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Osberan, planète lointaine, sonne comme un souffle de renaissance pour les humains survivants de la Terre.
Hyahin, une jeune caporale, pense qu’en embarquant sur la flotte de l’Aley, elle pourra découvrir une vie aussi riche que celle de ses ancêtres, dépourvue de contraintes et de malhonnêteté. Mais le chemin est long, et la perversion de ses compatriotes guette dans les coursives des vaisseaux.
Par ailleurs, Malerine et son grand-père continuent d’arpenter cette singulière planète pour comprendre tous ses mystères. Entre autres, pourquoi le temps semble-t-il ne pas suivre une trajectoire rectiligne et pourquoi Osberan réagit-elle aux champs magnétiques des machines humaines ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Antoine Joseph Richard est né en 1980. Fasciné depuis sa plus tendre enfance par l’espace et les étoiles, il devient ingénieur mécanicien pour combler sa passion.
En 2006, il se lance dans la rédaction de "Osberan : Paradis infernal", son premier roman de science-fiction, qu’il publie aujourd’hui.
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Seitenzahl: 456
Veröffentlichungsjahr: 2025
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AJ Richard
Osberan Épopée temporelle
Tome 2
Dans vos mains, vous tenez le tome 2 des aventures de Malerine, certainement pas le dernier, car comme vous pourrez le constater, l’histoire s’enrichit, et se prolonge.
Je tente au travers de ce livre de vous faire découvrir une de mes passions, les astres. J’essaie de le faire avec une approche aussi facilitée que possible.
Si j’ai commis un impair scientifique, je m’en excuse d’avance et n’hésitez pas à me le remonter. Dans tous les cas, profitez du voyage.
Dans cette partie de l’histoire, il est toujours question d’exploration. Mon héroïne évolue dans une nature sauvage emplie de créatures et de plantes étranges, mais elle progresse tout autant dans ses relations aux autres. Grâce à tout cela, elle percera peu à peu les mystères d’Osberan, jusqu’à un évènement impromptu ouvrant à une nouvelle série d’interrogations.
Tout au long de son périple, elle arpente un univers complexe pour se retrouver au croisement des mondes.
Tout comme pour le tome 1, j’aimerais remercier ceux qui m’ont permis de finaliser ce travail.
À ceux qui m’ont soutenu moralement :
Ma famille, bien sûr, mes parents, ma femme et mes filles, grâce à qui j’ai pu gravir chaque marche de ce projet. Qui ont dû faire avec ce que je suis, et qui ont dû m’écouter lorsque je les sollicitais régulièrement pour tant de choses.
À mon parrain qui a pris le temps de lire moult fois pour corriger mon texte, pour l’ajuster,etc.
Merci aussi pour le soutien financier lors de ma recherche defond.
Merci doncà :
–Christelle Bohu.
Mes cousins et ma belle famille
–Famille Moreaux.
–Famille Du Mesnil.
–Famille Sanson-MarcelinGros.
–Famille Degeilh.
Mes parents directs
–Mon frère.
–Famille Richard-Dubois.
Et ceux qui se sont proposés, amis, collègues etautre
–John Picard.
–Nicolas Bogaert.
–Patrick Lefort.
–Corine Guyot Sailly.
–Bernard Pabion.
–Élodie Gonzalez.
–Pierre Fermon.
Merci à Stéphane Degeilh pour la couverture duT2
Une fois cette grande discussion finie, Obéron retrouva l’envie de continuer sa quête. Il voulait comprendre tout ce qui avait bien pu se passer, tout reprendre depuis l’arrivée des humains sur Osberan. Et toutes ces nouvelles informations étaient autant de possibilités de nourrir ces questionnements.
Notre premier objectif consistait à nous reposer. L’enthousiasme, même extrême, ne permettait pas de cacher la fatigue du groupe. La nuit suivante fut particulièrement agitée, j’ai souvenir d’avoir beaucoup rêvé de choses en rapport avec nos conversations. Au réveil, le lendemain, j’ai eu beaucoup de mal à préciser les images qui se bousculaient dans ma tête. Finalement, à peine commençais-je à avoir des certitudes qu’elles s’évanouissaient comme de la fumée. C’était très frustrant ! Et avec ça, j’avais toujours cette sensation d’oublier quelque chose d’important.
Grâce à cette rapide introspection, je réalisai que j’avais besoin de laisser tout cela de côté quelque temps. Dommage, car cela allait à l’encontre de ce que souhaitait mon grand-père. Il devait le comprendre, pour que je puisse me recharger. C’était le moment idéal pour retrouver mes compagnons d’aventure. En même temps, je les croisais régulièrement, même à leur insu. Ils paraissaient tous s’être si bien intégrés à ce Nouveau Monde. En revanche, ce lieu semblait totalement inaccessible de mon point de vue. J’avais trop peu de distractions en dehors de ce dans quoi Obéron me menait. Je n’avais, en outre, jamais pris le temps de découvrir quoique ce soit d’autres ! Certes, ce que je faisais avec lui était palpitant, mais, de temps à autre, je ressentais un manque. Quelque chose m’avait échappé.
En faisant une petite rétrospective des dernières semaines, je pris conscience que j’ignorais encore tout de la cité d’argent, Argentia comme les locaux l’appelait. Je ne connaissais tout simplement personne ici, en dehors d’Obéron, de Tanan et de Marths. Je devais rapidement changer cela. En tout cas, c’était mon ambition. En refusant de sortir, demain, avec mon grand-père, il était probable que je le fasse enrager. Et c’est d’ailleurs ce qui s’était passé dans un premier temps ! Et même au-delà ! En effet, alors que je lui expliquais que j’avais besoin de m’évader et de souffler, il tapait des pieds tel un enfant à qui on demande de patienter avant une surprise.
–Papé !
Je pris un ton grave, puis je continuai sans retenue :
–Tous ces revirements de situation, toutes ces informations que tu m’as livrées sans trop de ménagement, c’est très difficile à emmagasiner. Maintenant, tu dois me laisser me reposer. Donne-moi au moins une journée pour que je puisse tout ingurgiter. Il est évident que l’avenir ne conduira qu’à tout me rendre davantage plus obscur, alors, avant d’aller plus loin, je veux juste faire une petite pause.
Même s’il n’appréciait pas mes propos au point de me faire sentir que je le bloquais dans son élan, au fond de lui,, il me regarda finalement avec des yeux pleins de bienveillance, comme je pouvais l’imaginer de la part d’un grand-père aimant. Son visage marqué laissait transparaître une profonde réflexion, enfin il se décida à me faire part de son opinion, les dents serrées :
–Je comprends, Malerine. J’éprouve tant d’impatience à l’idée de démêler toute cette épopée grâce à des renseignements qui jusque-là m’étaient toujours restés inaccessibles. Mais tu as raison ! Que nous courrions après les réponses ou que nous prenions encore un peu de temps en considérant tes besoins ne changera rien à ce qui se trame maintenant. Et puisque tu souhaites rejoindre tes amis, ce qui me semble légitime, je vais en profiter pour aller parler à Tanan. Je vous avais informé, hier, que je devais encore vous enseigner des choses que vous ignorez sur notre histoire. Je dois aussi vous transmettre les connaissances que vos aïeux ont accumulées et dont je suis l’un des derniers dépositaires.
Marths se réveillait aussi péniblement. Sans trop en dire, la veille au soir, il s’était endormi un peu n’importe comment dans le canapé. Et la position qu’il adoptait ce matin laissait penser qu’il avait passé une nuit particulièrement difficile.
