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John, tourmenté par une déception amoureuse, trouve refuge dans la musique pour échapper à la réalité. Mais ce qu'il découvre dépasse tout ce qu'il aurait pu imaginer. Au fil des notes, il se transporte dans des univers parallèles, où sa musique façonne des mondes entiers. Cependant, il découvre rapidement que ces voyages mentaux peuvent être à la fois salvateurs et dangereux. Plongez dans un monde où la musique transcende les frontières de la réalité, où la guérison réside dans chaque note, et où l'amour et la passion se mêlent dans une danse harmonieuse, dans ce récit envoûtant de musique, de mystère et de résilience.
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Seitenzahl: 251
Veröffentlichungsjahr: 2023
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CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
CHAPITRE 17
CHAPITRE 18
CHAPITRE 19
CHAPITRE 20
CHAPITRE 21
CHAPITRE 22
CHAPITRE 23
CHAPITRE 24
Tel un vaisseau perdu au milieu de l’océan, naviguant au gré de vents instables, John Anderson voyageait aux confins de la dépression. Les méandres de son âme en peine le poussèrent à emprunter des sentiers glissants qui l’amenèrent insensiblement au bord du gouffre. Son regard vide se perdait dans cet abîme sans fin qui semblait l’appeler. La tentation de l’abandon était si douce. Il était las de jouer le rôle du chevalier parti à la quête d’un Graal illusoire qu’il demeurait incapable de trouver. Loin de se renforcer par des actes de bravoure qui lui vaudraient l’amour de sa bien-aimée, il ne connaissait que des échecs à répétition.
Pourquoi lui avait-elle dit non ?
Il se vit seul dans une salle de cinéma, à la fois projectionniste, spectateur et acteur d’un film au scénario mal construit et mal interprété. Il essayait de prendre du recul, de ramener cette réalité si dure au rang d’une simple fiction. Il voulait se convaincre que tout ceci n’était qu’un jeu, que son état de dépression provenait du fait qu’il s’était trop longtemps et trop profondément identifié à son personnage, mais qu’il fallait à présent redevenir lui-même. Il espérait que la lumière s’allumerait, que l’écran redeviendrait vierge et qu’il pourrait se dire que tout ceci n’était qu’un rêve. Ses espoirs ne se concrétisaient pas. Le film continuait à se dérouler comme une bande sans fin.
La scène remontait à environ six mois. Ils s’étaient rencontrés lors d’une soirée organisée par des amis communs. Elle s’appelait Olivia. Elle était d’origine portugaise, avait les cheveux longs et noirs, et possédait le teint mat caractéristique des méditerranéennes.
Il se rappela qu’il n’avait pas été spécialement attiré par elle à ce moment-là. Elle possédait un certain charme, mais ne correspondait pas tout à fait à ce qu’il recherchait. Son visage était agréable, mais ses formes étaient un peu trop généreuses à son goût.
Il se souvint même avoir été sur la défensive. Il essaya d’analyser pourquoi il avait réagi ainsi. Il appréciait les efforts de ses amis pour lui trouver une compagne, mais il voulait se sentir maître de la situation, que le choix provienne de lui-même. Il ne voulait pas qu’on lui impose quelqu’un, sinon son amour-propre serait atteint, sa fierté de mâle en prendrait un coup.
D’ailleurs, il s’était rendu compte que ceux qui prétendaient le connaître se nourrissaient souvent de fausses certitudes. Ils se trompaient complètement lorsqu’ils pensaient définir son idéal féminin. Généralement, on lui présentait des filles qui ne l’attiraient pas du tout.
Ce n’était pas le cas pour Olivia, même si ce n’était pas un coup de foudre. Elle avait l’air d’être une fille agréable. Elle semblait ouverte, naturelle, et elle avait la conversation facile. John apprit ainsi qu’elle suivait des cours de psychologie, un domaine qui le passionnait également.
