Qui a volé Mon Coeur - Geneviève Bo-Wonner - E-Book

Qui a volé Mon Coeur E-Book

Geneviève Bo-Wonner

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Beschreibung

Une adolescente, Maya, vit dans un centre équestre où son père est palefrenier. Elle l'assiste pour la naissance d'un poulain, Mon Coeur. avec lequel elle va tisser des liens très forts, fusionnels. Ce jeune cheval s'avère être exceptionnel, et l'ami de Maya, le jeune instructeur Mic ,voit en lui un futur champion. Mais, au ours d'un incendie, Mon Coeur disparaît. Qui l'a volé? Le retrouvera-t-on? Maya est inconsolable malgré l'amitié sincère qui la lie à Marianne et l'amour qui va, au fil des mois , se révéler entre elle et Mic. Dans ces conditions, pourra-t-elle gagner un trophée lors d'un concours hippique et, surtout, réussir le concours d'entrée dans une école de vétérinaires après le bac? Heureusement, tout se termine bien grâce à Marianne et ses copains de lycée.

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Seitenzahl: 329

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Mes plus vifs remerciements à Gérard Emporte qui a collaboré à cet ouvrage pour tout ce qui concerne la vie dans un établissement équestre, le poulinage, l’entretien des chevaux…

« Le cheval nous apprend ce qu’est la domination de soi.

Monter à cheval transforme le je voudrais bien en je peux. »

Pam Brown

Sommaire

Première Partie

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Chapitre 40

Chapitre 41

Chapitre 42

Chapitre 43

Chapitre 44

Deuxième partie

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

ÉPILOGUE

Première Partie

1

Maya ouvre difficilement un œil puis deux. Le jour n’est pas encore levé. Une lueur blanchâtre filtre à travers les vitres de sa chambre. L’aube ne va pas tarder à faire place à l’aurore et le ciel sans nuage se teintera d’orangé.

— Sale coq ! maugrée-t-elle. C’est samedi. Tu ne peux pas te taire ? Je n’ai pas cours aujourd’hui. J’ai envie de rester au lit plus longtemps.

Mais le coq lance de plus belle des cocoricos qui n’en finissent plus. Maya ne peut s’empêcher de rire. Chaque matin, c’est le même rituel. Ce coq, très fier de ses belles plumes chamarrées et de sa crête bien rouge, pense sans doute que son ramage vaut son plumage. Or, il chante si faux que même les poules doivent se boucher les oreilles en l’entendant. Maya, ça la fait rire.

Et, puisqu’elle est réveillée autant se lever. Un coup d’œil par la vitre qui donne sur la campagne avoisinante. Il va faire beau aujourd’hui.

Après un hiver maussade, sans neige, le printemps est enfin installé. Dans les prés, les pissenlits pointent leur tête jaune d’or dans l’herbe reverdie et les saules, qui bordent le ruisselet en bordure de la propriété, se sont parés de bourgeons argentés.

Les hirondelles sont revenues de leur migration hivernale et Maya les aperçoit s’activant autour de leurs nids de glaise accrochés sous le toit de l’écurie. Et des mésanges, dans un ballet incessant, apportent dans leur bec brindilles, mousses et crins de chevaux récoltés pour façonner les leurs.

Aucun bruit dans la maison. Sa maman doit encore dormir. C’est ce qu’elle a de mieux à faire. Au moins, pendant ce temps-là, elle ne traîne pas de la cuisine à sa chambre et de la chambre au salon en poussant des soupirs à fendre l’âme et en se plaignant d’avoir mal à la tête ou à l’estomac, ou encore au dos, selon les jours. Le médecin a dit qu’elle souffre de dépression et que tout finira par s’arranger. Maya aimerait bien que ce jour arrive vite car ce n’est pas marrant d’avoir une maman qui est toujours malade, qui ne supporte pas le bruit, qui n’a pas envie de parler et que tout ennuie.

Heureusement l’adolescente a un papa super. Ça compense un peu. N’empêche qu’elle préférerait avoir deux parents super.

Son père est chef palefrenier dans un centre équestre où on élève des chevaux de selle, soit pour la compétition, soit pour des promenades. Comme beaucoup de gens ignorent en quoi consiste ce métier, en début de chaque année scolaire Maya a été obligée de l’expliquer. Elle en fait donc des envieux et des envieuses parmi ses camarades du collège. Tous croient qu’elle passe tous ses loisirs à courir dans la campagne montée sur un magnifique pur-sang. Mais elle n’est pas la fille du patron et, les rares fois où elle peut faire du cheval, c’est qu’auparavant elle n’a pas ménagé sa peine pour aider à nettoyer les boxes des chevaux du crottin qui a souillé la paille ou à les panser quand ils reviennent d’une promenade avec des clients réguliers ou des touristes.

Pour ceux qui ont des lettres comme on dit, ce métier évoque aussitôt des clichés qui remontent au Moyen Âge. N’était-ce pas le palefrenier qui venait accueillir le seigneur pour emmener son destrier à l’écurie ? C’est vrai que ce nom est plus noble que son synonyme garçon d’écurie ou lad, mot qui nous vient de Grande Bretagne.

