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On a pu dire de la poétique conçue comme discipline que son histoire coïncidait pratiquement avec celle de la réception de la
Poétique (
Poiètikè) d’Aristote (env. 385-env. 322 av. J.-C.), composée vers 340 avant J.-C.
Une fiche de lecture spécialement conçue pour le numérique, pour tout savoir sur Poétique d'Aristote
Chaque fiche de lecture présente une œuvre clé de la littérature ou de la pensée. Cette présentation est couplée avec un article de synthèse sur l’auteur de l’œuvre.
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Seitenzahl: 118
Veröffentlichungsjahr: 2015
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ISBN : 9782852295308
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Ce volume présente des notices sur des œuvres clés de la littérature ou de la pensée autour d’un thème, ici Poétique, Aristote (Les Fiches de lecture d'Universalis).
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On a pu dire de la poétique conçue comme discipline que son histoire coïncidait pratiquement avec celle de la réception de la Poétique (Poiètikè) d’Aristote (env. 385-env. 322 av. J.-C.), composée vers 340 avant J.-C. Peu d’ouvrages, en effet, ont ainsi connu une vie autonome, et d’aussi longue durée, au point de devenir, à travers les lectures successives qu’ils ont suscitées, un univers à eux seuls. Presque inconnu de l’Antiquité et du Moyen Âge, ce texte est devenu une référence capitale pour les écrivains des Temps modernes – les littératures nationales s’étant construites en rivalité active avec les Anciens. Le renouveau de la théorie littéraire, au XXe siècle, lui a également valu un regain d’intérêt.
Le texte qui nous est parvenu est pourtant l’un des plus imparfaits d’une œuvre elle-même soumise à beaucoup d’aléas dans sa transmission. Il n’a pas de plan apparent, semble très peu rédigé (certains philologues le considèrent plutôt comme un ensemble de notes réservé à l’usage privé du maître). Surtout, il est incomplet : l’essentiel est consacré à la tragédie (comparée pour finir à l’épopée, au chapitre 26 et dernier) ; manque la partie annoncée sur la comédie (et à laquelle fait allusion un autre ouvrage d’Aristote, la Rhétorique). L’omission de la poésie lyrique pourrait être en revanche volontaire. Le caractère subjectif de celle-ci cadre mal avec la conception que se fait Aristote de l’essence de la poésie ; néanmoins on ne trouve pas à proprement parler d’unification entre l’approche conceptuelle (l’imitation, chapitre 1 ; les « parties constitutives » de la tragédie, chapitre 6) et l’approche plus descriptive (par exemple l’avant-dernier chapitre, consacré aux « problèmes » homériques). L’exemple le plus net en est la tension perceptible entre le primat théorique accordé à la tragédie, idéal de la poésie, et l’admiration critique pour Homère, qualifié de « poète par excellence » (1448b 34).
La caractérisation de la poésie par la mimèsis (terme tellement surchargé d’interprétations qu’on hésite parfois aujourd’hui à le traduire simplement par imitation, pour lui préférer « représentation » – mais au risque d’atténuer le lien avec ce qu’Aristote considère comme une activité instinctive) vaut réhabilitation. Là où Platon, dans la République, condamnait un art d’illusion, Aristote soutient que la poésie, comparée au récit historique préféré par Platon, est « plus philosophique et plus noble » (1451b 5), car moins soumise au particulier. Il donne de la tragédie une définition devenue fameuse : « l’imitation d’une action noble, conduite jusqu’à sa fin et ayant une certaine étendue » (1449b 25), « formant un tout » (1450b 25), et qui, « par l’entremise de la pitié et de la crainte, accomplit la purgation des émotions » (1449b 27).
Le poète accomplit un travail d’exemplification des passions, qui en rend le spectacle plaisant, alors qu’elles sont pénibles à vivre. Cette transformation, comparée par Aristote à l’action d’un remède (katharsis), a parfois été interprétée dans un sens moral. L’intention du texte n’est pas si claire, même si elle est clairement normative : il s’agit d’établir le but de la poésie, d’exposer les moyens d’y parvenir – soit de formuler un art (tekhnè) poétique.
Le XVIe siècle italien fournit les premières éditions valables du grec (Pazzi, 1536), les premières traductions latines et vernaculaires, enfin les premiers grands commentaires, ceux de Robortello (1548), Vettori (1560), Castelvetro (1570), Buonamici (1597)... Jules-César Scaliger intègre, dans sa propre Poétique, l’enseignement d’Aristote à la culture humaniste européenne, pétrie jusqu’alors de références essentiellement latines (Horace, Virgile) ; certains ajouts aussi importants que la règle des trois unités passeront désormais, en France notamment, pour aristotéliciens. Ainsi s’impose un ensemble de principes plus ou moins intemporels : une littérature se juge-t-elle par rapport à ces principes, doit-elle en forger de nouveaux, ou bien les dédaigner ? La notion de « doctrine classique » tient à l’importance de la théorie dans le jugement sur les œuvres ; elle trouve une de ses expressions majeures dans les Réflexions sur la « Poétique » d’Aristote du père Rapin (1675). La querelle du Cid, en 1637, est une querelle de doctes ; Racine (comme presque un siècle avant lui Le Tasse, dans ses Discorsi dell’arte poetica, 1587) défendra son œuvre, de façon très consciente, par la référence à Aristote ; Lessing, dans sa Dramaturgie de Hambourg (1767-1769) prône un retour au Stagirite pour discréditer le modèle français (incarné par Voltaire), qu’il lui juge infidèle. Assimilée malgré tout au classicisme et vénérée par le néo-classicisme anglais, la Poétique sera peu lue et encore moins appréciée des romantiques. Ce rejet aboutit à la « distanciation » brechtienne, théâtre « épique » qui voudrait en finir avec les leurres de la khatarsis et de l’imitation.
