Recueil de nouvelles à chutes - Tome 1 - Virginie Verhaeghe-Liotard - E-Book

Recueil de nouvelles à chutes - Tome 1 E-Book

Virginie Verhaeghe-Liotard

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Beschreibung

Êtes-vous prêts à découvrir la vie de différents personnages : un ami exploité, une femme gravement malade, un professeur peu respecté, des adolescents aventureux… ? Ce livre est une satire sociale qui dépeint la nature humaine dans toute sa noirceur. Chut ! Lisez, mais ne dites rien à votre entourage.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Professeure agrégée de SVT, Virginie Verhaeghe-Liotard est férue de nature, d’éthologie et d’histoires horrifiques. Auteure de Le coucou publié au Lys Bleu Editions, dans ses ouvrages, elle partage ses expériences dans le cadre de ses passions. Chut ! est le premier tome d’un recueil de nouvelles qui marque son identité littéraire.

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Seitenzahl: 130

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Virginie Verhaeghe-Liotard

Chut !

Recueil de nouvelles à chutes

Tome I

© Lys Bleu Éditions – Virginie Verhaeghe-Liotard

ISBN : 979-10-377-6844-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

1

Billy

Salut ! Moi c’est Billy. Pas gâté par la nature. Je suis moche, j’ai un peu d’embonpoint et je suis court sur pattes. Beau tableau me direz-vous ! Et encore, vous n’avez pas vu ma gueule ! Alors, passons sur moi et parlons plutôt de Magalie.

Magalie c’est un ange tombé du ciel, une apparition, une madone. Je ne me lasse pas de la contempler, cette beauté hypnotique. Je la suis du regard et ça la fait rire. Elle me dit :

— Arrête de me fixer comme ça, c’est gênant !

Magalie. Trente-deux ans. Un corps parfait, féminin, tout en courbes. Une poitrine opulente mais ferme, une taille marquée et des hanches développées, c’est une véritable Vénus. Elle est rousse flamboyante, ses cheveux cascadent en boucles souples sur ses épaules. Son nez mutin couvert de taches de rousseurs lui donne un air enfantin. Ses yeux noisette brillent d’un éclat vif. Ses sourcils fournis ornent son regard de biche. Son visage irradie. Elle sourit tout le temps. C’est MA Magalie.

Vous vous demandez certainement si je suis en couple avec cette jolie femme, et vous vous dites : « quel gâchis ! ». En tout cas, vous avez deviné que je suis follement amoureux d’elle, et vous ne vous êtes pas trompés !

Malheureusement pour moi, point de mariage à l’horizon. Je suis un vieux célibataire puceau de surcroît. Ma belle quant à elle est également un cœur à prendre.

Mais qui suis-je pour elle alors ? Je suis son meilleur ami, son confident, c’est elle qui me l’a dit. Quoi de pire pour un amoureux transi que d’être considéré comme un confesseur ?

Sous prétexte que je suis laid, Magalie m’a estimé d’entrée comme un être asexué, dénué de désirs et de pulsions. C’est vrai que je n’inspire pas l’amour, avec mon allure pataude. Magalie me dit sans cesse : « tu me fais rire ». Voilà donc ce que je lui provoque ! Je la divertis avec mon physique pas facile, elle me trouve mignon, un peu comme un nain de jardin. Je suis attendrissant, c’est déjà ça. Elle ne me craint pas comme les autres mâles, prédateurs dans l’âme, toujours prêts à la draguer lourdement. Elle sait qu’avec moi, elle sera tranquille, je ne représente aucun danger, elle ne risque pas de se faire violer par moi, c’est sûr. Mais elle exagère quand même ! Quand je la vois, mon petit cœur palpite et j’ai envie de bondir. Elle ne se rend pas compte du mal qu’elle me fait en me traitant comme ça. Elle me séduit mais elle ne le sait pas. Elle m’aguiche sans cesse, ça me trouble.

