Poésie moderne - Encyclopaedia Universalis - E-Book

Poésie moderne E-Book

Encyclopaedia Universalis

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Bienvenue dans la collection Les Fiches de lecture d’Universalis

Lorsque paraît son premier recueil en octobre 1953, sous la couverture bleutée des éditions du Mercure de France, Yves Bonnefoy n’a publié qu’une plaquette, Traité du pianiste (1946).

Une fiche de lecture spécialement conçue pour le numérique, pour tout savoir sur Poésie moderne

Chaque fiche de lecture présente une œuvre clé de la littérature ou de la pensée. Cette présentation est couplée avec un article de synthèse sur l’auteur de l’œuvre.

A propos de l’Encyclopaedia Universalis :

Reconnue mondialement pour la qualité et la fiabilité incomparable de ses publications, Encyclopaedia Universalis met la connaissance à la portée de tous. Écrite par plus de 7 400 auteurs spécialistes et riche de près de 30 000 médias (vidéos, photos, cartes, dessins…), l’Encyclopaedia Universalis est la plus fiable collection de référence disponible en français. Elle aborde tous les domaines du savoir.

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Seitenzahl: 91

Veröffentlichungsjahr: 2015

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Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

ISBN : 9782341002493

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

Photo de couverture : © Monticello/Shutterstock

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Bienvenue dans ce dossier, consacré à des fiches de lecture sur la Poésie moderne, publié par Encyclopædia Universalis.

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DU MOUVEMENT ET DE L’IMMOBILITÉ DE DOUVE, Yves Bonnefoy (Fiche de lecture)

Lorsque paraît son premier recueil en octobre 1953, sous la couverture bleutée des éditions du Mercure de France, Yves Bonnefoy n’a publié qu’une plaquette, Traité du pianiste (1946). Quelques textes ont paru dans des revues (Les Deux Sœurs, La Part du sable, Troisième Convoi, La Révolution la nuit) qui permettent de situer son premier horizon poétique. Il s’agit moins alors pour lui de donner quitus au surréalisme d’après-guerre – Bonnefoy est de ceux qui, après 1947, assument par l’opposition une exigence de « rupture inaugurale » – que de promouvoir sa métamorphose, au début des années 1950, dans un entourage amical qui désigne d’entrée de jeu le lieu de la parole comme un lieu de pensée et un acte de présence. Des poètes proches de Bataille (Michel Fardoulis-Lagrange) ou de Sade (Gilbert Lély), un surréalisme international et ironique (Georges Henein ou Christian Dotremont), le souvenir de Benjamin Péret, la peinture italienne depuis les primitifs jusqu’à Chirico et la passion de Shakespeare accompagnent dans ces premiers poèmes la naissance d’une voix magistrale, qui allait prendre en cinquante ans une place éminente dans la littérature française.

Yves Bonnefoy. En des temps d'errance et d'obscurcissement, Yves Bonnefoy n'a cessé d'affirmer, à travers recueils de poèmes, récits en prose, essais et traductions, la nécessité d'une expérience de la parole, seule à même de nous reconduire à ce qu'il appelait le « vrai lieu ». (Marion Kalter/ AKG-images)

• L’énigme d’un nom

Le titre constitue un double mystère. Empruntant la défroque du traité philosophique ou physique, il propose au lecteur l’énigme d’un nom propre resté de bout en bout énigme. Ce nom propre en effet est aussi nom commun. Le nom « douve » est pour le dictionnaire issu « de l’action de recevoir » en soi, qu’il désigne un fossé d’eau ou la planche courbe du tonneau. Son homonyme renvoie tout ensemble au ver parasite de l’animal et à la plante supposée l’abriter. Femme ou muse, figure de la mort ou désignation pythique, le nom de Douve et son interpellation signifient dans leur mystère même l’inauguration d’une forme poétique, congé donné à certaine image surréaliste ou non, en procédant à la mise en scène, sous des formes variées, d’un dialogue où se mêlent l’abstrait et l’expérience, le corps concret et la pensée réflexive. L’épigraphe empruntée à Hegel situe la place de la mort dans ce discours refondé : « Mais la vie de l’esprit ne s’effraie point devant la mort et n’est pas celle qui s’en garde pure. Elle est la vie qui la supporte et se maintient en elle. »

