Richard III in French - William Shakespeare - E-Book

Richard III in French E-Book

William Shakespeare

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Beschreibung

Lecture de l'histoire de Shakespeare, Richard III, en traduction française. Selon Wikipédia: "Richard III est une pièce d'histoire de William Shakespeare, qui aurait été écrite vers 1591. Elle décrit l'accession au pouvoir machiavélique et le court règne de Richard III d'Angleterre. Le premier folio est le plus souvent classé comme tel, mais de temps à autre, comme dans l'édition quarto, il s'agit d'une tragédie: Richard III conclut la première tétralogie de Shakespeare (qui contient aussi Henry VI, parties 1-3).

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LA VIE ET LA MORT DU ROI RICHARD III PAR WILLIAM SHAKESPEARE, TRADUCTION DE   M. GUIZOT

published by Samizdat Express, Orange, CT, USA

established in 1974, offering over 14,000 books

Other Shakespeare histories in French translation (by M. Guizot):

Le Roi Jean

La Vie Et La Mort Du Roi Richard II

Henri IV, Première Partie

Henri IV, Deuxième Partie

Henri V

Henri VI Première Partie

Henri VI Seconde Partie

Henri VI Troisième Partie

Le Roi Henry VIII

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Ce document est tiré de: OEUVRES COMPLÈTES DE SHAKSPEARE

NOUVELLE ÉDITION ENTIÈREMENT REVUE AVEC UNE ÉTUDE SUR SHAKSPEARE DES NOTICES SUR CHAQUE PIÈCE ET DES NOTES.

PARIS A LA LIBRAIRIE ACADÉMIQUE DIDIER ET Cie, LIBRAIRES-ÉDITEURS 35, QUAI DES AUGUSTINS, 1863

NOTICE SUR LA VIE ET LA MORT DE RICHARD III

PERSONNAGES

ACTE PREMIER

SCÈNE I, A Londres.--Une rue.

SCÈNE II,  Toujours à Londres.--Une rue.

SCÈNE III,  Toujours à Londres.--Un appartement dans le palais.

SCÈNE IV,  A Londres.--Une chambre dans la Tour.

ACTE DEUXIÈME

SCÈNE I,  Toujours à Londres.--Un appartement dans le palais.

SCÈNE II,  Toujours à Londres.

SCÈNE III,  Toujours à Londres.--Une rue.

SCÈNE IV,  Toujours à Londres.--Un appartement du palais.

ACTE TROISIÈME

SCÈNE I,  Toujours à Londres.--Une rue.

SCÈNE II, Devant la maison de lord Hastings.

SCÈNE III,  A Pomfret.--Devant le château.

SCÈNE IV,  A Londres.--Un appartement dans la Tour.

SCÈNE V,  Toujours à Londres.--Les murs de la Tour.

SCÈNE VI,  Une rue de Londres.

SCÈNE VII,  Toujours à Londres.--La cour du château de Baynard[19].

ACTE QUATRIÈME

SCÈNE I,  Devant la Tour.

SCÈNE II,  Une salle d'apparat dans le palais.

SCÈNE III,  Entre TYRREL.

SCÈNE IV,  Toujours à Londres.--Devant le palais.

SCÈNE V,  Une pièce dans la maison de lord Stanley.

ACTE CINQUIÈME

SCÈNE I,  A Salisbury.

SCÈNE II,  Une plaine près de Tamworth.

SCÈNE III,  La plaine de Bosworth.

SCÈNE IV,  Une autre partie du champ de bataille.

