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Victor a vécu une terrible année et la disparition inexpliquée de sa fille et de son petit-fils va le cueillir méchamment. Il ne verra rien de cette Floride du sud pourtant si belle et si accueillante en apparence, rien que des ambulances et des policiers, voire des terroristes. Son bras de fer avec la police continuera jusqu'à son retour en France où le voile se déchirera enfin. Qui est donc venu mourir pour Esmerald ?
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Seitenzahl: 193
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Fabien signe là son deuxième roman.
Amoureux fervent de la Floride il y situe l’intrigue de sa nouvelle aventure.
Un thriller où le héros se cogne contre les murs et finit par laisser tomber alors qu'il est passé très près de tout comprendre.
CHAPITRE 1
Jeudi 9h30
CHAPITRE 2
Mardi après-midi 15h30
Mardi 17h30
Mardi 18h30
CHAPITRE 3
Mercredi matin 8h15
Jeudi matin 8h30
CHAPITRE 4
Vendredi matin 9h
CHAPITRE 05
Vendredi 15h
Vendredi 20h
CHAPITRE 6
Samedi matin 8h45
Samedi 10h
Samedi 11h30
Samedi 13h30
Samedi 15h
CHAPITRE 7
Samedi 20h30
Samedi 23h45
Dimanche entre 1h et 2h
Dimanche 2h15
CHAPITRE 8
Dimanche 8h30
Dimanche 10h15
Dimanche 11h
CHAPITRE 9
Dimanche 13h
Dimanche 14h
Dimanche 16h30
Dimanche 18h
Dimanche 19h30
Dimanche 20h15
CHAPITRE 10
Lundi 8h30
Lundi 9h30
Lundi 11h30
Lundi 13h
Lundi 13h30
Lundi 15h
CHAPITRE 11
Mardi 9h
Mardi 10h30
Mardi 13h15
Mardi 14h30
Mardi 15h
CHAPITRE 12
Samedi 12h
Dimanche 11h15
CHAPITRE 13
Mardi 9h
Mardi 14h
Jeudi 17h en France
CHAPITRE 14
Jeudi 11h
Jeudi 13h30
CHAPITRE 15
Jeudi 14h30
CHAPITRE 16
Jeudi 16h
Jeudi 17h
Victor ouvrit lentement les rideaux de sa chambre. En dépit du manque de soleil, il plissa les yeux sous l’effet de la lumière. Comme chaque matin, il resta un bon moment à contempler la mer. La marée basse de la fin de nuit avait laissé un gigantesque manteau d’algues brunes sur le sable et les rochers.
Les oiseaux étaient déjà à pied d’œuvre sur l’estran pour chercher avec application leur nourriture du jour. Une légère brume de mer s’effilochait petit à petit sous l’effet d’une brise d’est venue de la terre et l’eau était encore parfaitement calme.
D’ici une heure tout au plus, le soleil serait au rendez-vous et le vent tournerait avec. Une vraie récompense après des jours de pluie et de vent d’ouest sans beaucoup de moments calmes. Les deux derniers jours, Victor n’avait même pas tenté de marcher à l’extérieur tant la tempête était forte et la pluie lourde et pénétrante.
Ces sautes d’humeur météorologiques n’empêchaient pas Victor d’apprécier énormément le calme de sa maison au bord de l’eau et plus particulièrement sa chambre et son bureau-bibliothèque situés tous deux dans une ancienne tour située sur une petite falaise à une vingtaine de mètres au-dessus du niveau de l’eau. Sa pièce « à vivre » au premier avec des fenêtres façon « atelier » légèrement en bow-window permettant de voir de l’est à l’ouest en passant par le nord. La chambre au second était accessible par un escalier en bois à deux volées.
Cet agencement original résultait de la réhabilitation d’un ancien pigeonnier ou d’un moulin, personne n’avait pu lui dire exactement car les archives de la commune et du notaire local n’avaient pas survécu à une inondation presque complète de l’Ile au début du 19ème siècle. Xynthia avant l’heure. Vue de la mer, cette construction réalisée en forme de vigie paraissait inexpugnable. Un vrai donjon version « moyen âge ».