Nous nous sommes rencontrés et ça a été le coup de foudre amical pour elle, amoureux pour moi voilà déjà 5 ans. Elle m’a regardé et j’ai cru qu’elle m’aimait, mais ce n’était pas tout à fait ça. Dès notre premier rendez-vous, j’ai tout su de sa vie chaotique. Elle avait tellement besoin d’une oreille attentive, et moi, gentil, et trop content d’entrer dans sa vie, j’ai accepté cela pour mon plus grand malheur. En plus, je suis une tombe, rien de mieux pour un confident. Et depuis 5 ans, je ne fais que ça, écouter ses malheurs.

Magalie est institutrice à l’école primaire du village. Elle enseigne en petite section de maternelle. Son métier la passionne depuis bientôt dix ans. Elle s’investit énormément. Ses journées sont bien remplies avec tous ces gamins bruyants. Les jours sont rythmés par les récréations, les pauses-pipi incessantes, les nez qui coulent, les jeux, activités éducatives et les pleurs. Lorsqu’elle rentre le soir, elle quitte aussitôt ses vêtements de maîtresse pour revêtir son pyjama confortable et ses pantoufles, et enfin souffler. Ces journées d’enseignante sont harassantes. Et moi, je suis là chaque soir pour le débriefing de la journée. Fidèle au poste. Un ami, c’est fait pour ça.

Elle me raconte dans le détail ses petits tracas d’institutrice. Théo a fait caca dans sa culotte, il avait la gastro. Léonie a mordu Tom jusqu’au sang. Madame Michaud lui a encore tenu le crachoir de 16 h 30 à 17 h sous prétexte que sa fille est précoce et qu’elle nécessite un traitement particulier. Elle soupçonne Marie d’avoir des petites bêtes. Elle l’a vue se gratter toute la journée. Il va falloir ressortir les pancartes « attention, les poux sont de retour ! ». À ces mots, je me gratte, c’est instinctif. Et puis il y a Pierre, le bel instit de CM2 qui ne la calcule pas. Pourtant aujourd’hui elle a mis ses plus beaux atours : sa petite jupe qui marque bien la taille et son haut près du corps et décolleté mettant ses attributs féminins en avant. « Tu vois de quelle tenue je te parle Billy ? ». Oh que oui, je vois tout à fait. Il n’y a que Pierre pour ne rien voir. Quel con ce type ! Il est PD ou quoi ?

Il n’est peut-être pas homo, mais Magalie, elle, croit que je le suis. Une fois elle m’a dit : « Ce qui est bien avec toi, c’est que je peux tout te dire, tu es un peu comme une copine ». Je n’ai rien fait pour l’en dissuader, comme je sais qu’il ne se passera jamais rien entre nous, vu mon physique, j’ai au moins ça, ses petits secrets. Ça me fait plaisir et mal à la fois, surtout quand elle parle de Pierre et de ses ex. Je suis jaloux, ça me rend dingue. Des fois je boude, et elle ne sait pas pourquoi. Elle est cruelle sans le faire exprès.

Ses ex, parlons-en ! Tous des connards ! Elle s’entiche de tous les bellâtres qui trainent, alors que moi, je suis là, sous ses yeux, et elle ne me voit pas. Et pourtant je pourrais la rendre heureuse.