–Ah, j’ai mal partout ! C’est horrible ! Mon dos me torture.
Il tâta sa couche. Mais elle ne correspondait pas à ce qu’il attendait. Ses yeux encore mouillés, il ne parvenait pas à voir clair, il fut pris de panique et s’assit d’un coup sec. Puis il se frotta les yeux pour essayer de distinguer quelque chose. Lorsqu’il le put enfin, il exprima aussitôt sa surprise :
–Mais, où est-ce que je me trouve ?
Mon grand-père, qui s’était mû jusqu’à la cuisine, lui répondit assez gentiment :
–Chez moi ! Tu t’es endormi hier soir, d’un coup après notre discussion. Et je n’avais pas le cœur à te réveiller, sachant la journée que nous venions de passer.
Marths se replaça correctement dans le fauteuil, les pieds au sol. Puis il regarda Obéron : – Pourquoi personne ne m’a-t-il réveillé ? Je serais retourné chez moi.
–Cela n’aurait eu aucun sens, il était déjà très tard, ou très tôt aussi si tu préfères. Maintenant, si tu le souhaites, rentre chez toi. Ce sera l’occasion pour toi d’aller récupérer les livres de ton père. Tu veux bien ?
–Les livres ? Quels livres ? lui rétorqua-t-il, confus. Avant même qu’Obéron n’essaie d’expliquer, il réagit. Ah oui, la discussion d’hier soir me revient. Effectivement !
De mon côté, j’assistais à cette scène sans trop rien dire. Je scrutais encore Obéron, je craignais un peu que ma requête ne l’ennuie bien plus qu’il acceptait de me le signifier. Enfin, peu avant que je ne passe le seuil de la porte, il tourna le regard versmoi :
–Malerine, ma chérie ! À présent, agis comme tu désires ! Mais à partir de demain, j’aimerais que nous prenions le temps pour que je t’instruise sur quelques petites choses. Bien sûr, nous devrons retourner sur le site du vaisseau. Et si tes compagnons veulent profiter de ton apprentissage, ils peuvent venir, mais attention, le reste, s’il te plaît, n’en parle pas encore. Pour le moment, je ne sais pas si cela débouchera sur quelque chose ou pas. Puis il me fit un geste pour me libérer avant de conclure. Bonne journée à toi. Amuse-toibien.
–Merci grand-père, à toi aussi.
Je sortis donc à la hâte pour rejoindre Ptohely. Les quinze heures qui suivirent, je les ai vécues à ne me soucier que de mes amis retrouvés. Même si cela fut un moment des plus agréables, cette euphorie et cette étincelle que nous avions pu connaître jusqu’alors avaient disparu. Pire, je ne réussissais plus à me confier à eux à propos de toutes mes connaissances acquises, cela ne faisait qu’accroître cette distance entre nous. Pourtant, je devais donner le change et ne rien laisser paraître, mais cela me fatiguait un peu.
Ptohely, elle, aimait prendre soin de moi :
–Malerine, j’ai passé une excellente journée avec toi, mais lorsque je te regarde, tu ne sembles pas totalement présente avec nous. Est-ce que quelque chose t’embête ?
Comme quoi, malgré tous mes efforts, elle parvenait toujours à me lire. J’en déduisais qu’elle était une véritable amie, comme on n’en a qu’une dans une vie. Pourtant, je devais feindre :
–Non ! lui répondis-je avec juste assez de conviction pour donner le change. Tout va bien ! J’ai retrouvé ce grand-père qui a tant manqué à mon existence, et même si je garde un peu de rancœur, sa présence me fait du bien ! Et puis, tout ce que je vis ces derniers jours…
–Oui, précisément ! m’interrompit Eden. Comment cela se passe-t-il avec Obéron, Tanan et Marths, tu restes tout le temps avec eux.
Dans ma tête, c’était la tempête, je ne pouvais discuter de rien avec eux. Mais cette question, je ne m’y étais pas préparée, alors que c’était une évidence qu’elle me serait posée.
–Tu sais, lui dis-je, prise de démangeaisons, j’ai beaucoup parlé avec mon grand-père, il m’a raconté quelques anecdotes sur mes parents. Rien de très folichon. Et puis nous avons beaucoup visité les alentours. Il tenait à ce que je voie à quoi ressemblait cette région. J’admets qu’il existe des endroits fort sympathiques où j’espère pouvoir vous mener un de ces jours.
Ahelmina nous rejoignit seulement à cet instant. Elle s’était empressée de nous retrouver pour profiter d’être tous ensemble. Une fois à notre hauteur, elle appuya ses deux mains sur ses genoux pour reprendre son souffle. Dès qu’elle fut en mesure de parler, elle me tira le bras et nous isola du groupe. Pto fut surprise et afin de dissiper toute confusion, Ahelmina enchaîna aussitôt :
–Ne t’inquiète pas, je te la ramène dans deux minutes, j’ai une toute petite question personnelle à lui poser.
Elle avait entendu la fin de ma conversation avec Pto et, curieuse, elle me demanda certains éclaircissements sur mes derniers propos.
–Je t’ai aussi vu sortir à plusieurs reprises de la ville avec ton grand-père, Tanan et Marths. Vous partiez loin, me semble-t-il, à chaque fois. Ne souhaites-tu pas me dire où ?
Elle me prenait de court, mais si je ne répliquais rien, je savais qu’elle me cuisinerait jusqu’à obtenir une explication qui lui paraîtrait valable. Je devais donc lui dire quelque chose :
–Oui, en effet, Tanan et Marths voulaient absolument me montrer quelque chose à l’extérieur du village.
Trouvant ma réponse très incomplète, elle continua ses questions.
–Ah ! Et que souhaitaient-ils te faire voir ? Apprends-m’en plus ! Promis, je resterai muette comme une tombe.
Sa curiosité et son insistance étaient difficiles à gérer. Si je ne lui lâchais rien, j’allais devoir la garder à l’œil elle aussi. Elle poursuivit avec un flot ininterrompu d’interrogations. Résultat, je n’avais pas le temps de lui répondre. Avant de me lancer, je scrutai autour de moi pour voir où étaient les autres. A priori personne n’était vraiment proche de nous, même Pto s’était lancée dans une autre discussion. J’imagine qu’ils étaient occupés à dialoguer de leur nouvelle vie dans le village. À la suite de ça, je tentai le tout pour le tout :
–Commençons par nous mettre à l’écart, es-tu d’accord ?
Les sourcils froncés, Ahelmina me regarda, étonnée :
–Qu’as-tu à m’apprendre qui nécessite tant de précautions ? Tu m’intrigues.
J’étais en train de me dire que j’en faisais peut-être trop. Bref ! Mais j’avoue que je me sentais excessivement confiante ! Et c’est sûrement à cause de cela que je libérai ma parole et dévoilai quelques informations pourtant sensibles. À voix basse, je lui glissai :
–Je dois te dire quelque chose, Ahelmina. Garde-le pour toi, s’il te plaît, mais un autre sanctuaire existe, assez ressemblant à celui où nous nous étions repliés au début de notre périple. Te souviens-tu ? Celui où Ptohely a failli mourir.
