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Kidnappés puis transférés dans un univers qui à première vue paraît hostile, Marc et Molly s’allient pour survivre et comprendre les motifs de leur enlèvement. Intrigués par des événements surnaturels qui surviennent chaque jour, mêlés à d’étranges rencontres, ils devront se résoudre à accepter que la vie est plus complexe et plus spirituelle qu’elle ne le semble.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Éclectique en littérature, de Maupassant à Agatha Christie et de Stephen King à Jules Verne,
Agnès Morillon a pu rêver et voyager une bonne partie de sa vie grâce aux œuvres de ces auteurs. Pleine d’éveil spirituel, elle écrit à son tour sur un sujet qui la passionne tant : la mort et l’au-delà.
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Seitenzahl: 264
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Agnès Morillon
On ne meurt jamais vraiment
Roman
© Lys Bleu Éditions – Agnès Morillon
ISBN : 979-10-377-8537-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Je dédicace ce livre à mes fils,
mes belles-filles et mes petits-enfants.
— Bon sang, ce qu’il fait froid ici ! s’écrie Molly les paupières à peine relevées, réveillée en sursaut toute grelottante.
Elle n’y voit rien. La télévision est éteinte.
— Je dois faire un mauvais rêve.
Elle a la sensation d’être couchée à même le sol. Elle se frotte les yeux, espérant voir le jour.
Elle se redresse, tend une main tremblante dans l’obscurité vers le tiroir de sa table de nuit, là où est rangée la torche, mais ne trouve que le vide en effleurant le sol. Cette fois-ci, elle est bien réveillée.
— Mais bon sang, je suis par terre ! Ce n’est pas un rêve, mais la réalité ! crie-t-elle désorientée par la pénombre. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Oh, mon Dieu ! C’est de la paille que je touche !
La jeune femme retire sa main de frayeur, d’un geste brusque. Surmontant sa peur, elle tâtonne autour d’elle, se saisit de ce qu’elle pense être un sac de toile très rêche, mais assez grand pour la couvrir entièrement. Elle ne comprend rien. Un sentiment de panique la submerge. Être dans le noir complet la terrifie. Elle supplie :
— Au secours ! Aidez-moi !
Mais seul un vent lugubre lui répond par des craquements sinistres venant de toute part.
— Mais qu’est-ce qui m’arrive ? crie Molly.
Elle est appuyée contre ce qui semble être un mur. Ses doigts effleurent la paroi rugueuse. Elle sursaute. Quelque chose vient de se coller à sa main. Elle sent des courants d’air glacé.
— C’est un cauchemar !
Molly sanglote. Elle se sent perdue dans cette nuit froide, obscure. Ce bruit infernal, des rafales violentes, la terrifie.
— C’est pas possible ! C’est pas possible !
C’est la phrase qui tourne en boucle dans sa tête. Elle n’arrive pas à y croire.
Elle se remémore des bribes de sa soirée, une routine pour la jeune femme. Après une bonne douche rafraîchissante, elle boit un grand verre de menthe à l’eau avec des glaçons, blottie sur son canapé en cuir, dans le salon où les volets sont fermés depuis plusieurs jours.
La canicule sévit depuis une semaine, frôlant les 38° dans sa belle Vendée. Tous les moyens sont bons pour se sentir mieux. Vers 23 h, elle est montée dans sa chambre. Elle a allumé le ventilateur et le téléviseur. Puis, elle s’est couchée, tout en regardant un film dont elle n’a pas vu la fin. C’est un bon moyen pour elle de s’endormir rapidement, sans penser à quoi que ce soit et ne pas être dans le noir.
— Je ne comprends pas. Ce n’est pas ma chambre ! Mais qu’est-ce que je fais ici ? se demande-t-elle. Bon, allez, calme-toi, Molly ! Concentre-toi. Concentre-toi. Tu es toujours vivante ! Tiens jusqu’au petit matin !
Elle grelotte quand, soudain, elle entend ce qui semble être des hurlements de loups ! Elle serre un peu plus contre elle ce qui lui fait office de couverture. Des craquements secs se font entendre tout autour d’elle, comme si elle se trouvait dans une vieille cabane. À l’extérieur, le vent redouble de force.
