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Seul sur le sable, les yeux clos, Peter Teach, alias Pitt, profite de vacances bien méritées à l’île Maurice. Soudain, il traverse un miroir qui s’ouvre devant lui, le ramenant à son adolescence où il était pourchassé dans les montagnes de La Réunion par des chasseurs de trésors impitoyables. Empêtré dans les mythes et légendes toujours vivants depuis l’arrivée des premiers occupants de l’île au XVIIe siècle, le jeune garçon doit affronter la mort qui rôde à chaque instant. Pitt pourra-t-il sauver ses amis et ses proches de ce tourbillon infernal sans que sa foi vacille ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après son deuxième ouvrage Pitt contre le chevalier du temple perdu, Patrick Cuvelier revient avec Pitt contre les pirates de l’île Bonaparte. Il prend du plaisir à dépeindre des scènes sombres pour captiver les lecteurs, tout en cherchant à les distraire et à les émouvoir en alternant des anecdotes troublantes et amusantes.
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Seitenzahl: 279
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Patrick Cuvelier
Pitt contre les pirates de l’île Bonaparte
Roman
© Lys Bleu Éditions – Patrick Cuvelier
ISBN : 979-10-422-0628-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Un enfant…
C’est un ange,
À cet âge-là,
Les ailes, ça n’est pas encore tombé.
Victor Hugo, Les Misérables, 1862
Les écrits, les situations et les personnages de cette histoire sont purement imaginaires. Toute ressemblance avec des faits réels ou des personnes existantes ou ayant existé seraient pure coïncidence. Le roman fait référence à des faits historiques et n’a pas pour but d’apporter une quelconque vérité à l’Histoire. Des époques et des récits peuvent être purement réinventés, au gré de l’imagination de l’auteur, et pour les besoins de l’intrigue du roman.
Aurait-il fallu encore plus de phénomènes occultes pour que Pitt consente que les frontières entre la vie et la mort soient invisibles ? S’il était aisé de deviner les courbes de son destin, il aurait volontiers usé de ce don, afin de ne plus sombrer dans les abîmes les plus obscurs qui l’attirent. Aussi, n’hésite-t-il plus à suivre son instinct pour lutter contre les évènements surnaturels et tragiques de ce monde débile.
Ce jour-là, en plein hiver austral, Pitt quitte l’île de La Réunion à bord du vol UU 108 de la Compagnie régionale Air Austral. Il venait de passer quelques jours de vacances à Chinon, dans la région du Centre-Val de Loire, où il se rend souvent pour ses loisirs. Il est quinze heures, l’Airbus 220 que la compagnie française est la première à acquérir décolle de la piste de l’aéroport de La Réunion Roland Garros. Blotti dans l’un des douze sièges en cuir beige de la cabine confort, où se trouve également un couple avec deux enfants turbulents, il s’envole vers la République indépendante de l’île Maurice, située à moins de deux cents kilomètres de là. Tout en observant tendrement les petits bouts de chou, il reconnaît qu’un peu d’animation ne nuit à personne. Il entame la lecture du journal qu’il a acheté au kiosque de l’aéroport. Un article sur Madame Visneldaattire toute son attention. Née le vingt-neuf juin 1922 et morte le quinze août 1991, elle aurait eu cent ans cette année, précise le quotidien. Personnage pittoresque et célèbre dans toute l’île, grâce à son don de guérisseuse pour certains, et d’exorciste pour d’autres, elle est restée dans la mémoire de tous les Réunionnais.
Depuis son retour sur son île natale, Pitt a besoin de véritables vacances, reposantes et rassurantes. Ses derniers séjours en métropole ont été très mouvementés et éprouvants à tous égards. À l’instar de James Bond 007 et de Hercule Poirot, il n’a pas cessé de courir après des criminels en puissance et assoiffés de vengeance, à La Rochelle et surtout à Chinon. De plus, il aimerait ne plus entendre ces informations toujours alarmantes et pessimistes sur les crises sanitaires ou climatiques, diffusées en continu sur toutes les chaînes d’informations. Les journalistes fomenteraient-ils de terribles peurs pour tenter de faire le buzz et atteindre ainsi des sommets d’audience ? Malheureusement, beaucoup de personnes sont réceptives, et l’influence de ces médias peut avoir un impact néfaste sur la santé mentale des personnes fragiles. Il se met à espérer qu’une semaine de repos loin de l’agitation parisienne et des grandes métropoles lui apportera du réconfort. Parcourant avec intérêt les articles du journal, il n’a pas le temps de penser au vol qui se déroule sans aucune turbulence et qui ne lui procure aucune crainte.