Au fond de moi, je me disais que ma présentation était assez brutale. D’autant que je me demandais si je n’avais pas gaffé. Peut-être n’aurais-je pas dû lâcher ce secret. Le plus difficile, ce jour-là, pour moi, fut de lutter contre mon envie de discuter de ces rebondissements. Ahelmina, j’en suis persuadée, a su profiter de cette faiblesse. À l’avenir, j’allais devoir apprendre à me gérer, à mieux me maîtriser pour résister à mon besoin de tout partager. Ma punition fut de me sentir coupable envers mon grand-père. Je lui avais promis de ne rien dire. Avec du recul, j’avais l’impression de trahir mes engagements.
Ahelmina resta scotchée par ma remarque. Elle fit un geste en arrière de la tête, un peu comme si elle ne parvenait pas à déglutir.
–Euh, d’accord ! Étrange, je trouve, mais pourquoi te montrer cela seulement à toi et nous écarter de la sorte ? Ça aurait été plus correct de nous en parler à tous en même temps ou, à la rigueur, après votre retour. Après tout, nous étions une équipe et presque une famille, oserais-je dire. Me serais-je trompée dans mon jugement ? Et pourquoi tu ne nous en as pas touché un mot lorsque nous nous sommes regroupés il y a quelques minutes ?
Hésitante, je bégayai :
–Je ne me sentais pas de vous avouer tout cela sans l’aval de mon grand-père. De plus, je ne devais rien dire, pas tout de suite en tout cas. Peut-être voulaient-ils me montrer ce lieu dans un premier temps, en discuter avec moi et seulement après avec tout le monde. Du reste, le sanctuaire se trouve dans un cratère très agréable.
–Et puisque tu parles de sanctuaire, cela me rappelle un certain endroit. Si tu vois où je veux en venir. Alors je me permets de te demander : là-bas, on rencontre aussi ces minuscules bestioles ?
–En y repensant, en effet, ils m’ont parlé des petites lucioles. On en trouve également.
Ma façon de lui présenter les choses la fit réagir :
–Parce qu’ils savaient que dans le premier temple nous avions affronté ces bêtes assoiffées de sang ?
–Oui, car je ne vous l’ai pas dit non plus, mais lorsque nous avons campé dans le sanctuaire après avoir quitté Polaris, Marths et Tanan nous suivaient déjà et ils nous ont vus sauver Ptohely après l’attaque de ces bestioles.
–Tu veux dire qu’ils étaient là quand c’est arrivé ! Mais alors, pourquoi ne pas être entré en contact avec nous ce soir-là ? Nous aurions eu besoin d’eux !
Le visage d’Ahelmina exprimait toute sa stupéfaction. Ce secret était de trop. Si je ne me corrigeais pas au plus vite, elle ne garderait pas cela pour elle. Je cherchais donc une solution pour que cette information reste entre nous. Je devais la calmer.
Lorsque j’ai demandé pourquoi ils n’avaient rien fait, Tanan m’a répondu que ce n’était pas le bon moment pour que l’on se rencontre. Surtout, d’après lui, ils n’auraient en fait pu nous rejoindre qu’après l’attaque sur Ptohely. De plus, d’après son expérience avec ces lucioles, nous avions déjà réagi comme il le fallait. Leur intervention ne nous aurait donc pas été utile. En somme, nous nous étions tout de suite comportés comme nous le devions face aux petites lucioles.
–Les buveuses de sang, tu veux dire ?
–Oui !
–Très intrigant. J’aimerais beaucoup voir cet endroit. Tu crois qu’ils accepteraient de m’y emmener ?
Ahelmina faisait preuve de beaucoup de curiosité, je redoutais à chaque instant de gaffer. Plus je parlais avec elle et plus elle m’inquiétait. Personne d’autre, jusqu’alors, n’avait montré le moindre intérêt pour toutes mes aventures passées. J’essayai, encore une fois, de changer définitivement de sujet, mais je lui précisai en totale transparence :
–Je ne sais pas ! Honnêtement, mon grand-père m’a fait promettre de ne rien dire concernant mes découvertes. Pour le moment, et même à vous !
Ahelmina, qui me souriait sans chercher à cacher qu’elle était vexée, me rétorqua :
–C’est un peu raté maintenant. Mais pourquoi cette discrétion à tout prix ? Il n’a pas confiance en nous ?
Ma tentative de diversion semblait fonctionner. Je devais continuer sur cette lancée :
–Non, je ne conçois pas que cela puisse être le problème ! Il m’a expliqué qu’il craignait que je ne sois pas crue et que cela joue contre moi. Bien avant cela, je lui avais précisé dans quelle situation je m’étais retrouvée à Polaris et il m’a clairement dit qu’il ne souhaitait pas que cela recommence ici. C’est une belle preuve d’attention de sa part, mais c’est parce qu’il ne vous connaît pas. En fait, c’est un peu maladroit de penser ainsi.
Je tentais de clore le sujet, mais Ahelmina ne semblait que très moyennement convaincue. Je devais y croire :
–J’essaierai de lui en toucher deux mots, mais j’insiste, pour le moment, s’il te plaît, ne l’ébruitepas.
Gentiment, elle me prit dans ses bras, puis, s’approchant de mon oreille, elle me susurra :
–Parce que j’ai confiance en toi, je ne dirai rien. Mais j’aimerais sincèrement qu’il nous intègre au groupe. Nous avons vécu de sacrées aventures ensemble et je reste sur ma faim. Il ne peut pas le nier et encore moins nous écarter sans raison.
Je poussai un ouf de soulagement au fond de moi, tout en prenant garde à ce que ma gestuelle ne me trahisse pas. Je m’étais assez bien sortie de cette impasse. Je ressentais tout de même une petite frustration. Ne pas pouvoir mieux contenter une amie était moralement difficile. Était-elle sincère en me présentant un magnifique sourire ou était-elle vexée ? Eh bien, le temps me le dirait, mais j’aurais davantage dû me méfier ce jour-là…
–J’avoue, Ahelmina. Promis, dès que je sens que c’est possible, j’en parle aveclui.
Ce petit intermède touchait à sa fin. Nous pouvions rejoindre le groupe et reprendre les discussions tous ensemble. D’un œil attentif, je contemplais mes amis. Je repensais à notre vie passée et j’imaginais comment leur quotidien s’était transformé. J’arborais un sourire apaisé, j’étais soulagée de voir que personne ne se souciait de ma conversation avec Ahelmina. Peu à peu, au cours de la soirée, je me demandai quand même si je n’avais pas eu tort de parler aussi librement avec elle. Mais qu’importe, de toute façon, maintenant, c’était fait et aucun retour en arrière n’était possible. Je sentais que je pouvais lui faire confiance. Les petits rictus réguliers et discrets qu’elle m’adressait m’en donnaient la certitude.
Alors que la nuit avançait, nous en profitions pour marcher dans un patchwork de maisons. Elles étaient faites de pierre, de terre, de bois, de métal et de tissu. Je découvrais cette ville de nuit, c’était une atmosphère si différente de ce qu’elle dégageait le jour ! Elle était fraîche, grâce à une brise légèrement humide plutôt agréable. Pourtant, c’était difficile de comprendre d’où cette humidité pouvait venir en regardant les alentours. En nous éloignant un peu du centre très lumineux, nous approchâmes de zones peu éclairées, ce qui nous permit de savourer un tout autre spectacle. Un ciel profond et constellé d’étoiles s’exhibait à nos yeux et la présence de la petite lune, Ptolana, ajoutait une touche inoubliable à ce tableau magique grâce à sa couleur émeraude ! Tout ce que je vivais ce soir-là resterait gravé comme un moment particulièrement délicieux et paisible.
