Patrice Lumumba - Cécile Manya - E-Book

Patrice Lumumba E-Book

Cécile Manya

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Beschreibung

Patrice Lumumba - Le Sankuru et l’Afrique retrace le parcours de Patrice Lumumba. Au fil des mots et des pages, ses implications et actions politiques sont mises en avant, traçant le schéma de sa lutte pour l’indépendance du Congo.



Violence, revendications sociales, trahison, union, découvrez les sacrifices d’un héros pour sa nation.



À PROPOS DE L'AUTEURE



Cécile Manya est auteure de plusieurs livres dont Pas avant 24 ans, Le journal de Dieu et La Vierge Marie des stars.




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Cécile Manya

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Patrice Lumumba

Le Sankuru et l’Afrique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Cécile Manya

ISBN : 979-10-377-3815-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À mon admirable père, le Dr Manya K’Omalowete a Djonga, dont le travail a permis la réalisation de ce livre.

Sois honoré à jamais, père excellent, modèle de dignité et exemple de bravoure.

 

 

 

 

 

Avant-propos

 

 

 

L’échange inégal et impérialiste imposé par les puissances mondiales aux gouvernements du Tiers-monde, quels qu’ils soient, a creusé un déséquilibre économique sans cesse grandissant entre ces derniers et les nations industrialisées. Paradoxalement, c’est en voulant anéantir le leader charismatique africain, en l’abandonnant à une mort tragique et inopinée, que l’impérialisme occidental l’a rendu implicitement « immortel », a forgé sa légende, en a fait un « mythe » : Patrice Lumumba est devenu, depuis sa mort, le symbole des Africains opprimés, marginalisés et pauvres.

La présente étude tente de cerner :

1. La personnalité et la vie de Patrice Lumumba

ainsi que l’importance de son rôle et de son action (sur le plan régional, national et, momentanément, sur l’échiquier international).

Qui était Patrice Lumumba et quelle fut son

action

politique ?

2. Les répercussions entraînées par sa mort

dans les communautés de sa région natale, le Sankuru (dans l’immédiat et à plus long terme : naissance et développement du mouvement des Simba, directement issu du « culte » de Patrice Lumumba).

Comment les Ana w’Onkutshu a Membele du Sankuru réagirent-ils en apprenant, en février 1961, la mort tragique de Patrice Lumumba ?

Leurs réactions furent-elles violentes et durables ? Contre qui furent-elles dirigées ?

Comment l’ancienne province congolaise du Sankuru a-t-elle été occupée par les guérilleros simba en 1964 ?

Quelle politique pratiquaient les Simba lumumbistes à l’égard des chefs de groupements et des villageois du Sankuru ? Comment expliquer la chute du Pouvoir simba ?

3. La persistance du « mythe » Lumumba

, la symbolique attachée à son nom (dans un passé récent et aujourd’hui encore).

Quel message musical le peuple onkutshu a membele du Sankuru adressait-il à Patrice Lumumba en 1979-1980 ?

Dans quelle mesure peut-on dire que Patrice Lumumba est devenu, depuis sa mort tragique, le symbole des Africains opprimés, marginalisés et pauvres ?

À ce sujet, est-il possible de présenter des exemples, non seulement d’ordre local et ethnique (les Ana w’Onkutshu a Membele du Sankuru) mais également d’ordre continental (l’Afrique dans son ensemble) ?

 

En étudiant cette grande figure du nationalisme africain (et du panafricanisme), on ne peut s’empêcher d’être frappé par le contraste entre la brièveté de sa carrière politique d’une part et, d’autre part, l’ampleur et la durée des phénomènes qu’elle a engendrés dans la conscience populaire.

 

La rédaction du présent ouvrage est le fruit de trois techniques de recherche utilisées : la documentation écrite, l’observation sur le terrain et les interviews ou les entretiens. En recourant à la méthode historique, ce travail s’appuie sur un temps et décrit les grands événements de la période étudiée : le rôle du M.N.C de Patrice Lumumba dans le processus de décolonisation du Congo belge, les réactions locales entraînées par la mort tragique de ce leader charismatique africain, les tentatives des partisans lumumbistes d’instaurer un régime de gauche, et enfin, la victoire temporaire du néo-colonialisme.