C’est un très beau métier que celui de son père mais très dur.

Un palefrenier c’est quelqu’un qui se lève tôt, se couche souvent tard et parfois doit se lever la nuit. Pour quoi faire ? Pour s’occuper des chevaux, pardi !

Et s’en occuper, ça veut dire faire beaucoup de choses comme leur distribuer de la nourriture et les toiletter de la tête à la queue. Un cheval ou un poney, ce n’est pas comme un chat, il ne se lave pas avec sa langue. Et pas question de le plonger dans une bassine d’eau comme on le ferait avec un chien. Il faut faire ce qu’on appelle le pansage. En quoi ça consiste ? D’abord, il faut l’étriller avec une brosse dure, en évitant les parties fragiles ou sur les os, pour soulever les poils morts, les brindilles et la poussière qui se sont incrustés. Ensuite, avec une autre brosse dure, qu’on appelle le bouchon, on fait tomber ces saletés. Mais ce n’est pas terminé. Après, pour enlever tout reste de poussière et lustrer le poil, on emploie une brosse douce sur tout le corps. La crinière et la queue doivent être soigneusement coiffées elles aussi avec une brosse à crins. Mais attention, c’est comme pour des cheveux longs, il faut y aller doucement, sinon gare au coup de pied si on tire un peu trop fort! Ne pas oublier non plus la tête et les sabots qu’il est nécessaire de curer pour enlever le moindre caillou qui risquerait de blesser le cheval. Cette toilette minutieuse il est indispensable de la faire tous les jours, voire plusieurs fois quand le cheval revient d’une promenade dans la campagne avec des cavaliers. Tout ça ne se fait pas en cinq minutes !

C’est pendant le pansage que le palefrenier peut le mieux découvrir si le cheval a le moindre bobo ou des problèmes de santé. Il faudra alors prévenir le vétérinaire ou le maréchal-ferrant s’il faut changer les fers qui protègent les sabots.

Mais là ne s’arrête pas son rôle et c’est pourquoi on l’a longtemps appelé garçon d’écurie. Il passe beaucoup de temps à maintenir la propreté des boxes où sont gardés les chevaux à l’intérieur. Sans cesse, il faut changer la paille et même désinfecter sols et murs pour éviter certaines maladies. C’est lui aussi qui doit veiller à l’entretien du matériel d’équitation, qu’il s’agisse des selles, des harnais, des brides, des courroies ou des couvertures destinées à protéger les chevaux. Sans parler de l’aire du manège qu’il faut constamment garder impeccable.

Ce n’est donc pas un travail de tout repos. D’autant plus que, lorsqu’une jument est prête à donner naissance à un poulain, à pouliner comme on dit, même si c’est pendant la nuit, il doit l’assister pendant la mise bas et appeler le vétérinaire si nécessaire. Comme toute maman, la jument a besoin d’être réconfortée par la présence d’une personne qu’elle connaît et aime bien.

En somme, son père exerce un métier très dur mais qui le passionne. D’ailleurs, à cette heure, il doit déjà être dans l’écurie.

2

La cuisine est encore silencieuse. Même sa petite chienne, Belle, continue à dormir dans son panier. Par moments, elle pousse de petits jappements joyeux. Elle doit rêver qu’elle court dans la campagne aux côtés des chevaux.

Maya aime bien ce moment de la journée quand, seule, attablée devant un bol de chocolat crémeux, elle déguste une tartine de pain beurré avec de la confiture de mirabelles en écoutant les bruits familiers du haras.

Aussi, malgré l’air encore un peu frisquet, elle entrouvre la fenêtre pour mieux profiter de l’instant. Les premiers sons viennent des écuries, le préposé à la nourriture commence la distribution du premier repas de la journée, céréales et eau. Dès lors les chevaux se mettent à s’exprimer chacun à sa façon, quoique très expressive. Maya les connaît bien et jurerait que celui qui donne quelques coups de pieds à la porte en semblant dire : Je suis là ! c’est le beau gris, Foudre son étalon préféré, pas toujours commode mais si attachant. Le bai, lui, doit tourner en rond dans son box pour marquer son impatience, tandis que le pie gratte le sol du pied. Quant au zain, comme à son habitude, il doit attendre, son œil noir et son attitude fière parlant clairement pour lui, nul besoin de s’abaisser à réclamer.

Maya tend l’oreille, vaguement inquiète. D’habitude, Gazelle, la belle alezane pousse quelques cris de plaisir à l’approche du repas. Aujourd’hui, elle reste muette. Qu’est-ce que ça signifie ? Serait-elle malade ? À moins que… Mais oui, c’est vrai ! Hier son père lui a dit que la jument n’allait pas tarder à mettre bas. Serait-ce pour aujourd’hui ?

Bientôt, le bruit des mandibules et des centaines de dents constitueront la musique de fond de toute l’écurie. Comme chaque matin tout le personnel, palefreniers et éducateurs, pourra se réunir autour du propriétaire des Cordeliers, monsieur Egle, et du père de Maya, pour prendre le petit déjeuner.

