Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Il n'est guère d'autre domaine de l'art occidental où l'héritage grec se soit pérennisé autant qu'en architecture : les ordres progressivement mis au point par les Grecs se sont transmis – tour à tour enrichis, mêlés, simplifiés, abâtardis, puis apurés et combinés de nouveau – jusqu'au seuil du XXe siècle.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 64
Veröffentlichungsjahr: 2016
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.
ISBN : 9782341004350
© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.
Photo de couverture : © Kaspars Grinvalds/Shutterstock
Retrouvez notre catalogue sur www.boutique.universalis.fr
Pour tout problème relatif aux ebooks Universalis, merci de nous contacter directement sur notre site internet :http://www.universalis.fr/assistance/espace-contact/contact
La collection des Grands Articles rassemble, dans tous les domaines du savoir, des articles : · écrits par des spécialistes reconnus ; · édités selon les critères professionnels les plus exigeants.
Afin de consulter dans les meilleures conditions cet ouvrage, nous vous conseillons d'utiliser, parmi les polices de caractères que propose votre tablette ou votre liseuse, une fonte adaptée aux ouvrages de référence. À défaut, vous risquez de voir certains caractères spéciaux remplacés par des carrés vides (□).
Il n’est guère d’autre domaine de l’art occidental où l’héritage grec se soit pérennisé autant qu’en architecture : les ordres progressivement mis au point par les Grecs se sont transmis – tour à tour enrichis, mêlés, simplifiés, abâtardis, puis apurés et combinés de nouveau – jusqu’au seuil du XXe siècle, en sorte que toute l’architecture monumentale de pierre de l’Occident a, pendant vingt-cinq siècles, parlé peu ou prou ce langage clairement articulé, auquel elle a su faire dire des choses bien différentes. Il aura fallu la mutation technique de la fin du XIXe siècle, liée à l’apparition d’autres matériaux : les métaux, le béton, le verre, pour que l’architecture contemporaine s’éloigne de cette sempiternelle grammaire formelle. Encore son esprit semble-t-il hanter les tentatives actuelles du « postmodernisme ».
Dans l’architecture grecque, un ordre est un ensemble cohérent d’éléments dont la syntaxe fixe le plan, mais surtout l’élévation d’un bâtiment. En fait, seul l’ordre dorique répond pleinement à cette définition : l’ordre ionique, plus souple, présente toutes sortes de variantes régionales, qui ont eu un champ d’application plus ou moins vaste et durable ; quant aux ordres romains, ce sont des adaptations des ordres grecs, simplifiés ou combinés.
L’existence des deux ordres fondamentaux est attestée par l’archéologie dès le début du VIe siècle avant J.-C. ; nous savons d’autre part grâce à Vitruve que des architectes grecs avaient très tôt consigné les résultats de leurs recherches : Chersiphron de Cnossos avait écrit un commentaire du temple ionique d’Éphèse qu’il avait construit (vers 550 av. J.-C.) ; Silénos était l’auteur d’un traité sur l’ordre dorique (fin du Ve s. av. J.-C. ?). Mais il ne reste rien de cette littérature spécialisée : nous ignorons jusqu’aux termes qu’employaient les Grecs pour désigner les ordres. Le premier texte conservé qui les définisse est le traité en latin dédié à Auguste par Vitruve, vers 25 avant J.-C. Ingénieur hydraulicien et architecte militaire, celui-ci ne semble guère avoir construit qu’une basilique dans une petite ville d’Italie. Son traité n’est donc pas le fruit d’une expérience personnelle, mais une synthèse fondée sur les ouvrages des grands architectes grecs, qu’il vulgarise avec plus ou moins de bonheur, proposant ainsi des recettes commodes pour les bâtisseurs romains. Il traduit le terme grec, qui nous reste inconnu, par genus, dont le sens est moins normatif que celui d’ordre, qui s’est imposé depuis la Renaissance. Pour Vitruve, les deux « genres », dorique et ionique, ne correspondent pas seulement à des distinctions géographiques et ethniques : l’un reproduit les proportions du corps masculin, l’autre celles du corps féminin ; au dorique la force robuste, à l’ionique l’élégance et la grâce. Cette métaphore éloquente mais schématique remonte probablement, sous une forme plus subtile, aux traités d’architectes grecs qu’influencèrent les recherches de formalisation du corps humain menées par certains sculpteurs comme Polyclète.