 

 

 

 

 

 

I

La personnalité et la vie de Patrice Lumumba

 

 

 

Patrice Lumumba fut un homme d’action politique, caractérisé par des initiatives courageuses, des contacts chaleureux et des discours nationalistes. À ce sujet, il est important d’analyser quelques éléments de sa vie, essentiellement sa carrière et son action politique.

 

1. 1925 : naissance de Lumumba/période de formation

 

Patrice Émery Lumumba est né le 2 juillet 1925 à Onalowa dans le clan des Ewango, en territoire de Katako-Kombe1 et dans le district du Sankuru (Kasaï). Ses parents, villageois pauvres, sont soumis aux travaux forcés, aux cultures obligatoires et aux divers impôts imposés par l’État colonial en collaboration avec le chef indigène Wembo-Nyama notamment. Après des études primaires incomplètes dans les écoles missionnaires remarquablement contraignantes et médiocres du Sankuru, Patrice Lumumba décide de se rendre à Stanleyville (via Symétain du Maniema) pour tenter de s’épanouir intellectuellement. Au moment où il quitte Sankuru pour Maniema et Stanleyville, le jeune Lumumba ne parle parfaitement que sa langue maternelle « l’otetela ». Arrivé enfin à Stanleyville, il suit des cours du soir, organisés par les Frères Maristes, puis obtient un certificat d’études primaires complètes. Désormais, il cumule un travail à temps plein, comme petit agent subalterne dans l’administration postale, avec sa formation d’autodidacte. Lumumba devient plus tard bibliothécaire à Stanleyville (capitale de la province orientale du Congo belge). De 1947 à 1948, il vient à Léopoldville (capitale du Congo belge) pour suivre des cours à l’École postale. Ses examens finaux sont indubitablement couronnés de succès car il réussit avec 91,4 %. En 1948, il suit en outre des cours par correspondance pour améliorer plus particulièrement sa connaissance de la langue française. Patrice Lumumba acquiert ainsi un riche vocabulaire et s’exprime aisément en français. Durant son séjour dans les grandes villes du Congo belge, il s’acharne à apprendre correctement les diverses langues indigènes (particulièrement le lingala et le swahili) pour mieux communiquer avec les nombreux groupes ethniques du Congo (l’actuelle RDC).

 

2. 1948 : début de la vie active

 

En regagnant Stanleyville à la fin 1948, Patrice Lumumba est nommé commis de 3e classe au bureau central des Postes. Dans cette ville congolaise de Stanleyville qui deviendra plus tard son fief politique, Patrice Lumumba figure parmi les dirigeants et les fondateurs de plusieurs Amicales et Associations : Lumumba est, depuis 1953, président-fondateur de l’Amicale des Postiers Indigènes de la Province Orientale (A.P.I.P.O), Lumumba est secrétaire de l’A.P.I.C dans la province orientale, puis à partir de 1955, président de l’A.P.I.C (Association du Personnel Indigène de la Colonie). Lors d’une élection importante, Lumumba devient président de l’Association des Évolués de Stanleyville ; il occupera ce poste du 17 février 1954 jusqu’au début de l’année 1956. Lumumba est également éditeur-responsable de la revue l’Echo postal (organe trimestriel de l’Amicale des Postiers Indigènes de la Province Orientale/Stanleyville). Ces associations et amicales permettent à Patrice Lumumba d’étendre ses relations et son influence dans les milieux indigènes de Stanleyville (Kisangani).