NOTICE SUR LA VIE ET LA MORT DE RICHARD III

Richard III est l'un de ces hommes qui ont fait sur leur temps cette impression d'horreur et d'effroi toujours fondée sur quelque cause réelle, bien qu'ensuite elle porte à exagérer les réalités. Hollinshed le met au nombre de «ces personnes mauvaises qui ne vivront une heure exemptes de faire et exercer cruauté, méchef et outrageuse façon de vivre.» Sans doute, et la critique historique en a fourni la preuve, la vie de Richard a été chargée de plusieurs crimes qui ne lui ont pas appartenu; mais ces erreurs et ces exagérations, fruit naturel du sentiment populaire, expliquent, sans la justifier, la bizarre fantaisie qu'a eue Horace Walpole de réhabiliter la mémoire de Richard, en le déchargeant de la plupart des crimes dont on l'accuse. C'est là une de ces questions paradoxales sur lesquelles s'échauffe l'imagination du critique qui s'en est laissé saisir, et où la plus ingénieuse discussion ne sert ordinairement qu'à prouver jusqu'à quel point l'esprit peut s'employer à embarrasser la marche simple et ferme de la vérité. Sans doute il ne faut pas juger un personnage de ces temps de désordre d'après les habitudes douces et régulières de nos idées modernes, et beaucoup de choses doivent être mises sur le compte de l'entourage d'hommes et de faits au milieu desquels apparaissent les caractères historiques; mais lorsqu'à l'époque où a vécu Richard III, après les horreurs de la Rose rouge et de la Rose blanche, la haine publique va choisir un homme entre tous pour le présenter comme un modèle de cruauté et de perfidie, il faut assurément qu'il y ait eu dans ses crimes quelque chose d'extraordinaire, ne fût-ce que cet éclat que peut y ajouter la supériorité des talents et du caractère qui, lorsqu'elle s'emploie au crime, le rend à la fois plus dangereux et plus insultant.

L'opinion généralement établie sur Richard a pu contribuer au succès de la pièce qui porte son nom: aucun peut-être des ouvrages de Shakspeare n'est demeuré aussi populaire en Angleterre. Les critiques ne l'ont pas eu général traité aussi favorablement que le public; quelques-uns, entre autres Johnson, se sont étonnés de son prodigieux succès; on pourrait s'étonner de leur surprise si l'on ne savait, par expérience, que le critique, chargé de mettre de l'ordre dans les richesses dont le public a joui d'abord confusément, s'affectionne quelquefois tellement à cet ordre et surtout à la manière dont il l'a conçu, qu'il se laisse facilement induire à condamner les beautés auxquelles, dans son système, il ne sait pas trouver une place convenable.

Richard III présente, plus qu'aucun des grands ouvrages de Shakspeare, les défauts communs aux pièces historiques qui étaient avant lui en possession du théâtre; on y retrouve cet entassement de faits, cette accumulation de catastrophes, cette invraisemblance de la marche dramatique et de l'exécution théâtrale, résultats nécessaires de tout ce mouvement matériel que Shakspeare a réduit, autant qu'il l'a pu, dans les sujets dont il disposait plus librement, mais qui ne pouvait être évité dans des sujets nationaux d'une date si récente, et dont tous les détails étaient si présents à la mémoire des spectateurs. Peut-être en doit-on admirer davantage le génie qui a su se tracer sa route dans ce chaos, et diriger à travers ce labyrinthe un fil qui ne s'interrompt et ne se perd jamais. Une idée domine toute la pièce, c'est celle de la juste punition des crimes qui ont ensanglanté les querelles d'York et de Lancaster. Exemple et organe à la fois de la colère céleste, Marguerite, par les cris de sa douleur, appelle sans cesse la vengeance sur ceux qui ont commis tant de forfaits, sur ceux même qui en ont profité; c'est elle qui leur apparaît quand cette vengeance les a atteints; son nom se mêle à l'effroi de leurs derniers moments, c'est sous sa malédiction qu'ils croient succomber autant que sous les coups de Richard, sacrificateur du temple sanglant dont Marguerite est la sibylle, et qui lui-même tombera, dernière victime de l'holocauste, emportant avec lui tous les crimes qu'il a vengés et tous ceux qu'il a commis.