Sa femme et lui avaient construit une maison moderne autour de la tour au fil des années. Gardée des vents d’ouest et nord-ouest dominants, une piscine lovée au milieu des différents bâtiments faisait de cette propriété un endroit unique et la plupart du temps paradisiaque,
Victor descendit de son perchoir pour préparer son petit déjeuner dans la cuisine. Un peu plus tard que d’habitude en vérité à cause d’une soirée interminable la veille, un match de foot avec tirs aux buts après prolongations qui s’était poursuivi avec les commentaires enflammés des consultants habituels...
Il avait joué au foot étant jeune et il s’amusait toujours beaucoup à écouter les différentes critiques, lui-même ayant un avis (éclairé bien sûr) sur le jeu et les joueurs. Chaque amateur de football en France (et probablement ailleurs) possède une relation très particulière avec ce sport et les journalistes ou anciens joueurs commentateurs rendent bien compte de cette situation en étant tour à tour supporters, joueurs, entraîneurs et à l’occasion sélectionneur. Avec de temps à autre le zest de mauvaise foi permettant de mettre du piquant dans les débats.
Ces échanges sur le jeu et les joueurs le distrayaient et parmi d’autres occupations aussi peu intellectuelles peuplaient sa solitude actuelle.
Sortant d’une mission de réorganisation de deux ans au Royaume-Uni, il avait pu profiter de longues vacances avant une prochaine assignation. Probablement au Japon dans quelques semaines.
Il avait accumulé tellement de jours de congés passés au boulot que sa direction générale lui avait laissé « le temps qu’il faudrait » pour sortir de son problème en cours.
Enfin, compte tenu de ce qu’il venait de vivre, profiter n’était certainement le mot le mieux choisi !
Victor passa une main sur sa barbe naissante en attendant que le grille-pain ne lui restitue ses tartines. Il avait hâte maintenant de manger et de sortir marcher. Encore un peu engourdi par ce réveil tardif, il était loin d’imaginer que 30 heures plus tard, sa vie aurait définitivement basculé.
.....
Dès la descente sur la plage, Victor jetât le coup d’œil habituel vers l’est pour dire bonjour au soleil, un pâle soleil de fin d’été qui, comme lui, s’était fait attendre ce matin. Tous les jours depuis son retour des USA, il s’astreignait quand la météo le permettait à une grande marche journalière d’une bonne heure sur le sable, une marche thérapeutique en somme. Bon pour le physique bien sûr, bon pour la tête il espérait.
Il revivait inlassablement cette semaine terrible qui lui avait enlevé sa fille Juliette et son petit-fils Antoine. Depuis qu’il était revenu, il essayait de comprendre. Il n’oubliait pas un seul moment de ces jours incroyables. Une histoire de fous. Un scénario improbable dont en fait il avait parfois du mal à suivre le fil conducteur si tant est qu’il y en ait un.
Il imaginait sans cesse ce qu’il aurait pu ou dû faire pour infléchir le cours des évènements. Il se prêtait parfois à rêver à une issue différente, à une histoire qui finirait bien.
Dans sa jeunesse, Victor était un fan absolu de Napoléon Bonaparte et il avait lu un nombre incalculable d’articles et de livres sur son épopée et plus particulièrement sur Waterloo. Il avait souvent espéré de façon tout à fait irrationnelle que le cours des évènements ait pu être changé sous l’effet de sa seule volonté. Que Blücher n’arrive pas avant Grouchy.
Là, il refaisait la même chose. Un rêve qui ne servait à rien d’autre au final qu’à lui faire toujours un peu plus mal...
Toute une bande de bécasseaux suivait inlassablement le mouvement des vaguelettes à la recherche de nourriture. Ils avançaient quand la mer reculait et repartaient aussi vite quand une nouvelle vague déferlait. Ils évitaient aussi Victor au fur et à mesure où il avançait, allant se poser une centaine de mètres plus loin pour continuer leur manège. Ils revenaient sans jamais se décourager.
Peut-être à l’instar de ces oiseaux aurait-il dû rester là-bas ? A continuer à harceler la police locale et tous les acteurs encore accessibles.