Pierre Clément, sociologue résidant à Paris et attaché au C.N.R.S, vient momentanément à Stanleyville pour effectuer des recherches sociologiques sur le terrain en 1952-1953. Il constate l’influence de Patrice Lumumba parmi les indigènes de Stanleyville et l’approche amicalement. Une amitié naît entre les deux hommes et grâce au concours chaleureux de Lumumba, Pierre Clément réalise des interviews importantes et rassemble des documents privés sur les problèmes sociaux cruciaux liés à la colonisation. En contrepartie, ce chercheur étranger initie, dans une certaine mesure, Patrice Lumumba aux Sciences Sociales et Politiques.

 

Ayant obtenu, dès 1954, la carte d’immatriculation délivrée par le pouvoir local, Lumumba est choisi pour faire partie de la délégation des Notables congolais invités en Belgique en 1956 par monsieur Auguste Buisseret, ministre libéral belge des Colonies.

 

 

3. 1954 et surtout 1956 : début de l’engagement politique

 

Déjà en décembre 1956, Patrice Lumumba cherche à faire publier, à l’Office de Publicité de Bruxelles, son ouvrage titré Le Congo, terre d’avenir est-il menacé ? Les responsables européens de l’Office de Publicité exigent que l’ouvrage soit préfacé par une personnalité éminente. Ce n’est pas chose facile à l’époque coloniale. En conséquence, l’ouvrage de Lumumba ne paraîtra pas au moment opportun, mais plus tard, seulement en 1961, donc après l’Indépendance du Congo belge.

Patrice Lumumba, dans son livre précité, ne prend pas position de façon radicale d’autant plus que le Lumumba des années 1956-1957 croit encore qu’il est possible « d’harmoniser des rapports sociaux entre Belges et Congolais », d’instaurer « un dialogue sincère et franc entre les deux races en présence » afin « d’édifier dans la concorde, une société véritablement démocratique et fraternelle dans laquelle régnera, pour toujours : l’amitié, l’amour, la paix, la justice sociale, la liberté, l’égalité des valeurs, une société qui échappera à des haines raciales ».

Abordant la question du salariat, Patrice Lumumba déplore l’insuffisance des salaires payés par les employeurs coloniaux à leurs employés colonisés. Il suggère au pouvoir colonial de relever le salaire de tous les travailleurs colonisés en tenant compte du coût de la vie. Il explique que la cause principale des malversations commises par plusieurs Congolais (capitas vendeurs, collecteurs d’impôts, agents chargés d’opérations financières) provient de la médiocrité de leurs émoluments, lesquels ne leur permettent pas de nouer les deux bouts. Patrice Lumumba pense qu’en augmentant les salaires des Congolais on réduira sensiblement les actes malhonnêtes (détournements) dans l’administration et dans les entreprises commerciales. Lumumba s’indigne de constater qu’il existe des discriminations d’ordre racial sur le marché du travail. Il insiste sur l’importance de réaliser l’égalité sur le marché du travail, rêve légitime de tous les Congolais.

Parlant de la participation des indigènes au pouvoir, Lumumba fait remarquer que les Congolais (« représentants des indigènes ») qui siègent dans les Conseils d’Entreprises et dans les Conseils de Territoire sont désignés d’office par le gouvernement colonial sans consulter le peuple. Il propose un système démocratique, lequel laisse au peuple le choix de désigner librement ses représentants. D’après ce qu’il a pu constater lors du voyage officiel qu’il a effectué en Belgique en compagnie de seize notables congolais (dits « représentants des indigènes »), Lumumba met en doute les qualités intellectuelles de la plupart d’entre eux (« manque de formation, de maturité », « bleus ») ; il les juge passifs.

Lumumba désapprouve cette politique coloniale qui favorise les indigènes dociles, passifs et qui écarte les éléments capables, particulièrement dotés d’esprit critique.

Concernant le problème d’intégration sociale, les réflexions de Lumumba sont encore très pauvres : il ne croit pas à l’intégration collective et propose l’intégration individuelle (à rappeler que Lumumba a déjà obtenu la carte d’immatriculation à cette époque). Il s’indigne de constater que les Mulâtres sont mieux traités par les dispositions légales coloniales que les immatriculés congolais. Il affirme que beaucoup de métis locaux « ne sont pas plus civilisés ou plus instruits que les immatriculés » noirs.