Cette fatalité qui, dans Macbeth, se révèle sous la figure des sorcières, et dans Richard III sous celle de Marguerite, n'est cependant en aucune façon la même dans les deux pièces. Macbeth, entraîné de la vertu dans le crime, offre à notre imagination l'image effrayante de la puissance de l'ennemi de l'homme, puissance soumise cependant au maître éternel et suprême qui, du même coup dont il décide la chute, prépare la punition. Richard, agent bien plus direct, bien plus volontaire de l'esprit du mal, semble plutôt jouter avec lui que lui obéir; et dans ce jeu terrible des pouvoirs infernaux, c'est comme en passant que s'exerce la justice du ciel jusqu'au moment où elle éclatera sans équivoque sur l'insolent coupable qui s'imaginait la braver en accomplissant ses desseins.

Cette différence dans la marche des idées se peint dans tous les détails du caractère et de la destinée des personnages. Macbeth, une fois tombé, ne se soutient que par l'ivresse du sang où il se plonge toujours davantage; et il arrive à la fin fatigué de ce mouvement étranger à sa nature, désabusé des biens qui lui ont coûté si cher, et ne puisant que dans l'élévation naturelle de son caractère la force de défendre ce qu'il n'a presque plus le désir de conserver. Richard, inférieur à Macbeth pour la profondeur des sentiments autant qu'il lui est supérieur par la force de l'esprit, a cherché, dans le crime même, le plaisir d'exercer des facultés comprimées, et de faire sentir aux autres une supériorité ignorée ou dédaignée. Il trompe à la fois pour réussir et pour tromper, pour s'assujettir les hommes et pour se donner le plaisir de les mépriser; il se moque de ses dupes et des moyens qu'il a employés pour les duper; et à la satisfaction qu'il ressent de les voir vaincus, s'allie celle d'avoir acquis la preuve de leur faiblesse. Cependant ce qu'il en découvre ne suffit pas encore à la tyrannie de ses volontés; la bassesse ne va jamais tout à fait aussi loin qu'il l'a conçu, et qu'il a eu besoin de le concevoir: obligé de sacrifier ensuite ce qu'il a d'abord corrompu, il faut que sans cesse il séduise de nouveaux agents pour abattre de nouvelles victimes. Mais arrive enfin le moment où ses moyens de séduction ne suffisent plus à surmonter les difficultés qu'il s'est créées, où l'appât qu'il peut présenter aux passions des hommes n'est plus de force à surmonter l'effroi qu'il leur a inspiré sur leurs intérêts les plus pressants; alors ceux qu'il avait divisés pour les faire succomber l'un par l'autre se réunissent contre lui. Il se sentait trop fort pour chacun d'eux, il est seul contre tous, et il a cessé d'espérer en lui-même; il se rend justice alors, mais sans s'abandonner, et, par un dernier effort, il se brise contre l'obstacle qu'il s'indigne de ne pouvoir plus vaincre.

La peinture d'un pareil personnage, et des passions qu'il sait mettre en jeu pour les faire servir à ses intérêts, offre un spectacle d'autant plus frappant qu'on voit clairement que l'hypocrisie de Richard n'agit que sur ceux qui ont intérêt à s'en laisser aveugler; le peuple demeure muet à ces lâches appels par lesquels on l'invite à s'unir aux hommes en pouvoir qui vont donner leur voix pour l'injustice; ou si quelques voix inférieures s'élèvent, c'est pour exprimer un sentiment général d'éloignement et d'inquiétude, et faire entrevoir, à côté d'une cour servile, une nation mécontente. L'attente qui en résulte, le pathétique de quelques scènes, la sombre énergie du caractère de Marguerite, l'inquiète curiosité qui s'attache à ces projets si menaçants et si vivement conduits, achèvent de répandre sur cet ouvrage un intérêt qui explique la constance de son succès.

