Regards terrestres - Pascale Frézier - E-Book

Regards terrestres E-Book

Pascale Frézier

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Beschreibung

"Regards terrestres" est un recueil de nouvelles. Tel un bouquet de fleurs, il se compose de 15 regards variés et colorés dépeignant notre quotidien de terrien. Chaque nouvelle, délicatement choisie et cueillie, apporte une teinte différente afin d’assembler le bouquet final. Il en ressort un feu d’artifice de maux sublimés, de souffrances dépassées, de croyances réanimées, d’espoirs revivifiés. Ce bouquet, c’est nous, chaque fleur, c’est notre regard porté sur la vie, à nous de le rendre plus beau et plus coloré, à nous de nous l’offrir en cadeau, car nous le méritons bien.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Pascale Frézier est professeure FLE depuis vingt-cinq ans. Forte d’un master en littérature française, elle a écrit son premier livre "Regards célestes" pendant une péricardite. Avec son second ouvrage "Regards terrestres", elle apporte un point de vue beaucoup plus réaliste, plus ancré dans les souffrances du quotidien. Mais tant que les "regards célestes" feront échos aux "Regards terrestres", la magie des rencontres continuera à opérer.

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Pascale Frézier

Regards terrestres

Nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Pascale Frézier

ISBN : 979-10-422-0726-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À mes chers grands-parents, Marie et Ernest,

grâce auxquels je suis là aujourd’hui…

Prologue

Comme les regards célestes font échos aux regards terrestres, il était logique que les deux livres résonnent ensemble. L’œil de ma nièce Malou de Regards célestes (Tome 1) ricoche sur la Terre (image de la couverture du Tome 2) et l’œil de mon fils Noé (Regards terrestres) brille en regardant l’Univers (image de la couverture du Tome1). Les deux livres se regardent mutuellement tels le microcosme et le macrocosme. Pour moi, cette résonance est primordiale, car l’un n’existe pas sans l’autre. Les deux résonnent ensemble. C’est la raison pour laquelle les Regards célestes et terrestres s’entrecroisent.

Dans le Tome 1, Regards célestes, il était plus question de brillance et de magie des rencontres. Dans le Tome 2, Regards terrestres, comme son nom l’indique, traite plus du corporel, des souffrances du terrien ; les accidents, les maladies, les peurs… Les regards seront plus terre à terre portés sur l’humain, sur ses difficultés à sublimer ses souffrances, à les dépasser. Tout est une question de point de vue et d’éclairage. La lumière est sur chacun de nous, mais notre mental nous empêche de la voir, il maintient volontairement un voile opaque en nous. Le divin est à l’intérieur de l’humain, nous le portons en nous, il suffit de savoir l’appréhender et de le regarder. Comme une maison, l’intériorité peut s’éclairer. Sans cette lumière intérieure, nous ne saurions rayonner. Comment faire ? Allez au plus profond de nos méandres, de nos noirceurs, descendre dans l’obscurité de nos peurs et de nos souffrances, les accueillir, les apprivoiser, leur tendre les mains, les faire venir à soi. Apprivoiser nos peurs et nos maux, les éclairer, voilà le chemin du terrestre. Porter la lumière et allumer nos bougies intérieures afin qu’elles mettent en lumière notre intériorité et révèlent notre spiritualité. À partir du moment où le terrestre rejoint le céleste, ou quand le céleste porte le terrestre, tout s’éclaire instantanément. C’est comme un faisceau doré qui nous transcenderait et nous transfigurerait. Notre regard change, la souffrance s’apaise, la lumière nous éblouit, et de là jaillissent mille soleils illuminant nos humbles visages terrestres. Quinze nouvelles comme autant de regards portés sur notre quotidien de terrien, sur notre long cheminement personnel pour tenter de rejoindre la source originelle, celle où les Regards célestes et terrestres ne faisaient qu’UN.

Première rencontre

Cœur à cœur

Je me suis toujours demandé à quoi ressemblait un cœur. Dans mon esprit, il ne pouvait être que beau vu l’amour qu’il dégage. Son premier battement relève du miracle. Et ce miracle ne cesse de se répéter chaque jour avec autant de mystère et de magie. Un battement au goût d’éternité qui s’ébat et se bat pour la vie jusqu’au jour où …

BABOUM BABOUM

BABOUM BA.