— Ce n’est pas normal pour un mois de juillet ! se dit-elle.
L’air qui entre dans ses poumons est tellement glacial qu’elle respire par saccades. Molly a l’impression que le temps est figé, que le jour prend ses aises pour poindre le bout de son nez. Elle gémit, terrifiée devant l’incompréhension de sa présence dans ce lieu inconnu. Elle se frictionne les mains et les pieds. Son corps commence à s’engourdir. La jeune femme ne porte sur elle qu’une simple nuisette synthétique, normal pour une tenue d’été. Son visage commence à se figer. Ses lèvres deviennent douloureuses.
— Mais merde ! Qu’est-ce qui se passe ? Où suis-je ?
Elle jure. C’est sa façon à elle de gérer ses angoisses. Elle claque des dents. Le froid ne lui laisse aucun répit. Son corps transi la fait souffrir tant ses muscles se crispent, tremblent à cause de l’air gelé de la pièce.
— Mon Dieu, faites que le jour arrive vite, sinon je vais mourir là ! Pitié, Seigneur ! Aidez-moi ! se lamente Molly sans être particulièrement croyante.
Dans un instinct de survie, elle rassemble toute la paille qu’elle peut attraper pour couvrir le sac.
— Cela fera un bon isolant ! pense-t-elle.
Petit à petit, elle commence à distinguer une fenêtre qui se découpe dans les ténèbres. Elle n’ose pas bouger, car elle se sent protégée sous sa couverture de fortune.
— J’attends encore un peu que le jour se lève complètement, se dit-elle.
Elle n’a pas vraiment chaud, mais elle tremble moins. Elle ne veut pas prendre le risque d’affronter à nouveau ce froid si mordant. Un moment de lassitude la submerge. Sa peur laisse place à l’incompréhension. Elle a beau réfléchir, elle ne comprend pas. Comment s’est-elle retrouvée dans cette pénible situation ? Son cerveau fonctionne à toute vitesse, imaginant plein de scénarios possibles. Elle enfouit sa tête dans ses bras qui enserrent ses jambes repliées devant elle. Ses paupières deviennent lourdes.
Molly s’endort par intermittence jusqu’au petit matin. Elle s’éveille péniblement. Il fait jour. Prostrée sous son sac, elle balaie la pièce d’un regard à moitié endormi. Tous ses membres sont engourdis. Elle ne sent plus ses pieds devenus des glaçons, du moins c’est son impression. Elle regarde ses mains douloureuses, gonflées, devenues rouges, ses doigts figés par le froid.
— Je suis vivante ! Merci Seigneur ! murmure-t-elle au bout de quelques secondes, abrutie par la fatigue.
Son visage est paralysé par le froid implacable. De sa bouche, s’échappe l’air embué et chaque inspiration est comme une morsure glaciale, une brûlure cinglante qui la transperce.
La jeune femme reste sans voix, les yeux écarquillés, bouche bée. Elle découvre autour d’elle une pièce unique sordide de quatre mètres de large sur cinq mètres de long à peu près, une construction toute en bois. De la paille est éparpillée un peu partout sur le plancher.
Quelques brins s’envolent par intermittence, chassés par le vent qui s’infiltre entre les fentes des lames du plancher. Des caisses sont remplies d’un fouillis de matériels de toutes sortes, certaines les unes sur les autres. D’un tonneau sans couvercle débordent des sacs de toile. Au plafond et même sur les murs, on peut distinguer une quantité impressionnante de toiles d’araignées.
Aux poutres, des mâchoires d’acier sont suspendues depuis longtemps, vu leur état poussiéreux ainsi que des crochets qui tintent entre eux, sous l’effet des courants d’air. Quelques fourrures sont placées sur un tréteau. Différentes cordes, mêlées entre elles, sont posées négligemment sur une selle de cheval à même le sol.
Des outils sont déposés à la va-vite sur une caisse. Un vrai bric-à-brac un peu partout. La pièce est sale, en désordre, mais Molly s’en fiche. Elle a survécu à cette longue nuit infernale.
