Recueil de nouvelles à chutes - Tome 2 - Virginie Verhaeghe-Liotard - E-Book

Recueil de nouvelles à chutes - Tome 2 E-Book

Virginie Verhaeghe-Liotard

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Beschreibung

Entre un enfant qui disparaît mystérieusement, un explorateur qui part à la conquête de l’Amazonie, un grand homme qui mène le plus grand combat de sa vie… Chut ! Recueil de nouvelles à chutes - Tome II vous entraîne dans une aventure saisissante, peuplée de bouts de vie et de personnages particuliers et fascinants, dans laquelle vous êtes invités à vous plonger.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Professeure agrégée de SVT, Virginie Verhaeghe-Liotard est férue de nature, d’éthologie et d’histoires horrifiques. Auteure de Le coucou publié au Lys Bleu Éditions, dans ses ouvrages, elle partage ses expériences dans le cadre de ses passions. Elle signe, avec ce livre, le deuxième tome d’un recueil de nouvelles qui marque son identité littéraire.

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Seitenzahl: 114

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Virginie Verhaeghe-Liotard

Chut !

Recueil de nouvelles à chutes

Tome II

© Lys Bleu Éditions – Virginie Verhaeghe-Liotard

ISBN : 979-10-377-7071-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

1

Faire corps avec la nature

Antoine, ainé d’une fratrie de deux garçons, était un jeune homme de 14 ans passionné par la nature et les animaux. Sa passion frisait l’obsession depuis qu’il regardait des émissions survivalistes à la télévision.

Il commença par Koh Lanta qu’il suivait depuis tout petit en compagnie de son frère. Il n’aurait raté pour rien au monde ce programme, mélangeant survie, compétition sportive et stratégies pas toujours très fair-play. Ce n’était pas ce dernier aspect de l’émission qui l’intéressait le plus car pour Antoine, « l’enfer c’était les autres ». Il préférait s’instruire sur les techniques de construction d’un radeau avec quelques rondins, sur la fabrication d’une cabane ou d’une nasse à poissons. Il adorait voir les méthodes de pêche au harpon, de chasse aux crustacés et mollusques, et par-dessus tout celles qui permettaient d’allumer un feu avec deux bouts de bois. Son héros était un certain Freddy, jeune ingénieur un brin prétentieux, véritable Géo Trouvetou de cette émission de télé-réalité, capable de vous fabriquer un super salon/cuisine de rêve avec 3 planches et de vous attraper 3 gros poissons pour le souper avec les dents.

Antoine poursuivit avec des programmes TV présentés par Mike Horn, le super aventurier. « The Island » le scotcha particulièrement, avec des candidats mis dans des conditions extrêmes, au risque de faire passer Koh Lanta pour un camp de vacances 5 étoiles. Pas de riz, pas d’eau, des moustiques gros comme le bras et des bêtes venimeuses en veux-tu, en voilà. Les participants souffraient beaucoup, perdaient du poids et se couvraient de pustules. Sans compter le climat tropical déversant des averses torrentielles chaque nuit. Bien évidemment, la saison des pluies rajoutait un peu de « piquant » à l’aventure. Mike, avec son accent à couper au couteau mi-américain, mi-germanique, distillait ses conseils aux aventuriers en herbe, comme « boire son urine » si on ne trouvait pas d’eau et menaçait de mourir de déshydratation. L’expérience peu ragoûtante fut pratiquée dans l’émission à maintes reprises. A priori, la pisse n’était pas un grand cru au vu des grimaces de dégoût lors des dégustations. Mike Horn, quinquagénaire musclé et buriné par ses exploits sportifs dans des conditions de survie apocalyptiques, supplanta largement Freddy dans le cœur d’Antoine. Il devint son nouveau modèle. Cet homme, capable de gravir les montagnes les plus hautes de la Terre, de traverser les contrées les plus glaciales, de voguer sur les fleuves les plus impétueux, et tout ça en solitaire, bien évidemment, était un vrai superman !

Ainsi, la chambre d’Antoine était tapissée de posters de son idole. Il s’identifiait complètement à lui. S’inspirant de son modèle, il avait ainsi appris à allumer un feu avec la technique des bouts de bois. Il suffisait de frotter énergiquement un bâton dur dans un autre plus tendre creusé d’une encoche pour faire naître avec un bon coup de main quelques braises qu’il suffisait alors de transposer sur des brindilles bien sèches. En emprisonnant cette paille et les braises dans ses deux mains jointes mais entrouvertes pour laisser passer de l’air, qu’il agitait par des mouvements de rotation, il finissait par obtenir une flamme. Il y parvenait systématiquement à force de travail, et à chaque fois, la joie de créer un feu le comblait.

Souvent, Antoine allait avec son matériel de pêche à l’étang communal. Il avait un permis, une canne et quelques accessoires indispensables pour capturer quelques jolies prises. Il se faisait une joie de déguster le soir même les fruits de sa chasse. À dire vrai, le goût du poisson n’était pas ce qu’il préférait, mais la satisfaction de l’auto-suffisance l’emportait sur le plaisir de manger.