STOP. Il s’arrête…

Nous y pensons tous et ne voulons pas y croire, nous préférons cette course folle contre le temps, contre la mort. Une vie palpitante, à cent à l’heure, pour vénérer le miracle de la vie, pour le magnifier. Mais au contraire, notre cœur, à force de courir, de stresser, de battre, ne se ménage pas, s’épuise. Il a aussi besoin d’un petit rythme tranquille, d’être écouté. L’avez-vous déjà entendu ce petit pouls à peine perceptible du bout de nos doigts ? Aussi le médecin ne vous l’a-t-il jamais fait écouter au stéthoscope ? C’est vraiment très impressionnant, le son est démultiplié et on entend bien la pression du sang qui est éjecté. C’est très puissant et très beau aussi. Quand je suis allée chez la cardiologue pour faire un contrôle. Je lui ai dit en plaisantant qu’elle avait de la chance de pouvoir voir les cœurs des gens, que cela devait être très émouvant. Elle m’a répondu sèchement que tous les cœurs ne sont pas beaux et en l’occurrence, elle ne voyait que « les moches », car ils étaient malades. Cela me fendit le cœur et tous mes idéaux avec. Je reste persuadée que le cœur est un très bel organe et peu importe ce qu’en disent les spécialistes, il reste et demeure le lieu de nos émotions et a un rôle central dans notre corps et dans nos vies. C’est le roi, il siège en maître absolu. Vous en doutez, voici quelques expressions qui devraient vous convaincre : « j’ai le cœur gros ; j’ai quelque chose sur le cœur ; je mets du cœur à l’ouvrage ; je prends à cœur ; de gaieté de cœur ; si le cœur vous en dit ; en avoir le cœur net et s’en donner à cœur joie… ». Je n’ai pas le cœur à continuer, vous en conviendrez, les arguments sont de taille.

Cette réflexion m’a été inspirée par un magnifique film s’intitulant Réparer les vivants tiré du livre de Maylis de Kerangal où il est justement question de la mort cérébrale de Simon, âgé de 17 ans, à cause d’un accident de voiture. Le deuil, la tristesse de la famille sont très bien décrits et en même temps cette course effrénée contre la montre pour sauver ses organes, son cœur, ses reins, son foie. La famille n’a pas le temps de digérer la mort de leur fils que déjà l’équipe médicale leur demande s’ils sont d’accords de faire don des organes. L’urgence de la situation génère un chaos psychologique. Finalement, la famille consentira à condition qu’on ne touche pas aux yeux et le cœur pourra être transplanté à une femme malade qui sera sauvée. Ce film est juste magnifique parce qu’il aborde avec réalisme toutes les étapes d’une transplantation avec la minutie et l’urgence qu’elle suscite. Le médecin respectera la volonté de la famille en disant au revoir à Simon et en lui faisant écouter le son des vagues déferlantes de l’océan que ce dernier adorait plus que tout avant de procéder à l’ablation de son cœur. C’est vraiment très émouvant de voir ce beau petit cœur qui bat, qui va s’arrêter pour ensuite être transporté pour finalement se remettre à battre dans le cœur d’une autre sous une simple impulsion électrique.

C’est comme si le miracle de la vie avait lieu une deuxième fois. Une générosité du cœur à l’origine d’une renaissance de l’autre. Quelle force de donner alors qu’on vient de perdre ! Quelle générosité d’offrir le cœur de son fils !