En réalité, Pitt n’a peur de personne, surtout depuis qu’il a failli se faire tuer par des bandits de grand chemin, vers l’âge de treize ans. Toutefois, tous ces phénomènes mortifères qui le cernent depuis son enfance ne peuvent le laisser insensible. Trop souvent, il doit lutter contre son inconscience et sa conscience qui le détournent des éléments essentiels de ses visions et de ses rêves. Toujours est-il que son objectif est dorénavant de se concentrer, pour mieux étudier les signes qui l’aideront à résoudre toutes les énigmes qui lui tombent dessus. C’est ainsi que j’arriverai à trouver la paix intérieure et le repos de mon âme, désire-t-il. Pourtant, tous ces mandalas qu’il voit partout et en tout lieu sont bien réels.
En vérité, sa seule obsession, certes stupide à bien des égards, est la trouille qu’il a des océans. Depuis son enfance, il est atteint d’une incompréhensible thalassophobie. Comment résister aux affres de ce milieu abyssal et invisible qui pourrait l’engloutir à tout instant ? Sa frayeur de la mer est loin d’être une lubie. Il se démène toujours pour ne pas se retrouver suspendu au bord de cette profondeur noire comme l’âme de certains psychopathes dépourvus d’émotions.
Au bout d’une trentaine de minutes de vol, l’avion atterrit à l’aéroport international sir Seewoosagur Ramgoolam. Ce dernier, né le dix-huit septembre 1900 et mort le quinze décembre 1985, fut Premier ministre puis gouverneur général de l’île Maurice. Il était considéré comme le Père de la Nation par son peuple. Après avoir passé le contrôle obligatoire au poste de Police et Sanitaire, Pitt avance vers la sortie. Il jette un regard vers les personnes présentes dans le hall d’arrivée. Il aperçoit immédiatement le chauffeur du taxi qu’il a réservé sur une plateforme internationale. Il tient timidement une pancarte à la main droite, sur laquelle le nom de Pitt est inscrit au feutre noir. Pitt arrive à sa hauteur et dit solennellement :
Pitt s’attendait à voir un homme d’un âge plutôt mûr, mais il se rend compte que la chevelure noire du Mauricien n’a pas un seul cheveu blanc. Car en fait Roshan est très jeune, sans doute la vingtaine, évalue-t-il rapidement. Roshan, qui a récupéré sa valise, lui indique la direction du parking extérieur de l’aéroport. Dehors, l’air frais et humide à la fois pénètre dans les poumons de Pitt. Roshan l’invite à s’installer à l’arrière d’une Hyundai blanche. Ensuite, il se met au volant, démarre et prend la direction de l’hôtel réservé par son client. Pitt observe que la conduite se fait à gauche à l’île Maurice, comme s’il le découvrait. Il est vrai qu’il n’était plus venu à la rencontre des cousins, c’est ainsi qu’ils se nomment entre eux, depuis quelques années. En effet, la pandémie due au virus SARS-CoV-2 a provoqué la fermeture de toutes les frontières internationales. Ici, Pitt ne loue pas de voiture, car il craint de commettre des erreurs en conduisant, et de causer un accident, tellement la circulation est dense sur certains axes. Roshan le sort de ses réflexions :
Il ne sait pas dans quelle direction ira leur conversation, mais il se montre conciliant.
Ils continuent de discuter pendant tout le trajet qui lui semble une éternité. Très étroite, la route traverse des villages où se croisent pêle-mêle des piétons, des motos, des voitures, des bus et des camions. Comment font-ils pour qu’il n’y ait pas plus de collisions ? se demande-t-il. Heureusement qu’elle longe le littoral, ce qui permet à Pitt d’admirer la mer d’émeraude qui baigne la plage. Au loin, il suit le vol majestueux d’un paille-en-queue qui pêche sans doute pour nourrir son oisillon.
