Sans pitié - Patrick Marchandiaux - E-Book

Sans pitié E-Book

Patrick Marchandiaux

0,0

Beschreibung

Le 5 mars 2020, un homme est enlevé à Sellonge-sur-Mérac, un paisible village du sud-ouest. Retrouvé crucifié dans un massif boisé, il n’est que la première victime d’une série de meurtres glacés. Aucun lien apparent entre les victimes, et pourtant, un tueur en série semble sévir dans la région. Face à cette menace, les six gendarmes de la BR de Sellonge-sur-Mérac devront faire preuve de sagacité et de persévérance pour traquer l’auteur de ces crimes. Qui est ce meurtrier insaisissable et quel est son mobile ? Pourquoi s’attaque-t-il uniquement aux hommes ? Les enquêteurs parviendront-ils à stopper cette série macabre avant qu’il ne soit trop tard ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ancien gendarme, Patrick Marchandiaux a consacré sa vie à traquer les criminels et à résoudre des enquêtes judiciaires. En tant que maître-chien au sein du Peloton de surveillance et d’intervention, ses fidèles compagnons à quatre pattes ont été ses plus précieux alliés pendant plus de 22 ans. Ensemble, ils ont poursuivi les trafiquants de drogue à travers tout le territoire, utilisant leur flair infaillible pour débusquer les criminels.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 322

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Couverture

Page de titre

Patrick Marchandiaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sans pitié

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Patrick Marchandiaux

ISBN : 979-10-422-6327-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

Sans pitié

 

 

 

 

 

Le jeudi 5 mars 2020, à 17 heures, Juliette Magnet, une belle femme d’une trentaine d’années, vient de terminer son travail. Elle occupe le poste de Cheffe poissonnière dans la grande enseigne du magasin Carrefour située dans la zone commerciale de sa ville de Sellonge-sur-Mérac, dans le sud-ouest. Elle pénètre dans la chambre froide et enlève son tablier imperméable en PVC qu’elle suspend à une patère. Elle se rend ensuite dans les vestiaires et ôte sa blouse et ses bottes. Elle range le tout dans son casier. Elle dépose sur sa petite étagère, sa casquette siglée à l’effigie de ce commerce. Elle jette ensuite un coup d’œil sur le petit miroir fixé à l’intérieur de la porte de ce placard. Elle remet en place quelques mèches de cheveux rebelles qui ne sont plus à leur place à cause du port de son couvre-chef. Satisfaite, elle s’empare de son sac à main, de ses clés de voiture et referme son armoire métallique à l’aide d’un cadenas à combinaison numérotée.

Elle se rend ensuite devant ce mouchard appelé pointeuse. Elle présente devant le lecteur son badge personnel. Son passage est enregistré à l’heure convenue par rapport à son planning de travail.

Elle rejoint sa voiture, stationnée sur le parking réservé au personnel de ce magasin. Elle déverrouille la portière et s’assoit lourdement sur le fauteuil de sa petite « Renault Twingo ». La journée a été épuisante. Certains clients ont été particulièrement désagréables. Cette semaine, ce n’est pas elle qui fait la remballe. (Action d’enlever toute la marchandise sur le rayon pour la rentrer en chambre froide) Elle aura de ce fait un peu moins mal au dos. Quoi que, le matin de bonne heure, il faut à l’aide de pelles à neige, monter le banc de glace qui sera destiné à recevoir les différents produits de la mer.

Elle n’a qu’une dizaine de minutes de trajet avant d’arriver chez elle. Elle habite une belle maison de plain-pied au 3 rue des coquelicots. C’est un joli quartier. Les maisons ne sont pas les unes sur les autres. Juliette descend et ouvre en grand le portail. Elle va stationner son auto sur le côté de son habitation.

Elle récupère son sac, verrouille les portières de sa voiture et descend le petit chemin pour aller refermer le portail.

Sa journée n’est pas encore terminée. Elle doit désormais s’occuper du repas du soir. Son mari va rentrer aux alentours de 19 heures trente, comme tous les soirs. Il occupe le poste de sous-directeur dans une grande compagnie d’assurance.

Juliette a décidé de cuisiner une tarte à la tomate accompagnée d’une salade qu’elle ira cueillir dans son potager. Pour le dessert, ce sera des fruits. Elle a débouché une bouteille de côtes du Rhône pour accompagner son dîner.

À 18 heures 45, tout est prêt. Le plat de résistance est au four, la sauce de la laitue est dans le saladier. Cette dernière, lavée, essorée, est laissée pour l’instant dans une boîte plastifiée au frigidaire.