Il en profita pour lui parler de ses études en graphologie, qu’il venait de commencer par correspondance. Elle fut très intéressée. Elle lui écrivit quelques lignes et il lui expliqua en détail la méthode qu’il employait pour analyser les écritures. Il n’était encore qu’un novice en la matière. Sinon, il ne se serait jamais intéressé à elle. Son écriture moirée lui aurait révélé en un clin d’œil l’instabilité de son caractère.
Elle avait également lu beaucoup d’ouvrages de science-fiction. Décidément, ils avaient beaucoup de points communs ! Après avoir passé en revue l’ensemble des romans de A.E. Van Vogt, de Philip K. Dick et de Clifford D. Simak, ils se quittèrent tard dans la soirée, se promettant de se revoir un de ces jours.
John ne dormit pas beaucoup cette nuit-là. Son esprit était focalisé sur l’image d’Olivia. Il sentait des sentiments naître en lui.
Il était étrange de voir comment une vie peut basculer en une seule soirée. Ce matin, en se levant, il était seul, à la recherche perpétuelle de l’âme sœur, et ce soir, en se couchant, il était tombé amoureux.
Le lendemain, il contacta ses amis pour leur demander le numéro de téléphone d’Olivia.
Il était là, assis en face du téléphone. Son cœur battait à tout rompre. Il décrocha et s’apprêta à composer le numéro, mais il fut pris de panique et raccrocha.
Il se leva et fit les cent pas dans la pièce, il fallait qu’il retrouve son calme. Il ralentit sa démarche, respira profondément. Son rythme cardiaque redevint normal.
De quoi avait-il peur ? C’est son imagination qui lui jouait des tours. Il la voyait en train de le rejeter, de lui demander d’un air méchant pourquoi il la dérangeait. Pourquoi agirait-elle ainsi ? Après la conversation qu’ils avaient eue la veille, elle ne pouvait raisonnablement le traiter de la sorte.
Mais qu’allait-il bien pouvoir lui dire ? Il réfléchit un instant. Il n’avait qu’à l’inviter au cinéma avec d’autres amis. Ça n’engageait à rien et ça lui permettrait de la tester.
Il prit une grande inspiration, affichant un air déterminé, puis décrocha le combiné.
C’est elle qui répondit.
- Allô ! Olivia ?
- Oh, salut, John. C’est gentil de m’appeler.
Elle avait immédiatement reconnu sa voix, sans qu’il ait besoin de se présenter. C’était un détail qui réjouit John.
- Je t’appelais pour t’inviter au cinéma vendredi soir. On va voir « Stargate ». Ça te tente ?
- Oh, oui, génial ! Tant que c’est de la science-fiction, je suis partante. Est-ce que je peux amener ma sœur et quelques copines ?
- Bien sûr, aucun problème. Moi aussi, j’emmène des copains de mon côté.
Ils commencèrent ainsi à se voir de plus en plus fréquemment, pratiquement chaque week-end.
Elle se mit également à lui téléphoner régulièrement. C’était généralement le jeudi sur le coup de treize heures. John se rappelait l’état de nervosité dans lequel il était à l’approche de l’heure fatidique. Il se demandait si elle allait l’appeler. Il semblait observer mentalement le téléphone, même s’il était à l’étage du dessous et donc invisible depuis sa chambre, guettant la moindre vibration annonciatrice d’un appel.
À chaque sonnerie du téléphone, une excitation palpitante s'emparait de lui, atteignant son paroxysme. D'un geste fébrile, il se levait de son fauteuil, se hâtant vers la porte, attentif aux douces sonorités de la voix de sa mère qui répondait à l'appel, cherchant à déterminer l'identité de l'appelant. Parfois, toutefois, un sentiment de déception l'envahissait lorsque la voix au bout du fil ne correspondait pas à celle qu'il attendait. Alors, dans un soupir de frustration, il regagnait lentement son bureau pour y reprendre sa place, l'esprit encore habité par l'espoir que la prochaine sonnerie serait la bonne.
Puis le téléphone sonnait à nouveau.
- John, c’est pour toi ! criait sa mère.
Ça y est ! C’est elle ! Il savait qu’elle appellerait. Elle était aussi régulière qu’une horloge. Ils discutaient alors pendant une bonne demi-heure, jusqu’à ce que la pendule rappelle à John qu’il était temps d’aller au travail.