Le style de Richard III est assez simple et, si l'on en excepte un ou deux dialogues, il offre peu de ces subtilités qui fatiguent quelquefois dans les plus belles pièces de Shakspeare. Dans le rôle de Richard, l'un des plus spirituels de la scène tragique, l'esprit est presque entièrement exempt de recherche.

Ce drame comprend un espace de quatorze ans, depuis 1471 jusqu'en 1485.

Il paraît avoir été représenté en 1597: on avait, avant cette époque, plusieurs pièces sur le même sujet.

PERSONNAGES

ÉDOUARD IV, roi d'Angleterre.

ÉDOUARD, prince }

de Galles, ensuite  }

Édouard V.  } fils d'Édouard IV.

}

RICHARD, duc}

d'York. }

GEORGE, duc de Clarence.  }

  } frères du

RICHARD, duc de Glocester,} roi.

ensuite Richard III.  }

UN JEUNE FILS du duc de Clarence.

HENRI, comte de Richmond, ensuite Henri VII.

LE CARDINAL BOURCHIER, archevêque de Cantorbéry.

THOMAS ROTHERAM, archevêque d'York.

JOHN MORTON, évêque d'Ély.

LE DUC DE BUCKINGHAM.

LE DUC DE NORFOLK.

LE COMTE DE SURREY, son fils.

LE COMTE RIVERS, frère de la reine Élisabeth, femme d'Édouard.

LE MARQUIS DE DORSET,}

 } fils de la

LORD GREY.   } reine.

LE COMTE D'OXFORD.

LORD HASTINGS.

LORD STANLEY.

LORD LOVEL.

SIR THOMAS VAUGHAN.

SIR RICHARD RATCLIFF.

SIR WILLIAM CATESBY.

SIR JAMES TYRREL.

SIR JAMES BLUNT.

SIR WALTER HERBERT.

SIR ROBERT BRAKENBURY, lieutenant de la Tour de Londres.

CHRISTOPHE URSWICK, prêtre.

UN AUTRE PRETRE.

LE LORD MAIRE DE LONDRES.

LE SHERIF DE WILTSHIRE.

LA REINE ÉLISABETH, femme d'Édouard IV.

LA REINE MARGUERITE D'ANJOU, veuve de Henri VI.

LA DUCHESSE D'YORK, mère d'Édouard IV, duc de Clarence, et du

   duc de Glocester.

LADY ANNE, veuve d'Édouard, prince de Galles, fils de Henri VI,  mariée ensuite au duc de Glocester.

UNE FILLE du duc de Clarence.

LORDS, et autres personnes de la suite. DEUX GENTILSHOMMES, UN

POURSUIVANT, UN CLERC, CITOYENS, MEURTRIERS, MESSAGERS, SPECTRES,

SOLDATS, ETC.

La scène est en Angleterre.

ACTE PREMIER

SCÈNE I, A Londres.--Une rue.

Entre LE DUC DE GLOCESTER.