Son regard se pose sur ce qui semble être un gros manteau de fourrure accroché par une pointe près de la porte, du moins c’est ce qu’elle en déduit. Le vent siffle à travers les fissures des murs en planche. Ce n’est pas rassurant pour la jeune femme. Elle comprend mieux pourquoi elle a eu si froid. Cette pièce n’est pas isolée du tout.
— Allez, courage ! Lève-toi et mets-le. Tu seras au chaud dedans, se dit-elle malgré sa répugnance à se couvrir de peaux d’animaux.
Elle se précipite vers le mur et enfile le manteau. Il est assez grand pour la couvrir jusqu’aux chevilles.
— Sûrement celui d’un homme ! pense-t-elle.
En dessous de celui-ci, la jeune femme trouve des bottes en peau, de grande taille. Sans hésiter, elle y glisse ses pieds violacés. Elle scrute la pièce puis se dirige vers l’unique fenêtre dont les carreaux sont complètement givrés.
Elle a une démarche inhabituelle, grotesque qui, dans d’autres circonstances, l’aurait sûrement amusée. Ses pieds à moitié gelés et ses bottes trop grandes pour elle lui donnent vraiment une allure incongrue.
Elle frotte la vitre à l’aide de sa manche et se fige devant le spectacle qui s’offre à ses yeux. Elle découvre de la neige en abondance dans un paysage semblant privé de toute forme de vie ! La luminosité est tellement forte qu’elle plisse des yeux. Elle reste un moment abasourdie par ce qu’elle vient de découvrir.
— Oh, mon Dieu !
Après un long silence, elle s’exclame :
— C’est insensé ! Comment suis-je arrivée dans cet endroit sans m’en rendre compte ?
Indifférente au magnifique paysage, Molly reste figée devant cette découverte. La peur, l’incohérence de la situation dont elle est victime, commence à la submerger de nouveau. Au bout d’un moment, elle se dirige d’un pas vif vers la porte. Ses pas résonnent sur le plancher. Elle se couvre avec la capuche du manteau, tourne la poignée et ouvre la porte d’un mouvement brusque. Un vent glacial s’engouffre dans la pièce, laissant sa tête nue. Elle frissonne sans s’en rendre compte, rassemble tout son courage et fait ses premiers pas à l’extérieur.
— Merde, je m’enfonce !
La jeune femme claque des dents. La neige entre dans ses bottes. Son épaisse chevelure virevolte devant ses yeux, l’empêchant de voir devant elle, ajoutant une difficulté de plus à se déplacer. Le vent fouette son visage. Elle regrette de ne pas avoir trouvé un chapeau ou un bonnet qui aurait mieux tenu sur son crâne.
Déterminée, elle continue d’avancer. Sans pantalon, ses jambes bleuissent encore plus, petit à petit, sous l’effet de ce froid cruel et sans pitié. Elle avance difficilement. Chaque enjambée demande un effort surhumain.
— C’est vraiment éreintant ! se dit-elle.
Désespérée, elle a l’impression que sa vie vient de s’effondrer. Un sentiment d’angoisse revient brusquement l’assaillir. Elle fait une pause, se calme, puis regarde devant elle. Elle ne voit que des arbres. Les branches grincent, craquent sous l’assaut du vent.
— C’est inutile d’aller dans cette direction ! pense-t-elle. Je n’ai pas envie de me perdre, dans une forêt en plus !
Elle bifurque difficilement sur sa droite, à hauteur d’une grosse souche.
— Cela me permettra de me repérer au cas où je m’égarerais ! pense-t-elle.
Au bout d’une dizaine de mètres, elle fait une halte. Elle a l’impression de sentir une présence sans savoir d’où cela peut venir.
Molly entend une voix venant de sa droite. Sur le moment, elle pense que c’est le vent, mais non, la voix semble humaine. Les poumons en feu et les jambes à la torture, elle risque un coup d’œil derrière elle, puis se retourne complètement. Son regard se fixe sur la silhouette d’un homme simplement vêtu d’un caleçon, affublé d’une couverture sur les épaules. Il se tient sur le seuil de la porte d’un vieux chalet. Il lui fait de grands signes, l’invitant à venir le rejoindre. Malgré le vent qui emporte régulièrement sa couverture, il semble vouloir lui porter assistance.