• En quête de la présence

L’architecture de cet ensemble se donne, comme le souligne John E. Jackson, pour « une sorte de dramaturgie en cinq parties des rapports du Je lyrique et de Douve ». Un Théâtre de dix-neuf poèmes brefs inaugure le recueil par sa scénographie du vent et du corps féminin, à la mesure d’une profondeur où les images ne prennent plus. Les Derniers Gestes suivent, qui forment avec Douve parle le corps central du recueil, lorsque s’articulent à travers les figures du phénix et de l’errante, dans une traversée polyphonique de la nuit, le « vrai nom » à un « vrai corps », et la voix à la présence sous l’espèce d’une « parole vécue mais infiniment morte/ Quand la lumière enfin s’est faite vent et nuit ». Dans les deux derniers mouvements du recueil, L’Orangerie et le Vrai Lieu, c’est une topologie qui ouvre le champ de la vérité de parole : une orangerie solaire, puis un jour déclinant, « Illuminant le lieu où tout fut dévoilé » (La Vérité).

On a pu voir dans ce mouvement irruptif, dans l’élaboration même de cette architecture rigoureuse la trace combinée de l’alchimie et d’une ère du soupçon né du refus du concept ; la recherche nue héritée de Rimbaud d’une image qui puisse restituer l’abrupt de la présence, la conjonction d’un lieu et de la formule. De fait, le premier poème s’ouvre sur une architecture sévère et une érotique de la fulguration : « Je te voyais courir sur les terrasses, Je te voyais lutter contre le vent,/ Le froid saignait sur tes lèvres.// Et je t’ai vue te rompre et jouir d’être morte ô plus belle/ Que la foudre, quand elle tache les vitres blanches de ton sang. » Tandis que la séquence ultime (Le jour franchit le soir, il gagnera) s’achève dans un suspens à l’envers des terrasses, à l’assaut des façades et au plus noir de l’œuvre : « Ô notre force et notre gloire, pourrez-vous/ Trouer la muraille des morts ? » Quelque chose enfin, qui est de l’ordre du récit, contribue à maintenir, dans ce bref recueil, la tension d’un suspense.

On a souvent souligné combien cette voix poétique, qui assumait avec une rigueur quasi mallarméenne l’héritage du XIXe siècle, tout en portant au feu les acquis fondamentaux du surréel, et qui tout en se détournant de la parole politique ou historique ne prenait pas part aux remises en causes formelles des avant-gardes, ouvrait le champ d’une poésie française renouvelée. Dès les années 1950, Maurice Saillet accueille cette publication comme celle d’un poète « fondateur », Maurice Blanchot salue son « grand refus » et souligne sa familiarité avec l’expérience contemporaine du négatif et du droit à la mort. « Avec lui quelque chose finit », affirme Maurice Nadeau, et Georges Henein ajoute : « Yves Bonnefoy met fin à ce bal masqué du langage et, selon une double discipline d’irritation et de patience, travaille au durcissement de la parole. »

Pierre VILAR

Bibliographie
Y. BONNEFOY, Du mouvement et de l’immobilité de Douve, suivi de Hier régnant désert, coll. Poésie, Gallimard, 1970 ; Poèmes (1946-1975), ibid., 1982, rééd. 2000.
Études
M. FINCK, Yves Bonnefoy, le simple et le sens, Corti, 1989G. GASARIAN, Yves Bonnefoy, la poésie, la présence, coll. Champ poétique, Champ Vallon, Seyssel, 1986J. E. JACKSON, Yves Bonnefoy, coll. Poètes d’aujourd’hui, Seghers, Paris, 1976J. THELOT, Poétique d’Yves Bonnefoy, Droz, Genève, 1983Yves Bonnefoy, ouvrage collectif, 11e cahier du Temps qu’il fait, Cognac, 1998.