 GLOCESTER.--Enfin le soleil d'York a changé en un brillant été l'hiver de nos disgrâces, et les nuages qui s'étaient abaissés sur notre maison sont ensevelis dans le sein du profond Océan. Maintenant notre front est ceint des guirlandes de la victoire, et nos armes brisées sont suspendues pour lui servir de monument. Le funeste bruit des combats a fait place à de joyeuses réunions, nos marches guerrières à des danses agréables. La guerre au visage renfrogné a aplani son front chargé de rides, et maintenant, au lieu de monter des coursiers armés pour le combat, et de porter l'effroi dans l'âme des ennemis tremblants, elle danse d'un pied léger dans les appartements des femmes, charmée par les sons d'un luth voluptueux. Mais moi qui ne suis point formé pour ces jeux badins, ni tourné de façon à caresser de l'oeil une glace amoureuse; moi qui suis grossièrement bâti et qui n'ai point cette majesté de l'amour qui se pavane devant une nymphe folâtre et légère; moi en qui sont tronquées toutes les belles proportions, moi dont la perfide nature évita traîtreusement de tracer les traits lorsqu'elle m'envoya avant le temps dans ce monde des vivants, difforme, ébauché, à peine à moitié fini, et si irrégulier, si étrange à voir, que les chiens aboient contre moi quand je m'arrête auprès d'eux; moi qui, dans ces ébats efféminés de la paix, n'ai aucun plaisir auquel je puisse passer le temps, à moins que je ne le passe à observer mon ombre au soleil, et à deviser sur ma propre difformité;--si je ne puis être amant et contribuer aux plaisirs de ces beaux jours de galanterie, je suis décidé à me montrer un scélérat, et je hais les amusements de ces jours de frivolité. J'ai ourdi des plans, j'ai fait servir de radoteuses prophéties, des songes, des libelles à élever de dangereux soupçons, propres à animer l'un contre l'autre d'une haine mortelle mon frère Clarence et le roi; et pour peu que le roi Édouard soit aussi franc, aussi fidèle à sa parole, que je suis rusé, fourbe et traître, ce jour doit voir Clarence mis en cage d'après une prédiction qui annonce que G... donnera la mort aux héritiers d'Édouard. Pensées, replongez-vous dans le fond de mon âme. Voilà Clarence. (Entre Clarence avec des gardes et Brakenbury.) Bonjour, mon frère. Que signifie cette garde armée qui suit Votre Grâce?

CLARENCE.--C'est Sa Majesté qui, chérissant la sûreté de ma personne, me l'a donnée pour me conduire à la Tour.

GLOCESTER.--Et pour quelle cause?

CLARENCE.--Parce que mon nom est George.

GLOCESTER.--Hélas! milord, cette faute n'est pas la vôtre. Ce sont vos parrains qu'il devrait faire mettre en prison pour cela. Oh! selon toute apparence, Sa Majesté a le projet de vous faire baptiser de nouveau dans la Tour.--Mais au vrai, Clarence, quelle est la raison?--Puis-je le savoir?

CLARENCE.--Oui, Richard, quand je le saurai: car je proteste que, quant à présent, je l'ignore: mais autant que j'ai pu comprendre, il prête l'oreille à des prophéties, à des songes; il veut ôter de l'alphabet la lettre G, et il dit qu'un sorcier lui a annoncé que G... priverait ses enfants de sa succession: et parce que mon nom commence par un G, il en conclut dans sa tête que c'est moi qui suis désigné. Ce sont ces sottises-là et quelques autres du même genre qui, à ce que j'apprends, ont déterminé Sa Majesté à me faire emprisonner.

GLOCESTER.--Oui, voilà ce qui arrive lorsque les hommes sont gouvernés par les femmes.--Ce n'est pas le roi qui vous envoie à la Tour: c'est sa femme milady Grey: Clarence, c'est elle qui pousse à cette extrémité. N'est-ce pas elle, et cet honnête homme de bien Antoine Woodville son frère, qui ont fait envoyer lord Hastings à la Tour, dont il vient de sortir ce jour même? Nous ne sommes pas en sûreté, Clarence, nous ne sommes pas en sûreté.

CLARENCE.--Par le Ciel, je crois en effet que personne n'est en sûreté ici que les parents de la reine, et les messagers nocturnes qui se fatiguent à aller et venir entre le roi et sa maîtresse Jeanne Shore. N'avez-vous pas su quelles humbles supplications lui a faites le lord Hastings pour obtenir sa délivrance?

GLOCESTER.--C'est par ses humbles prières à cette divinité que milord chambellan a obtenu sa liberté. Je vous le dis: si nous voulons nous conserver dans les bonnes grâces du roi, je pense que le meilleur moyen est de nous mettre au nombre de ses gens, de porter sa livrée. La vieille et jalouse veuve et celle-ci, depuis que notre frère en a fait des dames, sont de puissantes commères dans cette monarchie.