Un souvenir indélébile lui revient alors en mémoire. Un soir, assis dehors sous la véranda, sa mère et lui entendirent le cri d’un fouquet. Appelé aussi Pétrel de Bourbon, il est d’une taille modeste et trapue. Le corps noir et le bec crochu, il est considéré comme annonceur de mauvais augure par les Réunionnais. La mère de Pitt sursauta, effrayée par les cris de l’oiseau. Elle prit sa main droite pour le rassurer. Le lendemain, Pitt apprit que sa petite sœur, âgée de deux mois à peine et hospitalisée deux semaines plus tôt, était décédée à l’hôpital. Pitt se rappellera toujours cette légende qu’on lui raconta à cette époque, mélangée à celle d’une vieille sorcière dans l’esprit des Réunionnais. Les cris effrayants du fouquet dans la nuit noire annonçaient souvent la disparition de quelqu’un, souvent d’un enfant. Les voisins disaient que le fouquet a emporté l’enfant qui gémissait.Pitt n’a jamais oublié la lugubre veillée qui dura toute la nuit. Il a dû porter un ruban blanc au poignet. Il était très triste de voir sa petite sœur endormie et qui ne se réveillait plus. De même, l’enterrement qui s’ensuivit, le bouleversa. Il n’avait que six ans et déjà secoué par la redoutable Mort. C’est depuis ce temps-là que j’ai développé le syndrome de répétition, considère-t-il. Il secoue sa tête afin de chasser ce pénible souvenir de son esprit.
À sa gauche, il regarde défiler le paysage composé de champs de canne à sucre et de cultures maraîchères. Pitt se demande pourquoi le peuple mauricien a choisi l’indépendance. Certes les plages sont belles, mais la plupart des habitants vivent dans la pauvreté. Le contraste est tellement grand entre les hôtels de luxe avec pied dans le lagon, et les bourgades situées à l’intérieur des terres où vivent les agriculteurs mauriciens. Près d’une heure après, le chauffeur arrive à l’hôtel, à Trou d’Eau Douce, situé dans l’est de l’île. Roshan descend de la Huyndai, sort la valise de Pitt du coffre de la voiture. Pitt lui remet un pourboire en euros, l’équivalent d’un trip. En effet, Roshan lui a expliqué qu’en tant que chauffeur de la société de taxis qui l’emploie, il ne touche que deux cents roupies par trip, ce qui correspond à une course. Il disait que c’était difficile pour lui de joindre les deux bouts à ce tarif. Pitt est très embarrassé de savoir que des Mauriciens gagnent aussi peu et triment pour gagner leur vie. Ils ne touchent pas d’aides de l’État mauricien, comme les Réunionnais touchent des allocations familiales, de chômage et autres. D’ailleurs, ces derniers peuvent venir fréquemment en vacances, grâce à la proximité des deux îles. Ils constituent une grande partie des visiteurs qui séjournent dans les établissements hôteliers et de tourisme du pays. Roshan lui tend la main, le regard plein de reconnaissance :
Pitt avance jusqu’à la réception de l’hôtel où l’accueille une charmante hôtesse aux cheveux d’ébène, mi-courts, un foulard rouge noué délicatement au cou.
Ensuite, elle lui énumère les informations pratiques relatives à son séjour. Pitt a effectivement réservé un voyage all inclusives, qui est la formule la plus fréquente dans les hôtels de luxe mauriciens.