Une fois de retour vers le centre, nous nous posâmes ensemble près d’un feu qui crépitait que nous fûmes bien contents de trouver. En effet, la nuit avançant, la fraîcheur cédait peu à peu la place au froid. Juste à côté, quelques musiciens animaient la rue. Ce moment était parfait. Pour accompagner le tout, les stands alentour proposaient quelques ripailles, des fruits, des brochettes de Lézine, comme ils disaient ici, et bien sûr quelques boissons.
Le Lézine était un petit animal en forme de boule de quelques centimètres tout au plus avec un nombre incalculable de membres et une minuscule tête. Chose peu commune pour les rampants de la région, la bestiole n’avait pas de queue, sauf à considérer que ses deux pattes arrière bien plus grandes que les autres pouvaient jouer ce rôle. Le vendeur de brochettes, très bavard et assez informé sur la créature, me raconta qu’elles adoraient vivre à l’ombre des structures de la ville. Elles passaient le plus clair de leur temps dans des terriers assez profonds et n’aimaient pas le soleil ! Plutôt solitaires, on ne parvenait à attraper que ceux qui venaient de s’accoupler, car ils devenaient dès lors lents et moribonds. Je compris même qu’ils mouraient juste après. Mais avant cela, ils étaient inaccessibles. En fin de compte, ce n’était que profiter d’une manne de nourriture avant qu’elle ne pourrisse, nous ne cassions en rien leur cycle de vie. Sachant cela, cela aurait été dommage de s’en priver, car c’était vraimentbon !
Après en avoir mangé des kilos et des kilos, nous allâmes tous aller dormir. Je savais que le lendemain allait être assez chargé.
Le grand jour arriva. Mon grand-père m’attendait devant ma porte dès les premiers rayons du soleil. Encore une fois, nous devions monter ces espèces de monstres malodorants, les Episaspis. C’était vraiment à contrecœur que j’enfourchai la créature pour une troisième fois. Je voyais du coin de l’œil Marths et Tanan sourire face à la contrariété très visible sur mon visage et dans mes propos.
Nous prîmes la route en direction du Tyl. C’était insupportable, non seulement cette créature était écœurante au possible, mais en plus, sa démarche nous brimbalait de droite à gauche et d’avant en arrière. La recette idéale pour, à coup sûr, me déclencher la nausée. En fait, en y réfléchissant, entre l’odeur et les mouvements, mon pauvre ventre n’avait aucune chance.
Tanan s’approcha de moi. Bien plus à l’aise, il allait plus vite et cela me faisait enrager. Il se plaça à mon niveau et me regarda, souriant, puis me dit :
–Tu t’en sors bien, Malerine. À ce que je vois, tu sembles être plus confortable sur l’animal que les fois précédentes.
Sa démarche taquine ne me plaisait pas vraiment, et ma réaction fut en parfaite adéquation avec le fond de ma pensée, froide et peu agréable :
–Laisse-moi le plaisir de ne pas répondre à ta remarque.
Puis je dirigeai ma monture pour rattraper Obéron qui nous avait déjà un peu distancés.
Pendant les trois heures de trajet, sous un soleil de plomb et avec un air aussi sec que le sable du désert, je transpirais à grosses gouttes et à mon grand désarroi… tout comme la créature ! Mes jambes étaient couvertes de son mucus gluant. J’avais l’impression que ce liquide venait ronger mes vêtements, il s’insinuait jusqu’où il ne devait pas. Je ne supportais plus son contact ! Face à nous, la zone accidentée se dessinait enfin. Le gravier d’un blanc presque pur à mes pieds contrastait terriblement d’avec les falaises des montagnes rouge orangé et détonait avec la riche gamme de vert des steppes qui parsemaient les lieux.
Je n’avais pas souvenir, lors de nos passages précédents, d’avoir bénéficié d’un tel point de vue
–Obéron, ce panorama face à nous est magnifique, mais pourquoi ne l’avais-je pas vu auparavant ? Avions-nous pris un autre chemin ?
J’étais particulièrement curieuse de savoir, je ne reconnaissais vraiment pas cet endroit.
–Non, Malerine, nous arrivons par le même chemin que la dernière fois. La grosse différence, c’est qu’à l’époque, une brume de chaleur cachait tout cela et nous ne pouvions pas profiter de ce spectacle.
Ayant hâte d’en finir, je scrutais l’horizon à la recherche de l’ouverture du cratère. J’avais ainsi l’impression que la fin du voyage viendrait plus tôt. Seulement, j’avais beau savoir quoi chercher, je ne parvenais pas à localiser notre cible. Disons-le, cet endroit, sans brouillard, était méconnaissable, je ne retrouvais aucun repère habituel.
Malgré tout, je profitais de ce nouveau spectacle qui s’offrait à moi, ce qui, sans nul doute, me donna l’impression d’arriver plus vite au bout de ce périple éprouvant.
Une fois au pied de la falaise, nous descendîmes de nos montures. Les derniers mètres étaient pénibles, la chaleur de la terre traversait mes chaussures et me brûlait presque la plante des pieds. J’avais soif, je pris donc mon outre pour m’hydrater, mais par mégarde je laissai s’échapper un peu d’eau. Celle-ci s’évapora dans un laps de temps très court en touchant le sol. En continuant de boire, mon regard se fixa sur ce qui se trouvait devant moi. Je fus choquée en constatant toute cette verdure. C’était un mystère ! Comment se pouvait-il que tant de vie soit présente dans un tel lieu ?
Un instant plus tard, nous étions enfin devant les abords de la grotte. Tout comme la dernière fois, Tanan prit les montures pour les mettre en sécurité. Obéron, Marths et moi nous dirigeâmes vers l’entrée, le moment que je préférais en arrivant sur ce site. La fraîcheur de là de la caverne venait doucement me caresser le visage. Quel contraste avec les trois heures précédentes !
Obéron me regarda profiter de l’instant, puis me lança :
–Allez, Malerine. Ne tarde pas, s’il te plaît. Je n’aime pas rester trop longtemps devant cette caverne, on ne sait jamais.
–Crains-tu que quelqu’un ne nous ait suivis ?
–Non pas vraiment ! Nous sommes assez loin de la cité.
–Alors, pourquoi se presser ?
–Ce ne sont pas tant les autres habitants que ce qui pourrait rôder autour de la grotte qui me fait peur !
–Quoi ! Tu veux dire qu’ici quelques sympathiques animaux pourraient tourner, prêts à nous sauter dessus pour nous croquer ?
–Je ne suis jamais resté de période suffisamment longue pour le découvrir et… je n’ai pas envie de le savoir. Demande plutôt à Tanan, c’est toujours lui qui a traîné le plus à l’extérieur. Il aura peut-être constaté quelque chose.
Je cheminais tranquillement dans le couloir sombre de la caverne, avec autant d’émerveillement que la première fois. Ce vent frais qui soufflait depuis la grotte était quelque chose dont j’aimais jouir.
Je n’avais pas fait attention au temps qui passait, pourtant, j’eus la sensation que Tanan avait tardé à nous rejoindre. Il n’apparut que lorsque nous pénétrâmes dans le cratère, un peu chamboulé. Obéron l’interpella immédiatement :
–Comment ça va Tanan ? Tu me sembles perturbé, comme si tu avais vu un esprit.
–Non, mais lorsque j’accrochais les Episaspis à l’extérieur tout à l’heure, j’ai entendu derrière moi un bruit étrange.
–Étrange ? répétai-je. Que veux-tu dire ?
–Rien de bien important. J’ai imaginé que quelqu’un s’était approché de moi.