Quoi qu’il en soit, c’est par ce texte de Vitruve, écho tardif et déformé d’écrits théoriques disparus, que s’est transmise à l’Occident la notion d’ordre. Mais, pour en saisir la genèse, l’évolution et le sens, ce sont plutôt les données archéologiques qu’il convient d’interroger et d’interpréter.
Après la chute de la civilisation mycénienne (1200-1100 av. J.-C.), la Grèce connaît trois siècles d’une vie très fruste, presque autarcique, qui n’a guère laissé de vestiges architecturaux : les édifices, construits en matériaux légers et périssables (bois, brique crue, torchis), ont disparu. Cependant, la découverte en 1980 à Lefcandi (Eubée) d’un grand édifice absidal (40 m × 10 m) attesterait, si sa date très haute se confirmait, l’existence, dès le Xe siècle avant J.-C., de bâtiments à caractère monumental. En tout cas, l’essor véritable de l’architecture, comme des autres activités créatrices, se situe entre 750 et 600 : après une longue période de latence, la Grèce s’ouvre alors au monde extérieur, transformant avec une étonnante capacité d’appropriation et d’assimilation les apports des civilisations orientales plus avancées. Nul doute que pour l’architecture, tout comme pour la sculpture, l’exemple de l’Égypte n’ait été déterminant dans le passage à la pierre et à des dimensions jusqu’alors inconnues. Bien plus, certains éléments des ordres grecs y ont des antécédents plus ou moins directs (cannelures des colonnes, chapiteau dorique, architrave à taenia), tandis que d’autres (bases et chapiteaux à feuilles, chapiteaux éoliques) ont leur origine en Orient : Ourartou, Syrie, Mésopotamie.
Ni les petites maquettes de bâtiments en terre cuite des VIIIe et VIIe siècles, ni les tout premiers temples tant soit peu connus ne semblent corroborer la thèse de Vitruve, selon qui l’ordre dorique n’est que la transposition dans la pierre d’une élévation antérieurement en bois et en terre cuite. On tend plutôt à penser aujourd’hui que l’ordre dorique est une création, faite à tâtons durant le VIIe siècle dans le nord-est du Péloponnèse : de même que l’île de Naxos semble avoir joué un rôle prépondérant dans la création de la grande plastique en marbre, c’est à Argos et à Corinthe que s’est élaboré l’ordre dorique, dont les traits principaux se trouvent déjà vers 630 dans le temple C de Thermos, en Acarnanie, une région du nord-ouest de la Grèce soumise à l’influence de Corinthe.
Quant à l’ordre ionique, son origine reste incertaine, bien que les fouilles entreprises depuis 1945 sur certains sites de la côte asiatique de la mer Égée aient permis d’entrevoir que sa gestation pourrait être quasi contemporaine de celle de l’ordre dorique et que le décalage chronologique de cinquante à quatre-vingts ans que l’on avait cru observer entre l’apparition des deux ordres n’était dû qu’aux lacunes de notre documentation. À l’Artémision d’Éphèse, un petit temple (13 m × 8,5 m ; 8 × 4 colonnes) du milieu du VIIIe siècle, remanié au VIIe siècle, est l’ancêtre direct des grands temples ioniques postérieurs ; au temple d’Athéna de Smyrne apparaissent, dès la fin du VIIe siècle, des colonnes cannelées en pierre et des chapiteaux ornés d’un décor de feuilles. Il faut donc renoncer à la thèse traditionnelle d’une origine samienne de l’ordre ionique, d’autant plus que la date très haute du premier temple de Samos est aujourd’hui remise en cause.
Même si la multiplication des sites fouillés et l’étude plus précise des monuments déjà dégagés ont révélé un certain nombre d’exceptions, les foyers géographiques suggérés par le nom même des ordres se trouvent finalement confirmés. L’ordre dorique est bien originaire du Péloponnèse et règne dans d’autres régions de peuplement dorien ou apparenté : la Grèce centrale et occidentale, l’Italie du Sud et la Sicile. L’ordre ionique, quant à lui, s’est élaboré sans doute dans les grandes cités de la côte micrasiatique et des îles qui lui font face. Toutefois, les Cyclades ont dû jouer un rôle dans ce processus : le seul temple du haut archaïsme qui y soit connu à ce jour, l’« Oïcos des Naxiens » (625-575) de Délos, atteste que Naxos a développé très tôt une architecture en pierre, dont les fouilles d’Iria et de Sangri (Naxos) viennent de fournir de précieux exemples du VIe