Il saisit avec délicatesse la clé que lui tend l’hôtesse. Un jeune mauricien en uniforme gris et vert, qui attendait près de la réception, récupère les bagages du touriste et lui propose de l’accompagner. Ils traversent le hall, puis une allée bordée de crotons multicolores, qui mène jusqu’à sa chambre. L’homme de service ouvre la porte qui donne sur l’extérieur, et dépose la valise sur le porte-bagages en bois vernis. Pitt reste émerveillé par la superbe vue sur l’océan bleu outre-mer. L’homme lui fournit quelques explications sur le fonctionnement de la climatisation et du mini-bar. Pitt lui sait gré et lui remet un billet de cinq euros. L’homme sourit, reconnaissant, car un billet en euros représente beaucoup de roupies. Il remercie son donateur, et s’en va. Après le départ du groom de service, Pitt range ses vêtements dans la penderie de l’armoire. La chambre est très spacieuse, avec vue également sur une belle piscine en forme de cœur. Il a déjà très envie d’aller piquer une tête. Après avoir placé ses effets personnels dans le coffre, il enfile un short blanc et un tee-shirt bleu de la marque Ralph Lauren. Il descend vers la plage, ses lunettes solaires Lafont sur le nez, et des savates deux doigts aux pieds, des tongs réunionnaises. Il récupère une serviette auprès du personnel et s’installe sur un transat, sous un parasol planté dans le sable blond. Les parasols disséminés sur la plage sont en bois et les toits sont recouverts de chaume. Il plonge ses pieds dans le sable fin, pour les remuer et les masser, ce qui lui procure un bienfait fou.
En cette période, peu de touristes se trouvent ici, car c’est la fin des vacances scolaires. Plus loin, à sa droite, un jeune couple et un autre plus âgé se prélassent. Il se tourne vers la gauche, et aperçoit deux femmes isolées. De type européen, elles se dorent la pilule, l’une sur le dos et l’autre sur le ventre. Elles offrent au soleil, encore timide à cette heure, leurs corps tout blancs et enduits de crème solaire. À la fin de leurs vacances, elles prévoient de repartir toutes bronzées comme des crêpes au sarrasin. Pitt détourne la tête et regarde le reste du monde. Hors de question, Peter Teach ! se raisonne-t-il. Il n’a aucune envie de revivre une nouvelle aventure aussi dramatique que celle qu’il a connue à Chinon, en Indre-et-Loire. Du reste, il a très envie d’y retourner, car il aime beaucoup cette ville médiévale où a vécu le roi Charles VII. De plus, l’héroïne Jeanne d’Arc est venue rencontrer ce dernier, deux fois, et a séjourné dans la Forteresse royale. Lors de sa première visite à la forteresse, ce qui a le plus interloqué Pitt, c’est l’emprisonnement des hauts dignitaires de l’Ordre du Temple, au donjon de la tour du Coudray. Parmi eux se trouvait le grand maître Jacques de Molay. Et puis, on y mange bien et boit comme dans les livres Pantagruel et Gargantua de l’écrivain François Rabelais, qui serait né près de Chinon en 1494 ! se réjouit-il.
Il se détourne de l’appel des sirènes, résigné, car son petit cœur est encore meurtri et la douleur ne se calmera pas de sitôt. Allongé sur le dos, il fixe la barrière formée par le récif corallien. Au loin, un bateau traverse la mer sur la ligne d’horizon qui s’apparente à un arc de cercle dans l’espace bleuté. C’est alors que Pitt plonge dans l’histoire de cette belle île de l’océan Indien.
De même que La Réunion et Rodrigues, Maurice est une île volcanique qui fait partie de l’archipel des Mascareignes dans l’océan Indien. Sa superficie est de mille huit cent soixante-cinq kilomètres carrés, et donc moins grande que son île sœur. En effet, l’île de La Réunion compte environ deux mille sept cents kilomètres carrés, étalés du littoral à la montagne, du battant des lames au sommet de la montagne comme a écrit Catherine Lavaux, dans un ouvrage en 1973. Son point culminant est le piton de la Petite Rivière, qui s’élève à huit cent vingt-huit mètres, alors que le Piton des Neiges de La Réunion culmine à trois mille soixante et onze mètres. L’île Maurice est surtout connue pour ses magnifiques plages où les touristes d’Europe et d’Asie se retrouvent en été. La barrière de corail qui l’entoure protège le lagon rempli de coraux et de poissons tropicaux. Les plages, bordées de cocotiers, sont également ombragées par des filaos, arbre à feuilles de prêle, dont l’espèce est originaire d’Asie du Sud-Est et d’Australie.