Lumumba souhaite que les blancs de classe moyenne, les Mulâtres reconnus et les Noirs immatriculés jouissent du même statut juridique et bénéficient du même taux de rémunération.

Concernant la « Justice » coloniale et son régime pénitentiaire, Lumumba pense que l’idéal serait d’avoir un jour une juridiction unique applicable aux blancs et aux noirs.

Il dénonce le caractère partial des appareils répressifs coloniaux : une même infraction est réprimée de façon différente selon qu’il s’agit d’un contrevenant de race blanche ou d’un contrevenant de race noire. Les peines infligées aux contrevenants noirs paraissent plus sévères et inhumaines : les prisonniers de race noire ne peuvent pas porter des chaussures, ils dorment sur des planches ou sur le sol, leurs repas sont mal préparés, les condamnés noirs sont soumis à la peine du fouet, etc. Patrice Lumumba ne pense pas qu’un long emprisonnement favorise la rééducation des détenus. À son avis, la recrudescence des vols et l’apparition d’une prostitution organisée et scandaleuse au Congo sont liées à la pénétration de la civilisation européenne.

Parmi les points soulevés par Patrice Lumumba dans le domaine foncier, un seul retient particulièrement mon attention : l’appropriation par l’État colonial de vastes terres congolaises et ses spéculations capitalistes sur des cessions et concessions de terres. Lumumba rappelle que les ancêtres congolais n’ont jamais pratiqué l’économie marchande : vente ou achat de terres. Il demande à l’État colonial de respecter les conceptions et les traditions foncières léguées par les ancêtres congolais à leurs descendants.

Lumumba ne cache pas son mécontentement de voir le pouvoir colonial s’emparer de nombreuses terres congolaises pour les vendre à prix d’argent, non seulement aux riches colons mais également aux pauvres Congolais. Prenant en considération les conditions de vie des autochtones et leurs ressources financières, Lumumba pense qu’il serait équitable que les cessions et concessions de terres, à usage agricole – commercial – industriel ou d’élevage et d’habitation, se réalisent gratuitement dans une large mesure pour les Congolais.

Patrice Lumumba estime que la formation et l’éducation des filles indigènes ont été négligées et continuent à l’être, surtout dans les écoles missionnaires et coloniales rurales. Le programme des écoles de filles lui paraît de loin inférieur à celui des écoles de garçons du même degré. Pour remédier à cette situation, Lumumba pense que le régime scolaire mixte est excellent, dans la mesure où il met les écoliers et les écolières sur pied d’égalité et leur accorde la même formation. L’appel pressant que Lumumba adresse aux parents congolais peut être résumé comme suit : « Sacrifions tout ce que nous avons pour instruire et éduquer nos enfants car ce sont eux qui représentent l’avenir du Congo ; soyons très exigeants à leur égard, surveillons leurs études (…) créons dans chaque ville, des classes communes (Fonds d’Études) pour recueillir des fonds nécessaires en vue d’accorder des bourses d’études à nos enfants les mieux doués afin qu’ils aillent en Europe suivre des études spécialisées – surtout des études techniques et professionnelles ».

Enfin, et cela me paraît conclure son ouvrage, Patrice Lumumba s’adresse aux colonisateurs européens en ces termes : « Si vous parvenez un jour à perdre le Congo ou à quitter ce pays hospitalier, ce serait de votre propre faute ».

 

4. 1958 : action politique

 

En 1958, Patrice Lumumba s’installe dans la capitale du Congo belge et devient Directeur commercial d’une brasserie coloniale de Léopoldville. Cette fonction qui lui est confiée implique les relations publiques et la publicité. Ainsi, Lumumba s’entretient de façon permanente avec des Congolais de Léopoldville, en particulier avec leurs élites.

En octobre 1958 à Léopoldville, Lumumba est l’un des fondateurs du Mouvement National Congolais (M.N.C).