Mais Victor n’avait plus le choix en fait, et il le savait très bien. Partir ou devoir affronter des questions difficiles auxquelles personne n’est jamais vraiment préparé. Avec un système judiciaire américain où le simple quidam « lambda » peut être inexorablement broyé. Ici, sur son ile, la partie lui semblait plus équilibrée même s’il craignait qu’un jour quelqu’un ne vienne lui demander des comptes.
La matinée était encore assez fraiche mais au final le soleil était bien présent. Victor arriva au point où il faisait demi-tour habituellement et où il prenait le soleil dans les yeux. Il mit ses lunettes de soleil.
Combien de fois avait-il rebroussé chemin avec tout ou partie de ses proches à ce même endroit ? Leur absence à tous lui pesait terriblement.
Il s’ébrouât et fit demi-tour. Aujourd’hui comme hier, il avait l’espoir que les choses allaient enfin bouger. Inaltérable optimiste ! Comme tous les jeudis, il avait prévu vers 14 heures heure française d’appeler Fred (pardon, le Capitaine Frederik Carson) chef de la police de Newell en Floride, afin de se rappeler à son bon souvenir, afin de lui mettre la pression, afin de voir où en était son dossier, afin d’entretenir l’espoir.
A force de se voir pendant des jours et des jours et selon la coutume américaine, c’était maintenant Fred et Victor ! Ce qui ne changeait strictement rien sur le fond. Victor ne comprenait toujours pas pourquoi Fred avec tout l’appareil policier américain n’avait pas encore de résultats et Fred devait sans doute trouver Victor irritant et insupportable au possible.
Probablement comme d’habitude lui répondra-t-il qu’il n’y avait rien de nouveau. Ou alors il ne l’aurait pas en direct comme les deux semaines passées. En vacances soi-disant.
.....
Le portable de Victor grelotta dans sa poche. Il prit l’appareil dans sa main gauche et découvrit avec étonnement le numéro du policier qui s’affichait sur l’écran ! Vu le décalage horaire et l’heure de l’appel, il était 4h15 du matin heure américaine. L’angoisse fut immédiate et totale.
L’adrénaline se déversa dans tout son corps, le tétanisant complètement. Il se passait quelque chose, forcément. Et compte tenu de l’heure, probablement pas du bon. Il balaya la plage vide du regard, cherchant inconsciemment de l’aide autour de lui de façon tout à fait irrationnelle.
Victor s’était arrêté de marcher et ses jambes s’enfonçaient insensiblement dans le sable humide sous l’effet des vaguelettes de la marée montante. Il laissa passer volontairement plusieurs sonneries et s’obligea à respirer plus calmement. Il était impatient de savoir mais en même temps, il craignait d’entendre le pire.
Après un grand moment, il appuya sur le bouton pour prendre l’appel.
Il approcha très près le téléphone de son oreille gauche. Comme un fumeur se tourne contre le vent pour éviter que la flamme de son briquet ne s’éteigne, il fit tout pour éviter le bruit du vent dans le micro.
- Victor bonjour, c’est Fred, je vous dérange ?
- Pas du tout, que se passe-t-il ? Vous les avez retrouvés ? ils vont bien ?
- J’ai besoin de vous parler répondit Fred -
.....
- J’ai besoin de vous parler insista-t-il
- OK, allez-y « nom de Dieu » ! Vous êtes en train de me parler maintenant. Allez-y, je vous écoute.
- Désolé Victor, Je me suis mal exprimé. En fait, je souhaite vous voir.
Victor laissa son bras retomber le long de son corps. Il se remit à marcher de façon machinale, comme un pantin.
C’a y est se dit-il. On y arrive. On ne donne pas de telles nouvelles au téléphone. Des nouvelles terribles.
Le bout du chemin.
La fin des rêves.
La fin de l’espoir.
La fin tout court.
Il avait juste envie de lancer son portable dans l’eau, le plus loin possible. Se débarrasser du messager pour effacer à jamais le contenu du message ! Il avait imaginé et craint ce moment. C’était sûr. Il n’y avait que lui pour croire encore à une issue favorable.