BRAKENBURY.--Je demande pardon à Vos Grâces: mais Sa Majesté m'a expressément enjoint de ne permettre à aucun homme, de quelque rang qu'il puisse être, un entretien particulier avec son frère.

GLOCESTER.--Oui? Eh bien, s'il plaît à Votre Seigneurie, Brakenbury, vous pouvez être en tiers dans tout ce que nous disons: il n'y a nul crime de trahison dans nos paroles, mon cher.--Nous disons que le roi est sage et vertueux, et que la noble reine est d'âge à plaire, belle et point jalouse.--Nous disons que la femme de Shore a le pied mignon, les lèvres vermeilles comme la cerise, un oeil charmant, le discours infiniment agréable; que les parents de la reine sont devenus de beaux gentilshommes: qu'en dites-vous, mon ami? Tout cela n'est-il pas vrai?

BRAKENBURY.--Milord, je n'ai rien à faire de tout cela.

GLOCESTER.--Rien à faire avec mistriss Shore? Je te dis, ami, que celui qui a quelque chose à faire avec elle, hors un seul, ferait bien de le faire en secret et quand ils seront seuls.

BRAKENBURY.--Hors un seul! lequel, milord?

GLOCESTER.--Eh! son mari, apparemment.--Voudrais-tu me trahir?

BRAKENBURY.--Je supplie Votre Grâce de me pardonner, et aussi de cesser cet entretien avec le noble duc.

CLARENCE.--Nous connaissons le devoir qui t'est imposé, Brakenbury, et nous allons obéir.

GLOCESTER.--Nous sommes les sujets méprisés[1] de la reine, et il nous faut obéir!--Adieu, mon frère. Je vais trouver le roi, et à quoi que ce soit qu'il vous plaise de m'employer, fût-ce d'appeler ma soeur la veuve que s'est donnée le roi Édouard, je ferai tout pour hâter votre délivrance.--En attendant, ce profond outrage fait à l'union fraternelle m'affecte plus profondément que vous ne pouvez l'imaginer.

[Note 1: We are the queen abjects.

Nous sommes les abjects de la reine. Il a fallu renoncer à rendre cette amère plaisanterie de Richard, qui ne pouvait conserver en français le sel qu'elle a en anglais, où abjects et subjects ayant la même terminaison, l'un peut être substitué à l'autre sans laisser aucune équivoque sur l'intention de l'interlocuteur.]

CLARENCE.--Je sais qu'il ne plaît à aucun de nous.

GLOCESTER.--Allez, votre emprisonnement ne sera pas long: je vous en délivrerai, ou je prendrai votre place. En attendant, tâchez d'avoir patience.

CLARENCE.--Il le faut bien. Adieu.

(Clarence sort avec Brakenbury et les gardes.)

GLOCESTER.--Va, suis ton chemin, par lequel tu ne repasseras jamais, simple et crédule Clarence. Je t'aime tant, que dans peu j'enverrai ton âme dans le ciel, si le ciel veut en recevoir le présent de ma main. Mais qui s'approche? C'est Hastings, tout nouvellement élargi.

(Entre Hastings.)

HASTINGS.--Bonjour, mon gracieux lord.

GLOCESTER.--Bonjour, mon digne lord chambellan. Je me félicite de vous voir rendu au grand air. Comment Votre Seigneurie a-t-elle supporté son emprisonnement?

HASTINGS.--Avec patience, mon noble lord, comme il faut que fassent les prisonniers. Mais j'espère vivre, milord, pour remercier les auteurs de mon emprisonnement.

GLOCESTER.--Oh! sans doute, sans doute; et Clarence l'espère bien aussi: car ceux qui se sont montrés vos ennemis sont aussi les siens, et ils ont réussi contre lui, comme contre vous.

HASTINGS.--C'est pitié que l'aigle soit mis en cage, tandis que les vautours et les étourneaux pillent en liberté.

GLOCESTER.--Quelles nouvelles du dehors?

