Mystères dans la Selva Amazonia - Armelle D. Rouffignac - E-Book

Mystères dans la Selva Amazonia E-Book

Armelle D. Rouffignac

0,0

Beschreibung

Pourquoi Yéna et ses sœurs sont-elles introuvables ?
Quel drame se joue à Maniquitos ?
Des disparitions étranges et soudaines vont entraîner Yalis, un jeune indien, dans une épopée au cœur même de l’immense et mystérieuse forêt amazonienne. Ses aventures et celles de ceux qu’il entraînera sur sa route, nous conduiront jusqu’à Maniquitos, ville imaginaire et pourtant si réelle.
L’amitié et le merveilleux au sein de la fragile et éclatante nature œuvreront pour déjouer les plans machiavéliques d’un ennemi sans états d’âme.


CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE


« Roman très riche et complet, qui fait voyager et ouvre à la réflexion » - V. Piot
« Histoire qui m’a profondément touchée, j’ai eu la larme à l’œil à la fin. Je me suis complétement évadée. » - M. Reignier
« Je me suis surpris à avoir envie de lire, on a hâte de connaître la suite. » - F. Rouffignac
« Juliette et moi avons adoré la couverture de ton livre et en lisant le résumé, Juliette a hâte de le lire et moi aussi ! » -  M. Jacquot




Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 246

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Armelle D. ROUFFIGNAC

HIJOS DE LALUNA

Mystères dans la Selva Amazonia

Aventures dans la forêt amazonienneEntre mythes et légendes, quand la fiction se confronte à la réalité.

Lettre à mes lecteurs

« Une société qui ne se soucie pas de ses enfants n’est pas une vraie nation. », cette citation de Nelson Mandela raisonne en moi comme un écho, un écho qui parfois donne froid dans le dos.

Pourquoi ? Parce que ma vie professionnelle, ma vie devrais-je dire, tant ce métier est pratiquement un sacerdoce, ma vie professionnelle donc, je vous l’ai consacrée, à vous, les enfants. Enseignante depuis plus de 25 ans, j’ai vu défiler des centaines de petites têtes blondes, brunes ou rousses de la maternelle au CM2. Mais ce métier, je ne peux plus l’exercer. Face à ce douloureux constat, plus qu’une idée pour pérenniser ces valeurs, qui sont l’essence même de ma profession et réveiller vos connaissances et vos consciences, plus qu’une idée donc, une passion enfouie depuis des années qui s’est imposée violemment à moi, comme une évidence, comme un besoin impérieux, vital, salvateur : l’écriture !

Depuis plus de 20 ans, les six premiers Chapitres du roman que vous avez entre les mains dormaient au fond d’un tiroir. Oui, cette quête a germé dans mon imaginaire en 2001 et il lui aura fallu 20 ans pour éclore, 20 ans pour m’autoriser à aller jusqu’au bout de cette aventure. Car quelle aventure que l’écriture ! Mettre des mots sur ses pensées, ses émotions, ses envies, ses colères. Réussir à dérouler le fil invisible qui conduit, guide, éprouve les héros tout en tenant les lecteurs en haleine. Quel challenge, quel défi !

Qu’est-ce que l’écriture si ce n’est une projection de ce que nous sommes au travers de personnages qui prennent vie sous notre plume, ou plutôt clavier !

Qu’est-ce que l’écriture si ce n’est la volonté de partager, d’ouvrir une porte sur le monde, de respirer, d’embrasser ce monde mais aussi de s’offrir aux autres, en toute simplicité, en toute humilité, cachée au fond de son nid secret et douillet.

Que serait l’écriture sans vous, mes lecteurs, jeunes et moins jeunes, qui donnez un sens à ces mots couchés sur le papier, qui donnez vie à mes héros, à mon récit ?

Oui j’écris mais j’écris pour vous, amis lecteurs. Pour jouer avec votre imagination, vos sensations, vos émotions, les libérer, les questionner. Alors merci, merci, un grand merci pour avoir choisi mon roman et ainsi donner vie non seulement à mes héros mais aussi à moi, à celle que je suis vraiment!

