Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Le langage de la philosophie aiderait peu à éclairer l'origine de la notion de modèle, qui a reçu un emploi très large dans la méthodologie des sciences. Cette origine est technologique : le modèle est d'abord la « maquette », l'objet réduit et maniable qui reproduit en lui, sous une forme simplifiée, « miniaturisée », les propriétés d'un objet de...
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 112
Veröffentlichungsjahr: 2015
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.
ISBN : 9782852297548
© Encyclopædia Universalis France, 2016. Tous droits réservés.
Photo de couverture : © Karavai/Shutterstock
Retrouvez notre catalogue sur www.boutique.universalis.fr
Pour tout problème relatif aux ebooks Universalis, merci de nous contacter directement sur notre site internet :http://www.universalis.fr/assistance/espace-contact/contact
La collection des Grands Articles rassemble, dans tous les domaines du savoir, des articles : · écrits par des spécialistes reconnus ; · édités selon les critères professionnels les plus exigeants.
Afin de consulter dans les meilleures conditions cet ouvrage, nous vous conseillons d'utiliser, parmi les polices de caractères que propose votre tablette ou votre liseuse, une fonte adaptée aux ouvrages de référence. À défaut, vous risquez de voir certains caractères spéciaux remplacés par des carrés vides (□).
Le langage de la philosophie aiderait peu à éclairer l’origine de la notion de modèle, qui a reçu un emploi très large dans la méthodologie des sciences. Cette origine est technologique : le modèle est d’abord la « maquette », l’objet réduit et maniable qui reproduit en lui, sous une forme simplifiée, « miniaturisée », les propriétés d’un objet de grandes dimensions, qu’il s’agisse d’une architecture ou d’un dispositif mécanique ; l’objet réduit peut être soumis à des mesures, des calculs, des tests physiques qui ne sont pas appliqués commodément à la chose reproduite. De là, le terme a acquis une vaste portée méthodologique, pour désigner toutes les figurations ou reproductions qui servent les buts de la connaissance.
Il n’est pas nécessaire de remonter au sens platonicien, où le modèle était le « paradigme », la forme idéale sur laquelle les existences sont réglées : à ce sujet il y a un paradoxe qui fait que le modèle technique inverse la situation du modèle platonicien, puisqu’il est réalisation concrète au lieu d’être idée réalisable. Toutefois, la complexité de l’épistémologie autorise les glissements du sens. Il n’est pas interdit de concevoir que l’opération qui extrait d’une situation une figure de celle-ci permet en retour de fixer un type idéal et fournit un paradigme pour la reconstruction de cette situation. Ainsi, la physique de l’atome s’est développée autour du « modèle de Bohr », qui était d’abord une manière de schématiser les propriétés électriques de l’élément physique, d’unifier les effets spectraux des radiations qu’il émet. Au mieux, le modèle, dans les sciences évoluées, sert à fixer les lois sur un objet bien structuré, et cette fixation favorise à son tour la conception et l’expérimentation : les deux sens majeurs du terme de modèle, qui est une figuration et en même temps un schéma directeur, se recoupent et se conjuguent plus ou moins.
Quoi qu’il en soit, la doctrine de la science et de la technologie oblige à suivre les modèles dans la complexité de leurs types et dans la variété de leurs usages. Le modèle peut être une matérialisation des énoncés de la science dans un objet concret, presque autonome, que l’intuition ou la pensée ont des facilités pour cerner : la mécanique élémentaire réalisait les relations physiques dans des collections de particules auxquelles on assignait une forme et un mouvement pour mieux comprendre leurs interactions. Le modèle peut être aussi une transcription abstraite, mais contrôlée par la pensée logique et mathématique, d’une réalité concrète, empirique, dont l’étude directe ne donnerait que des relations approximatives. Ainsi l’économiste, le sociologue, le biologiste se donnent des « modèles théoriques » des faits qu’ils décrivent. Par exemple, l’économiste considère les décisions d’un « agent parfait » utilisant les informations selon le calcul des intérêts, et il peut remplacer les composantes d’une situation de concurrence par un « jeu stratégique », dans lequel chaque partenaire opère selon des matrices mathématiques de gains et de pertes. Il arrive enfin que le modèle participe de ces deux natures, qu’il soit prélevé sur un domaine d’objets particuliers et qu’il serve de fixateur pour les lois d’un autre domaine. C’est ce qui se produit quand on emprunte à une science déjà bien élucidée des modèles qui sont pris comme des « analogues » des propriétés étudiées par une science moins élaborée et permettent de prospecter les faits et les lois de celle-ci. Ainsi on a utilisé les lois des condensateurs électriques, en mettant en valeur des facteurs comme la différence de potentiel entre les pôles et la résistivité des milieux intermédiaires, pour interpréter certains des effets de la conductivité des membranes organiques, qui s’expriment dans le « filtrage » des substances assimilables.