Mais pas question de parler de la pluie et du beau temps. Ils en profiteront pour faire le planning de la journée : soins et traitements particuliers à apporter à chacun des chevaux, nettoyage minutieux des sols et murs des boxes, du manège ainsi que des outils indispensables pour le pansage. Au maître de manège reviendra le soin de faire le point sur le travail des chevaux dans la journée : manège, promenade ou entraînement, et les préparations qui s’imposent. Aux instructeurs, il indiquera les chevaux affectés aux élèves de l’école selon le niveau de chacun d’eux, s’étageant du débutant de niveau 1 au confirmé de niveau 7.

Gérer un centre équestre tout en y élevant et éduquant des chevaux n’est pas aussi simple que beaucoup le croient. Monsieur Egle le sait mieux que quiconque. Et ceux qui y travaillent n’ont pas le temps de rêvasser.

Mais Maya n’a que les soucis de son âge, à savoir travailler en classe pour assurer son avenir.

3

Maya a grandi ici. Toute petite déjà, elle a été au contact des chevaux. Elle a appris à les aimer, à les comprendre. Depuis toujours, le plus beau des cadeaux qu’elle puisse recevoir, la meilleure des récompenses qu’elle puisse obtenir après avoir participé au pansage des chevaux ou au nettoyage des boxes, c’est de pouvoir monter à son tour.

Pour ne pas laisser certains chevaux inactifs et leur donner de l’exercice, monsieur Egle a permis qu’elle accompagne parfois Mic en promenade équestre avec des débutants. Elle adore ça surtout en compagnie de ce jeune homme, un ancien lad qui, grâce à sa volonté, une grande conscience professionnelle et son intelligence, a réussi à devenir instructeur. C’est lui qui apprend à des élèves toutes les disciplines de l’équitation.

Elle est ainsi devenue une excellente cavalière et vient de réussir son galop 7. Pour marquer l’événement, son père lui a offert une jolie selle mixte et un licol pour poulain.

Mic, elle l’aime bien. Il a quatre ans de plus qu’elle et, bien que majeur déjà ‒ depuis peu de temps c’est vrai ‒ il ne la traite pas en gamine. Une même passion des chevaux les anime. Il est à la fois le grand frère qu’elle n’a pas et son ami.

Depuis un an, elle a aussi sympathisé avec une fille plus âgée qu’elle, Caroline, dont le cheval, Éden, est en pension au centre. Elles ne sont pas du même niveau social car son père est un riche notable de la ville voisine. Mais son amie n’a jamais fait sentir à Maya leur différence. Elles s’entendent 5/5 quand il s’agit des chevaux. D’ailleurs, leurs conversations ne portent que sur eux.

Caroline est une cavalière émérite qui a obtenu le niveau 7 il y a deux ans déjà. Elle peut monter son cheval quand bon lui semble, ce qui facilite bien les choses. Mais Maya a un avantage sur elle : habituée à chevaucher différents équidés, chevaux ou poneys, elle s’adapte plus facilement à sa monture. Comme monsieur Egle ne peut rien refuser à Caroline, celle-ci a obtenu pour Maya l’autorisation de l’accompagner dans des promenades dans la nature. Toutes deux, alors, ne manquent pas de se lancer des défis et elles rentrent comblées par ces escapades.

Brusquement, Maya se souvient de leur conversation alors qu’elles laissaient reposer leurs montures après un petit galop, lors du week-end dernier. L’adolescente en reste songeuse pendant un instant. Alors qu’elle ne s’y attendait pas, son amie lui a demandé si elle était la petite amie de Mic. Elle se sent bien en sa compagnie, certes, mais est-il ce qu’on appelle un petit ami ? Elle revoit l’air satisfait de Caroline quand elle lui a eu répondu qu’ils s’aimaient bien, c’est tout.

Maintenant, en y réfléchissant, elle se dit qu’elle ne l’apprécie pas seulement parce que, comme elle, il est passionné par les chevaux. Physiquement, il a aussi tout pour lui plaire… Bien sûr, elle est presque aussi grande que lui et il ne doit pas dépasser les soixante-cinq kilos. Rien d’un athlète donc. Mais le principal n’est-il pas d’avoir un corps bien proportionné ? Il est tout en muscles, comme les chevaux. Et, quand il lui sourit à la fois des lèvres et des yeux, il est craquant.

4

Un bruit de pas familiers ; c’est son père qui, avant d’aller vaquer à ses occupations, est rentré pour prendre une veste. Malgré le soleil, une légère brise qui vient de l’est rafraîchit l’atmosphère.

— Tiens, Maya, tu es déjà levée ?

— Oui, Papa. Comme j’étais réveillée, je voulais profiter un max de cette belle journée. Dismoi, est-ce que tu as vu Gazelle ? Elle n’est pas malade au moins ! Je ne l’ai pas entendue se manifester en attendant le repas.