Je n’ai qu’une hâte maintenant, c’est vous lire. Apprendre, comprendre, recevoir tout ce qui vous a animé, accroché, bousculé, capté, questionné, dépaysé. Car le livre doit être un voyage au bout de l’imaginaire, un voyage dont on ne revient pas indemne mais changé, transformé parfois chamboulé !

« L’aventure est dans chaque souffle de vent » a dit Charles Lindbergh.

Alors bon vent et bon voyage à tous ou comme je disais à mes élèves :

« Open your mind !1 »

Armelle

A toi, ma petite Miou, je dédie ce premier roman. Toi, qui m’as donné le goût de la lecture et l’amour des livres. Jean Cocteau a dit «Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants » or toi, tu es et tu resteras toujours dans mon cœur et dans mes pensées.

–Avec toute ma tendresse,Ta petite fille

Ecrire un roman, c’est faire la critique de la réalité » Jean Dutour, les pensées, 1990

« Le récit n’est plus l’écriture d’une aventure mais l’aventure d’une écriture » Jean Ricardou, Pour une théorie du nouveau roman

La vie est un défi à relever, un bonheur à mériter, une aventure à tenter.

– Mère Thérésa

1 Ouvre ton esprit

Chapitre 1 : Comme un poisson dansl’eau

Des gouttelettes de sueur perlaient à son front large et haut. Sa silhouette gracile2 se faufilait furtivement à travers les géants de verdure. Vite, il fallait faire vite.

Déjà, on entendait au loin les grondements sourds qui annonçaient sa venue.

Déjà, depuis quelques jours, la chaleur était suffocante, l’air lourd et humide. Cela devenait insoutenable, on n’avait qu’une seule envie : Que ça explose enfin !

Yalis accéléra encore sa course. Mais filtrée par la brume et l’épaisseur des frondaisons3, l’ardente lumière du soleil tropical n’atteignait qu’à peine le sol de la forêt et la progression de l’enfant, même s’il connaissait les lieux sur le bout des doigts, en était gênée.

Soudain un cri déchirant le figea. Immédiatement, Yalis stoppa sa course, se retourna et vit Nahua, son singe, empêtré dans les lianes de la luxuriante4 végétation tropicale. Prestement, il le dégagea, sectionnant les liens qui retenaient l’animal, avec son précieux coutelas, cadeau de son père pour son dixième anniversaire. Confiant, Nahua ne bougeait pas, laissant faire son maître et ami. Celui-ci maugréa5:

–Avec le coup que tu m’as fait tout à l’heure, tu aurais mérité que je te laisse te débrouiller tout seul ! 

Nahua était un singe tamarin, reconnaissable par sa petite taille et ses grandes moustaches blanches. Sa longue queue noire et grise, qui lui servait de balancier, lui assurait une grande aisance pour passer de branche en branche dans les arbres mais au sol, sa dextérité6 n’était plus la même !

Le petit primate avait grandi auprès de Yalis après que ce dernier l’eut trouvé seul, affamé et affaibli. Avec beaucoup de patience et de douceur, le jeune garçon avait réussi à le rétablir en lui donnant les fruits et les insectes dont le chétif animal raffolait. Petit à petit, celui-ci lui avait accordé sa confiance et les deux amis étaient vite devenus inséparables.

Nahua enfin libéré de ses entraves, ils reprirent leur course effrénée. Il n’y avait plus de temps à perdre, c’était une question de survie.

Le visage de Yalis, aux contours habituellement si délicats, était tendu par la dureté de l’effort physique qu’il avait à fournir. Quand à Nahua, s’il continuait à suivre son ami, c’était aussi poussé par son instinct.

Enfin, ils arrivèrent en vue du village. La maloca7, faite de branches et de feuilles de palmier, était située au cœur d’une clairière. Yalis s’écroula aux pieds du cacique8, le chef de la tribu.

–Père ! Père ! Il faut partir… il va arriver ! s’écria-t-il en haletant.

–Ne t’inquiète pas mon fils. Toute la tribu Mihawé est prête pour le grand voyage, lui répondit Takon d’une voix calme et posée qui rassura immédiatement l’enfant.