L’île de La Réunion, quant à elle, fait l’admiration du monde entier depuis 2010, car ses hauts pitons, ses pics et remparts vertigineux sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Si l’île Maurice ne compte plus de volcan en activité, celui de La Réunion se donne en spectacle tous les ans, en éjectant de la lave en fusion et fluide, qui dévale quelquefois les pentes jusqu’à la mer. En effet, le Piton de La Fournaise est l’un des volcans les plus actifs au monde, tout comme celui d’Hawaï. Pitt compare souvent les deux îles car il adore promouvoir son péï (pays) comme il l’appelle, auprès du monde entier. À vrai dire, les sites et les paysages sont grandioses à couper le souffle du diable lui-même.
Pourtant, pendant très longtemps, l’île Maurice a été la destination préférée des Européens pour passer des vacances idylliques. Il reconnaît qu’une semaine dans un hôtel de luxe au bord du lagon bleu mauricien vaut bien le détour, car très dépaysant et relaxant. De plus, les Mauriciens sont très accueillants et aux petits soins pour ses visiteurs. Marcher sur le sable corallien, nager dans l’eau bleue transparente, se laisser caresser par les alizés sont des moments de pure allégresse pour les touristes qui veulent fuir la folie des grandes métropoles européennes.
Pitt s’est beaucoup imprégné de l’histoire des trois îles depuis sa jeunesse. Par exemple, adolescent, c’est grâce au roman de Bernardin de Saint-Pierre qu’il a découvert l’existence de l’île voisine à la sienne. À partir de 1768, Bernardin demeura trois ans aux Mascareignes. En 1773, à son retour à Paris, il publia un gros ouvrage intitulé Voyage à l’Île-de-France, à l’île Bourbon et au cap de Bonne-Espérance par un officier du roi. Puis en 1788, son roman Paul et Virginie est publié. C’est un roman pastoral qui décrit l’idylle et le bonheur à l’état sauvage de deux adolescents, qui vivent sur une île paradisiaque. Pitt trouve que la fin est trop triste à son goût. Plus tard, Jean-Jacques Debout a immortalisé les deux protagonistes du roman, dans sa chanson Redeviens Virginie (Paul et Virginie), écrite en 1973. Les paroles résonnent encore dans la mémoire de Pitt :
Pour un jour, une nuit
Redeviens Virginie
Laisse là ta vie
Pour vivre l’amour le plus sage.
Au passage, Pitt en veut beaucoup aux colons de l’époque. En effet, les deux îles ont abrité le dodo, une espèce d’oiseau endémique qui s’est éteinte moins d’un siècle après sa découverte. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, ils ont été victimes de ces hommes qui avaient besoin de nourriture et de viande fraîche. Ces oiseaux, plus gros que des dindons, ne pouvant voler, étaient des proies faciles pour les marins affamés et les nouveaux colonialistes.
Pitt préfère revenir aux origines de l’histoire des deux îles sœurs. Il est important de préciser que ces îles étaient inhabitées avant leur découverte par le portugais Diego Fernandes Pereira vers 1507. Mais c’est à partir de 1598 que les Hollandais colonisèrent l’île Maurice. Ensuite les Français l’occupèrent à partir de 1715 et la nommèrent Isle de France. Au début du XVIIIe siècle, l’océan Indien devint un carrefour du réseau commercial reliant les territoires de l’Empire britannique pour le transport de marchandises. Pendant les guerres napoléoniennes, l’Amirauté britannique neutralisa des bases hollandaises du Cap de Bonne-Espérance et de l’île de Java, afin qu’elles ne deviennent pas les repaires des corsaires.
S’il croyait en la réincarnation, ce serait à cette époque que Pitt vivrait son aventure de corsaire.