Ces cas extrêmes de la modélisation se retrouvent, à l’état pur ou mélangé, dans les usages scientifiques décrits ci-dessous. Le modèle remplit deux fonctions majeures : il offre une contrepartie, dans l’ordre des structures figuralement claires, mathématiquement exactes, aux états de choses diffus que décrivent les sciences empiriques. Mais il intervient aussi en regard des élaborations théoriques, qui se présentent comme des suites de définitions nominales et de déductions formelles, et il fournit à celles-ci une référence objective qui peut consister dans une figuration géométrique ou dans un symbolisme algébrique. La modélisation entre donc en jeu aussi bien dans les sciences de faits que dans les sciences qui, comme les mathématiques, s’installent dans le registre des symboles.
Ce ne sont là que les cadres généraux dans lesquels se particularise la pratique des différentes sciences. On trouvera, ci-dessous, présentés par des spécialistes, les renseignements voulus sur la variété de ces emplois. On remarquera comment le mathématicien utilise des paradigmes purs au service de l’invention et, aussi bien, de la preuve ; comment la physique et les sciences de la matière développent des modèles longuement élaborés, qui accompagnent les extensions de la théorie ; comment les sciences de la vie et de l’homme, qui sont dans une situation empirique et théorique très ouverte, multiplient des modèles souvent partiels et provisoires pour donner une assise à leurs investigations. Les disciplines qui ont affaire avec la pratique humaine dans son acception la plus globale – les sciences sociales et esthétiques, par exemple – referment le cercle des modèles : en ce sens que ceux-ci, tout en leur servant de moyen d’analyse vis-à-vis des faits, orientent leur réflexion vers les formes directrices de la conduite et de la pensée humaines.
Et l’on sera ramené ainsi aux vues de la logique et de l’épistémologie sur lesquelles se terminera l’exposé. Avec la pratique des modèles se manifestent, en effet, certaines des conditions les plus actuelles de la construction du savoir : elle fait apparaître les voies de la recherche et de la codification des résultats, elle met en lumière le rôle principal des figures et des signes dans l’institution de la connaissance.
Noël MOULOUD
On sait, notamment depuis Cantor et Zermelo, que la plupart des notions de la mathématique peuvent être explicitées dans le cadre d’une théorie du premier ordre dont les axiomes affirment l’existence de certains objets appelés « ensembles » (cf. théorie élémentaire desENSEMBLES). La réduction à laquelle il est fait allusion signifie, entre autres choses, qu’un nombre réel, une fonction analytique, une probabilité, un groupe, etc., peuvent être considérés comme des ensembles particuliers. Puisque cette théorie permet d’expliciter des notions aussi variées et notamment celle de modèle d’une formule, on doit s’attendre à ce qu’elle joue un rôle important pour notre propos. Néanmoins, les notions de la mathématique ont une existence, une portée concrète, indépendante de la réduction des mathématiques à cette théorie, comme d’ailleurs le montre le développement même de cette science.
Ainsi sommes-nous conduits à distinguer deux utilisations du mot modèle : celle du « mathématicien », qui se situe dans un univers de la théorie des ensembles ; celle du « physicien », qui utilise les notions de la mathématique (y compris celles de la théorie des modèles) pour réduire, décrire, étudier le monde sensible ou celui qui est conceptualisé dans le langage naturel. C’est ce deuxième usage de l’expression « modèle mathématique » que l’on rencontre le plus fréquemment. Toutefois, il est intéressant de considérer le sens du mot « modèle » en mathématique pour analyser le caractère des notions qui permettent de le définir et, également, ses principales propriétés.
Le mot « modèle », en mathématique, est défini sans ambiguïté à partir de la notion de valeur d’une formule du calcul des prédicats du premier ordre dans une réalisation d’un langage, notions que l’on peut expliciter en théorie formelle des ensembles (cf. théorie desMODÈLES). La théorie des modèles a des applications dans divers domaines de la mathématique et cette théorie, développée par les logiciens, est qualifiée de sémantique dans la mesure où, d’une part, elle fait intervenir la notion de vérité d’une proposition et, d’autre part, s’oppose à la syntaxe qui se rapporte à la description des propositions mathématiques et des règles du raisonnement ; le lien entre ces deux points de vue étant exprimé, notamment, dans le théorème de complétude.
