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L'expression « roman policier » a toujours constitué une dénomination réductrice, et les multiples tentatives faites pour le définir ou le codifier n'ont jamais été satisfaisantes.
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Seitenzahl: 76
Veröffentlichungsjahr: 2016
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ISBN : 9782341004527
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L’expression « roman policier » a toujours constitué une dénomination réductrice, et les multiples tentatives faites pour le définir ou le codifier n’ont jamais été satisfaisantes – Edgar Allan Poe dans « Genèse d’un poème », S. S. Van Dine, en 1928, dans un article de l’American Magazine. Dès sa naissance, ce genre littéraire est vite devenu insaisissable parce que multiforme et indéfinissable globalement. Sa nouvelle appellation argotique, le polar, qui s’impose à la fin des années 1960, qualifie d’abord les films policiers, puis, un peu plus tard, les romans. Polar viendrait du terme grec polis, qui désigne à la fois la cité, les institutions et la ville précisent Audrey Bonnemaison et Daniel Fondanèche dans leur essai, Le Polar, « idées reçues » (2009). Pour autant, l’utilisation de ce terme n’a pas davantage permis d’élaborer une définition de ce genre littéraire. Le polar, en effet, constitue un espace de créativité sans limite et il peut se décliner de diverses façons. Détection, suspense, étude de mœurs, noir, aventures, chronique sociale, politique-fiction, thriller, autant de types de récits différents qui, tous, peu ou prou se rattachent au tronc originel. Parfois, et de plus en plus souvent, le polar peut emprunter à plusieurs de ces sous-genres. Il lui arrive même aujourd’hui de s’acoquiner avec la science-fiction ou de flirter avec le roman historique. En fait, le polar n’a presque plus de frontières, car, au fil de sa chronologie, il s’est toujours trouvé des romanciers pour faire exploser les archétypes et explorer de nouvelles pistes. Un de leurs soucis premiers encore aujourd’hui dominant a été de dire le monde tel qu’il est et tel qu’il devient. En tentant de cerner le Mal, qu’il s’agisse du crime ou des pouvoirs visibles ou occultes qui manipulent la planète, le polar s’efforce de raconter l’homme, avec ses doutes, ses peurs, ses obsessions, ses angoisses et ses frustrations.
Durant les dernières décennies, le genre s’est encore davantage universalisé. Il a gagné un lectorat plus large et phagocyté d’autres genres littéraires. Il a donné naissance à de nouvelles œuvres fortes et encore plus diversifiées, en particulier en Amérique latine et dans les pays du nord de l’Europe. Il a aussi permis l’émergence d’un grand nombre de nouvelles romancières, et il n’y a rien d’étonnant si certaines d’entre elles ont choisi cette forme littéraire comme support revendicatif à leurs combats pour l’émancipation féminine.
Claude MESPLÈDE
Le roman policier est peut-être né avec l’Œdipe roi de Sophocle. Œdipe mène l’enquête sur un crime ancien, l’assassinat du roi de Thèbes. Il découvrira le coupable : lui-même... l’enquêteur était le meurtrier. Plus traditionnellement, on fait remonter les débuts du genre au Zadig (1748) de Voltaire. Le héros y reconstitue, à partir de traces dans le sable, le signalement de la chienne de la reine. On invoque aussi une origine chinoise, à laquelle fait référence le juge Ti du sinologue hollandais Robert Van Gulik. Mais comme l’a relevé le critique britannique George Bates : Comment peut-on écrire du policier avant l’existence de la police ?En réalité, le roman policier date de la révolution industrielle, de l’accroissement de la population ouvrière dans les villes et de l’effroi qui en naquit. Le glissement de la « classe laborieuse » à la « classe dangereuse », analysé en 1840 par Frégier, provoqua une peur dans la bourgeoisie, que traduisent bien Les Mystères de Paris (1842-1843) d’Eugène Sue et la fascination exercée par le poète-assassin Lacenaire. Face au péril : la police. Après la chute de l’Empire et celle de son tout-puissant ministre Fouché, cent pamphlets avaient dénoncé l’institution. Mais le combat était politique. Les Mémoires de Vidocq, en 1828, puis de nombreux ouvrages, dont les Mémoires tirés des archives de la police de Paris par Peuchet qui en fut le conservateur (ils inspirèrent à Alexandre Dumas l’histoire du comte de Monte-Cristo), attirèrent l’attention sur la lutte contre le crime. La police, garante de l’ordre politique, devint aussi le rempart de la propriété. Le Corentin de Balzac, le Javert de Victor Hugo, le Salvator de Dumas sont autant de facettes d’un mythe nouveau : le policier. On notera que ces trois personnages sont inspirés des récits de Vidocq et de son parcours.