Les possessions françaises, l’île Bonaparte et l’Isle de France posaient le plus de problèmes aux Anglais, car elles étaient défendues par de puissantes garnisons armées. Ainsi, entre 1808 et 1810, les deux puissances coloniales s’adonnèrent à une pratique sadique comme Le jeu du chat et de la souris. Elles se sont livré plusieurs batailles meurtrières. Des frégates modernes et rapides, dont la Caroline sous le commandement du contre-amiral Jacques Hamelin, attaquaient des convois britanniques. Le plus audacieux des commandants britanniques, Josias Rowley s’opposa avec ruse aux attaques françaises. Mais, incapable de poursuivre les rapides frégates françaises, Rowley décida de bloquer et d’attaquer les deux îles françaises en attendant le retour de Hamelin. Lorsque la Caroline débarqua à la baie de Saint-Paul, à l’île Bonaparte, avec ses butins, Rowley s’empara aussitôt des navires qui s’y trouvaient, dont la Caroline. Mais le Français Hamelin qui n’avait pas dit son dernier mot déploya ensuite de nouvelles frégates. L’une des escadres fut menée par lecapitaineGuy-Victor Duperré pour arraisonner d’autres navires.
Ce nom, Pitt s’en souviendra toujours. En effet, il a découvert la statue du capitaine sur la place du même nom à La Rochelle. Cette ville a été le théâtre de départ de navires transportant des esclaves vers les colonies. De plus, c’est à La Rochelle que la lutte de Pitt contre le vengeur allemand, s’est mal terminée. Puis en juillet 1810, Rowley revint avec une flotte plus importante et s’empara cette fois-ci de Saint-Denis, la capitale de l’île Bonaparte. Elle devint alors une possession anglaise.
Pitt aurait aimé faire partie de la bataille pour défendre la terre de ses ancêtres. Il aurait encouragé les militaires de la garnison en reprenant les chansons remplies d’espoir des Petits chanteurs à la croix de bois. Il aime beaucoup ce groupe de jeunes à la voix cristalline ou grave. Les petits chanteurs sont formés dans le cadre d’un projet éducatif intégral, musical et aussi missionnaire, unique en France. Créé en 1907, l’établissement réputé dans le monde entier est composé d’un internat, d’une école, d’un collège, et d’un lycée. Il est situé à Autun, en Saône-et-Loire, en Bourgogne. Ils sont admis du CM1, cours moyen un, à la Terminale, et parcourent toute la France pour des concerts, notamment dans les églises. La chanson préférée de Pitt est incontestablement la reprise de l’Ave Maria, composée par Franz Schubert en 1825. En 1967, la première fois qu’ils sont venus à La Réunion, il se souvient avoir senti se dresser les poils de ses bras. Il avait été emporté par la voix angélique et pure du soliste, accompagné au piano avec maestria.
Dans la lutte féroce pour détenir le port de l’Isle de France, une escadre menée par Duperré remporta la bataille navale de Grand Port qui l’opposa aux navires britanniques. Elle fut une grande victoire française durant le régime napoléonien et figure sur l’Arc de triomphe de Paris. Mais elle fut de courte durée car les Anglais sont revenus rapidement à la charge.
Finalement, en décembre 1810, les Britanniques vinrent à bout des flottes françaises et occupèrent l’île. Lors du Traité de Paris de 1814, l’île Bonaparte fut officiellement rétrocédée à la France, et renommée à nouveau île de La Réunion. L’Isle de France quant à elle, cédée au Royaume-Uni, redevint l’île Maurice. Le douze mars 1868, elle prit son indépendance.
Ah ! si la machine à remonter le temps existait, Pitt donnerait son royaume pour rencontrer Surcouf, le roi des mers. Autant l’avouer, ce qui l’a toujours intéressé, c’est incontestablement l’histoire des pirates et des corsaires qui ont écumé l’océan Indien. Les pirates, ainsi que les flibustiers et les boucaniers étaient des vagabonds des mers qui excellaient dans le pillage des riches navires qui traversaient la région. Ceux des Britanniques et des Portugais étaient particulièrement visés car ils transportaient souvent des marchandises d’une grande valeur. Cependant, les pirates et les autorités anglaises et françaises se surveillaient comme des chiens de faïence. Dès lors, ils étaient contraints d’user de stratégie lorsqu’ils ne possédaient pas des bâtiments avec des tirants d’eau assez importants pour poursuivre sans danger les navires ennemis. Pour les Français par exemple, l’idée était d’équiper des frégates plus légères. Quelquefois, il fallait les armer à la hâte avec quelques canons et quelques hommes, alors que leurs adversaires en possédaient beaucoup plus. Leur objectif était surtout de tirer sur le pont du navire des pirates par un seul tir à l’avant, afin d’obtenir une reddition pacifique. L’objectif initial n’était pas de trouer les navires à coup de boulets rouges, car ils étaient ensuite revendus.