À d’autres moments, c’est lui qui appelait, généralement le lundi soir. Il arrivait fréquemment qu’ils passent plus de deux heures à discuter de tout et de rien.
John commença ainsi tout naturellement à éprouver des sentiments profonds pour elle.
Débuta alors un dialogue intérieur perturbateur :
- M’aime-t-elle, oui ou non ?
Ce sujet obsédait John, qui se perdait dans une rumination mentale, réévaluant constamment la situation.
- Elle m’a de nouveau téléphoné aujourd’hui, donc elle est amoureuse de moi.
Puis :
- Elle a décliné mon invitation, donc elle ne s’intéresse pas vraiment à moi.
John alternait les états d’euphorie, où rien ne lui semblait impossible, avec les sentiments de dépression, des moments où il ne se sentait pas aimé, où il ne trouvait plus de plaisir en rien.
Quel cruel dilemme : lui faire une déclaration, au risque d’être rejeté, situation difficile à supporter après tous les échecs déjà accumulés, ou alors garder ses sentiments pour lui, préservant ainsi le statu quo sécurisant, mais abandonnant aussi à jamais l’espoir de la posséder.
Si seulement il pouvait savoir avec certitude ce qu’elle ressentait. Pourquoi n’avait-il pas été conçu avec la faculté de lire dans le cœur des autres ?
Le temps ! Oui, le temps apporterait les réponses.
Mais la situation devenait insoutenable. Le feu s’accumulait en John, son amour ardent pour Olivia se renforçant jour après jour.
Et voilà qu’à un certain moment, en discutant avec sa bien-aimée, elle posa à plusieurs reprises sa main sur la sienne. Un instant fugace, certes, sans arrière-pensée, peut-être, mais catalyseur puissant dans la chimie de l’amour qui perturbait John.
La pression devint alors intense, John ne pouvait plus attendre. Il fallait absolument qu’il lui déclare sa flamme. Peu importait, à ce moment, quelle serait la réponse d’Olivia. John devait absolument savoir ce qu’elle ressentait pour apaiser la tempête qui le tourmentait. Bien sûr, il espérait fortement qu’elle lui dise oui, et il se forçait à y croire.
Il se dit intérieurement :
- Sois un homme ! Aie le courage de tes sentiments ! Ne recule pas par lâcheté !
Vint alors le fameux soir où Olivia lui téléphona pour l’inviter à boire un verre chez elle, avec sa famille.
- Ça y est ! C’est le signal tant attendu ! Elle m’aime ! J’en suis sûr à présent !
Plein d’optimisme, il se rendit à son rendez-vous. Tout semblait marcher à merveille. Olivia était pétillante. Elle lui parla de la magnifique journée qu’elle venait de passer, John l’écoutant à peine tellement il était subjugué par ses yeux de rêve. Il réfléchissait à la façon dont il allait lui faire sa déclaration, aux mots qu’il devait employer. Il aurait bien aimé lui déclamer un poème à la manière du prince charmant des contes de fées à genoux aux pieds de sa belle, mais il était trop nerveux pour cela. Il aurait paniqué et bafouillé avant de terminer le premier alexandrin. Il se dit finalement que la méthode la plus directe et la plus simple était la meilleure.
Il ne lui restait plus qu’à attendre l’occasion de lui parler en tête à tête. Au moment de se quitter, Olivia l’accompagna jusqu’à la porte. Enfin seuls, John prit son courage à deux mains et prit la parole.
- Olivia, je voulais te dire quelque chose … voilà … je m’intéresse à toi !
- Oui, et alors ?
- Comment ça « et alors » ?
- Qu’est-ce que tu veux exactement ?
- Ben … j’aimerais bien qu’on sorte ensemble !
- Je ne te suis pas là ! On se téléphone souvent, on se voit toutes les semaines, qu’est-ce que tu veux de plus ?
