Romantisme - Encyclopaedia Universalis - E-Book

Romantisme E-Book

Encyclopaedia Universalis

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Le vaste mouvement de sensibilité et d'idées appelé « romantisme » a embrassé tant de domaines divers (histoire, politique, réforme sociale, philosophie, littérature, musique et arts plastiques) qu'il dépasse tous les efforts de synthèse entrepris pour le saisir dans sa totalité. La variété des romantismes nationaux en divers pays d'Europe...

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Veröffentlichungsjahr: 2015

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ISBN : 9782852297616

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

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Romantisme

Introduction

Le vaste mouvement de sensibilité et d’idées appelé « romantisme » a embrassé tant de domaines divers (histoire, politique, réforme sociale, philosophie, littérature, musique et arts plastiques) qu’il dépasse tous les efforts de synthèse entrepris pour le saisir dans sa totalité. La variété des romantismes nationaux en divers pays d’Europe recouvre néanmoins quelque unité profonde. Le préromantisme est considéré ici comme partie intégrante de ce puissant ébranlement européen. La courbe sinueuse du développement du romantisme, en France en particulier, est tracée en comparaison, souvent en opposition, avec d’autres mouvements voisins, moins limités soit par l’histoire, alors fort agitée en France, soit par le poids des traditions classiques. La présentation du romantisme offerte ici envisage, par-dessus les talents ou les génies individuels, l’élan donné alors à l’histoire, à la philosophie, et surtout l’élargissement de l’homme. Plongeant alors plus avant dans le passé de la race ou dans son subconscient, il s’élance aussi plus hardiment vers le spirituel en lui, ou vers un avenir qu’il annonce et veut recréer.

1. Littérature

• La problématique romantique

Le mot

L’adjectif « romantique », qui apparut le premier dans plusieurs langues de l’Europe (romantic, romantisch, romántico), et le substantif qui en fut tiré sont mal choisis et obscurs. Mais il en est de même pour « baroque », « classique », « réaliste », « symboliste » et pour presque tous les termes qui désignent une période ou un mouvement en littérature et en art ; et les adjectifs qui, dans certains pays, rattachent les productions intellectuelles au nom d’un souverain (« élisabéthain », « victorien » ou « édouardien ») les trahissent plus encore. L’adjectif, tiré du bas latin romanticus, apparaît timidement à la fin du XVIIe siècle. Il eut quelque peine à se distinguer en français d’un autre adjectif « romanesque », de l’italien romanzesco. L’origine est dans le mot « roman », issu lui-même de romano ou « romain », et qui primitivement s’appliquait à un récit d’un genre nouveau (novel, en anglais) écrit non en latin, mais en langue vulgaire ou « romane » et non soumis à des règles. La langue anglaise employa l’adjectif, tiré du français « romaunt » emprunté au XVIe siècle, en 1659 (Journal d’Evelyn) et en 1666 (Journal de Pepys). On l’associa vite, en cette époque où le raisonnable et le rationnel plaisaient en littérature, à quelque chose d’étrange, de fantaisiste, de faux. Une centaine d’années plus tard, le goût ayant changé, l’adjectif, d’abord en anglais et en allemand, devint un terme d’éloge. Il désignait le pittoresque dans un paysage (Rousseau l’emploie en ce sens dans sa célèbre cinquième Rêverie d’un promeneur solitaire) ou « une naïveté spirituelle et piquante » dans la musique du compositeur Grétry en 1784. Pierre Letourneur, dans la préface à sa traduction de Shakespeare commencée en 1776, s’efforce de différencier « romantique » et « romanesque », pour recommander de lire Shakespeare dans « le paysage aérien et romantique des nuages ».

C’est en Allemagne tout d’abord que l’adjectif revêtit son sens en littérature, avec les poésies de L. Tieck (1800), Romantische Dichtungen, la tragédie de Schiller sur La Pucelle d’Orléans, qualifiée de eine romantische Tragödie. Goethe opposa le terme à « classique », et A. W. von Schlegel fit de même à propos de la Phèdre d’Euripide préférée à celle de Racine (1807). Mme de Staël assimila dans De l’Allemagne (1810) la poésie romantique à celle « qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques » et elle compliqua les choses avec sa fameuse distinction entre les littératures du Nord et celle du Midi. Sismondi réserva l’épithète de romantique pour la littérature du Midi. Peu après, en France surtout, le mot de romantisme (et par moments, surtout chez Stendhal, celui de romanticisme, importé de l’italien) deviendra la bannière d’une école nouvelle, sans que la clarté y gagne beaucoup. À dix-huit ans, Hugo, dans Le Conservateur littéraire, loue Chénier d’être romantique parmi les classiques. Les deux termes dorénavant s’opposeront l’un à l’autre : Goethe revendiquera le 21 mars 1830 devant J. P. Eckermann l’honneur douteux d’avoir lancé cette opposition des deux adjectifs et appellera, d’une boutade tout aussi malheureuse, romantique ce qui est malade, par contraste avec le classique (que Goethe avait préconisé après ses années d’apprentissage), qui est le sain. Autour du mot nouveau se cristalliseront dès lors les divers traits qui paraissent concourir à former cet état d’âme, ou cette doctrine, « romantique ».