Une autre tactique consistait à les surprendre lorsqu’ils mouillaient dans des eaux peu profondes, afin qu’ils ne puissent prendre le large à toute vitesse. Le jour pouvait être le moment idéal, car les pirates avaient passé la nuit à s’enivrer de bons vieux rhums jusqu’à l’aube, ils devenaient donc vulnérables.
Mais le plus terrible des combats restait l’abordage, soit par une collision entre les deux bâtiments, soit par un assaut d’un navire à l’autre, après avoir subi les feux des canons ennemis.
Pitt se remet en tête les combats qu’il regardait les yeux grands ouverts, dans les films de pirates comme Le corsaire rouge, avec le charismatique Burt Lancaster, sorti en 1953 et réalisé par Robert Siodmak. Le rôle du capitaine de navire pirate était d’empêcher son bateau de chavirer tout en gardant la voilure, et permettre une approche facile, quel que soit l’état de la mer et des vents. Il utilisait plusieurs facteurs qui lui permettaient de déterminer la vitesse d’un navire, le tirant d’eau, ainsi que tous les risques pour la navigation. Il revoit également le film À l’abordage avec Errol Flynn, réalisé par George Sherman et sorti en 1952. Au XVIIe siècle, Brian Hawke, interprété par Errol Flynn, un officier de la marine britannique, recevait la mission de s’infiltrer dans un groupe de pirates régnant sur la région de Madagascar. Soupçonné, il échappe à la mort grâce à une belle pirate, jouée par la rousse Maureen O’Hara. Il l’avait vu dix ans après sa sortie, comme tous les films tournés pendant cette décennie.
Par ailleurs, les galions de riches navires marchands faiblement armés craignaient d’être pourchassés par des bateaux de combats plus légers et rapides. Afin de les prendre par surprise, les pirates avaient pris pour habitude de hisser le drapeau du pays pour tromper l’ennemi. Malgré tout, il était rare de les capturer sans coup férir. Alors, l’abordage tant redouté pouvait se dérouler avec perte et fracas. Après plusieurs sommations, les navires qui refusaient de se rendre subissaient l’attaque. Le mât et le gouvernail étaient les premières cibles à être détruites, car il fallait empêcher le navire de virer de bord pour pouvoir le harponner. Cela donnait lieu à des batailles effroyables où les piratesse ruaient sur leurs victimes comme des loups affamés.Ils ouvraient le feu en échangeant des coups de pistolets, et abattaient de nombreux adversaires. Certains étaient pris en otage dans la cale, d’autres qui se montraient récalcitrants étaient exécutés ou jetés par-dessus bord. Ils mettaient à sac les cabines, pour rechercher de l’or, des bijoux, et autres trésors. Quelques hommes acceptaient de devenir pirates pour sauver leur peau. Le reste était débarqué sur des îles désertes ou abandonné dans des canots en pleine mer avec très peu de provisions. Les assaillants ne connaissaient pas la pitié, souvent anarchistes et athées, constate Pitt.
Le plus extravagant, c’est que les pirates prenaient un malin plaisir à laisser des messages insensés au sujet de leurs trésors. Barbe Noire, de son vrai nom Edward Teach, est un célèbre pirate anglais du XVIIe siècle qui a opéré dans les Antilles. C’est en allant voir le film de Raoul Walsh datant de 1952, que Pitt a découvert la coïncidence avec son nom. Tué par l’officier britannique Robert Maynard le vingt-deux novembre 1718, Barbe Noire le pirate aurait dit le jour de sa mort :
Entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, Port-Louis, la capitale de l’Isle de France, était devenue le repaire des corsaires qui portaient des coups dantesques à la marine anglaise. Ils étaient détenteurs de lettres de marque remises par le gouverneur de l’île. Alors, ils pouvaient capturer des navires ennemis et s’en donner à cœur joie en devenant les terreurs des mers. Entre 1779 et 1781, plus d’une centaine de bâtiments furent capturés et ramenés à Port-Louis. Le port connut son essor grâce aussi à la venue de navires étrangers qui venaient acheter les marchandises issues des prises. Le comte français de Malartic, nommé gouverneur de l’île en juin 1792, établit un accord avec les corsaires pour une protection contre les Anglais, et pour l’approvisionnement de l’île qui subissait un blocus.