- Olivia, je vais te dire franchement ce que je ressens. Je trouve qu’on s’entend à merveille. Je suis amoureux de toi. J’ai envie qu’on sorte ensemble sérieusement et qu’un jour on se marie. Voilà ! Alors je repose ma question : est-ce que tu es d’accord pour qu’on sorte ensemble … sérieusement ?
- Ah, John ! Tu me prends au dépourvu ! Je ne m’attendais pas du tout à ça ! Je ne sais pas !
- Comment ça, tu ne sais pas ?
- Oui, je ne sais pas. On se connaît depuis quelques mois maintenant, je t’apprécie beaucoup, tu es quelqu’un de super, mais je ne sais pas.
- Où est le problème ?
- Tu sais que je suis déjà sortie avec un garçon une fois et que ça n’a pas marché. Je n’ai pas envie de revivre ça. Ça me fait un peu peur, tu vois ?
- Oui, je comprends. Mais tu me connais. Je ne t’ai jamais trompée. Je suis quelqu’un de sérieux, de stable. En plus, je t’aime vraiment et je n’ai qu’un désir : te combler, te rendre heureuse.
- Pourquoi moi, John ? Pourquoi est-ce que tu ne t’intéresses pas à une fille gentille, simple ? Moi, je suis trop compliquée pour toi ! Je n’arrive pas à mettre de l’ordre dans mes sentiments. Je ne sais pas exactement ce que je ressens pour toi. Je t’aime bien, mais je ne suis pas sûre que ce soit le grand amour. Je ne veux pas te dire oui maintenant et puis te dire non dans trois mois. Je ne veux pas te faire de la peine. Je préfère qu’on reste amis, qu’on continue comme avant, sans plus. D’ailleurs, je ne crois pas que je serai heureuse un jour en amour. J’ai réussi partout ailleurs, dans les études, avec mes amies, mais en matière d’amour c’est l’échec total. Écoute, si tu veux on en reparlera une autre fois. Salut !
Le film projeté devint soudain flou. L’image disparut comme si les couleurs se fondaient, telles une peinture exposée à un soleil trop intense.
Il semblait à John que quelque chose lui tombait des yeux. Jusqu’à présent, il avait regardé le monde au travers d’un filtre déformant qui l’empêchait de percevoir l’évidence : cette fille jouait avec ses sentiments.
Pendant trop longtemps, il s’était bercé d’auto-illusions. Qu’il est doux de cheminer sur les sentiers du rêve, de s’envoler vers des contrées mythiques où tout semble possible !
En ce moment d’intense émotion, la porte refermée brusquement au nez de John entraîna l’explosion du château de cristal qu’il avait pris tant de soin à bâtir. John restait seul sur le palier avec ses rêves brisés. Ramassant un bout de verre, il y plongea son regard et vit alors la triste réalité de son visage défait, rongé par le chagrin.
Pourquoi l’avait-elle rejeté ? Était-ce à cause de son apparence physique ? Il n’était certes pas un Apollon, mais il n’était pas non plus un de ces personnages que l’on expose au musée des horreurs. D’ailleurs, en pensant à tous les couples qu’il connaissait, il se disait que finalement, peu de gens mariés avaient un physique de rêve, et pourtant ils avaient trouvé chaussure à leur pied semblaient mener une vie heureuse ensemble. Le problème ne résidait donc pas là.
Était-ce à cause de son caractère ? Il ne le pensait pas. Il était entouré d’une multitude d’amis qui l’appréciaient. De plus, on le trouvait intelligent, cultivé, doté d’une imagination fertile. Il avait également de l’humour. On ne s’ennuyait jamais en sa compagnie. Il était certes un peu timide par moments, mais est-ce vraiment un défaut ? Cela rajoutait plutôt une touche de modestie à sa personnalité.
Le problème était peut-être dû à son originalité. Il n’était en effet pas attiré par les modes, qu’il jugeait souvent stupides, ne servant que les intérêts de marchands cupides qui imposaient leurs goûts à un troupeau de brebis dociles, incapables d’avoir une opinion personnelle et se contentant bêtement de se fondre dans le moule qu’on leur imposait. John, quant à lui, se faisait une fierté de marcher à contre-courant.