Molly hésite un moment. Est-ce un dangereux criminel ? Est-ce lui qui l’a enlevée et emmenée dans cet endroit ? Mais a-t-elle le choix ? Elle regarde autour d’elle et ne voit qu’un paysage enneigé, la forêt à perte de vue, aucune maison pour demander de l’aide à part cet homme. Elle avance avec difficultés, rassemblant toutes ses forces pour lutter contre les congères.
Elle s’enfonce jusqu’aux genoux. L’homme recule, ouvre la porte du chalet. La jeune femme a une petite hésitation. Mais devant la violence du blizzard, elle entre rapidement. Elle regarde autour d’elle dans un instinct de survie pour voir si elle peut trouver quelque chose pour se défendre, mais ne voit rien dont elle aurait pu se servir.
Elle découvre une pièce unique avec un petit enfoncement sur la droite, une cheminée centrale en pierre avec une belle poutre comme linteau, tout au fond de la salle, avec une réserve de bois en dessous. Un escalier longe une partie du mur de gauche. À côté, un vieux canapé de trois places a été rapiécé tant de fois que Molly ne peut reconnaître la couleur d’origine du tissu. Une vieille table en bois orne le centre, avec des tabourets à trois pieds de chaque côté. Un vieux bahut délabré sur la droite dont le bois brut comporte des marques de coups, de griffures et des taches.
— Qui êtes-vous ? demande Molly sur un ton cinglant tout en frissonnant.
— Je m’appelle Marc ! Je suis ici depuis cette nuit. Vous êtes la propriétaire de ces lieux ? demande-t-il en grelottant.
Molly le fixe, étonnée par cette question. Elle peut lire l’inquiétude dans ses yeux.
— Non ! Je ne me souviens de rien ! Je ne sais pas comment je suis arrivée ici, explique-t-elle sans le quitter des yeux.
— Moi non plus ! C’est incroyable ! Je ne me souviens de rien ! lance l’homme tout en la fixant.
— Donc, ce n’est pas votre maison ? Connaissiez-vous cet endroit avant ?
Elle se méfie. Peut-elle lui faire confiance ?
— Non, pas du tout !
— Assoyez-vous ! Vous devez être frigorifiée, tout comme moi, et perdue par ce qui nous arrive.
La jeune femme s’exécute, il en fait de même, toujours enveloppé dans sa couverture. Molly aperçoit les jambes nues de l’homme et détourne le regard.
— Bon sang ! Je ne comprends rien à ce qui se passe ici ! s’égosille son compagnon d’infortune.
— Regardez autour de nous. Cela me fait penser aux reportages que l’on voit à la télé ! Vous voyez le style ?
— On dirait une cabane de trappeur ! ajoute l’homme d’une voix tremblante.
La jeune femme examine l’unique pièce du rez-de-chaussée. Le petit renfoncement qu’elle a vu en entrant sert de cuisine sommaire, composé d’un simple évier en pierre et d’un petit robinet. Au-dessus sont accrochés quelques placards et deux étagères avec des pots de toutes les tailles.
— Oui ! murmure Molly, je me suis dit la même chose quand j’étais dans l’abri. Vous savez, j’ai découvert des pièges à ours. Enfin, vu leur grandeur, c’est ce que j’en ai déduit.
La jeune femme enlève ses bottes remplies de neige et frictionne ses pieds douloureux un long moment. L’homme ne semble pas dangereux pour l’instant. Il grelotte autant qu’elle et lance d’une voix colérique :
— Il fait tellement froid ici qu’on ne peut pas être en France. On est en pleine canicule, merde ! Mais qu’est-ce qui nous arrive ?
— On peut allumer un feu dans la cheminée ! balbutie Molly toute tremblante.
— J’ai essayé quand le jour s’est levé, mais je n’ai pas réussi. Je n’ai jamais eu l’occasion d’allumer un feu de cheminée. Je suis un musicien, un citadin, moi. J’habite Bordeaux. Je ne suis pas un trappeur ! déclare l’homme avec énervement.
Molly pose son regard sur lui avec inquiétude. Le jeune homme se lève avec embarras et la regarde, un peu gêné par son comportement exalté.