Nous voyons bien que notre représentation actuelle du cœur sous forme d’émoji ou de dessin ne correspond pas à celle de la réalité. Recherchons d’où vient ce petit cœur rouge que nous mettons partout sur nos SMS. Un passionnant article de Marilyn Yalom, chercheuse au Clayman Institute for Gender Research à l’université de Stanford, publié dans le Wall Street Journal, raconte d’où vient cette représentation : « Si depuis l’Antiquité, on considère que le cœur est l’origine de l’amour, les premières illustrations du cœur en tant que symbole amoureux remontent au XIIIe siècle, et ne représentent pas du tout la même chose qu’aujourd’hui. À l’époque, le cœur ressemblait plus à une “pomme de pin, une aubergine ou une poire, avec une partie avec son étroit sommet qui pointe vers le haut, et la partie plus large tenue par une main humaine”. La première représentation d’un cœur telle qu’on la connaît aujourd’hui date du milieu du XIVe siècle, vers 1340, dans un manuscrit français intitulé “Le Roman d’Alexandre”, continue-t-elle. “Dans le coin en bas à gauche d’une page, une femme tient un cœur symétrique avec deux lobes clairement définis. Elle l’a reçu de l’homme qui se trouve en face d’elle. Elle accepte ce cadeau, alors qu’il touche sa poitrine, signe de son origine” ». La voilà, l’origine de notre cœur rouge moderne. Un cœur avec deux lobes de même taille, symbolisant les deux parties d’un seul tout. Les deux moitiés qui ne font plus qu’un. Et le tout donné en guise de cadeau.

Pour Jean-Jacques Rousseau, « aimer et être aimé » est la plus grande affaire de notre vie.

Que se passe-t-il quand l’amour de l’Autre est impossible ? Nous connaissons le côté paranoïaque de l’auteur, mais à l’époque, ses écrits sont très critiqués et, déçu par les hommes, il cherchait refuge dans ses rêveriesoù des personnages fictifs venaient peupler son imagination dans le Livre IX des Confessions :

« L’impossibilité d’atteindre aux êtres réels me jeta dans le pays des chimères, et ne voyant rien d’existant qui fût digne de mon délire, je le nourris dans un monde idéal, que mon imagination créatrice eut bientôt peuplé d’êtres selon mon cœur. Jamais cette ressource ne vint plus à propos, et ne se trouva plus si féconde. Dans mes continuelles extases, je m’enivrais à torrents des plus délicieux sentiments qui jamais soient entrés dans un cœur d’homme. Oubliant tout à fait la race humaine, je me fis des sociétés de créatures parfaites, aussi célestes par leurs vertus que par leurs beautés, d’amis sûrs, tendres, fidèles, tels que je n’en trouvai jamais ici-bas ».

Rousseau rêve d’une « terre peuplée d’êtres selon son cœur », de personnes qui le comprendraient et l’aimeraient. À part Madame de Warens qui fut sa maman de substitution et pour laquelle il ressentait un profond Amour, à part sa femme, Thérèse Levasseur, et ses cinq enfants qu’il a abandonnés à la DASS, il ne connaîtra pas d’autres amours et sera mécompris.

Nous connaissons tous la polémique que cet abandon a suscitée, mais pour resituer le contexte de l’époque, j’aimerais que vous lisiez avec attention ce que Jean-Jacques Rousseau, auteur et père, écrit pour se défendre. J’ai choisi quelques extraits de cette lettre écrite à Madame de Francueil qui me semblaient les plus pertinents, mais dans le souci d’une vision d’ensemble et de cohérence de l’argumentation, je vous encourage à lire la lettre dans son intégralité, laquelle se situe juste après la nouvelle.

« Oui, Madame, j’ai mis mes enfants aux Enfants-Trouvés ; j’ai chargé de leur entretien l’établissement fait pour cela. Si ma misère et mes maux m’ôtent le pouvoir de remplir un soin si cher, c’est un malheur dont il faut me plaindre, et non un crime à me reprocher. Je leur dois la subsistance ; je la leur ai procurée meilleure ou plus sûre au moins que je n’aurais pu la leur donner moi-même […] Vous connaissez ma situation ; je gagne au jour la journée mon pain avec assez de peine ; comment nourrirais-je encore une famille ? »

Je ne souhaite en rien défendre cet auteur, mais juste essayer de le comprendre ; il est vrai qu’à l’époque, l’écrivain ne pouvait vivre de son métier et ne survivait qu’en copiant des notes de musique. Sa femme étant blanchisseuse et lui ne pouvant subvenir aux besoins de sa famille, le mot « pauvreté » semble utilisé ici à bon escient. Toutes ces polémiques n’enlèvent en rien la place centrale que détient le cœur chez Rousseau. Il fut toute sa vie un être pourvu d’une sensibilité extrême, il éprouva de nombreuses passions pour les femmes, mais aussi pour la musique, l’écriture, la philosophie, la botanique, et mena un combat acharné contre toutes formes d’inégalités ou d’injustices sociales. Après sa mort, pendant la Révolution, ses cendres furent transportées au Panthéon et placées en face de Voltaire, lequel mourut moins de deux mois avant lui. Les dernières paroles de Jean-Jacques Rousseau furent le 2 juillet 1778 dans son appartement d’Ermenonville :