Cela se manifestait notamment dans le domaine musical. Il détestait tous les nouveaux rythmes techno, dance et autres du même acabit, qu’il jugeait répétitifs, fades, dénués de toute recherche instrumentale. Un chimpanzé équipé d’une boîte à rythmes aurait pu faire aussi bien, voire mieux ! Et cela, sans même aborder le sujet des paroles, qui se résumaient à une répétition infinie d’une même phrase au contenu insipide.
Tout cela semblait bien terne en comparaison du rock progressif, un genre musical apparu au début des années soixante-dix avec GENESIS, à l’époque où Peter Gabriel était au chant, et perpétué ensuite par d’autres groupes, comme MARILLION, une autre référence dans le domaine. D’ailleurs, le symbole du caméléon, souvent employé pour décrire ce genre de musique, en illustre bien la richesse. On peut le comparer à une toile sonore où l’on passe soudainement des teintes les plus sombres, créant une ambiance mélancolique, à un feu d’artifice de couleurs vives à travers un rythme entraînant pour finalement retomber dans le calme serein d’un paysage aux tons pastel. C’est un véritable stimulant pour l’esprit, bien plus enrichissant que le martèlement aliénant des basses techno !
John n’écoutait pas seulement des groupes anglais. Il appréciait également le rock progressif français à travers des formations telles que MONA LISA, ARRAKEEN et SYNOPSIS. De plus, il était également particulièrement réceptif au rock progressif italien, qui avait un charme particulier. En plus de BANCO et QUELLA VECCHIA LOCANDA, il se laissait emporter par les voix envoûtantes des chanteuses de BARROCK et TALE CUE.
John n’écoutait pas seulement de la musique, il en jouait également. Il s’était mis tardivement au violon, un instrument pour lequel il éprouvait une véritable passion, probablement influencé par des artistes tels que KANSAS, WOLF ou Vanessa Mae. Les sonorités stridentes de cet instrument faisaient vibrer sa corde sensible et lui permettaient d’évacuer la nervosité accumulée lors de ses longues heures d’étude.
John s’intéressait à une multitude de sujets différents. Il suivait des cours de graphologie par correspondance, lisait des ouvrages de psychologie, et apprenait l’espagnol tout en maintenant son niveau en anglais par des lectures régulières dans cette langue.
C'est ainsi que se dessinait la riche personnalité de John, profondément affecté par son récent échec sentimental.
Assis à son bureau, le cœur brisé et l’esprit en proie à de sombres pensées, il eut naturellement le réflexe d’allumer sa chaîne stéréo pour écouter un de ses albums préférés, dans le but de changer son état d’esprit.
Il choisit machinalement une musique empreinte de tristesse, dont l’auteur devait certainement se trouver dans une condition similaire à la sienne lorsqu’il a composé cette mélodie.
Baigné dans cette atmosphère de mélancolie, John sentit les larmes lui monter aux yeux. Il aurait bien aimé pleurer, évacuer ses sentiments amers par les canaux lacrymaux, ce qui l’aurait grandement soulagé. Cependant, il voyait son père devant lui, personnage imposant, qui le dominait, lui, le petit gamin de cinq ans qui fondait en larmes et se faisait sermonner :
- Arrête de pleurnicher ! Un homme doit être fort, il ne pleure pas ! Tu ne veux pas qu’on te prenne pour une personne faible, n’est-ce pas ?
Pleurer était inconcevable. Les émotions ne devaient pas s’exprimer. Un homme devait garder sa dignité. Dans de telles circonstances, il était difficile de ne pas être rongé par ce poison intérieur qui se diffusait dans son organisme sans possibilité de s'échapper.
Les yeux humides, sa vision du monde devenait floue. John se fermait progressivement aux stimulus extérieurs et se repliait sur lui-même en position fœtale, recherchant une protection contre les agressions de ce monde impitoyable. À travers cette brume dense, il errait tel un navire sans cap, les notes de musique percutant son tympan comme le chant des sirènes attirant les marins à leur perte. Il sentait le danger de glisser vers un monde irréel, de sombrer dans la folie, mais il n’avait plus la force de résister à l’appel de l’extrême facilité.
