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Encyclopaedia Universalis

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Dans le vocabulaire religieux qui était courant au XIXe-XXe siècle, le terme « mission » désigne essentiellement l'envoi, par une communauté, de représentants ou de délégués, qui sont mandatés pour propager sa foi et implanter ses institutions. Dans ce sens, il n'y a mission que vers l'extérieur, auprès de gens qui ignorent le message qu'on désire leur transmettre.

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Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

ISBN : 9782341004206

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

Photo de couverture : © Tarapong Siri/Shutterstock

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Missions

Introduction

Dans le vocabulaire religieux qui était courant au XIXe-XXe siècle, le terme « mission » désigne essentiellement l’envoi, par une communauté, de représentants ou de délégués, qui sont mandatés pour propager sa foi et implanter ses institutions. Dans ce sens, il n’y a mission que vers l’extérieur, auprès de gens qui ignorent le message qu’on désire leur transmettre. C’est là le sens le plus courant et aussi le plus ancien, car l’apôtre de la première génération chrétienne est, selon l’étymologie grecque du mot « apôtre », un envoyé. Il est accrédité pour aller à ceux auxquels il est envoyé, juifs ou païens, pour leur porter la Bonne Nouvelle du messianisme réalisé et du salut accompli.

Par extension, ou plutôt par restriction, affaiblissement du sens, on parle de mission auprès des fidèles eux-mêmes (et pas seulement des infidèles), dans le cadre des paroisses constituées (et non hors des limites de la chrétienté) : la mission n’est alors qu’un temps de prédication plus intense ; et le missionnaire de passage ressemble à un propagandiste spécialisé dont on attend qu’il applique un traitement de choc, qu’il provoque un réveil, des conversions, des « retours ».

Toujours par extension, mais cette fois avec l’intention de réinsuffler quelque chose du sens originel dans des contextes sociaux qui rappellent pour une part ceux de l’origine, on parle de mission à propos des pays de vieille tradition religieuse ; le titre célèbre France, pays de mission ? illustre cette acception. Il peut y avoir mission, même en terre de Chrétienté, s’il est vrai que l’étiquette chrétienne fut souvent une référence globale, confuse et trompeuse ; s’il est vrai que la religion sociologique a souvent masqué l’absence d’engagement personnel ; s’il est vrai, principalement à l’ère industrielle, que de larges couches de population évoluent en milieu néo-païen. On conçoit ainsi qu’il y ait des missions intérieures au même titre (ou peu s’en faut) que des missions étrangères.

Cependant le fait majeur, le fait de civilisation, c’est l’activité missionnaire de la plupart des grandes religions au cours de l’histoire, à travers le monde. Non de toutes les grandes religions : de celles qui ont vocation à l’universel (les religions ethniques ou nationales ne s’exportent pas ; si elles s’expatrient, c’est avec leurs membres et pour leurs membres). Non forcément à travers tous les continents (les styles de vie et de pensée, les modes de comportement n’ont pas tous la même efficacité comme modèles : certains d’entre eux peuvent investir d’immenses territoires et rester néanmoins régionaux). Bien que le bouddhisme, dès le IIIe siècle de notre calendrier, ait réuni un concile pour lancer un programme missionnaire (dans les provinces indiennes et dans les pays limitrophes de l’Inde), on peut affirmer sans conteste que certaines religions dites du Livre (le judaïsme, car il a su, dans la période hellénistique n’être pas qu’ethnique ; le christianisme ; l’islamisme) ont été les plus ardentes à rayonner, parfois à conquérir ; on doit même accorder que pour des raisons diverses, dont certaines n’ont rien de spécifiquement religieux, c’est le christianisme qui a le plus diversifié ses points de diffusion et donc le mieux justifié ses prétentions à l’universalité. Cela explique que les développements qui vont suivre soient consacrés aux missions des confessions chrétiennes. La préférence donnée à celles-ci n’implique aucun jugement de valeur ; il y faut voir la reconnaissance d’un événement de culture. Au surplus, l’histoire des missions chrétiennes ayant été fort mélangée et le concept de mission faisant l’objet désormais d’un réexamen, on ne manquera pas d’être intéressé par l’autocritique à laquelle se livrent les missiologues contemporains. Leur lucidité est l’un des signes non négligeables de cette crise des objectifs et des motivations qui affecte en ce moment la conscience occidentale.

1. Introduction critique

Pour le dire brièvement (car les articles ci-après sont surtout faits de considérations théologiques et de notations historiques), deux problèmes au moins se posent touchant le concept de mission.

• Le problème de l’apostolat

Le premier problème est très général et ressortit plutôt à une discussion sur l’essence de l’apostolat.

