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La poésie est d'autant plus difficile à définir qu'elle recouvre une pratique très diversifiée, plus qu'un genre particulier. Mais, tout autant que sa diversité, frappe son universalité, qui invite à chercher, par-delà ses multiples variantes linguistiques et historiques, les critères constants qui la distinguent d'autres pratiques littéraires.
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Seitenzahl: 45
Veröffentlichungsjahr: 2016
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ISBN : 9782341004497
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La poésie est d’autant plus difficile à définir qu’elle recouvre une pratique très diversifiée, plus qu’un genre particulier. Mais, tout autant que sa diversité, frappe son universalité, qui invite à chercher, par-delà ses multiples variantes linguistiques et historiques, les critères constants qui la distinguent d’autres pratiques littéraires. La forme versifiée a longtemps constitué la caractéristique majeure de la poésie ; une évolution récente, et d’ailleurs limitée à certaines aires culturelles, tend à la dissocier du vers. Il convient cependant d’interroger d’abord celui-ci, pour tenter d’en ressaisir la fonction et la structure profonde, qui n’engage pas seulement la forme du poème, mais la manière dont il informe l’expérience humaine. On y découvrira la coexistence de deux principes d’organisation, contradictoires et complémentaires : un principe de rupture, qui fait du vers une séquence interrompue par un blanc ou un silence, et un « principe d’équivalence » (Roman Jakobson), qui structure l’unité supérieure (strophe ou poème à forme fixe) par la récurrence de mètres, de coupes et/ou de sonorités identiques.
Cette régularité a longtemps exercé une influence prépondérante sur le fonctionnement de la signification poétique, sur la construction du sujet lyrique et sur sa vision du monde, dominés par l’analogie. La remise en cause de la versification traditionnelle a renversé l’équilibre entre ces principes concurrents : dans la poésie moderne, la discontinuité l’emporte souvent sur la régularité, et retentit à tous les niveaux de la forme et de la signification poétiques, désormais placées sous le signe de la dissonance et de la différence. La recherche systématique des ruptures brise les correspondances que la tradition établissait entre le moi, le monde et les mots ; les avant-gardes ont souvent dissocié ces trois termes de l’expérience poétique pour placer un seul d’entre eux au cœur de leurs expérimentations.
L’histoire récente de la poésie a été ainsi marquée par les tentatives ou les tentations rivales de l’expressionnisme, de l’objectivisme et du littéralisme, qui ont été la source de multiples innovations, mais qui ont parfois compromis la communication, si bien que le contraste est aujourd’hui frappant, dans de nombreux pays, entre la vitalité et l’inventivité de la production poétique et la réduction progressive de son audience auprès du public et de son influence dans la vie culturelle, artistique et intellectuelle. Face à cette situation préoccupante, la communication poétique est sans doute à réinventer.
Aux origines de toutes les littératures, la forme versifiée apparaît en relation étroite avec la tradition orale. Les pauses et les récurrences qui la caractérisent sont liées aux nécessités de la vocalisation, de la mémorisation et de la communication. Répétitions et parallélismes allégeaient la tâche du récitant et permettaient à ses formules de se graver plus facilement dans l’esprit des auditeurs. Le rythme du vers épouse les mouvements du corps parlant, chantant, voire dansant : les termes grecs d’arsis et de thésis, qui désignent les temps faibles et les temps forts, évoquent le geste de frapper la mesure. Tous ces traits concourent à distinguer la parole ainsi mise en forme de son usage ordinaire, à lui conférer une valeur esthétique, souvent soulignée par un accompagnement musical, et parfois une valeur idéologique : le poète est dépositaire d’une vérité, profane ou sacrée.
Aussi la poésie se confond-elle presque au départ avec la littérature. Elle a longtemps accueilli une très grande diversité de genres, que l’on peut, suivant la tradition aristotélicienne, classer selon trois catégories fondamentales, définies par des modes d’énonciation différents : genres lyriques, comme l’ode ou l’élégie, où le poète est en général seul à parler ; genres narratifs, comme l’épopée, où la voix du narrateur alterne avec celle des héros ; genres dramatiques, comme la tragédie ou la comédie, où la parole est entièrement déléguée aux divers personnages. À mesure que se développent les littératures écrites, on assiste à l’émergence de nombreux genres en prose et à une spécialisation croissante de la poésie, qui se limite de plus en plus aux genres lyriques. Ces derniers se constituent en France à la fin du Moyen Âge, en même temps que les formes fixes, au moment même où le roman abandonne le vers. Et le drame en prose naît au XVIIIe siècle sur les cendres de la tragédie classique. On rapporte en général cette évolution à deux phénomènes corollaires : le développement d’une littérature « réaliste », qui rejette le moule unificateur du vers pour s’ouvrir à la diversité de la vie sociale et individuelle, et la promotion de la « subjectivité littéraire ».
Mais il ne faut pas s’empresser d’opposer le