Un policier qui triomphe plus par l’intelligence que par la force. En reconstituant les restes de la jument à laquelle était attelée la charrette portant le baril de poudre qui avait explosé au passage de la voiture du Premier consul, Dubois, préfet de police de l’an VIII, remonta jusqu’aux auteurs de l’attentat, fondant de la sorte la police scientifique. C’est l’Américain Edgar Allan Poe (1809-1849) qui comprit le premier la leçon. Dans Double Assassinat dans la rue Morgue (The Murders in the Rue Morgue) publié en avril 1841 et que traduira Baudelaire, son héros, le chevalier Auguste C. Dupin, dandy parisien noctambule et aristocrate désargenté, apporte, par la seule force de son raisonnement, la solution de l’énigme, un crime commis de façon atroce dans un lieu clos. La Lettre volée (The PurloinedLetter, 1841) et Le Mystère de Marie Roget (The Mystery of Marie Roget, novembre 1842) suivront. Ces trois histoires policières ont un point commun : elles se déroulent à Paris en hommage à François Vidocq, l’ancien bagnard devenu préfet de police. Au départ, elles proposent un mystère inexplicable ; à la fin, toutes les impossibilités ayant été écartées par le raisonnement, reste la solution juste. Si Edgar Poe est considéré comme l’auteur du premier texte policier dans le monde, le développement d’Internet a facilité la transmission de textes plus anciens et divers critiques contestent le choix de Poe comme premier auteur de polar. Quelques-uns estiment que cette place revient à Thomas de Quincey. Ce Britannique signa, à partir de 1827, une œuvre en quatre parties, De l’assassinat considéré comme un des Beaux Arts, qu’il acheva en 1854. Mademoiselle de Scudéry, un récit criminel publié en 1818 par E.T.A. Hoffmann, se déroule en 1860 dans un Paris où les crimes d’un tueur en série affolent la population. Ce court roman devrait, selon les critiques français, être considéré comme le premier du genre.
Dans les histoires de Poe, le personnage essentiel est le détective. L’assassin importe peu et la victime encore moins. Le véritable héritier de Poe s’appelle Émile Gaboriau (1832-1873).
Secrétaire du romancier Paul Féval, Gaboriau se lie avec un ancien inspecteur de la sûreté, Tirabot, lequel lui inspire L’Affaire Lerouge (1866). Considéré comme le premier roman policier dans le monde, ce texte a pour protagoniste le père Tabaret, un inspecteur de la sûreté surnommé Tire-au-clair. Il enquête sur la mort de la veuve Célestine Lerouge, découverte égorgée dans sa maison, Porte d’Italie, secondé par un policier débutant du nom de Lecoq, sonorité qui fait songer à Vidocq. Personnage central des enquêtes suivantes (Le Crime d’Orcival, 1866 ; Le Dossier 113, 1867 ; Monsieur Lecoq, 1868 ; et La Corde au cou, 1873), Lecoq est le premier policier à pratiquer des déductions logiques à partir de l’examen d’indices ou d’analyses scientifiques comme l’étude d’empreintes ou de moulages. Mais la même ambiguïté est de mise à propos de l’attribution à L’Affaire Lerouge de premier roman policier au monde. En effet, L’Assassinat du Pont-Rouge, publié à partir de 1855 dans La Revue de Paris, de Charles Barbara a souvent été comparé à Crime et châtiment de Dostoïevski, mais la reconnaissance n’a guère été plus loin.
L’influence de Gaboriau sera considérable. Son meilleur disciple reste Fortuné du Boisgobey (1821-1891), auteur de La Vieillesse de M. Lecoq (1877). Mais il faudrait citer aussi le Maximilien Heller (1871) d’Henry Cauvain (1847-1899) et la plupart des œuvres d’Eugène Chavette (1827-1902), comme La Chambre du crime (1875), Le Roi des limiers (1879), La Bande de la belle Alliette (1882), ou de Pierre Zaccone (1817-1895), notamment signataire de Maman Rocambole (1881) et du Crime de la rue Monge (1890).
Arthur Conan Doyle (1859-1930) va pourtant surpasser ses rivaux en créant le plus célèbre des détectives, Sherlock Holmes. Pourquoi le locataire du 221 B Baker Street l’emporte-t-il sur ses prédécesseurs ? Parce qu’il est fils du positivisme qui domine la seconde moitié du XIXe siècle. C’est alors l’apothéose de l’esprit scientiste. On retrouve chez Holmes ce goût pour la compilation et la classification des données qui en fait le fils d’Auguste Comte, de Stuart Mill et de Darwin. Gaboriau a également inspiré le Néo-Zélandais Fergus Hume qui écrit, en 1886, à Melbourne, Le Mystère d’un hansom cab