En décembre 1958, Patrice Lumumba participe à la Conférence panafricaine d’Accra, organisée par, un leader africain, Kwamé N’Krumah. Cette Conférence importante réunit des délégués africains de soixante-deux organisations nationalistes. Invité à prendre la parole, Lumumba y fait entendre sa voix : il expose le programme d’action du Mouvement National Congolais dont le but fondamental est de libérer le peuple congolais du régime colonialiste et de le faire accéder à l’indépendance. Il précise que le Mouvement National Congolais s’oppose implacablement « à la balkanisation du territoire national ». Vers la fin de son discours d’Accra, Lumumba déclare : « Malgré les frontières qui nous séparent, malgré nos différences ethniques, nous avons la même conscience, la même âme qui baigne jour et nuit dans l’angoisse, les mêmes soucis de faire de ce continent africain un continent libre, heureux, dégagé de l’inquiétude, de la peur et de toute domination colonialiste ».

Lumumba acquiert ainsi une consécration africaine. Des liens chaleureusement amicaux se nouent entre un certain nombre de leaders africains, notamment Kwamé N’Krumah, et lui.

Rentré à Léopoldville (Kinshasa), Patrice Lumumba organise, à la place Victoire (Kalamu), un grand meeting populaire auquel assistent quelque 10 000 personnes. Il rend compte de la Conférence africaine d’Accra et lance un appel fraternel à tous ses compatriotes pour qu’ils s’engagent ensemble dans la lutte pour l’Indépendance, droit légitime de tout peuple. Il les met en garde contre le principe de la politique colonialiste « diviser pour continuer à dominer ». Il leur recommande de faire preuve de maturité et d’unité. Ce grand meeting historique se termine dans l’allégresse populaire et par des cris houleux tels que « À bas le colonialisme, vive l’Indépendance, vive Lumumba ».

 

Après la scission du M.N.C en juillet 1959, Patrice Lumumba constitue le M.N.C/Lumumba2. Désormais, Patrice Lumumba se consacre entièrement aux activités de restructuration, d’explication et de propagande du Mouvement National Congolais (M.N.C/Lumumba), ce grand parti supra-ethnique du pays qui jouera un rôle essentiel dans la lutte pour l’Indépendance du Congo (Zaïre).

Lors de sa tournée de propagande dans la province congolaise du Kasaï, Patrice Lumumba dialogue chaleureusement avec des populations indigènes de la ville de Luluabourg et du district de Kabinda. En août 1959, il foule le sol natal, le district du Sankuru.

Le Sankuru est situé au centre du Congo (Zaïre). Il est peuplé majoritairement par des tribus désignées sous les sobriquets de « Tetela » (« Batetela »), « Asongomeno » (« Basongomeno »), « Hamba » (« Bahamba »). Ces tribus du Sankuru forment avec la tribu « Kusu » (« Bakusu ») du district du Maniema un important groupe de l’ethnie mongo du Congo. De génération en génération, sur la base de leur récit mythique relatant leur origine, les populations concernées s’appellent elles-mêmes Ana w’Onkutshu a Membele (littéralement : enfants de Onkutshu, Fils de Membele). Patrice Lumumba est lui-même ona Onkutshu a Membele (descendant de Onkutshu a Membele) du Sankuru.

Vers juillet 1959, Patrice Lumumba charge, à Léopoldville (Kinshasa), Albert Onya (ona Onkutshu a Membele) de se rendre au Sankuru pour y organiser l’implantation du Mouvement National Congolais. Albert Onya (Onia) est le fils du chef de groupement Shungu a Nkoy du clan des Opombo, en territoire de Katako-Kombe. Au Sankuru, Albert Onya entre en contact avec plusieurs vieux notables. Il leur parle de Patrice Lumumba ainsi que du rôle de son mouvement politique. Albert Onya s’entretient avec de jeunes gens du Sankuru. Il s’efforce de les politiser, de les convaincre à devenir les forces dynamiques lumumbistes.

Des sections du M.N.C sont installées progressivement dans chaque territoire du Sankuru.

