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Azur (1888) et
Proses profanes (1896) inauguraient avec éclat le modernisme, mouvement littéraire qui s’était imposé dans le monde hispanique à la fin du XIXe siècle.
Une fiche de lecture spécialement conçue pour le numérique, pour tout savoir sur Poésie, 1900-1940
Chaque fiche de lecture présente une œuvre clé de la littérature ou de la pensée. Cette présentation est couplée avec un article de synthèse sur l’auteur de l’œuvre.
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Seitenzahl: 110
Veröffentlichungsjahr: 2015
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ISBN : 9782341002462
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Azur (1888) et Proses profanes (1896) inauguraient avec éclat le modernisme, mouvement littéraire qui s’était imposé dans le monde hispanique à la fin du XIXe siècle. Chants de vie et d’espérance (1905) en manifeste l’épanouissement. Reconnu comme le héraut d’une esthétique nouvelle, le poète nicaraguayen Rubén Darío (1867-1916) est alors âgé de trente-huit ans. Publié à Madrid, le livre contient 59 poésies. Dans une brève adresse « Au lecteur », l’auteur résume son art poétique, fondé sur le respect de « l’aristocratie de la pensée » et « la noblesse de l’Art ». Et sans fausse modestie, il ajoute : « Le mouvement de liberté qu’il me revient d’avoir inauguré en Amérique s’est propagé jusqu’en Espagne, et autant ici que là-bas le triomphe est assuré. » Puis, dénonçant « la momification du rythme » qui témoigne d’une « expression poétique ankylosée », il invite au retour d’un mètre classique, l’hexamètre, ou à l’essor du « vers libre moderne ». « N’est-il pas singulier, écrit-il, qu’au pays des Quevedo et des Góngora, les seuls innovateurs de l’instrument lyrique, les seuls libérateurs du rythme, aient été les poètes du Madrid Comique et les librettistes d’opérettes ? Je fais cette observation parce que la forme est la première chose qui touche la foule. »
Désormais l’inspiration de Darío s’ouvre largement à l’œcuménisme hispanique, qu’il avait provoqué dans la littérature, mais qui doit désormais envahir un autre domaine : « Si dans mes Chants il y a de la politique, c’est parce que celle-ci paraît universelle. » Le titre du livre s’applique aussi à la ferveur avec laquelle est exaltée l’hispanité, toujours menacée par l’impérialisme du Nord.
Le recueil est composé de trois parties. Quatorze poèmes en forment la première (sans titre), qui s’ouvre sur une pièce mélodieuse, rappel nostalgique du temps passé : « Je suis celui qui vous disait hier/ le vers azur et la chanson profane,/ et dans sa nuit chantait un rossignol/ qui devenait à l’aube alouette de lumière... » Le poème suivant, « Salutation de l’optimiste », adaptation éblouissante de l’hexamètre gréco-latin, est un hymne aux races de « l’Hispanie féconde ». La même véhémence dans l’ode fameuse « À Roosevelt » suggère l’affrontement épique de l’Amérique « à l’âme barbare » et de l’Amérique « fille du soleil ». Outre d’autres poésies sur des thèmes divers (« Au Roi Oscar », « Cyrano en Espagne », « Pégase », « Helios », « Spes »), « La Marche triomphale », mêlant modernité et mythologie, célèbre l’indépendance de l’Argentine.
La seconde partie (Les Cygnes) est dédiée à Juan Ramón Jiménez, qui avait veillé à l’impression du livre. Elle comprend quatre poèmes. Dans un style parnassien, qui rappelle la poésie française de Leconte de Lisle ou de José Maria de Heredia, le poète confie au cygne ses inquiétudes de « fils de l’Amérique » : « Serons-nous donc livrés aux barbares féroces ?/ Tant de millions d’hommes, parlerons-nous anglais ?/ N’est-il plus de nobles hidalgos ni de braves chevaliers ? »
Enfin, la troisième partie (Autres poèmes) rassemble 41 poésies, notamment sur le printemps, la douceur de l’angélus, un soir des tropiques, un « Nocturne », alternant avec des hommages au Don Quichotte de Cervantès, au peintre espagnol Goya ou au marquis de Bradomín, le don Juan imaginé par l’écrivain espagnol Valle-Inclán.