Les Mihawé, c’est sa famille à lui, Yalis, fils du cacique. Une tribu où chacun se respecte, s’entraide, se conforme aux lois ancestrales garantes de leur survie. Une communauté où l’on vit en harmonie avec le fleuve et la forêt, au rythme de la nature.

Aussi, Takon avait-il ordonné les grands préparatifs, ceux qui précédent le Grand Voyage vers la Terra Firme9, imposé chaque année par Tlaloc, le dieu de la pluie et du feu céleste.

Yalis se releva, jeta un regard autour de lui et vit, qu’en effet, la maloca grouillait telle une fourmilière, où chacun s’activait en vue du départ.

Anguun, sa mère, ainsi que d’autres femmes de la tribu, s’occupaient de rassembler les derniers légumes ramassés dans le jardin et les fruits cueillis dans la forêt. Mataé, assise près du cachoeira10, surveillait la préparation du masato, boisson traditionnelle faite à partir d’igname11 et de mandioca12 mâchés. Le breuvage, d’un beau rose vif achevait de fermenter. Il serait prêt à temps pour la cérémonie. Yéna et ses deux sœurs, quant à elles, s’attelaient à la préparation du pain. Tout d’abord, elles avaient lavé les racines de mandioca et maintenant, elles grattaient les tubercules afin d’obtenir une farine, qui serait tamisée et pressée à l’aide du tipiti13 afin d’en extraire le jus empoisonné. Ensuite, débarrassée de sa toxicité, cette farine serait mélangée à de l’eau, façonnée en boules puis roulée dans des feuilles de palmier. Il ne resterait ensuite plus qu’à faire cuire les boules dans les cendres du cachoeira pour obtenir du bon pain. Déjà, sur les nattes, étaient étalés les bananes plantains, les noix de coco et autres kapoks. Le repas s’annonçait fastueux !

De leur côté, les hommes qui étaient revenus de la chasse avec leur gibier, un superbe tatou14, finissaient de ranger leurs arcs, sarbacanes et autres fléchettes. Les femmes se chargeraient plus tard de faire cuire la viande enroulée dans des feuilles de bananier et placée au cœur des cendres du cachoeira.

Quant aux enfants, leurs rires et leurs jeux remplissaient l’atmosphère d’une joie de vivre qui reflétait l’esprit de tous. Ceux qui ne s’amusaient pas, accrochés à des lianes, à se balancer au-dessus de la rivière avant de se lâcher pour tomber dans l’eau fraîche, commençaient à se préparer pour la cérémonie. Ils écrasaient des graines d’onoto15 et se décoraient le visage et le corps avec la peinture rouge ainsi obtenue. Mélangée à de la cendre, elle deviendrait noire et ce serait d’autres motifs qui apparaîtraient, mais toujours inspirés par la faune et la flore de la jungle. Ensuite, ils orneraient leurs cheveux avec le duvet trouvé sur les oiseaux ou encore avec leurs magnifiques plumes multicolores.

Ce soir, ce serait la fête !

Yalis était rassuré mais en même temps déçu de ne pas avoir été là pour la préparation des festivités. Il aimait particulièrement cette ambiance et cette agitation, il ressentait alors toute l’énergie positive de son peuple.

Mais ce matin, il était parti très tôt dans la forêt pour s’entraîner à tirer avec son arc. Chez les Mihawé, comme pour tous les indiens, savoir tirer à l’arc est indispensable si l’on veut manger de la viande. Yalis avait donc décidé de partir chasser seul ou presque, puisque Nahua le suivait partout.

Au petit matin, alors que la vie animale est en éveil, il s’était faufilé à pas feutrés à travers la luxuriante et verdoyante jungle. Là, raisonnaient des cris, des sifflements et des hurlements provenant de la cime des arbres, où, parmi le fouillis des branches, des feuilles et des lianes, évoluaient toutes sortes de créatures plus colorées les unes que les autres.