— Désolé pour mon attitude excessive ! Je suis perdu ! Je ne comprends pas ce qui m’arrive. J’ai si froid ! Je suis épuisé ! J’ai passé une partie de la nuit à essayer de vaincre ma peur tout en essayant de survivre et d’analyser ce qui se passe. Vous comprenez mon énervement, je pense ?
La jeune femme acquiesce. Elle a vécu le même drame et partage les mêmes sentiments que le jeune homme sur cet événement qui les réunit à cet instant.
— Bon ! C’est dur pour nous deux. Au fait, je m’appelle Molly. Je crois qu’on réfléchira mieux devant un bon feu. Vous ne croyez pas, Marc ?
— Si Molly, vous avez raison. Une chance pour moi que je vous aie aperçue par la fenêtre !
La femme lui sourit pour le rassurer, mais aussi pour elle-même. Elle ne comprend pas ce qui se passe, mais au moins, elle n’est plus seule pour affronter cette situation plus que mystérieuse. Molly regarde autour d’elle et aperçoit sur une étagère une vieille lampe à pétrole. Elle se lève et propose :
— Une lampe, ça, c’est utile ! Le liquide servira pour lancer le feu. J’espère que le bois est sec.
Le jeune homme la regarde avec gratitude tout en se disant que cette femme a l’air de savoir ce qu’elle fait. Pendant ce temps, Molly continue de trouver des trésors tels qu’un briquet et de vieux journaux près de la cheminée. Sous une partie de l’escalier, des bûches et du petit bois pour démarrer le feu sont bien empilés.
Cela ne fait pas peur à la jeune femme de prendre les choses en main. Elle est très volontaire. Elle a un tempérament de feu comme sa chevelure flamboyante. Elle aime se débrouiller seule, malgré des parents bien présents dans sa vie. Alors, allumer un feu est un jeu d’enfant pour elle. Son père lui a appris la technique très jeune. Dès les premiers crépitements, Marc quitte le canapé pour s’approcher du feu.
— Vous êtes une magicienne ! s’exclame le citadin, tout en se frottant les mains devant les flammes naissantes. Oh, ce que ça fait du bien ! Merci mille fois, Molly ! Sans vous, je serais mort de froid.
— Vous n’avez pas à me remercier, je suis tout aussi gelée que vous. Si on déplaçait le canapé devant la cheminée ? propose cette dernière.
Aussitôt dit, ils s’éloignent de la cheminée.
— Mais oui, bonne idée ! Quand je pense que j’ai passé la nuit entière sur le sol ! J’étais dans le noir complet ! J’ai juste saisi une couverture près de moi par hasard, alors que j’avais tout sous la main pour me réchauffer. C’est dingue cette histoire ! fait-il remarquer en l’aidant à installer le vieux canapé près du feu.
Molly lui répond en le regardant droit dans les yeux :
— J’aurais préféré être ici que dans l’abri ! Vous savez, c’est mieux isolé ! Après cette nuit horrible seule dans cette cabane, j’ai cru que j’allais mourir de froid.
Le jeune homme se sent ému devant la fragilité de la jeune femme. Ses yeux embués de larmes lui font comprendre que la situation est grave et qu’il doit l’aider au maximum pour qu’ils puissent s’en sortir tous les deux.
— Oui, j’ai ressenti la même chose ! confirme l’homme en s’assoyant avec un léger sourire pour lui communiquer un peu de chaleur humaine.
Molly se blottit dans les coussins, emmitouflée dans son manteau de fourrure poussiéreux. Il se marie très bien avec le misérable canapé défraîchi, usé par le temps et prêt à rendre l’âme. Le décor de la pièce est digne d’un trappeur bourru et solitaire, sans âge, jouant dans un vieux western hollywoodien. La jeune femme regarde les flammes.
Pour l’instant, elle veut oublier cette affreuse nuit, le mystère de sa présence dans ces lieux, pour simplement savourer ce moment de réconfort près du feu. Elle a le sentiment qu’elle n’arrivera jamais à se réchauffer complètement. Le jeune homme se demande si Molly n’est pas en état de choc. Après tout, elle vient de vivre une nuit d’enfer. Il pense qu’il doit être fort pour tous les deux. Il doit la sortir de sa léthargie.