La pièce autour de lui sembla alors se dissoudre. Les objets qui l’entouraient perdirent leur consistance matérielle. La chaise sur laquelle il était assis disparut. Il eut l’impression de flotter dans les airs, comme s’il avait absorbé une substance hallucinogène qui le déconnectait de la réalité et des sensations envoyées par son propre corps. Puis, soudainement, un vertige le saisit et il fut happé dans un brouillard sans fin. Il perdit connaissance.
Lorsqu’il revint à lui, il fut incapable de dire combien de temps s’était écoulé depuis son malaise. En regardant autour de lui, il constata qu’il était à bord d’un bateau, flottant sur une mer inconnue. Il ne distinguait qu’une masse indistincte d’eau noyée dans la brume.
Il était désorienté. Son cerveau n’arrivait pas à intégrer les derniers événements en utilisant les schémas logiques qu’il avait développés.
Où se trouvait-il ? Par quelle étrange pouvoir avait-il atterri ici ?
Il se sentait comme une souris dans un labyrinthe, pris au piège par une force mystérieuse qui le manipulait. Il manquait de recul pour comprendre pleinement la situation. Il cherchait désespérément une issue à ce tumulte de pensées incessantes qui l’assaillait.
Dans un réflexe instinctif, il appela à l'aide, mais il n'obtint aucune réponse. L'embarcation, évoquant les légendaires navires de pirates, semblait être dépourvue de toute présence humaine. Était-ce le fait d'une malédiction qui en avait fait un vaisseau fantôme ?
Il se plaça à la barre, scrutant l'horizon à travers la brume.
Il demeura là, porté par le vent pendant de longues heures, incapable de décider de la meilleure façon de sortir de cette situation complexe. Il n'avait aucun point de repère, l'horizon restait obstinément caché à sa vue.
Au bout de longues heures, alors qu’il commençait à clarifier ses idées et à retrouver un semblant de logique, il vit une île émerger dans le brouillard. Une étrange sensation le submergea. Une voix étrangère parlait à travers lui et le poussait à s'approcher de cette île. La réaction de John fut un mélange de curiosité et de crainte. Que lui réserverait cette île mystérieuse ? L’espoir ou la fin de tout ? De toute manière, il avait dépassé le point de non-retour. Naviguant sur cette mer calme avec comme unique bruit ce fond sonore envoûtant, il approcha rapidement de l’île, dont les contours devenaient de plus en plus distincts.
Il ne tarda pas à accoster. Après avoir amarré le bateau, il mit une barque à flot et se dirigea vers la plage. En posant le pied sur le sable, il observa autour de lui. Au loin, à l’horizon, tout n’était que brumes, un monde indistinct et impénétrable. L’île, en revanche, était baignée par un soleil éclatant qui brillait dans un ciel sans nuages. Elle était principalement composée de forêts, surplombées par un volcan apparemment éteint, culminant à environ trois ou quatre mille mètres, selon ses estimations.
John s’arrêta un instant pour réfléchir. Il se trouvait maintenant dans la même situation que Robinson Crusoé, seul, perdu sur une île inconnue au milieu de l’océan. L’espoir de s’en sortir semblait très mince. Avec la brume à perte de vue, comment un bateau pourrait-il le repérer ? Les signaux de fumée qu’il pourrait émettre pour signaler sa présence ne feraient que se perdre dans le brouillard. Peut-être que la brume se dissiperait bientôt, mais John était convaincu du contraire. Il se demanda si le contraste frappant entre la clarté de l’île et le flou de la mer avait une raison précise, une sorte de loi propre à ce monde qu’il devait désormais essayer de comprendre.
Avant tout, il devait assurer sa survie. Il était impératif de trouver de la nourriture et de l’eau, puis de se construire un abri pour passer la nuit.