Dès qu’il pouvait, Antoine se rendait à vélo dans la forêt la plus proche, à environ un kilomètre de son domicile. Ce bois, son terrain de jeu favori, était le théâtre de ses constructions multiples : cabane, banc, table, radeau. Pour son dernier anniversaire, il avait reçu un petit livre sur les techniques de nœuds qu’il gardait constamment sur lui pour expérimenter les liens les plus solides. À force d’essais, il s’améliorait vraiment. Il comptait dormir prochainement dans sa dernière hutte, de préférence un jour de pluie pour en vérifier l’étanchéité.

Pour essayer de sculpter ses biceps et ses pectoraux, à l’image de son maître qui affichait une musculature impressionnante pour son âge, Antoine s’équipa de quelques haltères. Il espérait ainsi gagner en force pour pouvoir grimper aux arbres. Grâce à sa persévérance, il devint capable d’échapper à une attaque de meute de loups sauvages en filant tel un gibbon sur le tronc d’un arbre.

Dans une moindre mesure, Antoine s’essaya à la chasse, car tuer les animaux n’était pas aisé pour lui qui les chérissait. Il tenta la pêche aux grenouilles avec succès grâce à un chiffon rouge agité servant d’appât, mais il n’osa pas le coup de grâce et les relâcha toutes à la fin dans une cacophonie bondissante. De même, il confectionna différents types de pièges qu’il posa dans la forêt mais libéra les pauvres petits mammifères terrorisés le lendemain en s’excusant de les avoir traumatisés. Il savait qu’en cas de force majeure, il serait probablement capable de sacrifier une vie pour sauver la sienne.

Un jour, Antoine tenta de siroter le jet doré dont il avait au préalable rempli une bouteille. La sensation du liquide encore chaud au goût franchement dégueulasse lui laissa un goût atroce dans la bouche pendant une bonne partie de la journée. En arrivant chez lui, il se lava les dents à plusieurs reprises pour chasser l’odeur de pissotière qui s’échappait de son bec ! Il ne devait réserver cette pratique qu’aux situations désespérées.

Bien évidemment, pour parfaire son profil de parfait aventurier, Antoine réalisait fréquemment de grandes randonnées avec de forts dénivelés, pratiquait l’escalade en club et s’adonnait au vélo, au kayak parfois et à la course à pied. Pour augmenter ses connaissances sur la nature et ses ressources, il lisait des manuels traitant des herbes et champignons comestibles et apprenait à identifier les espèces toxiques. Ainsi il lui arrivait fréquemment de mâcher une fleur de mauve ou de pâquerette cueillie au bord d’un chemin et savait reconnaître l’amanite et la datura mortelles.

Malheureusement, Antoine n’avait pas trop le temps dans la semaine de se consacrer à sa passion, car le collège était chronophage. Il attendait donc avec impatience les mercredis après-midi, les week-ends et les vacances pour s’adonner à son obsession de la survie en milieu hostile.

Son petit frère Thibaud, de 2 ans de moins que lui, ne partageait guère cette passion, bien trop obnubilé par son écran d’ordinateur. Véritable geek, il passait le plus clair de son temps libre à jouer à des jeux vidéo en réseau, ce qui exaspérait Antoine. Les deux frangins, bien que vivant sous le même toit, ne partageaient pas grand-chose, à part le bus qui les emmenait et les remmenait du collège chaque jour.

Hélène et François, les parents des deux garçons, étaient restaurateurs, ce qui leur donnait un emploi du temps chargé, laissant peu de temps libre. Antoine et Thibaud, habitués depuis leur plus jeune âge à rentrer seuls de l’école, à se préparer à manger en l’absence de leurs parents qui faisaient un service du midi et du soir cinq jours sur sept, étaient bien débrouillards. Souvent, leurs parents rentraient vers 22 h 30, exténués. Ils ne se voyaient que le lendemain matin, au petit déjeuner. Hélène percevait d’un mauvais œil la passion de son fils pour les escapades en forêt. Comme toute maman, elle craignait toujours les mauvaises rencontres. Antoine la rassurait par son statut d’homme fort, ne craignant rien.