— Que fait-on maintenant ? soupire-t-il au bout d’un long moment de silence.
— Je ne sais pas, répond-elle d’un air vague.
— J’ai faim, pas vous ? questionne le jeune homme, feignant l’enthousiasme.
Elle le regarde un instant puis émet un bref soupir. Elle réfléchit quelques secondes. Un léger sourire se dessine sur son visage. Elle décide de se lever malgré son désir de ne plus bouger.
— Oui ! on va fouiller partout pour chercher de la nourriture et voir si on peut se trouver des vêtements. On en a besoin, reconnaît la jeune femme en ouvrant son manteau comme pour ajouter une touche d’humour à leur situation.
Le jeune homme se sent enfin rassuré par l’attitude de sa compagne d’infortune.
— Très belle nuisette ! Je suis d’accord avec vous, remarque-t-il admiratif devant cette femme splendide. Cette couverture me gratte sur tout le corps, mais vu notre position rocambolesque, je n’ai pas fait le difficile, croyez-moi !
— J’avais un sac tout rêche dans la cabane. Désagréable ou pas, il m’a bien servi cette nuit. Sans lui et la paille, je serais morte à cette heure, affirme Molly d’un ton froid.
Marc écoute la jeune femme avec sérieux et lui lance :
— Je suis sûr que nous ne sommes pas arrivés par notre propre volonté. On nous a kidnappés ! Qu’en pensez-vous ?
Molly acquiesce. Elle ne sait pas quoi penser de cet homme. Soit il est dans la même situation qu’elle, soit c’est lui qui l’a kidnappée et fait semblant d’être victime des mêmes circonstances.
Il semble plus vieux qu’elle d’à peine deux ou trois ans. Il doit avoir dans les 31 ans. Il est mince, les cheveux mi-longs châtain clair, une barbe naissante, des yeux marron, ronds, très expressifs. Il mesure au moins 1 m 90.
— Un bel homme ! se dit-elle.
Non, cela ne correspond pas à l’image qu’elle se fait d’un psychopathe. Avec son regard si doux, son attitude fougueuse et si calme à la fois, il semble sincère.
— Oh ! vous m’entendez ? demande Marc plusieurs fois.
— Heu ! Désolée ! Quoi ? répond la jeune femme, un peu déboussolée par ses pensées.
— Je vous disais qu’il y a un étage. On pourrait fouiller en haut pour trouver des vêtements. Si le propriétaire se pointe, on lui expliquera notre situation.
— Et quelle est notre situation ?
Molly se tourne vers Marc tout en lui parlant ; elle ne veut pas baisser la garde. C’est plus fort qu’elle.
— Je n’en sais rien ! Je suis tout aussi perdu que vous ! s’exclame le jeune musicien. Vous avez l’air de m’en vouloir ! exprime-t-il d’une triste mine.
— Désolée, je suis épuisée. J’ai faim et je ne comprends pas ce qui nous arrive.
Elle se lève doucement, dépose une bûche dans l’âtre, se tourne à nouveau vers l’homme et dit avec un timide sourire :
— Bon ! Je vais fouiller en haut pour les vêtements et vous, vous fouillez le rez-de-chaussée pour chercher de la nourriture, d’accord ?
— Ce que ça fait du bien une bonne tasse de café ! déclare Marc d’un air désinvolte.
La jeune femme vient de descendre. Elle a trouvé dans l’unique chambre du haut plusieurs vêtements d’homme. Elle a enfilé un gros pull en laine marron et le bas d’un jogging bleu trop grand pour elle. Elle a dû serrer au maximum le cordon du pantalon au niveau de la taille. De grosses chaussettes rouges en laine complètent sa tenue. Elle se trouve ridicule, mais l’ensemble est confortable et bien chaud. C’est le principal, après la nuit qu’elle vient de passer.
— Oui, merci ! Regardez, j’ai trouvé des vêtements chauds là-haut ! Allez voir, il en reste assez pour vous. En revanche, ils sont de grande taille.
Molly sourit en expliquant cela.
