Monachisme - Encyclopaedia Universalis - E-Book

Monachisme E-Book

Encyclopaedia Universalis

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Beschreibung

Le Monachisme, fleur d'Orient et terreau d'Occident, appartient aux religions les plus diverses. Il prend des formes si variées, si différentes, parfois si incompatibles, qu'on doute à leur propos d'une identité d'inspiration …

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Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

ISBN : 9782341004237

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

Photo de couverture : © Tarapong Siri/Shutterstock

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Monachisme

Introduction

Le monachisme, fleur d’Orient et terreau d’Occident, appartient aux religions les plus diverses. Il prend des formes si variées, si différentes, parfois si incompatibles, qu’on doute à leur propos d’une identité d’inspiration.

Quoi de commun entre l’ermite, le reclus, qui se met en congé de société, et le postulant qui s’agrège à un groupe, obéit à une règle, a conscience de renaître dans une société transmuée (communauté des saints, des parfaits, des séparés, communauté des derniers temps) ou, plus modestement, de participer à une fraternité d’émulation, de soutien mutuel, de perfectionnement individuel et collectif ?

Quoi de commun entre l’errant hindou, le « sans-passion » démuni, dévêtu, vagabond, celui qui se veut sans feu ni lieu, qui oublie ses attaches et son nom, qui se perd dans la nation, qui efface tous ses repères avec la volonté opiniâtre de s’indéterminer, et le retiré du monde qui pense et qui vit son retrait comme une autre façon de se rattacher au monde (même la Thébaïde était un faux désert, un but de visites ; même l’hallucinante Cappadoce, lorsqu’elle ne se bornait pas à être refuge et protection, n’arrachait à la terre que des fiertés un peu ombrageuses, des indépendances soucieuses de raréfier les contacts, de les filtrer, de les choisir) ?

À plus forte raison doit-on distinguer des rares exemples de mysticisme asocial, de piété ou de recueillement solipsistes, les innombrables exemples d’adhésion à des foyers de culture, d’enseignement, de loisir contemplatif ou de travail actif, de faste liturgique ou de philanthropie charitable, de dévouement auprès des masses.

Mais là encore, que de formes, que de styles de vie en commun : moines bouddhiques (variantes multiples, du régime libéral des bonzes à la théocratie lamaïque), moines taoïstes, moines esséniens, moines chrétiens, eux-mêmes évangélistes, défricheurs, bâtisseurs, orants, savants, mendiants, pénitents, prêcheurs, missionnaires au loin..., sans parler des moines guerriers (qui ne furent pas l’exclusivité de l’Europe), des moines ligueurs, des moines sectateurs, et sans pouvoir évoquer d’un trait ferme, en l’absence de renseignements indiscutés, le comportement des Thérapeutes d’Égypte ou des adeptes, mi-religieux mi-philosophes, des chapelles orphiques, pythagoriciennes ou néo-pythagoriciennes.

À elle seule, d’ailleurs, l’explosion cénobitique, au IVe siècle de notre ère, pose d’inextricables problèmes sur la finalité du monachisme d’institution. Elle semble liée, comme l’avaient pressenti certains cercles païens (parmi ceux-ci l’école de Plotin), à une conception aristocratique de l’otium, de l’état de vie non productif au sens socio-économique, mais surproductif du point de vue spirituel et, dans les meilleurs cas, du point de vue intellectuel. Cela implique, on le sait, une échelle d’estimation où les tâches serviles sont peu honorées (sans être discréditées ni négligées, dès les premiers essais monastiques).

Pourtant, transmis à l’Occident, cet idéal de désintéressement, de désœuvrement noble (trahi, bien sûr, par le moine-parasite, le moine-fugueur, et aussi le moine-à-tout-faire, à toute main, qu’utilisent les puissants) s’est changé en idéal d’animation humaine, de levain social, de diffusion du savoir, des arts, des techniques, au point de fonder, ou de contribuer à fonder, une civilisation.

Par où l’on devine qu’une société peut secrètement requérir, pour son équilibre et son progrès, l’apparente mise en marge d’une partie de ses membres.

Déjà, pour la conscience archaïque, c’était une évidence que la collectivité se sauve par la concentration du sacré dans des individus d’élite, et même par la recréation en eux de l’énergie universelle, par la recharge de puissance dont ils sont capables : vue quelque peu magique, magnétique, superstitieuse, et néanmoins indication précieuse ; elle signifie, en effet, qu’une société cherche toujours à conjurer, à réparer l’entropie qu’elle subit, l’usure et la dégradation de son dynamisme.

À travers une histoire multiséculaire et multiforme, le monachisme a été, malgré ses déficits, ses abus, ses étroitesses, l’un des mécanismes de cette compensation, de cette réfection du courage de tous par l’ardeur de quelques-uns. C’est pourquoi il a été prisé, primé, subsidié (le donataire donnant plus que le donateur, quoique autrement, selon une pratique du don et de l’échange qui traverse, d’Orient en Occident, la plupart des mentalités religieuses).

Nul ne peut dire si, dans d’autres contextes, d’autres phases d’évolution, d’autres systèmes de production, il gardera un rôle, et lequel. Tout dépend d’une question plus générale, de l’intensification ou de la récession du facteur religieux dans la régulation sociale.

On notera cependant, avec plusieurs sociologues, que le monachisme illustre à sa manière la théorie des « petits groupes » comme régénérateurs privilégiés des idéaux et des valeurs, comme réformateurs plus efficaces que les appareils trop lourds, trop étendus, trop compliqués. Parce que cette théorie reçoit de nos jours des confirmations inattendues, parce que notre société voit des marginaux se placer plus au centre de l’interrogation fondamentale que bien des professionnels de la raison de vivre, il n’est pas interdit de penser que le monachisme sera rénové, réinventé, que des équivalents, des analogues ou des répliques lui seront donnés (peut-être sous des allures paradoxales, scandaleuses au regard des normes actuelles).

Les articles qu’on va lire font le point historique sur ce mouvement persévérant et diversifié. On admirera comment chaque religion parvient à le prendre en compte, à le canaliser, à l’éduquer, à l’orienter (parfois à le récupérer, après l’avoir vitupéré). En un sens, le monachisme réglementé ne peut être qu’un ascétisme atténué, qu’un mysticisme assagi (on a même prétendu que l’Église s’en est servie pour « fixer » l’ascèse et pour « digérer » la mystique). En un autre sens, il est l’indispensable contrepoids aux spiritualités d’évasion, aux prophétismes de délire, aux piétismes narcissiques. Le clos et l’ouvert, l’institutionnel et le personnel composent en lui, comme dans tout phénomène religieux, comme dans tout phénomène humain, s’ils veulent être plus qu’impression fugace, illumination subjective, expérience non communicable.

Henry DUMÉRY

1. Le monachisme chrétien occidental

Étymologiquement, le moine est celui qui vit seul, mais le mot a pris un sens plus large et s’applique à tous les ascètes, qui se séparent de la société des hommes pour se vouer dans la prière au service de Dieu, qu’ils vivent isolés, « ermites » et « anachorètes », ou groupés, « cénobites ». Dans l’Église catholique, on réserve le nom de moines aux religieux qui pratiquent les plus anciennes règles, mais l’originalité de l’