François TRÉMOLIÈRES
Aristote n’est sans doute pas le philosophe le plus séduisant de l’Antiquité, celui auquel on se reporte le plus volontiers quand on veut remonter aux sources de ce que les Grecs ont nommé la « sagesse ». Mais nul n’a marqué autant que lui la philosophie et la science des siècles suivants, peut-être même – et cela jusqu’à nos jours inclusivement – la civilisation qu’il est convenu d’appeler « occidentale ». Son principal titre de gloire a été de fonder la logique, c’est-à-dire cet ensemble de règles contraignantes qui permettent de faire du discours (logos) l’usage le plus cohérent et, par là, le plus efficace. Plus préoccupé que Platon de définir et d’administrer le langage, il a su en faire l’instrument (organon) d’une pensée capable de se dominer elle-même et, par là, d’imposer sa loi à la nature. Penseur encyclopédique, il a su à la fois reconnaître la spécificité des différents savoirs, au progrès desquels il a lui-même contribué, et l’unité proprement humaine du discours qu’ils mettent en œuvre. Esprit organisateur et classificateur, il a énoncé les catégories qui structurent le langage et la pensée de l’homme.
On pourra estimer, au cours des siècles, que le système aristotélicien, devenu au Moyen Âge l’armature de toutes les scolastiques chrétiennes et musulmanes, a figé le progrès de la pensée. Mais il reste que ce système, en dépit de ses imperfections, a été le modèle de toute systématisation future. Et l’on n’a pas assez remarqué que, dans un domaine essentiel et souvent mal compris de sa philosophie, la métaphysique, Aristote a lui-même démontré l’impossibilité dernière de ramener l’être à l’unité, reconnaissant ainsi les limites de tout système, le caractère inachevé de toute synthèse et l’irréductibilité de la pensée de l’être à la pure et simple administration, scientifique et technique de ce qu’il y a en lui d’objectivable.
Aristote est né en 385 ou 384 à Stagire, petite ville de Macédoine, non loin de l’actuel mont Athos. Son père Nicomaque était le médecin du roi Amyntas II de Macédoine (le père de Philippe) et descendait lui-même d’une famille de médecins. Cette origine explique peut-être l’intérêt d’Aristote pour la biologie et, en tout cas, ses relations avec la cour de Macédoine.
En 367 ou 366, Aristote va faire ses études à Athènes et devient à l’Académie l’un des plus brillants disciples de Platon. Sorte de répétiteur ou d’assistant, réputé pour sa passion de la lecture (Platon l’appelait, peut-être avec quelque condescendance, « le liseur »), il collabore un peu plus tard à l’enseignement et publie lui-même des dialogues comme le Gryllos ou De la rhétorique (dirigé contre l’école rivale d’Isocrate), qui développent, en les exagérant même parfois (comme dans Eudème ou De l’âme), des thèses platoniciennes.
En 348, Platon meurt. Il a désigné comme successeur à la tête de l’école son neveu Speusippe. Dès l’Antiquité, des biographes malveillants ont attribué à ce choix de Platon la véritable cause de la rupture d’Aristote avec l’Académie. Aristote en gardera du moins une rancune solide contre Speusippe. La même année, peut-être sur l’instigation de son maître, Aristote avait été envoyé avec Xénocrate et Théophraste à Assos, en Troade, où il devint le conseiller politique et l’ami du tyran Hermias d’Atarnée. Parallèlement, Aristote ouvre une école, où il affirme déjà son originalité. Il y entreprend, entre autres, des recherches biologiques. En 345-344, Aristote, peut-être sur l’invitation de Théophraste, se rend dans l’île voisine de Lesbos, à Mytilène.
En 343-342, il est appelé à Pella, à la cour du roi Philippe de Macédoine, qui lui confie l’éducation de son fils Alexandre. C’est là qu’Aristote apprend la fin tragique d’Hermias, tombé en 341 entre les mains des Perses, et lui consacre un hymne. Du préceptorat lui-même et du séjour à Pella, qui s’étendent sur huit années, on ne sait pratiquement rien.