Si de nombreux corsaires français combattirent la marine anglaise, le plus célèbre d’entre eux fut indéniablement Robert Surcouf, qui avait fait de Port-Louis son port d’attache.
Pitt rêvait beaucoup de cette époque où il aurait aimé être aux côtés du fameux corsaire pour guerroyer contre les Britanniques et les voleurs de trésor. Une nuit de lune noire, dormant profondément, il songea qu’il était sur un petit bâtiment, La Confiance, commandé par Surcouf accompagné de cent trente marins à bord. Ce matin d’octobre 1800, sa route croisa celle d’un puissant navire de mille cinq cents tonneaux, armé de trente-huit canons, et avec à son bord quatre cent trente-sept marins et soldats. Le corsaire admit que Le Kent était aussi haut que les tours de Londres. Pitt, très hautain, debout près du timonier, était habillé d’une veste bleu marine militaire à boutons dorés, d’un foulard blanc noué autour du cou. Il portait aussi un tricorne en feutre noir et des guêtres en cuir noir. Les hommes de l’équipage étaient vêtus de chemises amples et blanches, de pantalons courts et de foulards colorés. Ils arboraient également autour de la taille, des ceintures contenant des couteaux et des pistolets.
Auprès de cette forteresse des océans, le petit bâtiment semblait si frêle. C’était sans compter sur le grand stratège Surcouf et Pitt, son habile second. Manœuvrant avec dextérité, Surcouf réussit à placer son navire sous la ligne de tir des canons anglais tandis que ceux de La Confiance endommageaient les ailes du puissant vaisseau britannique. Pitt, pour encourager les matelots, entonna la chanson Santiano de Hugues Auffray, sorti en 1961. Il l’interpréta sur un rythme effréné et plus joyeux. La version originale, qui serait un chant marin datant du XVIIIe siècle, était plus lente, et souvent chantée dans les veillées et les feux de camp. Les matelots, emportés par la fougue du jeune moussaillon, chantèrent en chœur avec lui :
Tiens bon le cap et tiens bon le flot
Hissez haut ! Hissez haut !
Santiano !
Sur la mer qui fait le gros dos
Nous irons jusqu’à San Francisco !
Pendant la sanglante bataille, Pitt manœuvra le gouvernail avec vigueur afin de préserver le navire des tirs de l’ennemi. Les hommes des deux navires guerroyaient avec hargne, chacun ne voulant céder à l’ennemi. Pitt, voulant en découdre, abandonna le gouvernail à un matelot. Il se jeta sur les hommes du Kent avec son épée se terminant par un long sabre très acéré. Il asséna des coups terribles à ses adversaires, dans le cou, le flanc et le thorax. Ils tombèrent comme des mouches. Les coups de sabre de ses ennemis l’effleuraient à peine, il semblait immortel. D’autres marins accoururent pour tenter de venir à bout du forcené qu’il devint, en vain. Après de nombreux coups de pistolets, de coups d’épée, les adversaires succombèrent les uns après les autres. Ils finirent par se rendre. Surcouf s’empara du majestueux Kent sans laisser de plumes, alors que du côté adverse les pertes furent très lourdes.
Cette magnifique prise créa un enthousiasme extraordinaire parmi les habitants de l’Isle de France, mais qui ne dura pas longtemps. En effet, quelques années après, les Anglais prirent possession de l’île et la nommèrent à nouveau Ile Maurice. Surcouf continua à naviguer dans l’océan Indien pendant plusieurs années, tout en séjournant plusieurs fois à Saint-Malo. Marin exceptionnel, et féroce combattant, il devint un véritable héros à l’île Maurice. À chacune de ses escales à Port-Louis, la population mauricienne lui fit un superbe accueil. Il acquit une magnifique maison au cœur de Port-Louis, située à l’arrière de l’hôtel du gouvernement.