C’est alors que Yalis le vit. Placidement pendu, la tête en bas, solidement accroché à l’arbre par ses griffes rigides, un paresseux mâchait des feuilles. Tout absorbé à sa tâche, l’animal ne réagit pas lorsque les singes qui, autour de lui, ne cessaient de sauter d’une branche à l’autre, détalèrent soudainement en apercevant le jeune chasseur. Celui-ci saisit son arc sans faire de bruit puis, tout en retenant son souffle, tendit la corde, en ayant soin de faire reposer la plume de la flèche contre sa joue, ainsi que le lui avait appris son père, et sans hésiter, visa. Il se voyait déjà, revenant au village avec son trophée, heureux et victorieux, acclamé par tous, tels ces héros sortis des histoires racontées par Rawani, le chaman16 de la tribu, pendant les veillées autour du cachoeira.

Mais c’est alors que l’impensable se produisit. Nahua poussa un sifflement aigu, sauta sur la branche qui était devant Yalis et cracha pour manifester son mécontentement. Surpris, ce dernier sursauta, recula d’un pas et finit par trébucher sur une racine. Voulant se rattraper, il lâcha la corde de l’arc et la flèche partit, tel un éclair, vers la cime des arbres. Affalé par terre, Yalis se remettait de ses émotions, lorsqu’un perroquet ara lui tomba sur la tête, la nuque brisée par sa flèche perdue. A la fois fier de sa prise surprise et furieux contre son singe, il se releva, tout en frottant ses fesses meurtries17. Il s’écria :

–Non mais ça va pas ! T’es devenu fou ou quoi ? Qu’est-ce qui t’a pris ? C’était une cible trop facile et ce soir j’aurais fait la fierté de Takon, mon père, en rapportant cette grosse proie ! Et voilà, à cause de toi, mon seul gibier est ce minuscule oiseau dont les plumes seront juste bonnes à orner ma parure de fête ! Alors, je t’écoute, qu’as-tu à dire pour ta défense, stupide animal ! 

Nahua s’était assis sur la branche et regardait tranquillement Yalis qui s’énervait tout seul. Fougueux et impulsif comme à son habitude, l’enfant en avait oublié certaines lois de la forêt : « Toute chose est vivante et a une âme. Si tu tues un animal, tu te rends redevable envers la forêt. Elle l’accepte si c’est pour nourrir ton corps mais pas ta vanité18, faute de quoi tu prends le risque que l’esprit des animaux morts te hante jusqu’à la fin de tes jours. »

Heureusement, Nahua les connaissaient bien ces lois et il veillait à ce que Yalis les apprenne et les respecte. Ce n’était qu’à cette condition que le jeune garçon obtiendrait la reconnaissance de toute la tribu.

Mais pour l’instant, celui-ci, insensible aux leçons de Nahua, continuait à ronchonner et ne s’apercevait pas que la brume tout autour de lui commençait à s’épaissir. Les oiseaux avaient cessé de chanter, les singes criaient, s’agitaient davantage pressentant un quelconque danger. Et soudain Boom ! Une fois encore, Yalis sursauta mais cette fois, il en comprit immédiatement la raison. La saison des pluies s’annonçait, comme à l’accoutumée, par le bruit assourdissant des premiers orages. Le moment de partir vers la Terra Firme était revenu. Le Pororoca19 ne tarderait pas à se former et à tout inonder sur son passage, y compris le village de Yalis.

Oubliant sa fierté blessée, le jeune chasseur enjoignit son singe à le suivre car maintenant c’était la survie de la tribu qui était en jeu. Aussi, les deux amis se lancèrent-ils dans une course endiablée afin d’avertir Takon au plusvite.

Ce que Yalis ne savait pas, puisqu’il était parti avant le réveil des autres, c’est que Rawani, le chaman, avait passé la nuit non loin du village, à chanter et à imiter le cri des oiseaux et des animaux qui peuplent la jungle. Après avoir bu la paricà qui aiguise les sens, il était entré en communion avec les esprits de la forêt et les avait interrogés. Dans la matinée, après le départ de Yalis, il était allé trouver Takon pour lui livrer leur message :

–Cette nuit, j’ai parlé avec les esprits sacrés, le temps est venu de quitter le village. Tlaloc20 a ordonné le Grand Voyage. Nous devons nous préparer. Ce soir, nous fêterons notre départ. 