Au long du livre la voix de l’âme, alliée au plaisir ludique des rimes sonores ou des rythmes savants, se fait entendre pour dire « l’horreur de se sentir passager, l’horreur d’avancer à tâtons, le cauchemar brutal de ce songe plein de sanglots ». À ces angoisses se joint une incessante aspiration à l’amour.
Dégagé de l’exubérance formelle au profit d’une parole essentielle et de l’idéal d’édification d’une communauté hispanique, Chants de vie et d’espérance n’en prolonge pas moins, par certains traits, l’esthétique du modernisme. D’un ton plus grave que les précédents, ce recueil reflète la mélancolie, ou les désillusions, d’une conscience prise par le mystère de la vie et le vertige du néant. Les recueils ultérieurs (Le Chant errant, 1907 ; Poème de l’Automne et autres poèmes, 1910), où l’inspiration semble se tarir, prolongeront seulement la musique des vers et l’exaltation de la nature américaine. Chants de vie et d’espérance, qui marque la plénitude du génie poétique de Rubén Darío, a ouvert la voie au renouvellement de la poésie, aussi bien en Espagne qu’en Amérique latine.
Bernard SESÉ
À l’instar de Nadja, publié neuf ans plus tôt et dont il est à la fois le prolongement et le versant opposé, L’Amour fou est un ouvrage inclassable, qui mêle réflexions théoriques, récit autobiographique et poésie pure, le tout accompagné d’illustrations photographiques. Véritable « livre culte », il compte parmi les œuvres réputées « à vivre » plus encore qu’à lire, et qui, au-delà même de leur impact littéraire, auraient le pouvoir de déterminer des comportements, d’influencer des existences. Le pouvoir, et peut-être l’objectif, si l’on se souvient que aux yeux des surréalistes, nulle œuvre d’art ne valut jamais la vie même, comme le suggérait déjà fortement André Breton (1896-1966) dans Le Manifeste du surréalisme (1924) : « Qu’on se donne seulement la peine de pratiquer la poésie. »
Paru en février 1937 à la N.R.F., L’Amour fou se compose de sept chapitres dont les cinq premiers avaient fait l’objet d’une prépublication en revue, entre décembre 1933 et août 1936. Ce n’est qu’à cette date que Breton, frappé de la proximité de textes indépendants à l’origine, eut l’idée de les réunir en un volume, complété de deux autres textes rédigés à la hâte. Les trois premiers chapitres abordent le thème général de la rencontre. C’est d’abord une méditation sur l’amour et la « beauté convulsive » sur laquelle s’achevait Nadja, méditation entrecoupée de scènes fantasmatiques et d’anecdotes réelles. Breton commente ensuite les résultats d’une enquête effectuée auprès des lecteurs de la revue Minotaure (« Pouvez-vous dire quelle a été la rencontre capitale de votre vie ? »). C’est l’occasion d’une série de réflexions sur un thème clé du livre : le hasard, qui se prolonge par le récit d’une promenade au marché aux Puces avec Alberto Giacometti, au cours de laquelle chacun fait une « trouvaille », un objet étrange et mystérieux qui, d’une certaine façon, vient combler un manque. Vient alors le moment de la rencontre amoureuse proprement dite : dans le chapitre IV, l’auteur rapporte sa longue traversée nocturne de Paris en compagnie d’une jeune femme « scandaleusement belle » dont il vient de faire la connaissance et qui va devenir sa femme. Peu après, il constate les « bouleversantes concordances » entre ce qu’il vient de vivre et un poème écrit plus de dix ans plus tôt, « Le Tournesol ». Le chapitre suivant évoque un séjour du couple à Ténériffe, précisément dans les jardins d’Orotava, véritable lieu paradisiaque. En contrepoint, au chapitre VI, lors d’une marche en Bretagne, leur amour connaît une ombre passagère, qui se révélera un peu plus tard, aux yeux de Breton, avoir été provoquée par l’influence pernicieuse du lieu, jadis théâtre d’un assassinat. Enfin, l’ultime chapitre est une lettre adressée par l’auteur à sa fille – surnommée Écusette de Noireuil, alors âgée de huit mois –, pour qu’elle la lise lorsqu’elle aura seize ans.