Après avoir écouté attentivement pendant un long moment, John ne perçut plus aucun son. La musique avait cessé et aucun chant d’oiseau n’était audible. Un silence total régnait. D’où provenait donc la mélodie qui l’avait attiré ici ? Il devait y avoir une présence humaine, ou peut-être même surnaturelle, quelque part. Peut-être qu’elle ne se manifestait pas pour l’instant, dans le but de l’observer, de tester sa capacité à survivre, à résoudre les énigmes que ce monde posait. Il considéra cela comme un défi à son intelligence.
En premier lieu, il devait s’occuper de la question de la nourriture. Cette île abritait-elle des animaux pouvant servir de gibier ? Le silence total qui l’entourait ne semblait pas appuyer cette hypothèse. Produisait-elle alors au moins des fruits ou des plantes comestibles ? La réponse à cette question ne pourrait être obtenue qu’en explorant la forêt. Pour cela, il lui fallait au minimum une machette, car la végétation était particulièrement luxuriante, et aucun sentier n’était visible, ce qui rendait l’avancée difficile.
Il retourna à la barque pour se rendre sur le bateau, espérant y trouver ce dont il avait besoin. Tout en ramant, une pensée lui vint à l’esprit. Où avait-il appris à naviguer ? En fouillant dans sa mémoire, il ne retrouva que des traces de souvenirs provenant de livres qu’il avait lus étant enfant, ce qui n’expliquait pas grand-chose. Entre lire un récit de marins et naviguer réellement sur une mer déchaînée, il y avait un fossé ! Et pourtant, depuis maintenant quelques heures, John se comportait comme un véritable marin. Il savait diriger un bateau, faire des nœuds, … Et, de plus, il accomplissait tout cela seul, sans l’aide d’un quelconque équipage. Encore un mystère de plus à résoudre !
Ayant découvert à bord une machette, une bobine de cordelette et divers autres ustensiles qu’il jugea utiles d’emporter, il regagna à nouveau l’île à bord de la barque.
Il était maintenant prêt à entreprendre l’exploration de la forêt. Se frayant un chemin à coup de machette, il déboucha dans une clairière où il eut l’agréable surprise de découvrir une source d’eau limpide et fraîche. Le liquide vital lui fit le plus grand bien en coulant dans son palais asséché par une longue marche sous un soleil de plomb, à travers une forêt dense où il était difficile de progresser.
Lorsqu’il releva les yeux, désaltéré, il aperçut au-dessus de lui une quantité non négligeable de fruits d’une couleur orangée, de la taille d’une pastèque. En bon grimpeur qu’il se découvrit être, chose qui le surprit tout autant que ses dons de navigation, il eut tôt fait d’en cueillir un. L’écorce du fruit était résistante. Il utilisa sa machette pour le couper en deux. Un liquide de couleur jaunâtre en jaillit. Il but le peu qui restait dans une moitié du fruit et en apprécia la saveur, rappelant celle du jus d’orange. Le goût de la chair évoquait celui de la pêche. John avait l’impression de découvrir un fruit exotique particulièrement savoureux qui procurait à la fois nourriture et boisson. De plus, il était facile à transporter en raison de sa résistance, ce qui lui permettrait d’avoir des provisions pour ses futures explorations, au cas où il serait contraint de voyager vers des terrains moins fertiles.
L’endroit lui sembla approprié pour construire un abri. Il songea immédiatement à se faire une cabane dans les arbres. L’île étant couverte de forêts, le bois ne manquait pas. Ayant emporté une hache avec lui, il commença à rassembler le bois nécessaire à son ouvrage. Il l’assembla à l’aide de la cordelette et eut rapidement un abri en hauteur, qui lui permettrait de se protéger contre d’éventuelles bêtes sauvages. Le silence régnant sur l’île donnait plutôt l’impression qu’il n'y avait aucune vie animale, mais John préférait être prudent. L’île où il avait débarqué était bien trop mystérieuse à son goût, et il préférait rester sur ses gardes tant qu’il n’aurait pas réussi à percer ses secrets.