Avec un rythme de voix plus soutenu, Obéron bombarda Tanan de questions :
–Tu as vu quelqu’un, dis-moi ! Il est essentiel que personne ne connaisse cet endroit. Qui pourrait venir jusqu’ici sans être au courant de ce qui s’y cache ? Ou quoi ? Qu’as-tu découvert ?
–Justement, j’ai eu un peu peur. Je me suis retourné et j’ai cru apercevoir une silhouette !
–Tanan, tu me stresses.
Obéron s’agita, il suspectait que son grand secret ait été dévoilé au grand jour, et cela le mettait mal à l’aise.
Tanan, qui observait mon grand-père s’agacer, tenta de le tranquilliser en lui donnant son avis :
–Je pense que c’était une fausse alerte, Obéron. Comme je sais que tu te méfies, dans le doute j’ai préféré aller vérifier. Et à part une espèce de petit lézard, je n’ai rien vu. Ayant alors pris conscience que j’avais trop traîné, j’ai couru pour vous rejoindre. Voilà pourquoi je suis essoufflé.
La discussion étant close, nous reprîmes notre chemin. Malgré tout, un questionnement incessant me submergeait. Tanan ne m’avait pas convaincue. Je savais qu’il nous cachait quelque chose ! En plus, sa gestuelle trahissait un stress profond, un peu comme s’il avait découvert quelque chose de terrifiant. En regardant innocemment vers Marths et mon grand-père, je fus surprise de constater qu’ils semblaient n’avoir rien remarqué. Peut-être ne voulaient-ils pas me faire peur ? Feignaient-ils d’être sereins ? Dans le doute, je décidai de le laisser tranquille. L’occasion de l’interroger finirait bien par se présenter.
Quelques minutes de marche plus tard, dans un silence qui me paraissait pesant, nous arrivâmes enfin à l’entrée du cratère. Au fond, le Tyl. À notre approche, comme la première fois, l’appareil se mit à bourdonner. Personne n’en avait a priori conscience, mais durant toute la traversée du corridor, j’avais gardé un œil sur Tanan. Il était songeur, et plus j’y pensais, plus son attitude me faisait penser que mon intuition était la bonne. Pire encore, régulièrement, il se tournait furtivement, comme pour s’assurer que personne ne nous suivait.
Ma curiosité me poussait aussi à regarder en arrière, mais je ne voulais pas qu’il remarque que je l’épiais. Je souhaitais le surprendre avec mes questions afin qu’il ne puisse pas échafauder une demi-vérité fumeuse.
Une fois dans le cratère, nous nous espaçâmes tout naturellement. Chacun profitait de cet endroit. Après tout, c’était un lieu très atypique. Il était même dommage de ne pas pouvoir y rester davantage. C’est ce moment-là que je choisis pour m’approcher de Tanan. Afin de ne pas éveiller les soupçons, j’entamai une discussion totalement sans rapport :
–Tanan, attends-moi ! l’appelai-je en lui touchant le bras. Tu ne trouves pas ce lieu bien étrange, regarde les couleurs. Comment ce bâtiment s’est-il retrouvé dans cette grotte plutôt qu’ailleurs ?
Ma question était vraiment nulle, mais ce fut tout ce qui me vint à l’esprit. La grimace qu’il esquissa me conforta dans cette logique.
–Euh ! Je t’avoue que je ne me suis jamais posé cette question. Pour moi, le vaisseau a toujours été là et, jusqu’à ton arrivée, il n’était qu’un simple morceau de ferraille à mes yeux. Je n’aurais jamais pensé le voir s’activer. Mais en as-tu discuté avec Obéron ? Il aura peut-être une idée !
Mais je préférai couper court à notre échange :
–Laisse ! Ce n’est pas grave. Je m’en occuperai plus tard.
J’avais volontairement ralenti le pas pour que nous puissions nous retrouver un peu en retrait. Quand nous fûmes assez éloignés, je lui donnai un coup de coude pour lui faire comprendre que j’avais besoin de lui parler. Lorsqu’il tourna la tête vers moi, je lui lançai la question qui me brûlait la langue :
–Je vois bien que quelque chose te préoccupe. Tu ne sembles pas à l’aise et tu regardes dans toutes les directions tout le temps.
Il était mis à jour, et visiblement presque soulagé. Il me répondit sans attendre, en plaçant son doigt sur sa bouche. Il me signifia alors :
–Chut ! Reste discrète, s’il te plaît, je ne souhaite pas qu’Obéron se doute de quoi que ce soit.
–De quoi parles-tu ?
–En fait, depuis que j’ai quitté les Episaspis, j’ai l’impression qu’on nous observe. Mais j’ai beau me retourner, je ne repère rien.
–Pourquoi n’en discutes-tu pas avec Obéron et Marths ?
–Tant que je ne suis sûr de rien, je préfère ne pas les inquiéter.
–Et tu saurais me dire pourquoi Obéron ne veut pas que quelqu’un du village connaisse l’existence de ce vaisseau.
–C’est une longue histoire, mais je crois qu’il craint surtout leurs réactions. Et qu’ils fassent tout pour l’empêcher de venir ici pour démarrer l’appareil. Bien que jamais personne de la cité n’ait vu une machine tourner, cela reste un tabou de parler de cela.
–OK, j’aimerais qu’on bavarde plus de cela plus tard si tu es d’accord.
–Bien sûr !
Mon grand-père et Marths avaient un pas plus rapide que le nôtre. Ils s’étaient déjà bien rapprochés du Tyl, alors que Tanan et moi étions encore très en arrière.
–Malerine, tu traînes, rejoins-moi, il est temps.
Étant loin de lui, je lui répondis d’une voix forte :
–Excuse-moi, grand-père, je discutais avec Tanan.
Nous nous mîmes alors à courir pour les rattraper. Une fois avec eux, nous commençâmes à tourner autour de l’appareil.
Je me retrouvai encore face à la rampe du vaisseau. Doucement, il s’ouvrit avec un bruit à peine perceptible, dévoilant peu à peu l’intérieur. Il s’illumina de façon synchronisée. Sans raison, je jetai un rapide coup d’œil vers l’entrée de la grotte. La remarque de Tanan me trottait toujours dans la tête. Et si quelque chose ou quelqu’un nous avait suivis. J’étais soulagée de constater que rien ne bougeait, à moins que je ne m’en sois pas rendu compte ! Peut-être qu’au fond de moi, j’aurais préféré que quelque chose se passe. Pendant ce temps, Marths nous avait devancés. Il nous avait soufflé peu avant, à Tanan et à moi, de retenir mon grand-père hors du Tyl afin qu’il déplace les corps. Il voulait éviter qu’il soit trop perturbé en les revoyant.
Une fois dans l’appareil, je me dirigeai vers le cockpit. La tristesse d’Obéron refit surface. Naturellement, je m’approchai de lui pour l’enlacer. Je souhaitais le réconforter. Même si j’étais incapable d’imaginer sa peine, elle me touchait.
–Tu n’y peux rien, papé ! Peut-être obtiendrons-nous plus d’informations en regardant, comme tu me disais hier soir, le registre du Tyl.
–Merci, ma petite. Je l’espère, oui. Je n’y peux rien, probablement, mais je me sens coupable. C’était mon équipage. Et comme pour tout commandant, ils agissaient sous ma seule responsabilité.