— Elle était calme quand je suis passé devant son box, elle mangeait ses granulés tranquillement. Si tu as terminé ton petit-déjeuner, on va aller la surveiller un peu pour essayer d’évaluer où elle en est de sa mise bas. Tu sais, c’est son premier poulain, alors elle ne sait pas trop ce qui lui arrive ni quelle position prendre. Bien sûr, le moment venu, elle saura spontanément quelle attitude adopter. Mais, même dans un grand box de poulinage elle peut mal se positionner au point de gêner l’expulsion du poulain en se calant dans un coin, sous l’abreuvoir ou la mangeoire. Il faut veiller autant que possible à ce que ces situations ne se produisent pas. Viens, allons la voir ensemble.

En effet, la jument se tient tranquille dans son box. Mais elle n’est pas venue accueillir les arrivants comme elle le fait d’habitude. Elle, à l’allure si élégante, a le ventre déformé par le bébé à naître.

— Tiens, tu vois elle est calme. Tu peux remarquer que son rein se casse un peu, c’est un signe qui ne trompe pas Le petit est descendu progressivement vers la sortie. Je remarque aussi que son pis suinte quelques gouttes de lait, mais elle reste calme et ne bouge pas. Surveille-la et alerte moi aussitôt qu’elle commence à tourner en rond dans le box, se renifle les flancs, se couche puis se relève, et aussi si elle transpire et soulève sa lèvre supérieure en montrant ses dents.

— Comme le font les étalons ?

— Oui, quelquefois certaines poulinières expriment leurs douleurs de la même façon. Ces signes indiquent que le travail d’expulsion est avancé. Mais je te recommande de la surveiller très discrètement ; souvent au premier poulain les juments se retiennent en notre présence et profitent d’un moment de solitude pour mettre leur petit au monde. Par la suite, une fois devenues poulinières, les juments n’ont généralement plus cette espèce de pudeur, si je puis dire, et sont rassurées quand on est présent et les aide.

Tu as dû remarquer que les boxes de poulinières sont dans un endroit calme et éloigné des activités de l’écurie principale. Ici les bruits, les appels sont proscrits, la sérénité s’impose comme dans une maternité.

Pour l’instant, il nous faut seulement veiller et attendre. As-tu des questions ou des inquiétudes particulières ? Il faut que je retourne à mon travail maintenant.

— Ok papa. Mais tu penses que la naissance c’est pour quand ?

— Si on s’en tient à la date de la saillie et à l’échographie où le follicule s’est révélé, c’est théoriquement pour dans deux jours, mais ici la nature commande et à partir d’aujourd’hui tout est possible. C’est la raison pour laquelle nous devons accroître la fréquence de notre surveillance. Je te charge de cette responsabilité et préviens-moi au moindre doute.

À tout à l’heure au déjeuner. Tiens, au fait, profite que tu es là pour lui tresser la queue, la replier sur elle-même et l’enfermer dans un fourreau sans trop serrer le haut de la couare, Mais, attention, il faut que cela soit suffisamment solide,

— Et pourquoi ?

— Fais le, on en reparlera à table à midi. Allez, j’y vais.

Restée seule, Maya s’interroge. Pourquoi lui tresser la queue ? Ce n’est pas un concours de beauté que de mettre un poulain au monde !

Bon, elle va obéir puisque son père le lui a demandé. Il sait mieux qu’elle ce qu’il y a lieu de faire. Ça lui permettra aussi de surveiller Gazelle pendant ce temps-là.

5

Effectivement, la jument est calme au fond du box. On dirait qu’aujourd’hui elle n’a pas envie de passer son cou au-dessus de la porte pour observer le va et vient des lads dans l’écurie. Comme si elle recherchait le calme et la solitude. Inconsciemment, elle doit sentir qu’un grand événement va se produire pour elle, en elle : le premier poulain auquel elle va donner le jour.

Maya s’approche doucement de Gazelle et, comme à l’accoutumée, lui parle doucement en lui caressant la joue. Seul un battement des longs cils noirs lui répond. Est-ce une impression ou les grands yeux noir de jais de Gazelle sont-ils plus brillants que d’habitude ?

— Je vais te faire une queue toute jolie, ma Gazelle. Ne bouge pas et je ne t‘ennuierai pas longtemps.

Pendant qu’elle peigne doucement les longs poils et les tresse méticuleusement, l’adolescente ne peut s’empêcher de penser au miracle de la vie qui se prépare.

Jusqu’à présent, chaque année, elle était habituée à découvrir de nouveaux poulains auprès des poulinières. Elle s’émerveillait de les voir, à peine nés, tenir sur leurs frêles jambes et se diriger instinctivement vers le pis de leur mère. Qu’ils étaient mignons et vifs ! Et que le bébé humain est fragile et dépendant, même pendant plusieurs années, par rapport aux animaux !

Cette fois, ce sera différent : elle attend la naissance et va suivre l’événement de très près.

Elle se surprend à rêver à ce futur poulain qui prépare sa venue au monde dans le ventre de sa mère. Il sera très beau, elle en est certaine. Gazelle est une jument magnifique, fine et musclée, à la robe alezane. Lorsqu’elle court, sa crinière et sa queue très fournies lui font un panache fauve. Héritera-t-il d’elle sa douceur et sa patience avec les humains ? Ou, au contraire, sera-t-il aussi fougueux, impatient, voire imprévisible que son père puisque Foudre est son géniteur ?