À la mort de Philippe (335-334), Alexandre monte sur le trône. Aristote retourne à Athènes, où il fonde le Lycée, ou Peripatos (sorte de péristyle où l’on se promenait en discutant), école rivale de l’Académie. Il y enseigne pendant douze ans.
En 323, Alexandre meurt au cours d’une expédition en Asie. Une réaction antimacédonienne se produit à Athènes. Aristote, en réalité suspect de macédonisme, est menacé d’un procès d’impiété. On lui reproche officiellement d’avoir « immortalisé » un mortel, Hermias, en lui dédiant un hymne. Aristote aime mieux quitter Athènes que d’encourir le sort de Socrate : il ne veut pas, dit-il, donner aux Athéniens l’occasion de « commettre un nouveau crime contre la philosophie ». Il se réfugie à Chalcis, dans l’île d’Eubée, pays d’origine de sa mère. C’est là qu’il mourra l’année suivante, à l’âge de soixante-trois ans.
Les écrits d’Aristote se divisent en deux groupes : d’une part, des œuvres publiées par Aristote, mais aujourd’hui perdues ; d’autre part, des œuvres qui n’ont pas été publiées par Aristote et n’étaient même pas destinées à la publication, mais qui ont été recueillies et conservées.
Le premier groupe d’écrits fait partie des « œuvres exotériques », expression employée par Aristote lui-même pour désigner des œuvres destinées à un public plus large que celui du Lycée. Ces œuvres ont été perdues, comme beaucoup d’œuvres antiques, dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. Nous en connaissons néanmoins les titres par les listes conservées des œuvres d’Aristote, et nous avons une idée de leur contenu par les citations ou les imitations qu’en font les auteurs anciens postérieurs.
Ces œuvres sont, par leur forme littéraire, comparables à celles de Platon, et plusieurs d’entre elles semblent avoir été des dialogues. C’est sans aucun doute à elles que faisait allusion Cicéron lorsqu’il célébrait la « suavité » du style d’Aristote et en comparait le cours à un « fleuve d’or » (Topiques, I, 3 ; Acad., II, 38, 119). Mais leur contenu, qu’on travaille à reconstituer depuis un siècle, n’est pas sans poser des problèmes aux historiens. Car cet « Aristote perdu » n’a rien d’« aristotélicien » au sens de l’aristotélisme des œuvres conservées ; il développe des thèmes platoniciens et renchérit même parfois sur son maître (ainsi, dans le dialogue Eudème ou De l’âme, il compare les rapports de l’âme et du corps à une union contre nature, semblable au supplice que les pirates tyrrhéniens infligeaient à leurs prisonniers en les enchaînant vivants à un cadavre). Constatant qu’Aristote, dans ses œuvres non destinées à la publication, critique ses anciens amis platoniciens, on a pu se demander s’il ne professait pas deux vérités : l’une « exotérique », destinée au grand public, l’autre « ésotérique », réservée aux étudiants du Lycée. Mais on pense généralement aujourd’hui que ces œuvres littéraires sont aussi des œuvres de jeunesse, écrites à une époque où Aristote était encore membre de l’Académie, donc encore sous l’influence platonicienne. On s’est même servi de ces fragments pour déterminer ce que l’on croit être le point de départ de l’évolution d’Aristote.
Les principales de ces œuvres perdues sont : Eudème ou De l’âme (dans la tradition du Phédon de Platon), De la philosophie (sorte d’écrit programmatique, où se laissent déjà reconnaître certains thèmes de la Métaphysique), le Protreptique (exhortation à la vie philosophique), Gryllos ou De la rhétorique (contre Isocrate), De la justice (où s’annoncent certains thèmes de la Politique), De la bonne naissance, un Banquet, etc.
Le second groupe est constitué par une masse de manuscrits d’Aristote, représentant pour la plus grande part, semble-t-il, les notes dont il se servait pour professer ses cours au Lycée. Ces œuvres sont dites ésotériques ou, mieux, acroamatiques (c’est-à-dire destinées à l’enseignement oral). Dès l’Antiquité se répandit un récit des plus romanesques sur la façon dont ces manuscrits sont parvenus à la postérité (Plutarque, Vie de Sylla, 26 ; Strabon, XIII, 1, 54). Les manuscrits d’Aristote et de Théophraste auraient été légués par ce dernier à son ancien condisciple Nélée ; les héritiers de Nélée, gens ignorants, les auraient enfouis dans une cave de Skepsis pour les soustraire à l’avidité bibliophilique des rois de Pergame ; longtemps après, au Ier siècle avant J.-C., leurs descendants les auraient vendus à prix d’or au péripatéticien Apellicon de Téos, qui les emporta à Athènes. Finalement, au cours de la guerre contre Mithridate, Sylla s’empara de la bibliothèque d’Apellicon, qu’il transporta à Rome, où elle fut achetée par le grammairien Tyrannion : c’est de lui que le dernier scolarque (chef d’école) du Lycée, Andronicos de Rhodes, acquit les copies qui lui permirent de publier, vers 60 avant J.-C., la première édition des œuvres acroamatiques d’Aristote et de Théophraste.