Ses yeux se remplirent de larmes. Cela faisait des semaines qu’il les avait retenues ses larmes, ne voulant pas céder au désespoir, à la défaite, à la mort. Sa fierté et sa force intérieure avaient tenu bon. Il s’était battu comme un lion. Au-delà même des moyens qu’un simple particulier pouvait mettre en œuvre dans ce type de situation.
Il avait sur place harcelé sans relâche la police et engagé pendant un temps au moment de son départ un enquêteur privé. Il y avait laissé une partie de ses économies. Aujourd’hui il craquait. Quel idiot. Qui pouvait croire qu’après près de deux mois, deux disparus recherchés par toute la police des USA pouvaient revenir sains et saufs ?
Victor regarda la mer qui allait et venait de façon imperturbable sur la plage. Sa vue brouillée par les larmes lui restituait comme un ballet inlassable et cruel, un spectacle froid parfaitement insensible à sa douleur.
Son téléphone se mit à sonner de nouveau, le tirant soudainement de son délire. Victor vit que c’était Fred qui le rappelait
- Victor, vous m’entendez ? Nous avons été coupés je crois.
- ....
- Victor, vous êtes là ?
- Oui réussit à dire tout doucement Victor la gorge nouée
- J’ai besoin de vous voir
- Vous me l'avez déjà dit! Vous les avez retrouvés ?
- Ce n’est pas pour cela que j’appelle. J’ai besoin de vous voir pour éclaircir quelques points.
- Mais il n’y a que leur sort qui m’intéresse eu la force de crier Victor soudain en colère. Si vous n’avez pas de nouvelles, pourquoi se voir ? Je n’ai pas envie de vous voir ! Je n’ai rien à faire de vos questions. Je vous ai déjà tout dit, et pas qu’une fois ! J’en ai soupé de vos questions. Allez au diable.
Rageusement, il coupa le téléphone et se remit à marcher
Après quelques pas, Victor reprit ses esprits et il laissa retomber sa colère. Tout n’était peut-être pas fichu. Après tout, Fred faisait sans doute le maximum.
Le portable sonna à nouveau
- Victor, vous m’entendez ?
- Oui
- Le dossier a sensiblement avancé et j’aimerai partager un instant avec vous.
- Mais pourquoi voulez-vous me voir ? S’il y a du nouveau allez-y, je vous écoute !
Il se redressa et dans un mouvement réflexe essuya ses yeux avec son bras droit. Pas de mauvaises nouvelles égale bonnes nouvelles pensa-il furtivement. Mais qu’est-ce que ce « fouille merde » peut bien encore me vouloir !
- Je veux vous voir en tête à tête
- Je ne suis pas sûr d’avoir envie de retourner en Floride tant que je n’aurais pas de nouvelles de mes enfants. Vraiment désolé. Je suis fatigué de toute cette attente. Je n’en peux plus. Dites ce que vous avez à dire qu’on en finisse.
- Je peux être chez vous dans l’après-midi
- Hein quoi, qu’est-ce que vous dites ?
- Je peux être chez vous dans quelques heures. Je suis en France.
Victor regarda soudain son téléphone d’un air inquiet, comme si ce dernier pouvait répondre à son interrogation. Ou pouvait l’espionner, au choix. C’a y est pensa-t-il. Les moments difficiles vont arriver. Le moment de s’expliquer, de payer peut-être. Mais il allait se battre et ici en France, ce ne serait pas la même chanson !
- Victor ? Toujours là ?
- Que venez-vous faire en France ? Je vous ai déjà dit que je n’ai pas envie de vous voir.
- J’ai quelques points précis à partager avec vous
- Vous savez quand même que je ne suis intéressé que par mes enfants ? Je vous l’ai dit mille fois. Je n’ai plus envie de revenir sur toute cette histoire.
- Je sais Victor.
- Et d’abord, de quel droit voulez-vous m’interroger ? Il y a du nouveau ? Vous avez un mandat ?
- C’est tout à fait informel Victor. Je veux simplement vous voir un moment pour éclaircir quelques zones d’ombre.