–Marths, j’imagine que tu étais rentré avant nous afin de déplacer mes anciens compagnons. Je te remercie de cette attention à mon égard. Hélas, le fait de les soustraire à ma vue ne m’empêchera pas de me souvenir d’eux. J’aimerais te demander un service. Je n’aurais pas la force de m’en occuper. Lance un diagnostic de l’engin. Il devrait nous donner les informations que je suis venu chercher.
Interloqué, Marths le regarda.
–Obéron, je ne comprends pas grand-chose à tes propos.
–Pardon, je m’emballe. Va sur l’ordinateur et sur le clavier, puis écris simplement cela, lui dit-il en lui tendant une feuille.
–Pas de souci, c’est dans mes cordes.
Mon grand-père prit place dans son ancien fauteuil, puis poussa un soupir tout en caressant les accoudoirs comme pour se remémorer son passé de commandant.
Je scrutais à travers le pare-brise du cockpit tout en m’abandonnant doucement à mes pensées, lorsque je repris brutalement mes esprits après avoir eu l’impression que quelque chose s’était mû au loin. Je laissai échapper un « Tanan », sec.
Surpris, il resta figé en entendant son prénom. Il comprit rapidement la raison de mon cri, son regard en disait long, mais ce n’était pas le meilleur moment pour dévoiler nos craintes. Aussi, avant que des questions fusent, j’ajoutai :
–Excusez-moi, je divaguais dans mes rêves, et j’ai réussi à me faire peur toute seule.
Je continuais de scruter les environs, plus rien ne bougeait. J’en profitai donc pour contempler la beauté du lieu, puisque je n’avais pas pu en profiter la première fois. Je partis tant dans mes songes que je n’écoutais même plus l’ordinateur de bord du Tyl livrer son compte rendu. J’imaginais me promener dans cet environnement magique. Les parois hautes et brillantes du cratère reflétaient la lumière vers l’intérieur et permettaient de plonger la zone dans une ambiance douce et suffisamment éclairée pour qu’une oasis puisse s’y installer. On pouvait distinguer de petites cascades par-ci par-là, créant à leur pied un fin nuage de brume qui venait lécher les abords d’une forêt particulièrement riche et touffue. Au-delà de tout ça, ce que je chérissais le plus ici, c’était la quiétude qui régnait. En revenant à moi, et sans quitter le paysage des yeux, je questionnai mon grand-père :
–As-tu déjà visité cet endroit ?
–Excuse-moi, Malerine, j’aimerais finir d’écouter le compte rendu et après nous reparlerons.
Le Tyl donna alors l’information tant attendue : « Décollage de la Terre, quatre mille huit cent trente-sept années, cinq jours. »
En entendant cela, je ne parvins pas à imaginer ce chiffre tellement il me semblait gros. Je me tournai vers mes trois compagnons afin de voir leur réaction. Aussi surprenant que cela puisse paraître, que ce soit Tanan, Marths ou mon grand-père, aucun n’était davantage choqué que lors de notre première venue.
–Marths appuie sur ce bouton, lança grand-père, la machine va se mettre en pause. Nous la relancerons plus tard pour écouter la suite.
Une fois l’opération réalisée, Marths pivota vers lui :
–Peux-tu nous expliquer maintenant ? Quatre mille huit cent trente-sept années, c’est énorme, je ne parviens pas à me représenter ce que cela constitue.
D’un ton léger, Tanan accentua :
–Et cinq jours, s’il te plaît.
–Nous ne sommes plus à compter les jours avec un tel nombre d’années, reprit mon grand-père. Mais voilà, ce que j’imaginais est bien vrai et plus encore ! Le vaisseau se trouve sur cette planète depuis si longtemps. Comment est-ce possible ? Surtout, j’aimerais comprendre comment il a pu arriver ici sans se perdre.
–Grand-père, éclaire-moi. Je ne parviens pas à te suivre.
–Pas maintenant, Malerine. Non pas que je ne souhaite pas t’expliquer tout ça, mais j’aurais besoin de te représenter cela avec un schéma. Autrement, je doute que tu puisses saisir. Même moi, avec toutes mes compétences, je ne réussis pas à tout assembler dans ma tête.
–Quand comptes-tu t’en occuper, alors ?
–Demain probablement ! Avant cela, il sera nécessaire de tout poser, de clarifier les choses et de les appréhender avec le filtre de mes connaissances pour saisir mes propos comme il faut. Je vais faire preuve de transparence. Tous les trois, Malerine, Tanan et Marths, vous devrez fournir de gros efforts de compréhension. Je ne serai très certainement pas en mesure de simplifier.
–Indique-moi la prochaine étape, renchérit Tanan en s’approchant du pupitre. Il plaça ensuite ses mains dessus et suggéra : rentrons décompresser !
À la suite de sa remarque, il mima un bâillement que, finalement, nous répétâmes tous en chœur.
Obéron, le coude posé sur l’accoudoir, réfléchissait en occultant sa bouche avec le poing. Après un court silence, il lui répondit :
–Avant cela, j’aurais besoin de vous demander un service. Il est encore très tôt, ce qui signifie que nous avons du temps.
–Explique-nous, rétorqua Marths.
L’air triste et le regard dans le vague, grand-père expliqua :
–J’aimerais offrir une sépulture, même sommaire, à mes anciens compagnons. Je leur dois bien cela !
Je réagis aussitôt à sa remarque, car j’aurais préféré partir d’ici. Quelque chose, sans savoir quoi, me mettait mal à l’aise :
–Commençons ! Où pourrait-on les enterrer ?
Il se redressa tranquillement et marcha en direction de la sortie :
–À l’écart du vaisseau. En tout cas, pas à ses pieds.
Marths et Tanan proposèrent de transporter les cadavres. Ils voulaient les déplacer avec le plus de respect possible, mais, hélas, alors qu’ils les soulevaient, les corps craquèrent et se désagrégèrent en partie, laissant tomber de la poussière peu ragoûtante. Ils durent s’y reprendre à plusieurs reprises pour les saisir avec la délicatesse nécessaire. Après quoi, nous nous dirigeâmes vers la rampe de l’appareil. Mon grand-père nous attendait en haut de l’accès. Il descendit en premier, suivi de Tanan et de Marths chargés des dépouilles des membres de l’équipage. Voir ces pauvres gens totalement secs me provoqua une sorte de dégoût, mais par respect pour mon grand-père je ne dis rien. J’étais soulagée de ne pas avoir à porter un seul morceau des morts. Fort heureusement, cela ne semblait pas trop perturber Tanan et Marths.
Une fois au pied du Tyl, nous restâmes sur place, ne sachant pas vers où aller. Sans broncher, Tanan et Marths gardaient les corps dans les bras. Cela n’empêcha pas Obéron de s’approcher de moi. Il avait besoin de parler de cette situation. Cela le préoccupait énormément. Nous n’avions qu’à le regarder pour le comprendre, mon grand-père montrait un visage marqué par la tristesse. Ses yeux humides trahissaient des pleurs discrets peu de temps avant.
Une fois contre moi, il m’embrassa en laissant échapper de nouvelles larmes. Je me devais d’intervenir :
–Que se passe-t-il, papé ? Tu connaissais si bien ces gens pour que leur disparition te touche ainsi ? lui lançai-je en l’enlaçant à montour.
–Évidemment ! me rétorqua-t-il. Je n’avais aucun lien avec eux, au sens affectif, mais je savais que chacun d’eux jouait un rôle, parce qu’ils constituaient mon équipage lors d’une mission qu’avec du recul je trouve totalement futile. Ce n’est pas cela qui me perturbe. Mais cet équipage, je l’ai mené à son trépas. Ils avaient confiance en moi quand ils se sont engagés à mes côtés. Aujourd’hui, je me sens coupable.