— Voulez-vous une tasse de café ?
Elle acquiesce, se met à table et prend la tasse que Marc lui tend.
— Autant être aimable avec lui pour ne pas éveiller mes soupçons à son égard, se dit-elle.
— Eh bien, moi aussi, j’ai trouvé de bonnes choses pour nous, autres que le café ! J’ai découvert sous l’évier des conserves de toutes sortes et là, sur l’étagère, un pot en terre cuite contenant de la viande salée. Et là, vous voyez, en montrant du doigt une cagette, ce sont des patates douces. On ne mourra pas de faim ! conclut-il avec humour. Alors, jeune demoiselle, on ne s’en sort pas trop mal ?
— Vous avez l’air de bien accepter cette situation ! l’accuse-t-elle en fronçant les sourcils.
C’est plus fort qu’elle. L’attitude désinvolte de cet homme l’agace, mais aussi l’intrigue.
— Écoutez ! Je sens bien que vous n’avez guère confiance en moi ! Ce qui nous arrive est perturbant. Je suis stressé autant que vous. Pourtant, je vous fais confiance malgré les circonstances. Je suis comme ça, un bon café et hop, je redeviens optimiste ! S’il vous plaît, on est dans le même camp, non ? demande-t-il, suppliant Marc.
— Qu’est-ce qui va nous arriver maintenant ? l’interroge Molly en serrant sa tasse de café, sans pour autant répondre à sa question.
— Je ne sais pas ! Je monte m’habiller. Ensuite, on s’installera devant le feu et on discutera, d’accord ?
— OK ! murmura-t-elle, perdue dans ses pensées.
Quand le musicien descend, affublé lui aussi de vêtements trop grands pour lui, il trouve la jeune femme devant la fenêtre, scrutant l’horizon. Molly l’entend et se dirige vers le canapé. Elle trouve le jeune homme un peu ridicule dans ses vêtements larges. Mais toujours aussi mignon, pense-t-elle.
— Bon, parlons de ce qui nous arrive, Molly ! dit-il, debout devant la cheminée. Hier soir, l’un comme l’autre, nous dormions chacun dans nos lits respectifs et je ne sais pas par quel mystère nous nous sommes retrouvés ici ! Je résume bien la situation ?
— Oui, en gros, cela résume bien ce que nous vivons, soupire la jeune femme. Les journaux !
— Quoi ? s’écrie Marc.
— Les journaux ! Il y en a plein !
Elle se lève d’un seul coup et se jette sur la pile qu’elle a trouvée pour allumer le feu. Elle en prend plusieurs et retourne s’asseoir. Marc en prend un et s’installe auprès d’elle.
— Merde ! Je ne comprends rien, à part quelques mots ! Tout est en anglais ! Ketchikan ? Wasilla ? Ce sont des noms de villes, je suppose ! s’exclame le jeune homme.
— Le mien date de l’année dernière. Ah ! Il parle de la ville de Homer, je crois, dit Molly.
— Ce nom me dit quelque chose. Mais oui ! Mon père en parlait souvent quand j’étais enfant, il faut que vous sachiez que mon vieux était un fervent pêcheur, autrefois, et un bon. Si je me rappelle bien, Homer est la capitale mondiale de la pêche aux flétans ! C’était son rêve de partir en Alaska pour pêcher. Vous savez, la capitale de l’Alaska est, je crois, Juneau ! ajoute-t-il heureux de se souvenir des connaissances de son paternel.
— Alors, vous croyez que nous sommes en Alaska ? interroge la jeune femme interloquée.
— Soit la personne à qui appartient ce chalet est anglaise, soit elle est américaine. Donc, nous sommes bien loin de chez nous, déclare le musicien.
— Vous imaginez ce que cela représente pour nous ? Une, voire plusieurs personnes nous ont enlevés, transportés pour finir ici dans ce milieu hostile. Cela implique de gros moyens et plein de monde ! s’empresse-t-elle d’affirmer.
— Dans quel but ? laisse tomber le jeune homme atterré.
— Je ne sais pas. C’est un grand mystère !
— Et nos familles ? demande la jeune femme.
— Mais oui, ils vont donner l’alerte et la police va nous rechercher ! ajoute Marc, presque soulagé de cette constatation.