Takon, en tant que cacique de la tribu Mihawé, s’était alors adressé aux siens pour que chacun contribue aux préparatifs.

Ainsi donc, quand Yalis arriva au village pour annoncer la nouvelle, tout le monde était déjà au courant et les préparatifs bien engagés. Et dire que pendant sa course, il avait perdu son maigre gibier et par la même occasion les belles plumes multicolores qu’il aurait pu mettre pour la fête !

« Ah non, vraiment, ce n’est pas ma journée, il y a des jours comme ça où l’on ferait mieux de rester dans son hamac ! » pensa-t-il. 

Assis sur un tronc d’arbre, il n’en finissait pas de se lamenter sur son soi-disant triste sort, lorsque Nahua vint poser sa petite tête sur son épaule et se mit à souffler dans le cou de Yalis en poussant de petits grognements affectueux afin de lui remonter le moral. Ces petits cris familiers eurent pour effet de tirer l’enfant de sa torpeur et, sa colère contre l’animal depuis longtemps oubliée, il se mit à caresser la fourrure soyeuse de son compagnon. Aussitôt, la mélancolie21 qui l’avait traversé s’estompa et il retrouva sa gaieté habituelle. Après tout, la fête n’avait pas encore commencé et il était encore temps d’aider les autres dans les préparatifs festifs. Aussi, joignant le geste à la parole, il se leva et rejoignit un groupe d’enfants qui finissait de confectionner des parures.

2Gracile : mince et délicat.

3Frondaison : feuillage des arbres.

4Luxuriant : qui pousse, se développe avec une remarquable abondance.

5Maugréer : manifester son mécontentement en protestant à mi-voix.

6Dextérité : N.F, adresse manuelle dans l’exécution de quelque chose.

7Maloca : N.F, nom donné par les Indiens à leur case. Elle est généralement construite en feuilles de palmier, de façon circulaire et constitue un abri pour toute la communauté.

8Cacique : N.M, chef d’une tribu indienne.

9Terra firme : N.F, zones de la forêt amazonienne qui ne sont jamais inondées même lors des violentes crues décennales. Forêt tropicale haute et dense où les arbres à feuilles persistantes sont les plus nombreux.

10Cachoeira : N.M, feu, foyer servant à faire cuire les aliments.

11Igname : N.M, légume-racine riche en amidon et en antioxydants.

12Mandioca : N.F, autre nom du manioc, légume-racine.

13Tipiti: N.M, filtre de fibre à torsion, servant à éliminer l’acide prussique du manioc.

14Tatou : N.M, mammifère de la famille des Xénarthres (taille équivalente à celle d’un mouton), doté d’une carapace, qui le recouvre en totalité de la tête à la queue, et de grandes griffes acérées qui sont les plus grandes griffes de tous les animaux.

15Onoto : autre nom des graines de roucou.

16Chaman : N.M, médecin et guide spirituel de la tribu. Il régit les pratiques rituelles et sert d’intermédiaire entre les dieux et les âmes des morts. Il est aussi la mémoire de la tribu. Sa position sociale est très importante.

17Meurtri : adj, blessé, endolori.

18Vanité : N .F, défaut de quelqu’un qui étale sa satisfaction de soi-même.

19Pororoca : N.M, dans les eaux peu profondes de l’embouchure du fleuve Amazone, une vague haute de 3m dévaste les rives sur une longueur allant jusqu’à 1 000km.

20Tlaloc : N.P ; dieu de la pluie et du feu céleste. C’est le plus important des dieux de l’eau, de la végétation. « Celui qui fait germer ». En général, c’est un dieu bienfaisant, mais aussi dieu de la foudre qu’il lance lorsqu’il est en colère.

21Mélancolie : N.F, état de tristesse vague accompagnée de rêverie.

Chapitre 2 : Sortir le grandjeu

Le soir venu, tout le monde était fin prêt. Tous, jeunes, vieux, hommes, femmes, enfants, le corps orné de peintures célébrant la vie et coiffés de plumes, se rassemblèrent autour du cachoeira, dont les flammes rougeoyantes dansaient dans la nuit noire, attendant le signal.