Au cours du printemps précédent, Maya avait remarqué que cet étalon, d’à peine un an plus âgé que Gazelle, semblait trouver celle-ci à son goût. Elle aurait juré qu’il lui faisait les yeux doux. Souvent, au pré, il venait paître à côté d’elle et l’accompagnait volontiers quand l’envie d’un petit galop se faisait sentir pour se dégourdir les jambes. Avec elle, jamais non plus une attitude agressive comme avec d’autres juments. Se pourrait-il que les chevaux, eux aussi, puissent tomber amoureux ?

C’est donc tout naturellement que l’éleveur avait décidé que Foudre deviendrait le père du futur poulain.

Ce petit aura-t-il la robe grise de son père ou celle de sa mère ? Qu’il me tarde qu’il soit né ! Avec de tels parents, il ne pourra que devenir un grand champion, se dit Maya.

Des grattements et de petits aboiements plaintifs se font entendre à la porte du box. Ce doit être Belle qui, elle aussi, aime les chevaux et particulièrement Gazelle. Elle ne comprend sans doute pas pourquoi aujourd’hui il lui est interdit de venir saluer son amie.

Puisque pour l’instant la jument est calme et qu’elle a terminé ce que son père lui avait demandé de faire, Maya sort du box, l’esprit tranquille, en veillant à ce que sa petite chienne ne s’y engouffre pas.

— Viens avec moi, Belle. Il faut laisser Gazelle se reposer. Nous, en attendant l’heure du déjeuner, on va aller faire un petit tour dans les prés et on en profitera pour regarder si personne n’est venu abîmer les clôtures.

Il serait étonnant que la chienne ait compris tout le laïus. Ce qu’elle sait, c’est qu’elles vont aller faire une balade ensemble, et ça elle aime.

6

S’enivrant de l’air printanier, Belle court, bondit derrière des insectes qui dansent au-dessus des pâquerettes, des boutons d’or et des pissenlits. Elle se roule dans l’herbe, fait mille cabrioles. Heureuse.

Maya, elle, ne peut s’empêcher d’être un peu inquiète. C’est la première fois que Gazelle va pouliner. Pourvu que tout se passe bien !

La chienne, soudain, a arrêté net ses jeux. Elle dresse les oreilles, se fige et se met à aboyer. Tirée de ses réflexions, l’adolescente cherche l’intrus qui a attiré l’attention de Belle…

Au loin, à l’orée d’un bosquet d’arbres, une harde de chevreuils paît tranquillement. Leurs élégantes silhouettes se découpent sur un décor aux multiples nuances de vert. Ce n’est pas ce tableau qui a dû l’alerter. C’est alors que Maya les aperçoit, à quelques dizaines de mètres d’elle.

Des taches de couleur fauve bondissent au-dessus des herbes, apeurées par les aboiements. Ce sont des renards, ou plus précisément une renarde avec quatre petits. La mère glapit pour houspiller ses renardeaux qui n’ont pas encore la notion du danger que représentent les chiens et les humains. Ils aimeraient continuer à muloter, les campagnols les changeant du lait maternel dont ils ont dû se contenter pendant deux mois.

L’esprit rasséréné par la vue de ces animaux si beaux et, la chienne sur ses talons, Maya rentre en espérant que pendant le déjeuner son père lui en dira plus sur la naissance du petit poulain.

Je vais repasser par l’écurie, se dit Maya, pour voir si tout est calme.

En effet, debout dans le box, la jument semble somnoler et ne montre aucune anxiété particulière

Tout est en ordre, je peux rentrer, je commence à avoir faim, se dit l’adolescente.

Après avoir jeté un coup d’œil à sa montre, elle constate en effet qu’il est près de midi.

Je vais aller aider maman à mettre la table et attendre papa. Il arrive toujours vers douze heures trente après avoir assisté à la distribution des aliments aux chevaux.

Ah, le voilà !

Comme à son habitude, avant d’entrer, il donne un coup de brosse sur ses habits pour en enlever des fétus de paille, change de chaussures, puis passe dans la salle de bain pour se rafraîchir le visage et se laver mains. Maintenant, à table ! Et comme d’habitude aussi, il pousse un soupir de soulagement en s’asseyant. Il est vrai que depuis six heures du matin il a fait quelques kilomètres à pied, porté des charges pesantes et vaqué à de multiples tâches. Sa fonction lui impose de réfléchir pour les autres et pour lui-même avec pour souci constant de ne rien oublier et d’éviter les longues marches inutiles et fatigantes.

L’instant du déjeuner est donc un moment de repos et de plaisir bienvenu. Il ne reprendra son travail que vers quinze heures après une sieste… si rien d’urgent à faire ne survient

— Alors, ma chérie, tu as surveillé la jument ? Comment va-t-elle ?

— Bien ! Au cours de la matinée elle ne donnait aucun signe d’inquiétude Elle était calme et avait mangé ses aliments. Après ma promenade avec Belle, avant de rentrer déjeuner, je suis repassée la voir. Elle semblait somnoler, je ne l’ai pas dérangée.