–Coupable ? Ce mot est très fort ! Je n’accepte pas que tu disescela.
Tanan et Marths, même préoccupés par leur charge, confirmèrent tous les deux mes propos.
–Vous ne comprenez pas cette culpabilité, c’est normal, mais voilà comment je perçois les choses. Ils sont tombés parce qu’ils m’ont suivi dans mon délire, et je ne peux me le pardonner. Jusqu’à ma mort, je porterai ce fardeau.
J’étais choquée. Il se torturait l’esprit. J’avais beau essayer de lui expliquer, il n’écoutait rien. Marths et Tanan insistèrent à leur tour, mais sans réussir à y changer quoi que ce soit. Pour positiver, je lui fis remarquer les succès qu’il avait obtenus.
–Ne dis pas cela ! Tout nous a conduits à cet instant. Tu nous as menés à cet instant précis, dans ce lieu, et, je le sais, pour une bonne raison.
–Obéron, qu’attends-tu de nous maintenant ? demanda Tanan, fatigué, qui déposa le corps qu’il transportait le temps de reprendre quelques forces.
Gêné de leur avoir fait perdre du temps, il exprima alors son malaise :
–Excusez-moi, tous les deux, je suis resté ici sans considérer que vous portiez mes anciens collaborateurs. J’aimerais les installer dans un emplacement parfait pour leur dernier repos, mais où les enterrer ? Laissez ces pauvres gens à cet endroit et, si cela ne vous embête pas, aidez-moi à trouver un lieu pour la mise en bière. Après quoi, nous poserons une pierre qui servira de stèle sur chacune des tombes. Mais nous devons d’abord trouver l’endroit idéal.
Marths s’approcha de nous. Songeur, il avait pris soin de placer le corps contre le premier, le temps de souffler unpeu.
–Depuis le temps que nous venons, je n’ai jamais remarqué d’animaux ou de danger. Je ne pense pas que la zone présente un quelconque risque. Nous pouvons donc nous séparer à mon avis. C’est bon pour vous ? Malerine et toi, Tanan, dirigez-vous vers l’entrée de la grotte. Obéron et moi, nous allons regarder les abords du vaisseau. Pour le moment, les corps vont rester ici, cela sera moins difficile pour se déplacer.
C’était la meilleure des propositions, elle tombait à point. J’avais besoin de parler de ce que je croyais avoir vu à Tanan. Le temps de nous isoler un peu, je vis Tanan se retourner régulièrement. Une fois assez loin, il me donna un petit coup de coude :
–Qu’as-tu vu, Malerine, une silhouette ?
–Ce n’était pas clair à vrai dire. L’entrée de la grotte m’a paru très obscure depuis le vaisseau, mais il me semble avoir observé une ombre bouger rapidement dans la végétation, là-bas.
Je lui montrai d’un geste grossier la zone qui m’intriguait. Il y faisait sombre et ce lieu n’inspirait pas confiance. Me sentant soudainement emplie d’un courage auquel je ne m’attendais pas moi-même, je le titillai :
–Si tu n’es pas prêt à aller vérifier, moi, je vais m’en occuper, même si je dois t’avouer que j’en ai des frissons ! Sur ce, libre à toi de me suivre.
–Que risque-t-on ?
–Je n’en sais rien, mais déjà tout à l’heure tu m’as fichu la frousse avec tes histoires. Et maintenant, cela me perturbe. Imagine que nous ayons affaire à je ne sais quel monstre, voire quelqu’un de malveillant. Après tout, pourquoi nous suivre sinon, et surtout pourquoi rester si discret ? Malgré tout, ma curiosité me pousse à aller regarder. J’ai tout autant envie de résoudre ce mystère que de ne pas le régler, ajoutai-je en me surprenant moi-même.
Me sentant hésitante, Tanan m’aida en prenant la décision qui s’imposait :
–Allons jeter un œil rapidement depuis l’orée du bosquet. Nous pourrons continuer de chercher l’endroit idéal qu’Obéron nous a demandé de trouver. Mais je m’interroge sur un point. Pourquoi, d’après toi, ne désire-t-il pas tout bonnement les enterrer sous l’appareil ? Cela aurait été la solution la plus simple. Enfin, quand je dis « sous », il faut comprendre à quelques mètres, juste assez pour ne pas les voir à chacun de nos passages.
Je lui répondis après un petit moment d’hésitation.
–J’allais te poser la question. Comme nous viendrons plusieurs fois ici ces prochains jours, il souhaite peut-être simplement les éloigner de ses yeux et de son esprit, mais en leur ayant d’abord offert un adieu convenable.
–Et, tu penses que…
–Je suis presque sûre qu’au fond de lui, il ne veut plus faire le rapprochement avec ses hommes à chaque fois qu’il viendra ici. Cela finirait par lui briser le moral. C’est une évidence. Tu as dû constater comme moi comment il réagit systématiquement lorsqu’il les voit. Jusqu’à ce matin, je n’y avais pas prêté attention. Il semble si heureux de revenir ici pour apprendre de nouvelles choses. Mais en arrivant, tout à l’heure, c’était difficile de ne pas le remarquer.
Nous approchions du bosquet. Toute la richesse de la nature apparaissait de façon tellement inattendue. C’était exceptionnel. Quelle diversité ! Nulle part ailleurs, dans les environs, nous ne pouvions contempler tant de petits animaux et de plantes différentes.
Partout où je posais les yeux, j’assistais à une explosion de vie. Régulièrement, nous croisions des papillons et des oiseaux de toutes les couleurs. On ne voyait pas trop de rampants, mais nous manquions de discrétion, peut-être leur faisions-nous peur. C’était fou cette différence entre la vision que nous avions depuis le vaisseau et ici, une fois dans la zone. Nous remarquâmes aussi que même si, autour du Tyl, rien ne semblait se développer, en revanche, plus nous nous en éloignions et plus le sol se couvrait d’une herbe dont les teintes s’étalaient sur une grande gamme de vert et de jaune vif. Quelques fleurs dépassaient timidement de la terre alors que d’autres se trouvaient presque à la hauteur de nos visages, tant leur taille en imposait. Bien sûr, la nature nous gâtait avec ses formes spectaculaires. Pendant un temps, je restai muette. Puis, ne pouvant plus me retenir, j’eus besoin de partager mon ressenti avec Tanan.
–Admire toute cette vie dans cette zone ! C’est fou.
–Oui, j’avoue, c’est un vrai régal. J’avais rapidement jeté un œil lors de mes précédentes visites, mais pas dans le détail. Cette fois-ci, plus je regarde et plus je découvre ce lieu.
En quelques minutes seulement, nous avions oublié notre stress et notre peur. Le survol d’un petit oiseau très proche de nous fit revenir Tanan à la réalité :
–Mince, tu as remarqué à quel point il m’a frôlé celui-là. Il était magnifique en plus avec ses plumes rectrices de couleur arc-en-ciel. Mais, au fait, nous avons omis quelque chose. Nous ne nous sommes plus occupés du souhait d’Obéron. Dépêchons-nous, Malerine, il nous attend sûrement !
–Oui, tu as raison, Tanan ! Mais quelle décision prendre concernant notre possible vision, tout à l’heure ?