Son premier amour, un certain Paul, fut rencontré au lycée, l’année de sa terminale ES. Dès septembre, Magalie avait capté ce beau gosse qui se la jouait un peu, conscient du charme qu’il dégageait. Grand brun aux yeux noirs et corps athlétique, il séduisait en un clin d’œil avec son sourire espiègle. De son côté, il ne tarda pas à remarquer cette rousse incendiaire qui le matait constamment. C’est le 31 décembre, lors d’un réveillon organisé par un élève de la classe, qu’ils échangèrent leur premier baiser et que démarra leur histoire d’amour passionnelle. Magalie était folle de Paul, et Paul était dingue de Magalie. C’était un amour comme seul le premier peut l’être : intense. Durant leurs études communes, ils furent co-locataires et partagèrent les joies et les peines de la vie de couple. Ils étaient si soudés que Magalie osa enfin aborder l’idée du mariage avec son amoureux. Un peu surpris, Paul semblait moins enthousiaste, il disait « on a le temps ! », mais il se laissa facilement convaincre. Magalie et Paul, ayant obtenu leurs concours de professeurs des écoles, pouvaient désormais voir l’avenir en grand, version mariage-maison-bébés ! Finalement, la date de la noce fut programmée et tous les préparatifs commencèrent. Location de la salle, réservation du traiteur, de la sono, élaboration de la décoration de salle, et bien sûr, achat de la robe de mariée. Magalie était aux anges. Lors de l’essayage avec sa maman, elle pleura toutes les larmes de son corps. Si belle dans sa robe princesse en tulle et traîne, et son bustier forme « cœur ». C’est deux jours avant la date fatidique que Paul lui annonça tout de go qu’il ne voulait plus se marier, ayant rencontré quelqu’un d’autre. Tous ces préparatifs l’angoissaient et il avait dû se faire consoler par cette jolie instit pas farouche et surtout très salope qui brisa leur couple. Autant dire que Magalie fut cassée par cette expérience traumatisante. Elle resta couchée des semaines durant, en pleine dépression, au bord du suicide.

Quand elle me raconte cette histoire (je la connais par cœur à force), elle me montre les photos de Paul qu’elle conserve malgré tout dans son tiroir de table de nuit et celles où elle posait en robe de mariée. Moi, je peux dire que sans hésiter, je l’aurais épousée ! Mais pourquoi elle garde les photos de ce merdeux qui lui a fait tant de mal ? Complètement maso. Je crois que Paul reste son modèle malgré tout. Même non présent, il continue à faire son malheur. Personne ne lui arrivera jamais à la cheville d’après Magalie. D’ailleurs elle me narre régulièrement ses diverses expériences navrantes qui ont suivi le « Dieu » Paul.

Après avoir bien morflé, Magalie se remit doucement de sa dépression dans les bras d’un certain Jacques. Un homme gentil et bien plus âgé qu’elle. Il lui servit d’homme « médicament », car dès qu’elle fut complètement rétablie, les divergences entre eux liées à leur différence d’âge lui apparurent soudainement. Elle rompit sur le champ, laissant un homme détruit. Un peu plus tard, elle se mit à surfer sur les sites de rencontre et dénichait régulièrement des hommes prêts à l’emploi. Malheureusement, leurs intentions étaient plus portées en dessous de la ceinture qu’au-dessus. Le nombre de cas sociaux rencontrés sur ces plateformes était impressionnant. Toujours un hic, jamais parfait, jamais aussi bien que Paul ! Ces hommes consommés comme des kleenex lui évitaient juste de rester seule chaque soir.

Magalie rêvait toujours au grand amour, mais je crois que Paul fut le seul et l’unique.

Heureusement, moi, j’étais là ! Magalie ne cessait de me le dire. Elle m’aimait d’amitié profonde. Moi, j’aurais voulu qu’elle m’aime d’amour. Mais je m’en contentais. Souvent, elle me serrait dans ses bras, presque à m’étouffer. Elle ne se rendait pas compte de l’effet de dingue qu’elle me provoquait. La tête dans ses seins, mais qu’est-ce qu’elle croyait ? Que j’étais de bois ? À cette occasion, je reniflais son odeur suave de femelle. Son effluve, ses phéromones, ce parfum m’enivrait. Comment pouvait-elle ne pas se rendre compte de l’effet qu’elle produisait sur moi ?