Plusieurs se demandent si un zèle de conversion, un zèle convertisseur, ne reste pas lié à un sentiment de supériorité (notion du « peuple élu ») en même temps qu’à un attachement particulariste (le dieu d’Israël devient le dieu de tous, si tous se rallient au point de vue qu’Israël a sur Dieu). La prédication apostolique affiche cependant une volonté d’assouplissement, d’élargissement : elle déborde assez vite la clientèle des synagogues et, dès lors, n’exige plus que les païens, pour devenir chrétiens, se soumettent aux observances de la Loi. Malgré cela, le dicton se maintient : l’Église est une église (une assemblée) de païens, mais le salut vient des Juifs. Autrement dit, l’ouverture aux nations est totale et délibérée ; néanmoins, c’est aux nations de s’ouvrir au dieu d’Israël, au messie d’Israël, même si un Israël spirituel évince ou supplante peu à peu l’Israël charnel. Autrement dit encore, l’expansion universelle d’une doctrine particulière n’est autre chose que le triomphe de sa particularité.

On ne voit d’ailleurs pas comment une religion s’imposerait si elle renonçait à sa structure propre, à ses caractéristiques essentielles, à ce qui la rend originale et singulière par rapport aux autres ; il est normal qu’elle garde ses contours, qu’elle préserve sa positivité ; les syncrétismes trop poussés ne sont pas un facteur de durée.

On aperçoit, en revanche, pourquoi et en quoi la communication d’une vérité religieuse, lestée de la double particularité du message et du messager, ne peut être soustraite à l’ambiguïté : cette vérité n’a pas l’universalité des évidences rationnelles, de celles que chaque esprit peut engendrer ou réengendrer en lui, de son propre fonds, sans que l’aide d’autrui soit plus, pour lui, qu’une incitation pédagogique, qu’un support facultatif et provisoire ; l’accueil de la foi par une conscience passe, au contraire, par une attestation venue du dehors et qui réclame elle-même d’être reçue, d’être crue, telle qu’elle est proférée et entendue : d’où la nécessité, pour le fidèle, de manifester son accord avec la communauté croyante en récitant, en reprenant à son compte le formulaire qu’on lui tend (cela, plus spécialement, pour les religions dogmatiques).

Dans ces conditions, la profession de foi est aussi un contrôle, et l’appel à la foi devient prélude à recrutement, prétexte à enrôlement. Comment faire pour que la liberté des personnes, l’autonomie du jugement, demeure entière, dans une circonstance où c’est le messager qui garantit le message et qui décide qu’on l’a compris ou non, qu’on y souscrit ou pas ? Bref, comment obtenir qu’une religion d’autorité fasse autorité sans contraindre ? On se doute bien que les théologiens ont eu l’occasion d’aborder cette difficulté. Ils sont arrivés à dire, non certes du premier coup, que l’annonce religieuse doit rester de l’ordre du témoignage, à l’écart de toute pression, de toute sommation.

Cette conduite idéale est à louer sans réserve. On aimerait seulement qu’elle eût joué à toutes les époques, qu’elle ne fût pas le fruit tardif de nos sociétés pluralistes. Les Églises ne seraient plus des institutions si elles ne travaillaient à s’établir. Mais elles courent le risque de ne plus être des institutions religieuses lorsqu’elles entendent régner, étendre leur règne, par établissement, à la manière des pouvoirs, en collusion avec les pouvoirs. La contestation porte, aujourd’hui, sur ce point précis, et l’on sait qu’elle est menée de l’intérieur, par les croyants eux-mêmes. Il convient d’en prendre acte. On ne rencontre pas ailleurs, au même degré, une telle mise en procès des propagandes d’appareil, des prosélytismes d’influence. Curieusement, le militantisme renaît dans d’autres zones, avec ses générosités, ses impuretés, sans tenir compte de ce qui, dans les religions elles-mêmes, a surmonté la part du fanatisme, du choix polémique, de l’instinct de combat. Le spectacle de la jeunesse actuelle surprend et inquiète l’observateur ; ces adolescents n’innovent guère, quand ils se montrent obsédés de millénarisme ; mais, à l’exception des marginaux du rêve et de la douceur, on peut leur reprocher d’avoir le messianisme âpre et dur, de négliger quelque peu ce qui, en Occident, fut si long à germer : cette vertu fragile, la tolérance. Il est vrai, comme l’explique un sociologue américain, qu’une ferveur de néophytes mûrit en eux. Ils n’attendent pas la révolution ; ils attendent une révélation.

• Pénétration religieuse et respect de l’étranger

Le second problème, plus restreint, mais voisin du premier et même étroitement connexe, est celui du respect de l’étranger.

La mission chrétienne, elle aussi, a colonisé ; pis encore : elle aussi a conquis et exterminé ; elle aussi a confisqué, spolié et occupé ; ou, pour atténuer, pour être plus équitable, elle aussi a participé à des expéditions de prestige, à des entreprises de gloriole et de profit. Les bonnes intentions n’y changent rien, et les bienfaits répandus, même à profusion, n’y changent rien non plus. Il faut dire davantage, car finalement l’alliance de fait, l’entente du missionnaire avec le soldat, le gouverneur, l’exploitant, le commerçant (pour des questions de transport, la mission n’a jamais suivi que des routes commerciales), pourrait être seulement d’un temps et paraître aussi explicable, sinon excusable, que les mœurs de ce temps. Le plus grave est la frustration type, celle qui concerne la personnalité de l’étranger, son identité culturelle et jusqu’à son identité socio-religieuse. En regard de cette dépossession, les autres larcins sont mineurs.