- Je ne suis pas sûr d’avoir la même envie. Je suis même sûr du contraire
- C’est vous qui voyez, mais si vous voulez des informations....
Fred laissa volontairement sa phrase en suspens. Des informations ! Bien sûr qu’il en voulait des informations. Cela faisait des semaines qu’il attendait des informations.
Le poids qui lui pesait sur la poitrine depuis un moment s’allégea un peu.
Fred en France ? Il fallait vraiment un évènement inattendu pour qu’il quitte le confort de sa Floride natale. La curiosité fut plus forte.
- OK, vous savez où j'habite. Vous connaissez mon adresse, vous allez trouver.
Victor referma son portable d’un index ferme et pris la direction de sa maison. Je suis idiot pensa-t-il immédiatement, j’aurais dû lui demander s’il était seul ou accompagné. Trop tard, si je rappelle maintenant, il va se dire que j’ai quelque chose à cacher. Que je commence à paniquer.
Tout en marchant d’un pas vif le long des vagues, Il ne put s’empêcher de commencer à dérouler dans sa tête pour la millième fois le film de toute cette affaire.
« Trois piques ».
L’annonce de Victor fit l’objet d’une vraie déflagration. Une déflagration silencieuse en fait car dans le Bridge Club du Vanderbilt Village à Newell en Floride, l’ambiance était par définition feutrée et les annonces se faisaient encore à l’ancienne avec des cartons.
Toutefois, son voisin de gauche, Ronald, un américain au teint déjà bien rouge en temps normal sembla gonfler et se colorer encore sous le coup de l’émotion. Il regarda cet adversaire bizarre en dodelinant de la tête et se retint à grand peine d’exploser. Doté de la main qu’il jugeait la plus forte de la table, il ne comprenait pas du tout l’annonce faite.
Il risqua un œil vers son épouse en face qui manifestement ne comprenait pas plus que lui. Il termina son tour de table en jetant un regard à la partenaire de Victor, une habitante de leur village qu’il avait déjà croisé dans ce type de tournoi. Cette dernière le regarda d’un air neutre, d’autant plus neutre qu’elle ne savait pas non plus ce que ce « 3 piques » en ouverture pouvait bien réellement signifier.
« Contre »
Cette annonce d’un point de vue purement technique était la plus stupide qui soit car il suffisait aux adversaires de ne rien dire et ils pourraient ainsi jouer et peut-être gagner une manche à bon compte. A moins bien sûr que sa partenaire ne se sente obligée de dire quelque chose, ce qui était devenu pratiquement obligatoire sauf si elle avait un jeu blanc.
C’était stupide, mais cela fit beaucoup de bien à Ronald de marquer ainsi sa très forte réprobation du haut de ses 21 points, de ses 2 gros piques (As + Dame) et des deux as supplémentaires qui lui assureraient au minimum (du moins le pensait il) quatre levées gagnantes.
Ce contre indiquait une vraie colère, une colère soudaine et sincère, colère qui comme chacun le sait est parfois mauvaise conseillère.
Il esquissa un vague sourire vers ses voisins de table et son pouls monté au plus haut depuis quelques minutes commença à redescendre.
« Quatre piques »
Ann, la partenaire très occasionnelle de Victor aurait dû se taire et passer mais le jeu de ce Frenchy lui plaisait beaucoup et elle voulait vraiment lui faire plaisir. Elle n’avait pourtant que 3 petits piques mais elle avait aussi une très belle coupe franche à cœur. Elle se décida donc à le soutenir sans réserve.
Depuis un peu plus d’une heure, il leur avait fait gagner quelques mains que beaucoup d’autres auraient perdu. Et il ne lui avait jamais tenu rigueur des quelques approximations qu’elle avait pu faire dans ses annonces ...
La femme de Ronald, sans doute soulagée de ne pas avoir à intervenir passa rapidement, Victor se garda bien d’en rajouter et notre américain rougeaud put enfin asséner un deuxième « contre », un contre punitif parfaitement rationnel cette fois ci, la manche étant déjà en jeu.
Nouveau tour de table où Ann et la femme de Ron passèrent. Victor eu un instant l’idée un peu saugrenue de surcontrer mais cette option aurait donné à son adversaire l’occasion d’enchérir à nouveau.
