Réenchantons - Oranne Volco - E-Book

Réenchantons E-Book

Oranne Volco

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Beschreibung

"Réenchantons" est un recueil de récits poétiques mêlant fantastique, onirisme et contemplation du monde. Chaque nouvelle explore un lien sensible entre le réel et l’invisible, les émotions humaines et les forces naturelles ou mystérieuses. On y croise des souveraines félines, des apparitions lacustres, des objets chargés de mémoire ou encore des rencontres impossibles dans des forêts brumeuses. L’auteure y célèbre la part d’intuition, de rêverie et de connexion au vivant que chacun peut cultiver. La langue est riche, imagée, et souvent teintée d’humour doux-amer. Un hommage discret à l’étrangeté du quotidien et à la magie tapie dans l’ordinaire.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Oranne Volco s’est d’abord tournée vers les lettres modernes, avant d’explorer des voies artistiques puis le métier d’infirmière, guidée par un goût profond pour l’humain et l’imaginaire. Dans "Réenchantons", elle écrit pour le simple élan de raconter, de partager des instants où le réel frôle l’étrange. Ses récits offrent une échappée sensible, où le merveilleux affleure au détour du quotidien.

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Seitenzahl: 97

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Réenchantons

Nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Oranne Volco

ISBN : 979-10-422-7383-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

La guerrière aux yeux doux

 

 

 

Elle se reposait, paisible, sa tête délicatement penchée sur son cou altier.

Des reflets chauds animaient sa douce crinière rousse, accrochant le regard de leurs éclats mordorés.

Percevant un mouvement, elle entrouvrit les paupières, révélant des prunelles d’un vert profond.

Elle remua à peine sur son siège.

Ses sujets méritaient-ils son attention ?

Elle semblait à la fois lasse et sereine, et cependant prête à focaliser en un instant toute son attention sur un sujet qui en vaudrait la peine.

D’une oreille distraite, depuis son piédestal couvert de fourrures, elle écoutait.

Des dizaines de sollicitations pouvaient bien défiler à ses pieds que, sans motif valable à ses yeux si précieux, elle ne daignerait point bouger d’un cil.

 

Soudain, son corps se figea. Ses pupilles s’étrécirent sous ses paupières toujours mi-closes. Un sujet avait capté son attention.

Sa posture se raffermit à mesure qu’elle comprenait la situation.

En souveraine sachant à la fois décider et agir tant rapidement que fermement, elle jaugea en un instant la situation, se redressa de toute sa hauteur, et ordonna aux formidables forces dont elle disposait de se mobiliser instamment.

 

Empressée, sans lui tourner le dos, sa suite la précéda afin d’ouvrir les portes du palais à la souveraine et à ses royales forces.

 

Quelque temps plus tard, lasse et lascive, elle s’étendra sur sa couche molletonnée, détendant chacun de ses muscles, fermant ses si grands yeux.

Qu’alors nul n’ose troubler son repos, le repos du guerrier. Nul ne s’y aventurerait en son royaume, sous peine d’être cruellement châtié.

 

Après un temps de repos conséquent, ses serviteurs, à son signal, lui porteront son déjeuner, riche en protéines. Rares furent les souverains si respectés et craints, et à la fois servis avec déférence et admiration, amour même.

 

La Reine sera ensuite escortée à son programme d’entraînement, duquel, comme à l’accoutumée, elle s’échappera, afin de sentir sa liberté sauvage, avant de revenir sur son domaine, à ses sujets et à ses combats.

 

La veille, la guerre avait éclaté aux portes du royaume. Un ennemi lourdement armé avait initié une intrusion sur ses terres. Ainsi la souveraine n’avait-elle pas hésité une seconde avant d’engager le combat.

Elle semblait faite pour cela.

À la vue des forces adverses, ses paupières s’étaient figées, révélant un regard fixe ; chacun de ses muscles soudain bandé, elle s’était jetée dans la mêlée, ses armes semblant toujours plus acérées, sanguinaire. La dignité avait cédé la place à la barbarie la plus invraisemblable. Cette sauvagerie fascinait et séduisait tout son peuple.