Multiplicité des romantismes nationaux ou unité du romantisme européen

Le mot, étant devenu ou un cri de guerre contre les vieilles perruques ou un symbole du mépris que les académiciens et les conservateurs (surtout en Allemagne, en France et en Espagne) professaient pour les rebelles romantiques, fut d’emblée entouré de confusion et source de malentendus. Bien des historiens amis de définitions claires, notamment le penseur Arthur Lovejoy, ont proposé que l’on renonce à jamais à employer le mot au singulier. Leur thèse est que chaque romantisme national diffère profondément des autres romantismes en Europe. Sans doute est-ce également le cas pour les diverses Renaissances, pour les classicismes assez pâles qui ont imité celui de la France, pour les mouvements impressionniste, symboliste ou structuraliste. Valéry a insinué que, pour définir (et, dirions-nous, pour employer) ce terme de romantisme, « il faut avoir perdu tout sens de la rigueur ». Mais critiques, poètes, historiens, professeurs, élèves et gens du monde continuent en plusieurs pays à user du vocable et ne prennent point chaque fois le temps de le définir. Pour certaines littératures à la rigueur (celles d’Italie, de Russie, des États-Unis), le mot n’est pas indispensable. Mais on est contraint d’y avoir recours lorsqu’on parle de Michelet, de Hugo, de Berlioz, de Novalis et de Kleist, de Coleridge et de Shelley, de Larra et d’Espronceda, et même de Walter Scott, de Balzac et de Delacroix, quelque tièdes qu’ils aient été envers les groupes de jeunes théoriciens du romantisme. Force est donc de marquer l’hétérogénéité des romantismes de chaque pays, mais aussi de souligner les grands traits par lesquels cette révolution de la sensibilité et des formes d’art conserve dans l’Europe occidentale un substratum d’unité.

Les différences proviennent en partie de ce que les circonstances politiques, sociales, historiques n’étaient point semblables dans l’Allemagne morcelée en petites principautés, dans l’Autriche-Hongrie de Metternich, la Russie d’Alexandre Ier, les dix ou douze Italies piétinées par les étrangers, la Grande-Bretagne de George III et de Wellington, la France révolutionnaire, impériale, puis rétive sous la monarchie restaurée. En outre, dans divers pays d’Europe où l’influence classique française avait longtemps prédominé, au point de faire obstacle à la croissance d’une littérature indigène originale, le romantisme pouvait être acclamé comme la libération d’un joug intellectuel étranger. Les modèles français, et plus encore l’esprit du XVIIIe siècle, libéral et voltairien, enflammaient encore la jeunesse d’Italie, d’Espagne, des pays balkaniques, d’Amérique du Sud. Ailleurs, notamment en Allemagne et en Angleterre, il importait de restaurer une tradition nationale et de renier le goût de Versailles et de Boileau, celui-là même de Racine qui n’avait jamais été bien compris. C’est ce que tentèrent, encouragés d’ailleurs à cela par Diderot, Sébastien Mercier, Mme de Staël, les hérauts du romantisme allemand qui lui fournirent quelques éléments de son esthétique : Herder (louant la littérature primitive et surtout l’esprit de la poésie hébraïque), Lessing, les frères Schlegel, Goethe lui-même lors de son grand enthousiasme pour Shakespeare. En Angleterre, les premiers romantiques proclamèrent quelque temps leur passion pour la Révolution à ses débuts et pour Rousseau ; Blake, Hazlitt, Shelley firent de même. Mais ils dédaignèrent les écrivains du XVIIe siècle français. Pour eux, le romantisme était par l’un de ses aspects un retour au brillant passé élisabéthain, à l’imagination débordante et à la richesse de sensibilité parfois morbide de Shakespeare, Marlowe, Ford, Webster ; Coleridge et d’autres retrouvaient la simplicité dite populaire des vieilles ballades, l’auteur d’Ossian et celui des romans de Waverley regardaient avec nostalgie vers le passé médiéval de l’Écosse.