Elle poussait le vice jusqu’à me faire coucher à côté d’elle. Certains soirs, lorsqu’elle déprimait à cause d’une histoire de mec, ou de Pierre qui ne la regardait toujours pas, elle me disait de venir la rejoindre dans son lit, ne voulant pas être seule. Quelle torture pour moi ! La cruauté de cette femme ! Elle se déshabillait, en tout bien tout honneur, sans se cacher, et je contemplais avec mes yeux exorbités ce corps superbe complètement nu. Elle me disait innocemment « devant toi, je n’ai aucune gêne, tu es comme ma pote de toujours ». Et je ne disais rien pour la détromper, trop content de mater, tout en souffrant de ne pas pouvoir aller plus loin. Les nuits comme ça, elle me collait, et moi, je me mettais sur le côté du lit, en boule pour éviter tout contact malaisant avec elle. J’avais du mal à m’endormir, trop excité par sa présence. Mon souffle était haletant. Elle me disait en riant :

« Tu ronfles ! C’est bien, ça me berce ! »

Le lendemain matin, elle riait encore, car elle prétendait que j’avais des gaz la nuit. Je ne savais plus où me mettre. Pour elle, pas de problèmes, c’était naturel. Aucun embarras entre nous.

Un soir, elle poussa le vice jusqu’à coucher avec un de ses prétendants du web presque sous mes yeux. J’étais dans l’appart, sur le canapé du salon après avoir passé la soirée en sa compagnie et de celle du Monsieur dont je me serai bien passé. Pourquoi m’avoir invité alors qu’elle avait un rendez-vous galant ? Pour tenir la chandelle ? Jouait-elle avec mes nerfs ? Était-elle sadique ou exhibitionniste ? Toujours est-il qu’à l’heure du coucher, le couple s’isola sans fermer la porte de la chambre nuptiale. De curiosité un peu malsaine, je me suis approché pour regarder dans l’entrebâillement de la porte. La scène de copulation m’excita un peu mais j’enrageais à l’idée que ma belle s’accouple avec quelqu’un d’autre que moi. Je me surpris la bave aux lèvres…

*

Dans le jardin, Billy tourne sur lui-même, l’air absent. Magalie le cherche partout. Ce matin elle vient de congédier son rencard minable de la veille :

« Billy ! Viens mon chien ! Arrête de faire la gueule ! Mais oui, tu es mon seul amour, ne t’inquiète pas ! »

Mais qu’est-ce qu’il est jaloux ce bouledogue, pense-t-elle, et elle rit aux éclats.

2

Cocon

Lucien était ce qu’on appelle « un vieux clodo ». Âgé de presque soixante ans, mais en paraissant 10 de plus, il rôdait depuis des lustres dans la ville. Tout le monde le connaissait, avec son regard salace, son allure avachie, épaules rentrées dedans, son visage barbu négligé et ses vieilles fringues décrépies d’une saleté repoussante. Il avait toujours une bouteille sur lui et le teint rubicond assorti. Soit du rouge qui tache dans le style « villageoise » en plastique ou canette de bibine au rabais. Il empestait l’alcool du matin au soir. Ce vieil ivrogne faisait partie des meubles dans les rues de Rive de Sambre où les passants l’évitaient, dégoûtés et apeurés. Lucien faisait la manche devant le magasin « Coccinelle » pour pouvoir s’acheter sa dose quotidienne d’éthanol. Dès que la somme récoltée atteignait la valeur de quelques litrons, il courait s’approvisionner au supermarché, assoiffé. Toutes les caissières le connaissaient bien, habituées à ses allers retours quotidiens et à son fumet fétide. Il arrivait souvent à Lucien de ne plus contrôler ses sphincters et de se pisser dessus, maculant son vieux falzard déjà raide de crasse. Quand cela lui arrivait, il disait « ben quoi, ça arrive à tout le monde ! », tout en passant sa langue gluante sur ses lèvres gercées et en faisant des clins d’œil lubriques à la jeune employée choquée. L’hôtesse de caisse ne manquait pas d’asperger l’air de désodorisant senteur menthe glaciale pour couvrir l’odeur puante laissée par le sale bonhomme.