ÉTHIOPIQUES, Léopold Sédar Senghor (Fiche de lecture)

Éthiopiques : en forgeant ce néologisme pour en faire le titre du recueil de poèmes de sa maturité, publié en 1956, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor mettait en œuvre le métissage culturel dont il a si souvent fait l’apologie. Le mot « éthiopique » a manifestement une origine grecque : il est formé sur le mot aithiops, dont le sens littéral est « face brûlée, noir ». Son emploi en adjectif substantivé au pluriel évoque les Éthiopiques, le roman d’Héliodore (IIe ou IIIe siècle apr. J.-C.), tout comme il rappelle les titres que la tradition attribue aux recueils des odes (Olympiques, Isthmiques...) dans lesquelles Pindare célébrait les vainqueurs des jeux gymniques. Éthiopiques renvoie donc à l’héritage classique que l’agrégé-poète a toujours célébré. Mais par son sémantisme, ce titre met en avant la couleur noire, la « négritude », que les recueils antérieurs (Chants d’ombre, 1945 ; Hosties noires, 1948) avaient déjà glorifiée. Éthiopiques se situe au point de rencontre de l’Afrique et de l’Europe.

• Une poésie de la négritude

Le recueil rassemble dix-huit poèmes, assez divers d’inspiration et de forme, même s’ils sont unifiés par l’emploi systématique d’un type de verset ample, débordant souvent des limites de la ligne, devenu la marque de fabrique du poète Senghor. Il est complété par une Postface, « Comme les lamantins vont boire à la source », qui est en fait une défense et illustration de la poésie de la négritude.

Sans qu’il y ait une organisation rigoureuse du recueil, les poèmes sont disposés en un ordre signifiant. Cinq poèmes jouent d’abord sur des thèmes mythologiques africains : évocation de la genèse et du triomphe de l’Homme sur la Bête, dans une atmosphère symboliquement africaine ; ode au fleuve Congo ; célébration de l’ancêtre fondateur de l’empire du Ghana ; enfin deux hymnes aux rituels de la parole traditionnelle africaine. Puis viennent deux grands poèmes à la thématique plus moderne : « L’Absente » célèbre une figure féminine sur fond de campagne électorale dans la brousse sénégalaise ; « À New York » exalte la négritude de la grande ville américaine : « J’ai vu dans Harlem bourdonnant de bruits de couleurs solennelles et d’odeurs flamboyantes/ – C’est l’heure du thé chez le livreur-en-produits-pharmaceutiques/ J’ai vu se préparer la fête de la Nuit à la fuite du jour. » Au cœur du recueil, un poème original par sa forme (il s’agit d’un « poème dramatique à plusieurs voix »), consacré au personnage de Chaka, roi légendaire et organisateur, au début du XIXe siècle, de la nation zoulou. Plus que de la célébration des « martyrs bantous de l’Afrique du Sud » comme le suggérerait la dédicace, il s’agit d’une méditation très personnelle, sur les relations de la poésie et de l’action politique. Le recueil s’oriente ensuite vers une poésie plus intime, avec les « Épîtres à la princesse » – correspondance pudiquement amoureuse nourrie d’allusions à la jeune Française qui allait devenir la femme du poète en 1957. La dernière section, sous le titre « D’autres chants », rassemble des poèmes d’une tonalité discrètement mélancolique.

• Le pouvoir de nommer

L’unité thématique du recueil tient d’abord à la place donnée à l’Afrique et à la volonté de déchirer le mensonge des apparences et des préjugés : « ... et les hommes restitués à leur noblesse, les choses à leur vérité ». D’où le ressourcement des premiers poèmes, et leur exaltation d’une Afrique originaire et originelle. Puis vient le désir de manifester la place de l’Afrique dans le monde moderne, sa capacité à dire ce monde comme toute l’intimité de l’être, avec les inflexions propres de sa parole. Il est symbolique que chaque poème soit précédé d’une indication spécifiant son genre, comme le guimm (mot sérère qui est selon Senghor la « traduction exacte du grec ôdê », qui signifie « chant, poème lyrique »), ou bien l’accompagnement d’instruments africains (tabalas, kôras, khalam, balafongs...).

La Postface souligne d’ailleurs la part que les poèmes modernes d’