L’ennemi, après une bataille rude où se mêlèrent chants, chairs lacérées et hurlements, rendit les armes et battit en retraite, rassemblant ce qu’il restait de ses forces blessées.

 

Victorieuse, la lippe sanglante, la Reine guerrière revint au palais, à la fois victorieuse et éprouvée. Sous les clameurs de son peuple, elle s’en retournait refaire ses forces.

 

Ce matin-là, sa soif de guerre et de paix rétablie, assouvie, la souveraine reposée embrassa son royaume d’un regard satisfait.

Son peuple béat se noya alors dans ses insondables, tumultueux et si paisibles yeux liquides.

 

Tranche de vie féline

 

 

 

 

 

Crueseult

 

 

 

Les premiers rayons du soleil nimbaient les collines brumeuses, les nappant d’une lumière étrange.

Aucun son ne semblait pouvoir sourdre au travers de ce filtre opaque. La forêt s’était faite silencieuse. Le temps, la vie, elle-même, semblaient figés par le phénomène. Un peu comme dans une ouate aussi délicate que fournie.

Un tapis de mousse courait entre les troncs des vieux feuillus, d’un vert tendre et acidulé. Des campanules y égrenaient leurs rares clochettes silencieuses couvertes de rosée.

Quel curieux endroit pour un rendez-vous.

Sans être glaciale, l’humidité rendait l’air plutôt froid.

Quelque peu engourdi, il ferma doucement les paupières. Inexplicablement, il perçut la course d’un renard sur le tapis de la forêt, glissant promptement entre les branches, souches et ronces, ses petits pas sûrs et rapides aussi légers que la brume elle-même, magnifique flamme fauve sur cette piste verdoyante. C’était invraisemblable. Il ne voyait plus le renard courir, il était le renard en pleine course ! Chaque pas, si léger fût-il, faisait sourdre l’eau des mousses, il pouvait en sentir l’humidité sur sa peau ! Il entendait son propre souffle, rapide et maîtrisé, les vives et chaleureuses palpitations de son cœur dans sa poitrine. L’air frais emplissait ses poumons, embaumé de senteurs plus incroyables et fines les unes que les autres ; l’une en particulier l’obnubilait et justifiait cette course. Il était sur une piste.

Alors quelque chose le poussa.

Il crut entendre un rire, tintinnabulant.

La brume, d’essence si légère, se faisait oppressante. Il ramassa son corps sur lui-même, toussa comme pour évacuer la brume épaisse et froide de sa poitrine, et se retourna.

Seul, debout, pantelant comme après une course, il scrutait les environs, hagard. S’était-il assoupi ? Il regarda ses baskets, l’humidité du sol les avait mouillées sur les côtés et la pointe. Quelque peu désorienté, il chercha à tâtons son mobile dans la poche de son pantalon. Soulagement, il le trouva. Comme un ancrage dans sa réalité. En revanche, il ne captait pas. Mais il donnait l’heure.

Il était là depuis à peine vingt minutes. Le soleil se faisant plus haut, et la brume s’étrécissant, le bois devenait plus lumineux.

Avec un soupir de soulagement, il la vit arriver.

Ils se saluèrent, et elle lui demanda de la suivre, quittant le majestueux chêne qui constituait leur point de rendez-vous.

Durant cette marche entre les arbres, le temps s’étira, à l’instar des lambeaux de brume qui s’effilochaient doucement dans le bois. Elle semblait à la fois interminable et rapide. Intemporelle, oui, c’était cela.

Elle s’était arrêtée. Le regard plein de défiance espiègle, elle désigna du menton un obstacle de taille : un tronc d’arbre enjambant un ru dont le lit avait creusé un fort joli sillon. Devant l’épreuve, il regarda ses chaussures mouillées en doutant de ses chances de réussite. Elle sembla le percevoir, car elle choisit ce moment pour lui tendre la main, un pied déjà sur l’arbre renversé. Une bise fraîche souffla, il plissa les yeux, et il lui sembla entendre son propre cœur battre, si petit et si rayonnant de chaleur dans cette forêt silencieuse et froide. Il secoua la tête, ouvrit les yeux, et saisit la main de la jeune fille. Le sourire de celle-ci s’agrandit, et, tenant sa main, il fit un pas sur le tronc. Étonnamment, les chaussures ne faillirent pas. La traversée fut lente mais sûre ; de temps en temps elle se retournait, et ses yeux pétillaient.