Il m’empoigna par le bras pour se tourner face à moi :
–Laissons tomber. Comme tu viens si justement de le dire, on a peut-être vu quelque chose, mais pas à coup sûr. Nous n’avons peut-être fait qu’imaginer ce quelque chose. Mais ce n’était peut-être rien. Et puis, depuis dix bonnes minutes, nous avons, je ne sais comment, baissé notre garde et donc si quelque chose voulait nous porter préjudice, il aurait profité de cet instant de faiblesse. Restons quand même attentifs. Nous n’avons probablement aucune raison d’avoir peur, mais cela ne me tranquillise pas totalement pour autant.
–Moi non plus. Mais en supposant que nous ayons réellement vu quelque chose, qu’est-ce que tu penses que cela aurait pu être ?
–Je n’en sais rien. C’est vrai que j’ai cru remarquer quelqu’un ou quelque chose bouger, mais c’était tellement loin. À vue de nez, je pencherais pour une sorte de bipède. Je n’ai aucune certitude. Cela aurait aussi très bien pu être un animal qui, par un concours de circonstances, aurait donné l’impression d’être plus grand qu’il n’était. Je te le répète, pour le moment, laissons tomber.
Son assurance m’insufflait du courage. Après cette discussion, nous reprîmes notre exploration. Nous investiguions avec plus de concentration pour nous focaliser sur la demande de mon grand-père. Mais, au fond de moi, et je suis sûre que c’était pareil pour Tanan, je cherchais à découvrir l’intrus.
Nous nous étions profondément avancés dans les fourrés, lorsque nous nous retrouvâmes face à des plantes violettes. Tanan ne manqua pas de me faire remarquer qu’elles avaient la même couleur que mes cheveux, avec en plus une légère phosphorescence. Elles étaient particulièrement belles. Comme nous voulions nous fixer sur la demande de mon grand-père, nous décidâmes de ne pas nous disperser et nous continuâmes donc notre route. Quelques pas plus loin, nous tombâmes sur une petite clairière baignée d’une luminosité douce et agréable. La température y était parfaite et l’ambiance bucolique grâce au subtil chant d’un modeste ruisseau que nous devinions à peine. Il était caché derrière des buissons verts qui étaient couverts de taches mauves. Cette couleur revenait fréquemment dans cet extraordinaire paysage. Impossible de l’ignorer, d’autant qu’elle semblait se propager de proche en proche. Cela nous intrigua d’ailleurs tous les deux, mais notre réflexion s’arrêta net lorsque Tanan m’interpella :
–Malerine, il me semble entendre Obéron nous appeler. Nous devrions retourner vers le vaisseau. Qu’en penses-tu ?
–En effet, d’autant que ce coin pourrait tout à fait répondre à sa demande, non ? Est-ce que tu es d’accord avecmoi ?
–C’est loin de l’appareil, mais oui, c’est un très bel endroit. Je suis persuadé qu’il validera notre choix.
Je me tournai une dernière fois pour photographier visuellement cet endroit. Je fus charmée lorsque je vis passer un frêle essaim de papillons dans les rayons du soleil. Ce fut une vision presque magique.
En sortant de ce petit taillis, j’entendis mon grand-père nous appeler, il se trouvait un peu plus loin aux abords du bosquet :
–Malerine et Tanan, où êtes-vous ?
Nous avions quitté le bois par le côté, à une vingtaine de mètres de lui. Tanan fit alors de grands gestes tout en le hélant :
–Obéron, nous sommesici !
Malgré nos appels, il ne parvint pas tout de suite à nous localiser. Nous pouvions le voir scruter la bordure extérieure du bosquet. Lorsqu’enfin il nous aperçut, il se dirigea immédiatement dans notre direction.
Tout en s’approchant, il entama le dialogue :
–Enfin ! lâcha-t-il, un peu fatigué. Nous vous cherchions depuis quelques minutes, mais impossible de vous trouver. Savez-vous où nous pourrions les enterrer ? Je veux dire, avec les honneurs qu’ils méritent. Avec Marths, nous n’avons rien découvert. Peut-être ai-je trop demandé ? Mais au fait, pourquoi avez-vous été si longs ?
Je trépignais d’impatience. J’avais hâte de lui annoncer que nous avions sûrement repéré son bonheur :
–Je pense que oui. Nous avons traîné parce qu’en entrant ici, nous n’avons fait qu’être happé par tout ce que nous pouvions voir. C’est tellement beau. Si cet endroit te plaît, je te montrerai tout ce que nous avons vu.
–Si cela peut correspondre à mon souhait, avec plaisir. Je vous ai dit que nous n’avions rien trouvé, mais en fait, je peux considérer que nous avons un plan B. Cependant, vu votre description, je soupçonne que cet endroit pas vraiment satisfaisant ne tiendra pas la comparaison avec votre proposition. Je vous donnerai mon verdict rapidement.
Avec entrain, je lui pris lamain.
–Suis-moi. Cela te plaira, j’en suis persuadée.
Après quelques instants de marche, nous retombâmes sur la clairière. Sans aucune hésitation, mon grand-père acquiesça, visiblement reconnaissant. Il s’approcha alors de Tanan et moi.
–Ce lieu sera parfait. Malerine, merci ! Cet endroit me convient totalement. À défaut de n’avoir pas pu atteindre la planète, qu’ils reposent dans le site le plus beau découvert par nos soins jusqu’à ce jour. J’irais même jusqu’à dire que si le paradis existe, il doit très probablement ressembler à ceci !
Il était décidé ! Nous n’avions plus qu’à amener les corps de ces collaborateurs jusqu’ici. Tanan et Marths allèrent donc les chercher. Avant de s’éloigner, Tanan m’appela.
–Peux-tu venir avec nous ? La dernière fois, nous avons laissé des pelles dans le vaisseau, nous en aurons besoin.
–Bien sûr, lui répondis-je en courant vers lui.
Avant de m’en aller de la clairière, j’interpellai mon grand-père.
–C’est bon pour toi si je m’absente quelques minutes aveceux ?
Il était déjà parti loin dans ses pensées, mais me fit un rapide signe de la main. C’était pour lui un moment fort. Il allait tourner la page d’un livre qui avait commencé plus de soixante ans auparavant en quittant Gaïa1.
Une fois les corps enterrés, nous restâmes avec mon grand-père encore quelques minutes. Malgré toute la tristesse qu’exprimait son visage, il voulait se montrer digne face aux tombes. Il ne put malgré tout pas s’empêcher de laisser quelques larmes couler. Une fois ce moment chargé d’émotion terminé, nous repartîmes tous les trois doucement vers nos montures afin qu’il puisse passer quelques minutes seul afin de leur faire un dernier adieu.
D’aller jusqu’aux créatures était assez pénible. Et cela se faisait dans un tel silence que je pouvais entendre le bruit de nos pas. Ni Marths ni Tanan ne semblait vouloir parler. Ils étaient comme ailleurs.
Nous approchions de la sortie. Un moment bien peu agréable. J’aimais particulièrement l’instant qui consistait à pénétrer dans la caverne. À l’inverse, la quitter était quelque chose de franchement pas sympa. La chaleur et la sécheresse du désert nous sautaient dessus, je le vivais systématiquement comme une agression. C’était comme si la peau se mettait à brûler. Mais le pire était quand nos yeux, habitués à la semi-obscurité de la grotte, redécouvraient cette luminosité extrême. Chaque fois, j’avais l’impression qu’ils cherchaient à se recroqueviller dans ma cervelle, pour se protéger. J’avais besoin de verbaliser ce mal-être soudain :
–Que je n’aime pas partir de cet endroit si agréable et me retrouver agressée par cet air bouillonnant !