• Perspective historique

Chronologie sommaire

Les diverses nations de l’Occident n’ont jamais connu leurs grandes crises psychologiques selon un synchronisme exact. Il y a un décalage marqué de la Renaissance italienne à la française, à l’espagnole, à l’anglaise. Même dans le domaine politique, où la contagion d’un élan révolutionnaire se répand vite d’un pays à un autre, il arrive qu’il y ait chassé-croisé d’influences opposées ; que l’on songe au menuet que se sont dansé la Grande-Bretagne et la France, avançant vers le partenaire qui recule et inversement, au siècle des Lumières et au XXe encore. Les romantismes n’ont pas coïncidé. Ils ont revêtu, selon les nations, une apparence très diverse. Ils n’ont pas rencontré, dans l’Allemagne morcelée, dans la Grande-Bretagne particulariste ou dans la France centralisée, les mêmes obstacles. Un classement approximatif par générations est sans doute la manière la plus juste de saisir de l’intérieur l’évolution de chaque littérature. Encore n’est-ce point là le jeu mécanique d’une alternance entre action et réaction. Il y aura plusieurs reflux anti-romantiques en Allemagne, surtout en Angleterre et en France ; les excès de l’imagination surexcitée, de l’étalage du moi engendreront à de certains moments une humeur d’ironie destructrice. Mais de nouvelles vagues, que l’on peut appeler encore romantiques, viendront vite pousser plus loin l’invasion de la littérature par la poésie, de l’existence par la nostalgie de l’absolu et par le rêve, de la vie du pays par le nationalisme mystique ou par le sens d’une mission prophétique.

Toute correspondance trop précise devient fausse. Toute assimilation forcée rencontre les objections de l’esprit respectueux du vrai. Toute comparaison poussée entre un peintre et un poète (Delacroix et Hugo), un musicien et un poète (Schubert, Weber ou bien Schumann et Lenau ou Hölderlin), entre un poète anglais tel que Keats et un Français comme Nerval ou Baudelaire, entre Wordsworth et Rimbaud (tous deux se retournant vers leur enfance transfigurée) devient inacceptable aussitôt qu’elle est trop poussée. Le romantisme allemand de 1800-1815, avec ses ivresses philosophiques, semble vivre quatre-vingts ans à l’avance le symbolisme français, mais que de différences encore, aussi grandes qu’entre le Sturm und Drang de 1786-1788 et « l’orage et la tension » en France vers 1823-1827 ! Les histoires littéraires traditionnelles plaçaient jadis vers 1820 l’éclatement du romantisme en France, en partie parce qu’elles tenaient à identifier romantisme et poésie lyrique. Le romantisme français serait ainsi venu l’un des derniers de l’Europe occidentale, suivi seulement du russe et de l’italien. La vérité est plus complexe. Il y avait longtemps, en 1820, que le mal du siècle sévissait, que la sensibilité suraiguë ou morbide avait atteint les Français, qu’ils avaient plaint l’ennui de leur cœur et l’agitation sans objet de René, d’Obermann, d’Adolphe, et déjà de Saint-Preux, de Julie, de Mlle de Lespinasse. Il y a bien de l’exaltation (romantique avant la lettre) chez Diderot, chez Mirabeau, chez de nombreux écrivains mineurs, et chez ceux-là mêmes, parmi les révolutionnaires, que l’on prend pour des « classiques » parce qu’ils ont aimé l’Antiquité : Saint-Just ou David.

Le préromantisme

Depuis 1900 environ, les historiens littéraires ont inventé la qualification de préromantique pour désigner les pionniers qui, dès le milieu du XVIIIe siècle, mécontents de l’intellectualité parfois sèche qu’ils trouvaient autour d’eux, avaient déjà quelques pressentiments d’un climat nouveau de sensibilité et voulaient l’exprimer dans la littérature. Cette dénomination n’est pas très heureuse, car elle entraîne à apprécier en fonction d’un avenir qu’elle ne pouvait soupçonner toute une époque de transition. Cette époque, qui couvrirait les années 1760 à 1820, en France du moins (avec flux et reflux), finit par être beaucoup plus longue que celle où le romantisme proprement dit triomphe, en France, de 1820 à 1843. Il se trouve en outre que, bien que l’on ait alors écrit beaucoup de vers, il ne s’est pas levé en France de grand poète comme ce fut le cas dès 1770-1815 en Angleterre et en Allemagne. La seule exception est celle de Chénier, dont l’art ciselé et pur est hardi, et dont la grâce sensuelle a un charme unique, digne de la Renaissance et des Alexandrins, sinon des Grecs. D’autres, tels Léonard, Thomas, Parny, furent beaucoup lus de Lamartine, de Sainte-Beuve, de Pouchkine, mais sont loin de l’intensité passionnée des romantiques à venir.

Il règne beaucoup d’arbitraire dans l’attribution de cette étiquette de « préromantique ». Chez bien des auteurs du XVIIIe siècle se livrait un combat intérieur entre la tradition et l’innovation technique, les forces du passé et les lueurs d’un avenir vaguement entrevu. En Angleterre, James Thomson (1700-1748) s’inspira de la nature dans ses Saisons (1730) et la rendit avec une certaine vivacité de coloris. Edward Young (1683-1765), poète de la mort et de la mélancolie religieuse, connut un succès européen avec ses Pensées de nuit