— Tu lui as tressé la queue ?

— Oui mais je n’ai pas trouvé de fourreau pour l’y mettre. Je l’ai donc laissée comme ça, pendante. Tu devais m’expliquer pourquoi lui tresser la queue, elle ne va pas faire un concours !

— Réfléchis ! Pourquoi lui tresser la queue et la mettre dans un fourreau ? Tu sais qu’on ne fait rien sans raison. C’est pour qu’ainsi la vulve soit totalement dégagée et ne gène pas le passage du poulain ou le naisseur dans le cas où il devrait intervenir. De plus, une fois la jument délivrée, il sera aisé d’attacher la délivrance au fourreau jusqu’à ce qu’elle se détache d’elle-même du corps de la jument.

— J’ai pigé, mais délivrée, délivrance, ça veut dire quoi ?

— C’est l’expression habituelle que l’on donne à l’expulsion de l’ensemble des matières et tissus qui composent l’enveloppe dans laquelle le poulain a vécu : eaux, cordon et placenta pour l’essentiel. Cet ensemble est appelé délivrance. Voilà tu sais tout de cet événement parfaitement naturel propre à la plupart des mammifères.

Le moment venu je te montrerai chaque élément dont je t’ai parlé et tu comprendras comment s’est construite la vie du poulain au cours de ces onze mois passés dans le ventre aquarium de sa mère, comme cela a été le cas pour toi, ta maman et moi. Quoique pour nous, les humains, la vie intra utérine ne dure que neuf mois alors que pour les chevaux c’est onze mois.

Après ma sieste nous irons finir la préparation de la queue et je te montrerai une petite astuce pour attacher le fourreau de la queue. Jusque-là mangeons tranquillement.

7

Lorsque tous deux entrent dans l’écurie, Gazelle ne vient pas passer sa tête par-dessus la porte pour accueillir ses visiteurs comme elle en a l’habitude. Réfugiée au fond du box, elle semble fébrile. Elle tourne lentement sa tête vers eux et Maya a l’impression de lire de l’angoisse dans ses yeux. Par instants, ses flancs sont secoués de soubresauts et elle les regarde avec étonnement. A-t-elle conscience de l’importance de ce qui lui arrive ? Mettre son premier poulain au monde, donner la vie à un être qui est un peu d’elle mais qui sera lui-même.

— Caresse-la et parle-lui doucement pendant que je m’occupe de sa queue. Il ne faut pas la stresser. Je crois que la naissance est imminente. Dès que j’aurai terminé, on s’en ira pour qu’elle puisse rester au calme. Elle risquerait de capter les moindres signes d’anxiété de notre part et ce n’est pas bon pour elle. Je la surveillerai discrètement. Toi, tu iras vaquer à tes occupations.

C’est vrai que Maya est anxieuse. Jamais encore elle n’avait ressenti autant d’appréhension avant une naissance. Elle a une excuse : de tous les chevaux du centre, Foudre l’étalon et surtout Gazelle sont ses préférés. Elle serait très malheureuse s’il arrivait quelque chose à la jument ou à son petit. Et puis elle sait que tout accouchement n’est pas une partie de plaisir. Pourvu que Gazelle ne souffre pas trop !

Maya a entendu parler des vagues de contractions très douloureuses dont souffrent les mamans prêtes à accoucher. En serait-il de même avec les autres mammifères et en particulier les chevaux ?

— Maintenant, donne quelques carottes à Gazelle et laissons-la tranquille, tout en restant vigilants. Je file, j’attends une grosse livraison de fourrage cet après-midi. Et toi, va te reposer. Profites-en car, lorsque le poulain sera prêt à naître, j’aimerais que tu me secondes et il y aura aussi beaucoup à faire après la naissance.

— Mais si elle fait son poulain pendant ton absence ? s’inquiète Maya.

— Sois tranquille, ce n’est pas encore pour cet après-midi.

Son père vient de lui prouver la confiance qu’il a en elle concernant les chevaux. Et puis, surtout, elle est fière de constater que, maintenant, son père juge qu’elle est une grande et lui demande de l’assister dans ce moment si important pour les Cordeliers.

Quand on aime, on est prêt à beaucoup de sacrifices. Tant pis, elle passera plus de temps à l’écurie qu’à galoper dans les prés avec Caroline. Heureusement, les vacances scolaires tombent à pic. Elle sera plus disponible.

Une dernière caresse à Gazelle avant de la quitter pour ne pas la déranger…

8

Habituée à la pénombre de l’écurie, elle est éblouie par un soleil radieux lorsqu’elle arrive dans la cour. Quelqu’un s’approche de la barrière d’entrée ; mais elle a du mal à distinguer de qui il s’agit.

Quand deux bras s’agitent pour la saluer, elle réalise que c’est Caroline. À cause de Gazelle, elle avait oublié que c’était le jour de monte de son amie.

— Tu viens faire un tour avec moi ? On a un peu de temps avant que j’aie mon entraînement.

— Non, pas envie.