Après le pont de fortune, ou d’infortune diraient d’aucuns, la jeune fille poussa, tira le garçon vers une pente semblant monter sans fin. Essoufflé, il se forçait à regarder le sol sur lequel ses pieds mouillés se posaient (pas du déperlant, la prochaine fois : de l’imperméable !), en faisant abstraction de son inconfort.

Alors une main légère se posa sur son épaule. Il leva la tête, et le vit.

Un mégalithe improbable, niché là, dans cette drôle de forêt. Il avait un air bancal, et pourtant, nul doute qu’il contemplait la vie, posé là, depuis des siècles. Des faisceaux de mousses et de lichens en sillonnaient la surface rugueuse. Elle y posa sa main, se glissa au-dessous et s’assit en son centre. Les yeux clos, elle lui dit :

« J’ai rêvé de toi. »

Elle ouvrit les yeux et le regarda. Stupéfait, il ne savait que répondre.

« J’ai rêvé de toi alors j’ai voulu te voir. »

Ils se regardèrent un moment. Puis elle dit :

« Cela te surprend ? »

Il fixa ses yeux sur sa peau claire parsemée de taches de rousseur, sur ses boucles folles surmontant un regard châtain à la fois pétillant et grave.

Il n’avait pas besoin de parler. Il comprenait. C’était le début d’une histoire à la fois saisissante et évidente, une histoire pas comme les autres.

 

Bien des décennies plus tard, il n’avait pas oublié cette fille. Il n’avait pas oublié cette histoire singulière. Et, au fil des rencontres, des articles, il avait compris ce qui s’était passé. Certaines personnes, certaines âmes sont plus solidement reliées à la nature et aux autres êtres que d’ordinaire. À l’image du mystérieux mycélium qui parcourt l’humus et relie les arbres entre eux, échangeant des données au moyen de signaux chimiques, une théorie propose que les êtres soient invisiblement reliés entre eux. C’est ce réseau auquel pourraient plus aisément accéder certains ; ce lien impliquant une part d’inné et d’acquis sans aucun doute. Certaines pratiques hors d’âge permettraient d’y travailler.

Alors, cette fille au prénom ordinaire, à l’image de laquelle se superposaient moult sensations et surtout un mot étrange, « Crueseult », oui, il savait ce qu’elle était. Et, quelque part, un renard courait, tourbillon fauve mouillant ses pattes dans la mousse.

 

 

 

 

 

 

Une essence

 

 

 

Un petit bonhomme recroquevillé se déplie lentement ; ses gestes sont mal assurés, tremblotants.

Les fibres de sa chair sont fines et collent à peine à ses membres fluets. Il fait si froid. Il s’extrait, manquant de tomber, fragile carcasse, de la cavité fibreuse et pâteuse où il reposait, dans un état proche de la torpeur.

Il se sent faible, friable, petit dans ce vaste monde glacial et terne. Il expulse de son nez ce qui semble être un agglomérat de glaise grise et de glaire, crache, tousse, crie.

Un cri si faible. Propre à attirer un prédateur, ou bien un être secourable. Il entend un bruit sourd, comme un cri qui lui parviendrait étouffé. Aurait-il les conduits auditifs remplis eux aussi de cette pâte glaireuse dont il s’est extirpé ?

Lentement, il essaie d’y voir plus clair. Impossible, tout est gris. Tout est froid, et il se sent seul et impuissant dans ce milieu austère, hostile.

Soudain, un fracas rugissant envahit son monde. Son petit corps est attrapé par une force inconnue, chaude et pleine de vie. Écrasé de peur et de douleur, il pousse son cri le plus puissant, déchirant de faiblesse.

Il est alors posé contre une surface chaude, parfumée, les ailes de son petit nez s’ouvrent et aspirent ce signal olfactif. Il sait. Rassemblant ses maigres forces, chancelant, il rampe vers le salut.

« Regardez, il tète ! »

 

Unescence

Naissance

Nez sens

 

 

 

 

 

Glace