« Ma chère femme, rendez-moi le service d’ouvrir la fenêtre afin que j’aie le bonheur de voir encore une fois la verdure. Comme elle est belle ! Que ce jour est pur et serein ! Ô que la nature est grande ! Voyez ce soleil dont il me semble que l’aspect riant m’appelle. Voyez vous-même cette lumière immense, voilà, Dieu, oui Dieu lui-même qui m’ouvre son sein et qui m’invite enfin à aller goûter cette paix éternelle et inaltérable que j’avais tant désirée. »

On devrait s’intéresser autant aux derniers mots d’un auteur qu’à sa vie, car devant son lit de mort, nul ne saurait mentir. Rousseau, mourant d’apoplexie, demandant à sa femme d’ouvrir la fenêtre et vénérant la nature et Dieu. Nous retrouvons ici un Rousseau éloquent à son effigie et désirant une paix éternelle loin de tous ses tourments. Il nous offre ainsi comme un cadeau une vision positive de la mort dont le soleil « riant » l’appelle. Nulle peur, nul tourment n’est présent, il en ressort un tel apaisement… Rousseau rejoint enfin sa terre natale tant désirée, « peuplée d’êtres selon son cœur ».

Comment nous naissons, comment nous vivons et comment nous mourons, voilà ce qui donne du sens à notre vie. D’un petit cœur tout fragile qui émet son premier battement à l’aube de la vie, à celui qui bat au rythme plus rapide de notre quotidien, pour aboutir aux battements plus lents et laborieux du crépuscule. Toute notre vie est rythmée au gré de cet organe et dépend de lui. Notre cœur orchestre la mélodie, rapide ou lente, battante ou hésitante, enflammée ou cachée, ce battement n’aura de cesse de résonner inexorablement encore et encore en guise de revendication et de dévotion à la vie pour finalement devenir un doux murmure et s’envoler en un battement d’ailes.

BABOUM

BABOUM

BAboum

Baboum

Baboum

Ba.

LettreàMmedeFrancueil, 20avril 1751, 20 avril 1751, par Jean-Jacques Rousseau.

Défense de Jean-Jacques Rousseau sur l’abandon de ses enfants : « Oui, Madame, j’ai mis mes enfants aux Enfants-Trouvés ; j’ai chargé de leur entretien l’établissement fait pour cela. Si ma misère et mes maux m’ôtent le pouvoir de remplir un soin si cher, c’est un malheur dont il faut me plaindre, et non un crime à me reprocher. Je leur dois la subsistance ; je la leur ai procurée meilleure ou plus sûre au moins que je n’aurais pu la leur donner moi-même ; cet article est avant tout. Ensuite vient la déclaration de leur mère qu’il ne faut pas déshonorer. Vous connaissez ma situation ; je gagne au jour la journée mon pain avec assez de peine ; comment nourrirais-je encore une famille ? […]

Accablé d’une maladie douloureuse et mortelle, je ne puis espérer encore une longue vie ; quand je pourrais entretenir, de mon vivant, ces infortunés destinés à souffrir un jour, ils paieraient chèrement l’avantage d’avoir été tenus un peu plus délicatement qu’ils ne pourront l’être où ils sont. Leur mère, victime de mon zèle indiscret ; chargée de sa propre honte et de ses propres besoins, presque aussi valétudinaire, et encore moins en état de les nourrir que moi, sera forcée de les abandonner à eux-mêmes ; et je ne vois pour eux que l’alternative de se faire décrotteurs ou bandits, ce qui revient bientôt au même. Si du moins leur état était légitime, ils pourraient trouver plus aisément des ressources. Ayant à porter à la fois le déshonneur de leur naissance et celui de leur misère, que deviendront-ils ? […]