Ce jour-là, Antoine et Thibaud, comme à leur habitude, rentraient du collège par le bus de 16 h 30 qui mettait à peu près 30 minutes pour rejoindre leur domicile. Ballotés de gauche et de droite et agrippés aux barres, les deux frangins debout et serrés comme des saucisses s’ignoraient ostensiblement. Entre eux, cela n’avait jamais été le grand amour. Antoine, sportif, affichait une stature tonique et des épaules développées tandis que Thibaud le geek, malingre et blanchâtre était affublé d’un petit ventre flasque témoignant de son inactivité physique. Une fois arrivés à l’arrêt, ils rejoignaient à pied le domicile situé à une centaine de mètres, côte à côte, silencieux. À peine franchissaient-ils la porte d’entrée, qu’ils se ruaient dans la cuisine pour se préparer un goûter gargantuesque à la mesure de leur appétit d’adolescents insatiables. Puis, repus, ils rejoignaient chacun leurs chambres respectives. Ils ne redescendaient de leurs antres que vers 19 h pour prendre le souper préparé par leur mère, tout prêt dans le frigo. C’est donc vers 19 h, réglé comme une boîte à musique, que Thibaud ouvrit la porte de sa chambre pour rejoindre la cuisine. Il dévala les escaliers et ouvrit le frigo où trônait un plat de lasagnes. « Merci, maman ! » pensa Thibaud, l’eau à la bouche. Étonné de ne pas voir accourir son frère, Thibaud l’appela : « Antoine, on bouffe, tu viens ? C’est des lasagnes ! ». Aucune réponse. Silence. Thibaud réitéra : « Antoine, tu m’entends ? ». N’ayant aucune réaction venant du haut de l’escalier, Thibaud décida de monter, énervé d’être obligé de secouer son idiot de frère. Quand il ouvrit la porte, la chambre était vide… Bien rangée et parfaitement désertée. Thibaud cria à plusieurs reprises : « Antoine ? ». Il fit le tour de la chambre, dévala les escaliers, alla dans le salon, puis dans toutes les pièces de la maison. Il finit par sortir dans la cour. À cette heure, il faisait déjà sombre. Pas de trace de son frangin. Mais où était-il passé ? Paniqué, le cadet ne savait plus quoi faire. Il craignait de se faire engueuler par ses parents s’il leur disait qu’il avait perdu son frère. Cela paraissait insensé. Il n’avait rien entendu ! Il faut dire qu’avec son casque vissé sur les oreilles et le son à fond de cale, on ne voit pas comment il aurait pu percevoir quoi que ce soit ! Les larmes aux yeux, il composa le numéro du restaurant parental, « le coucou » qui comme son nom l’indique siégeait dans les bois. Au bout de deux sonneries, c’est sa mère qui décrocha. On peut dire qu’il tombait très mal, pile à l’heure du service. « Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a, Thibaud ? Tu sais qu’il ne faut pas m’appeler maintenant ! J’espère que tu as une bonne raison ! ». Thibaud rétorqua : « maman, Antoine a disparu ! ».

Bien évidemment, sous le choc, Hélène et Francis abandonnèrent leurs 2 employés pour rejoindre précipitamment leur logis, complètement paniqués. Après avoir questionné Thibaud sur la soirée depuis le retour du collège, il apparaissait qu’Antoine s’était purement et simplement volatilisé. Dans sa chambre, aucune trace : parfaitement rangée, le lit refait, le bureau net, rien ne traînait. Aucun accessoire ne manquait. Ils contactèrent immédiatement la gendarmerie. Ceux-ci rappliquèrent et commencèrent par interroger les parents et le frère sur les habitudes d’Antoine. D’après le profil dépeint, ils penchaient fortement pour l’hypothèse de la fugue afin d’expérimenter la survie in situ. Bien qu’Hélène certifiât qu’Antoine n’avait aucun problème personnel justifiant cette fuite, le gendarme maintenait sa supposition. Il les rassura sur le fait que leur fils reviendrait probablement rapidement, tenaillé par la faim et regrettant son escapade. D’après eux, tout rentrerait dans l’ordre d’ici quelques jours. Quelques affiches furent placardées dans les environs pour retrouver le fuyard, brun, 1m70, vêtu d’un blouson kaki. Les parents, persuadés que leur fils rôdait dans les environs de la forêt, passaient leurs journées à marcher dans les chemins de randonnée en criant à tue-tête le prénom de leur enfant. En vain. Ils déposaient même chaque jour un sac de nourriture au bord du chemin avec un mot : « Reviens, Antoine, on ne t’en veut pas ! On t’aime ! »

Malheureusement, les prédictions du gendarme ne se réalisèrent pas. Cela faisait maintenant une semaine qu’Antoine s’était volatilisé dans la nature. Ses parents se rongeaient les sangs, ils n’en dormaient plus. Après l’hypothèse de la fugue venait celle de l’enlèvement. La disparition du jeune homme fut tout à coup jugée sérieuse et passa au statut « d’inquiétante ». Des battues mobilisant un grand nombre de bénévoles furent menées dans les environs. Il faut dire qu’avec la forêt, les reliefs, les vieilles bâtisses en ruine, les cachettes étaient nombreuses et rendaient difficile la fouille. Et malgré tous leurs efforts, Antoine restait désespérément introuvable.

Hélène et Francis multipliaient les appels dans le journal télévisé, à la radio. Il suppliait Antoine de revenir ou à la personne qui le détenait de le relâcher. Le visage de la mère était en larmes. Toute la région était traumatisée par ce fait divers.

Pas une semaine ne passait sans qu’un témoignage relatant l’apparition d’une ombre au coin d’un bois ressemblant à Antoine ne soit produit. De nombreuses personnes certifiaient avoir aperçu le môme glissant tel un lynx entre les arbres, s’échappant subrepticement comme une vipère ou courant à la façon d’un lièvre pris en chasse. Tous voyaient un être aux cheveux bruns et à la stature concordant à celle du fuyard. Chacune de ces déclarations faisait renaître l’espoir des parents meurtris. Mais à chaque fois, tout cela retombait comme un soufflet par absence totale de preuves. Antoine était-il devenu un fantôme ?