— Mais qu’est-ce que t’as ? T’en fais une tête !

— Gazelle est prête à mettre bas et je suis inquiète.

— Mais t’en fais pas pour elle. Une naissance, c’est quelque chose qui se passe très naturellement chez les animaux. Regarde les girafes. À cause de la taille de leur mère, les girafons tombent de très haut à leur naissance, pourtant ils ne se blessent pas et se mettent tout de suite sur leurs pattes…

— Oui, mais Gazelle n’est pas une girafe et son poulain un girafon.

— Maya, tu es trop sensible. Endurcis-toi un peu. Si tu t’apitoies sur tous les animaux qui souffrent, tu vas passer ta vie à pleurer.

Bon, c’est pas tout ça. Tu viens ou tu viens pas ?

— Non, je reste ici.

— Comme tu veux. Moi je vais tâcher de m’éclater en profitant du beau temps… Je voulais te demander, Mic est là aujourd’hui ?

— Oui, pourquoi ?

— Je voulais le voir pour lui demander quelque chose.

— Ah bon ? Tu devrais le trouver dans les parages.

Restée seule, Maya reste songeuse. Elle est déçue par son amie. Celle-ci vient de lui montrer une facette de sa personnalité qu’elle n’apprécie pas du tout et qu’elle était loin de soupçonner.

Ainsi, Caroline, qui prétend aimer sa jument et par voie de conséquence tous les chevaux, ne les considère-t-elle en fait que comme de simples animaux qui lui procurent le plaisir de pouvoir les monter et de s’éclater, comme elle dit ?

L’équitation n’est donc pour elle qu’un luxe de petite fille gâtée. Le cheval n’est qu’un outil pour soigner son ego. Pour frimer c’est quand même plus classe de dire qu’on pratique l’équitation plutôt qu’on fait du vélo pendant ses loisirs ! Quand au cours d’un entraînement elle reçoit les compliments de l’entraîneur, elle se redresse toute fière. Bien sûr, elle y est pour quelques chose dans les performances de son cheval, mais n’est-ce pas lui qui fait le plus gros du travail ? Et puis, il ne faut pas oublier non plus la longue préparation de la monture pour laquelle Mic n’est pas étranger…

Tiens, à propos, qu’avait-elle à demander à Mic ?

Comme pour répondre à sa question, sur ces entrefaites Caroline revient.

Elle a l’air contrariée. Les lèvres pincées, elle s’avance d’un pas décidé vers Maya.

— Ça n’ va pas, Caroline ? Qu’est-ce qui se passe ?

— Non, ça n’ va pas du tout. J’ai parlé avec Mic et je suis déçue.

— Si tu m’expliquais, je pourrais au moins comprendre.

— Dans quinze jours c’est mon anniversaire. À cette occasion, mon père m’a permis d’organiser une grande teuf avec tous mes amis dans le parc de notre résidence secondaire le samedi après-midi et en soirée.

— Et alors, où est le problème ? Et que vient faire Mic dans tout ça ?

— Justement, j’y viens… Je voulais inviter Mic.

— Et alors ?

— Il a refusé. Il m’a dit que le samedi il n’est pas libre. Beaucoup de gens profitent du week_end pour venir monter et il doit donc être disponible.

— Ben, c’est vrai. Il ne t’a pas menti. Tu aurais dû t’en douter.

— Il a quand même le droit de prendre des congés de temps en temps non ? Ne serait-ce que pour me faire plaisir.

— Au centre, le planning est établi longtemps à l’avance, tu sais. Le personnel ne peut pas faire ce qu’il veut. Les chevaux ont besoin de soins vingtquatre heures sur vingt-quatre et pas seulement quand les humains sont disponibles. En plus, comme c’est un samedi, comme il te l’a dit, c’est un jour chargé pour tous les instructeurs.

— Comme tu es mon amie et que le maître t’aime bien à ce que j’ai compris, tu pourrais peutêtre faire quelque chose pour moi.

— Et quoi ?

— Demande-lui de libérer Mic ce jour-là.

— Je vais voir ce que je peux faire.

— Oh, merci Maya ! C’est cool. Je savais que je pouvais compter sur toi. Si Mic vient tu es invitée aussi si tu en as envie. Tu profiteras de sa voiture car c’est quand même à une cinquantaine de kilomètres d’ici. Maintenant, je te laisse, mon cours ne va pas tarder à commencer.

Et elle s’en va toute guillerette, sans doute persuadée que dans une quinzaine de jours Mic pourra la rejoindre à sa fête.

Il sera dit qu’aujourd’hui Caroline l’aura vraiment déçue par deux fois. Naïvement, Maya croyait que l’amitié était sincère entre elles. Leur entente parfaite, leur complicité quand elles montaient côte à côte, quand elles se lançaient des défis, ce n’était donc qu’une amitié factice ? De ce genre d’amis, Caroline doit en avoir à la pelle.

Avec un petit pincement au cœur, Maya se remémore la dernière phrase de Caroline : Tu es invitée aussi si tu en as envie.

