ans, cela va s’arranger pour Papa ! annonce une Anouchka déterminée, mais tout autant auréolée d’inquiétude.
Ah oui, vraiment, dans un siècle ? Ton Papa aura une grande et longue barbe blanche, alors ?
Oui, comme un druide !
Tu communiques avec les gens du futur, toi ? C’est nouveau ?
Oui, Maman chérie, parfois j’ai même un siècle d’avance !
Haha, petite divine sauvage, va !
C’est quoi un siècle ? questionne Marion.
C’est simple, tu comptes de un à cent ! lui indique sa grande sœur.
Maintenant bien amarré au sol, mais comme paralysé tel un lapin devant un cobra, Michel s’attarde sur le prix élevé du litre de carburant de la station-service, soit 2,38 euros. Ses yeux sont rivés sur le compte-tours et son index est suspendu sur la gâchette d’amorçage du pistolet à gazole.
Des pensées néfastes circulent en lui. Il cogite de comment se sortir de ce guêpier dont il est englué actuellement. Car bien au-delà de la période conflictuelle qu’il traverse depuis de trop nombreuses années avec Romy, il a grand besoin d’oseille, et rapidement.
Il est donc et surtout en manque de solutions et de liquidités et il n’arrive plus à assumer ses responsabilités de père de famille. Et ne peut le démentir : « L’argent, t’en possèdes, tu le flambes à la chaux, t’en possèdes pas, tu repars en dessous de zéro ».
La vie chère, les produits de première nécessité ainsi que le tarif des péages et droits d’autoroutes font également grincer des dents. La France est comme empoisonnée et les souffrances s’additionnent.
Ainsi, le budget de nos protagonistes, pour vous mettre dans la confidence, est à bout de souffle. Inutile de regarder le passé dans les yeux, les matins ne sont plus les mêmes.
La crise sociale est multiple et les populations restent directement impactées dans la tourmente. Les rafales de vent et de désespoir, les débâcles boursières venues d’Amérique du Nord, d’Asie et des capitales européennes clôturent la moindre utopie de barbelés économiques affligeants.
Le coût de la vie est d’une sauvagerie inouïe et notre couple aux relations torturées canote matériellement. Plus les jours passent et plus l’étau dans leur déséquilibre se resserre. Mais qu’ont-ils donc fait ou ne pas fait pour devoir subir tout cela ?
Une somme d’argent immédiate, même tombée du ciel, serait donc la bienvenue pour subvenir aux besoins et prioritaires de tous. Cet argent que Michel rebute, mais qu’il ne peut, comme tout à chacun, se passer. Mais comment emprunter de nouveau après toutes ces casseroles et gamelles entamées sur ce poêlon en surchauffe, et de plus, comment procéder ?
Un embryon de dénouement serait d’entamer un énième crédit à la consommation chez une société prestataire autre que la BNP dont il est client, soit 3 000 euros cash en ligne, mais avec intérêts démoniaques. « Un crédit vous engage et doit-être remboursé », était-il écrit sur leur computeur. La vie c’est « Entrée, plat, décès », plaisantait-il subtilement par réponse vocale, le plus souvent seul face à celui-ci et avec toujours une bouteille de vin blanc moelleux à proximité immédiate.
Et ce ne sont pas les quelques billets restants, planqués dans une boîte à chaussures de couleur marbrée dans le dressing de la suite parentale, qu’il partage irrégulièrement avec Romy dans leur pavillon tout autant à crédit, qui vont lui faire retrouver le sourire et le réconforter.
C’est dire si la sonnette d’alarme devrait se réenclencher dès l’apparition de nouvelles et intemporelles factures dans la boîte aux lettres, qu’elle soit physique ou électronique. L’agonie financière pointe séquentiellement le bout de son nez, toujours la première à ligoter dans les mailles de son filet et de tout envenimer.
Michel se sent impuissant face à cette épouvantable situation. Romy, elle, continue de se battre comme une lionne. Le bonheur entrain de jours heureux reste bel et bien une cérémonie totalement effacée de leur tableau de route. Dans chaque jour qui se lève, s’habille de désillusion.
Michel et Romy sont devenus des malmenés de la vie, se dirigeant vers des espaces de liberté qui disparaissent comme la banquise. Leur couple est comme le sang qui coule d’un corps poignardé. Toute une escalade sentimentale qui se livre corps et âme dans un jeu de roulette d’arrière-salle de casino, avec roulements de dés, crissement de cartes, banqueroute et tutti quanti. Dans quelle case de hasard leur bille lancée dans le cylindre va-t-elle s’arrêter ?