Takon, plus majestueux que jamais, se présenta dans son costume d’apparat22. Son corps nu était recouvert de mystérieux dessins rouges et son visage orné de symboles utilisant les seules couleurs que sont le blanc et le noir. L’os de toucan, qui était inséré dans sa lèvre inférieure depuis qu’il était devenu le chef du village, était lui aussi peint en noir. Sa coiffure, un diadème de longues plumes déclinées dans un camaïeu23 d’orange et de bleu, s’élançait vers le ciel pour s’approcher du royaume des dieux. A son cou, témoignage du valeureux chasseur qu’il était, s’étalait un collier de dents et de crocs d’animaux sauvages. Sa puissance était soulignée par des lacets de cheveux tressés, noués autour de ses mollets et de ses biceps, faisant ainsi ressortit la musculature de ses jambes et de ses bras, tandis que dans sa main droite, il brandissait sa redoutable massue-épée, arme symbolique du cacique qu’il était. Pour finir, une jupe de palmes achevait sa tenue de cérémonie. Tout en lui respirait la force et la sagesse, tout en lui inspirait le respect. Takon leva le bras pour demander le silence et tous se turent. Il prit alors la parole :

–Peuple Mihawé, le moment est venu de nous rendre dans les hautes terres pour les six prochaines lunes. Nous y trouverons refuge le temps que Tlaloc calme ses eaux, puis nous reviendrons aux abords du fleuve pour reconstruire notre nouvelle maloca. Ce soir, nous danserons et chanterons pour la gloire de notre Dieu. Demain matin, Rawani, notre chaman, mettra le feu24 au village et nous partirons, satisfaits du devoir accompli et protégés par les esprits bienfaisants, pour le Grand Voyage. 

De cris de joie accueillirent ces paroles. La fête pouvait commencer !

Nahua, de son côté, s’était retiré à l’orée de la forêt. Il n’aimait pas le bruit et, au milieu de cette agitation frénétique, il avait toujours peur qu’on lui marche dessus. Cependant, grâce à son ouïe si fine, il avait entendu les paroles de Takon. Il savait que pour les Mihawé quitter la maloca n’était pas vécu comme un drame. Pourtant, chez les indiens, seuls au milieu de la jungle, la maison communautaire représente beaucoup. Elle est le fruit de la rencontre entre l’homme et la forêt. Sa forme circulaire matérialise la symbiose25 entre le monde terrestre, l’espace de vie, et l’Univers, siège du monde sacré. Néanmoins, les Mihawé vivaient leur départ vers la Terra Firme comme un rite et non comme une contrainte. Par ailleurs, ils savaient qu’avec les pluies, les eaux de la crue fertiliseraient le sol en y déposant un limon abondant qui amenderait26 la terre au bénéfice des prochaines récoltes. Aussi, était-ce dans l’allégresse27 qu’ils fêtaient leur départ. La tribu des Mihawé vivait avec la nature et non contre elle, n’essayant en aucune façon de la combattre mais en l’acceptant.

Au village, un chanteur entonnait les héris28, ces chants gais et enjoués qui célèbrent la vie et lui rendent grâce pour ses dons. Tout le clan reprenait les paroles en dansant. Dans une frénésie29 totale, les danseurs exprimaient leur communion avec la nature. Puis, les chants se turent et l’on n’entendit plus qu’une voix. C’était celle de Rawani. Le chaman déclamait les paroles sacrées tout en exécutant les danses rituelles dont lui seul connaissait la signification.

Yalis admirait beaucoup Rawani. Non seulement parce qu’il était sage et respecté de tous mais aussi et surtout parce qu’il avait la connaissance des esprits et qu’il pouvait communiquer avec eux. Yalis s’était toujours senti attiré par le côté mystique30 des choses de la vie. Et ce soir encore, en voyant Rawani, appelé aussi le jaguar, flanqué de deux os plantés de chaque côté du nez et des oreilles, arborant des signes cabalistiques31 peints sur tout le corps, il se sentait envahi par une force irrésistible qui semblait l’appeler. Il était comme hypnotisé par la danse et les chants du chaman, ne pouvant détourner son regard de ses pantomimes32 envoutantes, n’entendant plus ceux qui lui parlaient. Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui le fascinait donc tant ?