Elle ne veut pas être mesquine mais ne peut s’empêcher de penser : Elle a dit ça en espérant que je n’en aie pas envie. Elle est amoureuse de Mic et ne veut pas me voir dans ses pattes quand elle le draguera.

Va-t-elle intercéder auprès du maître pour qu’il libère Mic ? Pour la forme, elle le devrait. Caroline est la meilleure cliente de centre et ce n’est pas la rivalité entre deux jeunes filles qui doit avoir des conséquences fâcheuses sur le centre équestre.

Mais, d’abord elle en parlera à son père. Mais plus tard, il y a plus urgent : la mise bas de Gazelle.

Dans l’immédiat, elle va aller sonder Mic.

9

Le jeune homme est en train de préparer les chevaux qui vont travailler au manège l’aprèsmidi. Il semble surpris quand Maya l’apostrophe :

— Salut Mic. Quand tu auras cinq minutes estce que je pourrai te parler ?

— Bien sûr, Maya. Rien de grave, j’espère ?

— Non, rassure-toi. À tout à l’heure !

Des réponses qu’il va lui faire dépendra aussi son intervention. Et s’il avait vraiment envie d’aller rejoindre Caroline pour son anniversaire ? Ça voudrait dire qu’il a été sensible à son charme et qu’il préfère la jeune fille à l’adolescente que Maya est encore. Il faut reconnaître que son amie est très jolie, surtout qu’elle sait bien mettre son physique en valeur avec des vêtements chics et sans doute très chers. Elle, Maya, ne fait pas le poids avec ses éternels jeans et tee-shirts achetés en grande surface.

Un petit pincement au cœur… Serait-elle jalouse et son amitié pour Mic ne serait-elle pas plutôt un sentiment amoureux ? Elle en reste étonnée elle-même.

Heureusement, elle est vite tirée de ses réflexions par l’arrivée du jeune homme.

— Alors qu’est-ce qui se passe Maya ? Quoique j’aie ma petite idée sur ce que tu vas me dire… C’est au sujet de Caroline n’est-ce pas ?

— Oui, je voulais savoir si tu avais vraiment envie de te rendre à la fête organisée pour elle.

— Tu devrais savoir, Maya, que je ne mélange pas vie privée et vie professionnelle. Caroline est jolie, agréable et bonne cavalière, soit. Mais elle ne m’intéresse pas en tant que girl friend, comme on dit dans son milieu. Tu crois que je ne sais pas pourquoi elle m’a invité ? Jusqu’à présent ses minauderies ne m’ont pas touché. Au contraire, elles m’agacent. Alors elle croit que, lorsqu’elle sera la reine de la fête, je ne pourrai qu’être séduit. Et je ne veux pas tomber dans ce piège.

— Alors le planning n’était qu’un prétexte ?

Maya ne peut s’empêcher de ressentir au fond d’elle-même une petite bouffée de joie.

— Oui et non. Si je lui avais dit tout de go que je n’avais pas envie de participer à sa garden party, comme elle l’a appelée, elle risquait d’être vexée et se serait peut-être inscrite à un autre centre. Et puis, je tiens à respecter le planning. Et toi, elle ne t’a pas invitée ?

— Si, mais du bout des lèvres. De toute façon, je n’y irai pas. Tu me vois, moi, au milieu de tous ces bobos, ces fils et filles de bourgeois ? Je ne suis pas de leur milieu, je n’ai pas les mêmes préoccupations qu’eux et avec mes vêtements qui ne proviennent pas d’une boutique chic ils me considéreraient comme une sauvageonne sortie de sa brousse. Et puis, surtout, comme une gamine puisque tous sont au lycée ou déjà à la fac Non, vraiment, ça ne m’intéresse pas. Je m’ennuierais à mourir.

J’ai promis à Caroline d’intercéder auprès du maître pour qu’il te libère. Mais ce sera pour la forme et pour éviter le clash. J’en parlerai à mon père quand il aura l’esprit plus serein car, pour l’instant, il est surtout préoccupé par la naissance du poulain. Moi aussi d’ailleurs.

Tiens, le voilà justement qui arrive.

— Je te laisse, les élèves m’attendent. Pour Gazelle, ne t’en fais pas trop. C’est une jument en pleine forme. Ça se passera bien, tu verras.

Le père a un petit sourire en coin lorsqu’il s’approche de Maya.

— Alors, ma fille, on bavarde avec son amoureux alors qu’il devrait être au manège ?

— Oh papa !

— Tu crois que je n’ai rien remarqué ? Vous avez l’air de bien vous entendre tous les deux…

— C’est normal non ? Puisqu’on aime beaucoup les chevaux tous les deux.

— Ouais… À propos, qu’aviez-vous de si important à vous dire ? Ce n’est pas son genre de laisser les élèves seuls même pendant cinq minutes.

— Justement, je voulais t’en parler…

Et elle lui raconte la demande de Caroline et la réaction de Mic.

— Inutile de déranger le maître pour ça. Je lui en parlerai à l’occasion. Tu diras à ton amie que le planning ne permet pas l’absence de Mic d’autant plus que la naissance d’un nouveau poulain va nécessiter plus de travail.