HASTINGS.--Il n'y a rien au dehors d'aussi fâcheux que ce qui se passe ici.--Le roi est en mauvais état, faible, mélancolique, et ses médecins en sont fort inquiets.

GLOCESTER.--Oui, par saint Paul; voilà une nouvelle bien fâcheuse en effet! oh! il a suivi longtemps un mauvais régime; et il a par trop épuisé sa royale personne: cela est triste à penser. Mais quoi, garde-t-il le lit?

HASTINGS.--Il est au lit.

GLOCESTER.--Allez-y le premier, et je vais vous suivre. (Hastings sort.) Il ne peut vivre; je l'espère: mais il ne faut pas qu'il meure avant que George ait été dépêché en poste pour le ciel.--Je vais entrer, pour irriter encore plus sa haine contre Clarence par des mensonges armés d'arguments qui aient du poids; et si je n'échoue pas dans mes profondes machinations, Clarence n'a pas un jour de plus à vivre. Cela fait, que Dieu dispose du roi Édouard dans sa miséricorde, et me laisse à mon tour la scène du monde pour m'y démener.--Alors j'épouserai la fille cadette de Warwick.... Quoi, après avoir tué son mari et son père?--Le moyen le plus court de donner satisfaction à cette pauvre créature, c'est de devenir son mari et son père; et c'est ce que je veux faire, non pas tant par amour que pour certaine autre vue secrète à laquelle je dois parvenir en l'épousant.--Mais me voilà toujours à courir au marché avant mon cheval. Clarence respire encore, Édouard vit et règne: c'est quand ils n'y seront plus que je pourrai faire le compte de mes bénéfices.

(Il sort.)

 SCÈNE II,  Toujours à Londres.--Une rue.

Entre le convoi du roi Henri VI; son corps est porté dans un cercueil découvert et entouré de troupes avec des hallebardes; LADY ANNE suivant le deuil.

 ANNE.--Déposez, déposez ici votre honorable fardeau (si du moins l'honneur peut s'ensevelir dans un cercueil): laissez-moi un moment répandre les pleurs du deuil sur la mort prématurée du vertueux Lancastre.--Pauvre image glacée d'un saint roi! pâles cendres de la maison de Lancastre! restes privés de sang royal, qu'il me soit permis d'adresser à ton ombre la prière d'écouter les lamentations de la pauvre Anne, de la femme de ton Édouard, de ton fils massacré, percé de la même main qui t'a fait ces blessures! Vois; dans ces ouvertures par où ta vie s'est écoulée, je verse le baume inutile de mes pauvres yeux. Oh! maudite soit la main qui a ouvert ces larges plaies! maudit soit le coeur qui en eut le courage! maudit le sang qui fit couler ce sang! Que des calamités plus désastreuses que je n'en peux souhaiter aux serpents, aux aspics, aux crapauds, à tous les reptiles venimeux qui rampent en ce monde tombent sur l'odieux misérable qui, par ta mort, causa notre misère! Si jamais il a un fils, que ce fils, avorton monstrueux, amené avant terme à la lumière du jour, effraye de son aspect hideux et contre nature la mère qui l'attendait pleine d'espérance; et qu'il soit l'héritier du malheur qui accompagne son père! Si jamais il a une épouse, qu'elle devienne, par sa mort, plus misérable encore que je ne le suis par la perte de mon jeune seigneur et par la sienne!--Allons, marchez maintenant vers Chertsey, avec le saint fardeau que vous avez tiré de Saint-Paul, pour l'inhumer en ce lieu.--Et toutes les fois que vous serez fatigués de le porter, reposez-vous, tandis que je ferai entendre mes lamentations sur le corps du roi Henri.

(Les porteurs reprennent le corps et se remettent en marche.)

(Entre Glocester.)

GLOCESTER.--Arrêtez, vous qui portez ce corps; posez-le à terre.

ANNE.--Quel noir magicien évoque ici ce démon, pour venir mettre obstacle aux oeuvres pieuses de la charité?