Par contre, l’usage actuel de l’expression « modèle mathématique » dans diverses disciplines semble référer à un type de discours, plutôt qu’à un sens précis du mot « modèle ». Si, par exemple, on considère la définition du corps des réels comme un modèle mathématique du « continu géométrique perceptible », et l’équation :
sur le corps des réels, comme un modèle de la surface que chacun peut construire et que l’on nomme « cubique réglée » (cf. GÉOMÉTRIE DIFFÉRENTIELLE CLASSIQUE, fig. 7), il est clair que l’on est en présence de deux « modèles mathématiques » de caractère différent et qui ni l’un ni l’autre ne ressemble d’ailleurs au modèle du phénomène de « propagation de la vague » constitué par la formule :
f étant une fonction deux fois différentiable de R2 dans R, etc. L’étude abstraite des modèles, ainsi d’ailleurs que leur construction, peut donc faire appel à des notions et des résultats de branches variées de la mathématique, logique, algèbre, analyse, probabilités, etc., et les modèles mathématiques constituent, pour les mathématiciens, une source de problèmes que l’on pourrait qualifier d’immédiats (immédiats au sens de naturels, mais pas au sens de simples : nombreux sont ceux qui ne sont pas résolus), par opposition aux problèmes (naturels également, mais d’un point de vue logique et non physique) qui naissent de l’étude des concepts et des objets que la mathématique considère et qui permettent notamment la formulation et l’analyse des modèles mathématiques. Pour chaque branche de la mathématique, pour chaque théorie même, il serait donc possible de donner une image, dans un domaine concret, de certains concepts, objets et résultats abstraits.
L’abstraction est une réduction et, de ce fait, permet de faire apparaître des analogies entre des situations appartenant à des domaines habituellement séparés. Aussi n’est-il pas possible, dans les limites de ce texte, de recenser les différentes types de situations qui se laissent décrire et étudier de façon mathématique : nous renverrons pour ce point le lecteur aux aspects historiques des articles sur les théories mathématiques (cf. ALGÈBRE, CALCUL INFINITÉSIMAL, analyse COMBINATOIRE, CONVEXITÉ, équations DIFFÉRENTIELLES, GÉOMÉTRIE DIFFÉRENTIELLE CLASSIQUE, GROUPES (mathématiques) - Groupes de Lie, analyse HARMONIQUE, calcul des PROBABILITÉS, STATISTIQUES).
Bien que le domaine privilégié des modèles mathématiques soit celui de la physique, de la chimie, de l’astronomie, en un mot des sciences dites exactes et aussi de l’art de l’ingénieur où l’on pose des équations différentielles, on voit apparaître de plus en plus, dans des sciences autrefois qualifiées d’expérimentales – biologie, génétique, botanique –, y compris dans les sciences humaines – psychologie, linguistique, économie, sociologie –, l’usage de modèles mathématiques pour étudier les situations que l’on considère dans ces domaines. Ceci est possible dans la mesure où ces situations sont conçues avec une précision suffisante au détriment, d’ailleurs, des raccourcis intuitifs traditionnels plus immédiatement profitables et plus esthétiques de la littérature. Pour reprendre les termes de A. Régnier, « faire un modèle, c’est porter le discours scientifique au niveau de rigueur où la logique formelle des prédicats est valable, c’est donc d’abord définir, poser des concepts ».
L’intérêt, la nécessité des modèles mathématiques varient avec les domaines. Si, par exemple, ils peuvent être la garantie de la solidité d’un ouvrage d’art, ils sont indispensables à la recherche fondamentale dans différentes branches de la physique moderne, qui a atteint un niveau d’abstraction élevé (cf. ATOME, PHYSIQUE, RELATIVITÉ), et ils permettent, ce qui est un avantage appréciable dans les sciences humaines, de rapprocher des phénomènes apparemment étrangers, de mettre en cause ou d’évaluer l’importance relative des concepts du langage que l’on utilise pour rendre compte du phénomène observé (cf. chap. 5 et 6, ainsi que théorie des JEUX, etc.).
Toutefois, l’on se doute bien que le discours mathématique ou logique a un champ d’application qui n’est pas illimité, c’est, entre autres choses, ce que M. Gergonne, après Pascal, souligne dans la citation suivante par laquelle nous terminerons ces quelques remarques : « Platon regardait, dit-on, celui qui savait bien définir comme participant de l’intelligence divine, et Pascal n’a pas hésité à regarder l’impossibilité où nous sommes de tout définir comme la source unique de l’incertitude de nos connaissances. »
Bernard JAULIN
Les sciences de la Terre se proposent d’aboutir à une description du globe sur lequel vivent les hommes.
Le souci d’objectivité qui doit les animer paraît s’opposer à la considération de modèles conçus a priori ; l’usage de ceux-ci est cependant nécessaire pour analyser les relations entre les aspects différents d’un même phénomène, mais leur portée ne doit pas être surestimée.