Yalis se rappelait, alors qu’il n’avait pas plus de cinq ans, l’émoi33 puis très vite la passion qui l’avait animé lorsque Rawani, de sa voix chaude et rauque, lui avait raconté la légende de la naissance du grand fleuve : Avant le commencement, il y a très longtemps, avait-il entamé ce jour-là, la Lune et le Soleil s’aimaient d’un amour si passionné que de chacune de leurs étreintes jaillissaient d’ardents rayons. Un jour, le dieu Tupà décida qu’il fallait peupler le monde. Il voulait mettre sur Terre des animaux, des fleurs, des arbres et aussi des hommes. Mais comment feraient-ils pour vivre sous les feux brûlants des deux astres célestes. « Et bien ! décida Tupà. Toi, le Soleil, tu régneras sur le ciel le jour et toi, la lune, tu illumineras les nuits terrestres. » Ainsi avait parlé Tupà et le Soleil et la Lune furent séparés. Cependant, la Lune déchirée par son amour perdu, se mit à pleurer et ses larmes tombèrent dans la mer mais ne purent se mélanger à l’eau salée. Des larmes d’amour de la Lune, naquit alors la vie sous la forme d’un fleuve fantastique, ce même fleuve sur les rives duquel nous continuons de vivre. Après ce récit, Yalis s’était endormi en faisant d’étranges rêves peuplés d’esprits bienfaisants et maléfiques, qui le conduisaient vers une destination inconnue où l’attendaient mille dangers. Mais ce n’était qu’un rêve !

Yalis sortit de sa rêverie rattrapé par les chants et les tamtams : la fête battait son plein. Ce soir-là, les hommes et les femmes continuèrent à danser, à boire et à manger jusqu’à une heure fort avancée de la nuit. Les enfants, épuisés, avaient depuis longtemps rejoint leur hamac quand la fête s’acheva.

22Apparat : N.M, éclat solennel (d’une cérémonie).

23Camaïeu : N.M, dégradé d’une seule couleur avec des tons différents.

24 Abandonner et brûler la maloca peut s’interpréter de deux façons. Symboliquement, il s’agit de purifier le lieu. Mais, dans la pratique, le brûlis contribue à la régénération du sol, au respect de la forêt.

25Symbiose : N.F, association biologique durable et réciproquement profitable entre deux organismes vivants.

26Amender : V, améliorer (souvent la qualité de la terre)

27Allégresse : N.F, joie très vive qui se manifeste publiquement.

28Héris : N.M, chant qui parle de chasse ou de pêche. Rite gai et enjoué qui célèbre la vie.

29Frénésie : état d’exaltation violente qui met hors de soi ; ardeur.

30Mystique : adj, qui concerne les pratiques, les croyances visant à une union entre l’homme et les divinités.

31Cabalistique : adj, qui présente un caractère obscur, énigmatique

32Pantomime : N.F, attitude, mimique accompagnant le discours ou le remplaçant et pouvant aller jusqu’à une gesticulation outrée.

33Emoi : N.M, émotion vive causée par l’inquiétude, la douleur ou la joie

Chapitre 3 : Il n’y a pas de fumée sansfeu

C’est la pluie qui, au petit matin, réveilla le village. Une pluie fine et tiède qui tombait sans interruption. La mousson34 était bel et bien là.

Déjà Rawani était parti dans la forêt ramasser les plantes magiques qui seraient jetées dans le feu lors de l’incendie de la maloca. Yalis, qui l’avait vu partir, avait décidé de le suivre. Peut-être arriverait-il à surprendre quelques-uns des secrets du chaman ?

Ce dernier s’était approché d’un arbre et Yalis pouvait l’entendre parler. Mais à qui pouvait-il bien s’adresser ? Tout à coup, le guérisseur se retourna et invita l’enfant à le rejoindre. Surpris mais curieux, celui-ci s’avança et lui demanda :

–A qui parles-tu, Rawani ? Il n’y a personne dans la forêt. T’adresses-tu aux hékuras35, les esprits des rochers ?