L’amour fut la grande affaire de Breton et des surréalistes : « Amour, seul amour qui soit, amour charnel, je t’adore, je n’ai jamais cessé d’adorer ton ombre vénéneuse, ton ombre mortelle. » Affaire personnelle, vécue et rapportée dans ce récit en partie autobiographique (il y est question de la rencontre de l’auteur avec sa deuxième femme, Jacqueline Lamba) ; affaire théorique aussi, ou pour mieux dire éthique, à la fois poétique et politique. En ce sens, L’Amour fou pourrait être considéré comme un troisième manifeste du surréalisme. Le titre même a valeur programmatique : à une expression cliché, prise volontiers avec distance et ironie, l’auteur redonne sa pleine et entière signification. L’amour doit être fou comme tout véritable amour, c’est-à-dire libre, révolutionnaire, scandaleux, irréductible à toute règle sociale, toute loi rationnelle... surréaliste en somme.
Ici comme dans Nadja, mais cette fois de manière plus « heureuse », la femme aimée initie Breton aux mystères du hasard. L’amour lui ouvre les portes d’un monde de coïncidences, d’analogies, de correspondances. Là, sous le patronage de la dialectique hégélienne, se réconcilient les contraires : amour unique et amours multiples (« dans tous ces visages de femmes qu’un visage : le dernier visage aimé »), hasards objectif et subjectif (« il arrive cependant que la nécessité naturelle tombe d’accord avec la nécessité humaine d’une manière assez extraordinaire et agitante pour que les deux déterminations s’avèrent indiscernables »), présent et passé (« le caractère minutieux du récit de quelque chose qui ne s’est pas passé »), fiction et réalité (« entre les événements que l’esprit s’est plu à agencer et les événements réels un incessant parallélisme »), etc. Et peut-être faut-il compter au nombre de ces antinomies résolues celle qui semble opposer le désordre de l’amour fou et de la « beauté convulsive » « érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle », avec son cortège d’images lyriques, sidérantes, violentes même, à l’ordre extrême de la phrase de Breton, complexe, précise, analytique, corsetée, archi-classique en un sens : « Seule, en effet, la référence précise, absolument consciencieuse, à l’état émotionnel du sujet au moment où se produisirent de tels faits, peut fournir une base réelle d’appréciation. C’est sur le modèle de l’observation médicale que le surréalisme a toujours proposé que la relation en fût entreprise. »
Guy BELZANE
Être grec en pays étranger, condamné par l’exil à la nostalgie du pays natal, tel est le destin de Georges Séféris (1900-1971) naît à Smyrne, sur une terre qui n’allait pas rester longtemps grecque. Fils d’un intellectuel qui fit ses études en France, Séféris entre à l’École normale classique d’Athènes puis fait son droit à Paris où sa famille s’installe en 1918. En 1922, l’armée grecque connaît la déroute en Asie Mineure, Smyrne est incendiée par les Turcs. Séféris gagne Londres deux ans plus tard pour y perfectionner son anglais, espérant réussir l’examen du ministère des Affaires étrangères. Sa carrière littéraire commence par quelques poèmes, une traduction de La Soirée de M. Teste de Paul Valéry, et la publication en 1931 de son premier recueil, Strophe. Vice-consul à Londres où il rencontre le poète américain T. S. Eliot, Séféris publie à compte d’auteur Mythologie (1935), puis des traductions de Jouve, Eluard, Michaux.
Lorsque les troupes nazies envahissent la Grèce en 1941, Séféris condamne violemment « l’extermination systématique des petites nations ». Jusqu’à la libération d’Athènes en octobre 1944, il poursuit une action politique orientée vers la résistance et continue d’écrire. Ambassadeur, il est nommé dans plusieurs pays du Proche-Orient puis à Londres, en 1957. En 1963, Séféris reçoit le prix Nobel de littérature et, lors du coup d’État militaire en Grèce, en avril 1967, il refuse d’enseigner à Harvard : « Si la liberté d’expression manque dans un seul pays, elle manque partout ailleurs », déclare-t-il. En 1971, il écrit Sur les asphaltes, son dernier poème, et meurt à Athènes le 20 septembre.