— Une rançon ? Êtes-vous riche ? demande Molly à l’homme.
— Moi ? Vous rigolez ! Je joue de la guitare dans un groupe. Je vis en colocation et mes fins de mois sont catastrophiques ! Mais j’adore la musique. Alors, le fric n’est pas important pour moi, lâche le musicien d’un ton désabusé.
— Votre famille, peut-être ? suggère la jeune femme.
— Non, pas plus ! Je viens d’un milieu modeste. Mon père est ouvrier et ma mère couturière, et vous ?
Dans un grand soupir, Molly s’enfonce un peu plus dans le canapé. Marc l’observe, ne sachant que dire. Il sent qu’en tant qu’homme, il doit prendre les choses en main, mais il ne sait pas du tout comment s’y prendre. Ils sont tous les deux dans la même situation après tout. Il est tout aussi perdu qu’elle. Molly se lève d’un mouvement brusque, traverse d’un pas vif la pièce. Elle ouvre la porte sans ralentir.
— Mais où allez-vous ? lui lance Marc d’une voix anxieuse.
— Nulle part ! J’ai juste besoin de prendre l’air pour clarifier mes pensées.
Elle reste là devant le chalet, espérant s’échapper sans l’aide de cet homme dont elle se méfie. Son regard parcourt les grandes étendues autour d’elle. Aucune trace de routes, de poteaux électriques. Rien qui puisse signaler une quelconque civilisation. Devra-t-elle faire un kilomètre ou dix kilomètres pour avoir de l’aide ? C’est trop risqué de partir à pied dans cet environnement hostile.
Elle se souvient des pièges à ours dans l’abri. Le danger peut venir de partout. Elle tremble de nouveau. Elle se résout à entrer, car elle comprend qu’elle ne peut pas trouver la solution seule. Elle a besoin de cet homme pour sortir de cette histoire incompréhensible. C’est la première fois de sa vie d’adulte qu’elle a besoin de quelqu’un. Elle entre d’un pas décidé et dit d’un ton bien assuré :
— Ce soir, nous regarderons par la fenêtre du palier pour scruter l’horizon et voir si nous apercevrons des lumières. Qu’en penses-tu, Marc ?
— Très bonne idée ! On va voir si on peut avoir de l’aide à proximité !
Sans s’en rendre compte, Molly tutoie le jeune homme.
— On se dit « tu », maintenant ? Vu la situation, cela simplifiera notre relation. Tu ne crois pas ? plaisante le musicien.
— Désolée ! Je ne l’ai pas fait exprès, mais c’est mieux ainsi. Après tout, on est dans la même galère, non ? ajoute la jeune femme.
Ils se regardent en souriant. Marc propose de trouver quelque chose à se mettre sous la dent et, par la suite, d’élaborer un plan pour sortir de cette situation étrange. Il commence à faire sombre dans la pièce. Par la fenêtre, Molly constate que le ciel devient obscur, brumeux. Les vents gémissent comme s’ils avaient été en quête d’une chose qu’ils ne seraient pas parvenus à trouver dans cet environnement glacial.
Au loin, elle entend les branches s’agiter, craquer sous le poids de la neige. Le tout forme une valse lugubre qui accompagne toujours la tempête dans les campagnes. La jeune femme déclare d’un ton déterminé :
— Bon ! Il est temps d’allumer la lampe ! Quelle heure est-il d’après toi ?
— 15 h, 16 h, pas plus ! conclut l’homme affairé à trouver des allumettes. Tu sais, si on est bien en Alaska, il ne fait jour qu’environ quatre heures dans la journée.
— Et si ce soir le propriétaire se pointe, que fera-t-on, Marc ? demande l’enseignante d’une voix craintive.
— Bien, tout dépendra de son attitude ! On agira en conséquence, constate le jeune homme.
— Il faut se préparer à cette éventualité ! soupire Molly.
— D’abord, nous devons trouver de quoi nous défendre, propose Marc en montant l’escalier.
Molly cherche au rez-de-chaussée, attrape d’un geste volontaire un couteau accroché au mur en bois du semblant de cuisine rudimentaire.