–Vois-tu, jeune Yalis, la forêt ne nous appartient pas. Ce qu’elle nous procure, elle nous l’offre. Mais, en échange, il y a certaines règles à respecter. A chaque fois que je coupe un arbre ou arrache une plante, c’est-à-dire à chaque fois que je tue un être vivant, je dois demander la permission à son esprit. Je le préviens, lui explique que j’ai besoin de ses pouvoirs afin de préparer les poudres et les décoctions36 nécessaires à ma médecine. Alors, la plante, l’arbre ou la fleur m’autorise à le couper. N’oublie jamais cela, jeune Yalis, il ne faut rien faire sans demander l’autorisation. Aujourd’hui, il me faut de l’écorce de jurema37, c’est pourquoi tu m’as entendu parler à cet arbre. 

Yalis écoutait et repensait à sa chasse ratée d’hier. Peut-être Nahua avait-il eu raison d’intervenir pour l’empêcher de tuer ce paresseux. Ah, parfois Yalis avait l’impression que ce petit singe en savait beaucoup plus qu’un simple animal. Mais d’ailleurs où était-il donc passé celui-là ? C’est vrai que depuis hier soir, il ne l’avait pas vu. Sûrement était-il encore en train de se gaver de fruits délicieux, gourmand qu’il était ! Pour l’instant, l’enfant ne se préoccupait pas trop de son ami, bien plus absorbé qu’il était par le savoir de Rawani.

Après leur cueillette, Yalis et le chaman prirent le chemin du retour. Mais en arrivant aux abords du village, l’atmosphère devenait plus lourde, un silence inhabituel régnait au-dessus de la maloca. En les voyant, les villageois se précipitèrent vers eux, l’inquiétude se lisait sur leur visage. Anguun se précipita au-devant de son fils et le serra dans ses bras. Yalis ne comprenait pas du tout ce qu’il se passait. Le souffle entrecoupé par l’anxiété, Dénaké, la mère de Yéna, demanda à l’enfant :

–Où sont mes filles, Yalis ? Elles sont parties avec toi ce matin, n’est-ce pas ? Tu les as vues ? Réponds, mais réponds-moi ! 

Au fur et à mesure qu’elle parlait le ton de sa voix augmentait trahissant ainsi l’angoisse grandissante et l’attente d’une réponse positive de la part de Yalis qui mettrait fin à ses tourments de mère. Mais celui-ci abasourdi, désorienté, ne savait pas, ne savait plus quoi répondre. Aussi ce fut Rawani qui prit la parole :

–Non, personne d’autre ne nous a accompagnés. Nous étions seuls dans la forêt, nous n’avons vu ni Yéna, ni l’une de ses sœurs. 

A ces mots, Dénaké poussa un long hurlement déchirant et s’effondra en sanglots sur le sol. Surpris par une si vive réaction, le chaman s’énerva et dit :

–Mais enfin quelqu’un va-t-il se décider à m’expliquer ce qu’il se passe ! Ce n’est pas la première fois que des enfants décident d’aller se promener seuls dans la forêt ! Et toi, Dénaké, relève-toi ! Nous allons les retrouver tes filles ! 

Mais Dénaké continuait à gémir, soutenue par Anguun qui tentait vainement de la réconforter. Takon, qui venait d’arriver, s’adressa à Rawani :

–Voilà. Ce matin, alors que nous commencions à préparer les chargements des pirogues, Dénaké est venue nous voir pour nous demander si nous n’avions pas vu ses filles car depuis la veille au soir, elles n’avaient pas reparu. Comme toi, nous avons pensé qu’elles étaient allées cueillir quelques fruits dans la forêt ou simplement se promener. Aussi n’avons-nous envoyé que deux hommes à leur recherche, plus pour faire plaisir à Dénaké que par inquiétude. Nako et Taowé n’ont pas été longs à revenir, mais ils ne ramenaient pas celles qu’ils étaient partis chercher, non… ils ramenaient le corps inanimé de Nahua. 

A ces mots, Yalis cessa de respirer.

–Père, dit-il. Il, il n’est, il n’estpas…

–Non, rassure-toi, mon fils, il n’est pas mort. Simplement, le coup qu’il a reçu sur la tête l’a bien assommé.