Le soleil se couchait, et John, se sentant fatigué après cette journée de labeur, décida de s’accorder une bonne nuit de repos, espérant que les choses seraient plus claires le lendemain. Cependant, il ne réussit pas à s’endormir immédiatement. Trop de questions le tourmentaient. Comment était-il arrivé ici ? Quelle était cette voix qui l’avait appelé ? Il se rappelait vaguement avoir écouté un morceau de musique tout en pleurant, puis tout avait basculé, et il s’était retrouvé projeté sur cette île perdue. La musique avait-elle un pouvoir aussi important ? C’était étrange !
Pour obtenir les réponses à ces questions, il était essentiel de déterminer l’origine de la voix qui l’avait appelé. Pour ce faire, il n’y avait qu’une seule option : explorer l’île de fond en comble. C’est ce qu’il entreprendrait dès le lendemain. John, ayant enfin trouvé un but à poursuivre, s’endormit profondément.
Au cours de la nuit, il fit un rêve étrange. Il se vit marcher sur un sentier qui serpentait à travers la forêt luxuriante de l’île. Il n’était plus maître de ses pensées, mais était comme hypnotisé par cette même voix qui l’avait attiré sur l’île, et qui le poussait à présent à se diriger vers une colline élevée. Après avoir longuement cheminé, il parvint à une sorte de porte taillée dans le roc. Il y pénétra et entra dans une salle où un homme âgé siégeait sur un trône resplendissant. Ses cheveux étaient d’un blanc éclatant. En fixant sa chevelure, John fut ébloui et se réveilla. Il réalisa qu’il faisait déjà jour et que le soleil était haut dans le ciel. Il protégea rapidement ses yeux contre ses rayons éblouissants et chercha un coin d’ombre pour réfléchir.
Quel songe ! Tout cela lui semblait trop réel pour n’être que le pur produit de l’imagination. Avait-il eu l’un de ces rêves visionnaires habituels chez les prophètes d’autrefois, à une époque où il était courant que Dieu leur communique des révélations surprenantes par ce biais ? Avait-il donc affaire à Dieu lui-même ? Ou bien quelqu’un avait-il découvert le secret permettant d’influencer les rêves ?
En tout cas, réalité ou illusion, le seul moyen de le savoir avec certitude était de passer l’île au peigne fin pour découvrir si ce sentier vu en rêve existait réellement.
Cependant, avant d’entreprendre une tâche aussi ardue, l’île étant de dimensions assez importantes pour un homme à pied, il fallait reprendre des forces. John se nourrit des fruits qu’il avait découverts la veille. Il regrettait l’absence de viande et le manque de variété des fruits disponibles. Il gardait pourtant l’espoir de trouver d’autres types de fruits au cours de ses futures explorations. Cependant, il disposait de nourriture et de boisson, ce qui satisfaisait correctement ses besoins physiques élémentaires.
De plus, cette frustration gastronomique constituait un stimulant supplémentaire pour le pousser à résoudre le mystère de cette île. En effet, si John avait découvert le paradis, avec une nourriture variée poussant sans effort à fournir, aurait-il eu seulement l’envie de s’engager dans l’action ? Voilà peut-être encore une fois l’empreinte du personnage énigmatique qui se cachait derrière la voix. Il fournissait à John le strict nécessaire pour le maintenir en vie et en bonne santé, tout en lui infligeant suffisamment de privations pour le pousser à l’action.
Il se rendit compte que d’importants changements étaient en train de s’opérer dans sa personnalité. Jusqu’à présent, il s’était contenté de mener une vie routinière, sans faire de grands efforts. Il travaillait juste ce qu’il fallait pour subvenir à ses besoins, puis s’enfermait dans le cocon protecteur de son bureau où il se perdait en rêveries sans lendemain. Certes, il était intelligent et doué d’une imagination prolifique, mais il n’avait jamais eu à utiliser ses qualités intellectuelles pour surmonter des obstacles concrets. Et voilà qu’à présent, il sortait de sa léthargie et passait à l’action. Son cerveau se réveillait lentement, comme un muscle endormi par une trop longue inaction, et il trouvait finalement sa nouvelle situation agréable.