Avec le risque qu’il pense enfin à ce qu’il avait dans son jeu au lieu de se polariser sur ce que son adversaire n’avait pas. Les enchères se terminèrent donc à 4piques contrés pour Ann et Victor.
La suite fut une très longue galère pour Ronald et sa femme. As de cœur coupé d’entrée par le mort, carreau du mort coupé par Victor, coupes alternées ensuite jusqu’à plus soif. L’adversaire ne fit que 2 plis, à piques ! Et la paire AnnA/ictor fit un énorme top parfaitement improbable avec 5 piques réussis contrés, les autres tables ayant toutes réalisé un 3 sans atouts sans grande difficulté dans l’autre ligne...
.....
- « Ouaouh », je n’aurais jamais imaginé ajouter mon nom sur le tableau des records du bridge club de Vanderbilt Village s’étonna Ann en descendant les marches du City Hall, nos deux noms pardon !
- Ce tournoi était vraiment sympa et tu as bien fait de demander à Jane s’ils connaissaient quelqu’un pour remplacer ta partenaire malade répliqua Victor.
- Tu restes longtemps à Newell ?
- Je ne sais pas encore, quelques jours. En fait, ma fille Juliette et mon petit-fils Antoine vont séjourner à Naples pendant une petite semaine. Ils habitent d'habitude à New York. Juliette m’a demandé de passer quelques jours pour l’aider. Ils arrivent demain par l’aéroport de Fort Myers et j’en saurai plus. En fait, je fais d’une pierre deux coups. J’en profite aussi pour passer du temps avec des amis très chers Jane et son mari Bruce que je connais depuis près de trente ans,
- Tu auras le temps de refaire un tournoi ?
- Pourquoi, tu veux battre le record que nous avons établi ? Ce sera surement difficile car nous avons eu beaucoup de réussite et ils vont nous attendre avec beaucoup de méfiance maintenant.
- Non, c’est juste que c’était vraiment très cool de jouer ensemble, j’ai passé un super moment. Il y a très longtemps que cela ne m’était pas arrivé.
- Oui, c’était vraiment bien. J’ai aussi beaucoup aimé ta façon instinctive de faire les enchères. Ton « quatre piques » était juste parfait pour tuer l’adversaire. Un vrai risque mais un risque qui méritait d’être pris.
- Il faudrait quand même que tu m’expliques un peu mieux cette partie « borderline » des annonces. Pourquoi ce « trois piques » ? Cela a bien fonctionné cette fois mais j’aimerais vraiment apprendre.
- .....
- Si tu as un peu de temps bien sûr....
Victor ne répondit pas à cette dernière invite. Il savourait simplement ce moment d’exception après tous les longs mois de solitude qu’il venait de vivre. Ses amis américains, ce tournoi de bridge inattendu gagné avec un peu de chance qui le replongeait dans une période heureuse de sa vie, le temps béni de la Floride, sa fille et son petit-fils très bientôt même si la suite avec sa fille s’annonçait un peu compliquée avec un problème pour l’instant encore inconnu à régler...
Le soleil commençait à décliner et à se voiler complètement lorsqu’ils tournèrent dans la rue où habitait Ann. L’air était lourd et l’averse habituelle de fin de journée n’allait pas tarder à venir.
- Je peux être indiscrète ? demanda Ann
- Il n’y a que les réponses qui le sont rétorqua Victor avec un sourire résigné car il imaginait sans peine la suite
- J’ai vu ton alliance, ta femme ne t’a pas accompagné ?
- Ma femme n’est plus. Depuis un accident de la circulation à Paris l’an passé. Elle a été tuée avec notre gendre qui l’accompagnait.
- Oh vraiment désolée, je suis très confuse.
Un an après, Victor n’avait vraiment pas envie de revenir sur cette période d’autant qu’il ne disait pas la vérité. Seuls ses amis très proches savaient que sa femme et son gendre avaient été tués dans un attentat qui avait fait 37 morts et près de 200 blessés, attentat que la terre entière avait relayé sur les réseaux sociaux et les chaînes d’infos en continu.