Durant les premières semaines de l’implantation du Mouvement National Congolais au Sankuru, la plupart des vieux villageois se montrent sceptiques quant à « la possibilité de Lumumba et de ses partisans congolais d’arracher l’Indépendance aux blancs exploiteurs ». Ils pensent plutôt que les propagandistes lumumbistes sont en train de leur jeter de la poudre aux yeux. Beaucoup de jeunes ankutshu a membele, au contraire, s’enthousiasment d’entendre que le Mouvement National Congolais de Lumumba mettra fin au régime raciste et contraignant des colonisateurs et « ouvrira la porte à un avenir meilleur pour tous les autochtones ».

 

Devant le scepticisme et les hésitations de nombreux vieux villageois ankutshu a membele à l’égard du M.N.C, la venue de Patrice Lumumba s’avère nécessaire. Elle va permettre aux villageois sceptiques d’être mieux informés et va canaliser définitivement les aspirations populaires vers la conquête de l’Indépendance au nom des idéaux de liberté, d’égalité et de justice.

Patrice Lumumba arrive au Sankuru en août 1959. Il s’adresse de façon chaleureuse aux Ankutshu a Membele du Sankuru et dialogue avec eux lors de meetings populaires à Lodja, Kole, Lomela, Katako-Kombe, Tshumbe Owamba-Koto, Onalowa, Mission de Wembo-Nyama Osomba, Onema (Lokombe II), Lubefu, etc. À ma connaissance, ces meetings populaires de Lumumba au Sankuru n’ont pas encore fait l’objet d’une étude.

Je me propose de parler rapidement du meeting populaire de Tshumbe Owamba-Koto3.

 

1959 : meeting

 

Patrice Lumumba arrive à Tshumbe Owamba-Koto (grand centre catholique) à bord d’une voiture Volkswagen. Son secrétaire et quelques membres de son parti politique l’accompagnent. Son arrivée est annoncée à l’avance par le Président sectionnaire du M.N.C et par d’autres propagandistes lumumbistes locaux. Il s’agit de préparer la population locale à participer au meeting populaire de Lumumba, qui a lieu dans la grande parcelle abritant le bar d’un instituteur catholique nommé Louis Omokenge Lolekonda (onkutshu a membele du Sankuru). La vaste parcelle s’étend non loin du Poste d’État de Tshumbe. Dès l’arrivée de Patrice Lumumba à Tshumbe Owamba-Koto, de nombreux ankutshu a membele, hommes et femmes, se précipitent vers lui pour le saluer chacun personnellement en serrant sa main droite. Ces salutations durent longuement. Patrice Lumumba est encadré par les coquettes du lieu, dites émancipées. Il avait invité un fonctionnaire européen de l’Administration coloniale séjournant au gîte de Tshumbe à assister au meeting. Ce blanc le prie de l’excuser. Lumumba, homme mince et élancé, est âgé de trente-quatre ans. Son maintien soigné, son air sérieux, son habillement élégant suscitent déjà l’admiration de plusieurs spectateurs ankutshu a membele de Tshumbe Owamba-Koto. Il se tient debout entouré d’une foule nombreuse. Il y a là des chefs de groupements, des chefs de villages, divers notables nkumi, des villageois, des écoliers, des instituteurs, de nombreux employés indigènes du secteur public et du secteur privé, quelques religieux.

Le meeting populaire, tenu en langue locale, dure trois heures environ. Les thèmes que Patrice Lumumba développe ce jour-là sont les suivants : concernant le M.N.C, il fait remarquer que les activités du Mouvement National Congolais se développent sur l’ensemble du Congo. Il précise que le but fondamental du M.N.C est de libérer le peuple congolais du régime colonialiste pour accéder à l’Indépendance immédiate et totale. Le peuple congolais a droit à son Indépendance, tout comme n’importe quel peuple du monde. Pour que cette Indépendance soit bénéfique au peuple congolais, il faut qu’il fasse preuve d’unité