Juliette a dressé une magnifique table. Les assiettes, les fourchettes, les couteaux, les verres, les serviettes de table, la salière, le poivrier, la panière à pain, tout est positionné au cordeau. Georges est très maniaque. Il est stricte sur le fait que lorsqu’il va se mettre à table, tout doit être harmonieux, à sa place, sans que rien ne dépasse.

19 heures,elle a le temps d’aller prendre une douche pour se débarrasser de cette satanée odeur de poisson qu’elle traîne sur elle.

19 heures 25, Juliette a revêtu un joli jogging. Son époux ne va plus tarder. Elle va jusqu’à la fenêtre de la cuisine. Elle écarte les rideaux et jette un coup d’œil à l’extérieur. Elle aperçoit les phares de la voiture de son homme. Elle vient de s’immobiliser devant le portail.

Elle retourne dans la salle à manger pour vérifier une dernière fois que tout est en place. Elle ouvre ensuite la porte du meuble où sont stockées les boissons apéritives. Elle choisit deux jolis verres en cristal, s’empare d’un whisky carte noire de vingt-cinq ans d’âge et verse une rasade dans chaque récipient. Elle s’empare du seau à glace. Elle va le remplir de glaçons auprès du distributeur intégré à son monumental frigo « Américain ».

Soudain, elle ressent une sorte d’angoisse. Elle n’a pas entendu le grincement caractéristique de la porte automatique du garage lorsqu’elle s’ouvre. Le mécanisme manque cruellement de lubrifiant. Son malaise vient du fait que son époux n’est toujours pas entré dans la maison. Elle retourne à la fenêtre de la cuisine. La voiture est toujours devant le portail. Elle croit apercevoir la portière avant conducteur grande ouverte. Elle se dit tout de suite que Georges a peut-être oublié ses clés. Mais dans ce cas, pourquoi ne l’a-t-il pas appelée à l’aide de son portable ? Quelque chose cloche. Elle décide de récupérer son trousseau, se couvre les épaules de son châle et descend précipitamment jusqu’à l’entrée de la propriété.

Là, elle entend le moteur de la voiture. Il tourne au ralenti. Mais Georges ne se trouve pas là.

Elle ouvre nerveusement le vantail et fait le tour du véhicule. Elle appelle plusieurs fois son mari. Force est de constater qu’il n’est pas présent. Plusieurs scénarios se dessinent dans son cerveau. Pourquoi la voiture est-elle là, mais pas son homme ? Elle décide de faire quelques pas autour du véhicule. Elle regarde affolée à l’intérieur de l’automobile. Comme une gourde, elle n’a pas pris son portable. Elle regagne la maison au pas de course. Elle entre en coup de vent, se précipite sur son cellulaire posé sur le buffet de la cuisine et compose le 17.

Une voix posée répond :

— Gendarmerie de Sellonge-sur-Mérac, que puis-je pour vous ?

Juliette est tétanisée. C’est son mari qui s’occupe de tout. Elle ne sait pas ce qu’elle doit dire à ce monsieur au bout du fil. Comment expliquer à un inconnu une situation qu’elle ne comprend pas elle-même ?

 

La voix reprend :

— Vous avez demandé la gendarmerie, parlez, je vous écoute.
— Je, mon Georges, enfin, comment vous dire, sa voiture est là, mais pas lui.
— De qui parlez-vous, restez calme, madame et expliquez-moi clairement la situation. Pour commencer, d’où appelez-vous ?

Juliette, devant le calme de son interlocuteur, reprend ses esprits. Elle explique :

— J’habite 3 rue des coquelicots à Sellonge-sur-Mérac. Mon époux vient de rentrer du travail. Il a arrêté sa voiture devant notre portail qui était fermé. Ne le voyant pas arrivé, dans la maison, j’ai pensé qu’il avait oublié ses clés. Je suis allée lui ouvrir, il n’y avait que sa voiture, le moteur toujours en route, mais pas de traces de mon époux.
— Vous voulez dire que cette personne allait entrer sur votre propriété, mais que seule sa voiture était sur place, mais pas lui, c’est bien cela ?
— Oui, monsieur, je ne sais pas ce qu’il se passe. Que dois-je faire, j’ai très peur.
— Ne bougez pas, restez sur place, j’ai encore une patrouille dehors, je la contacte, mes collègues seront chez vous dans très peu de temps. Vous ne touchez surtout à rien en ce qui concerne le véhicule de votre mari. Le mieux c’est que vous attendiez les gendarmes au bord de la route.
— Je vous remercie, je redescends là-bas.

Moins de cinq minutes plus tard, Juliette, soulagée, aperçoit au loin les éclats bleutés générés par les gyrophares des intervenants. Ils n’avaient pas traîné.

Les militaires stationnèrent leur véhicule sur le bas-côté de la route. Deux gaillards en descendirent. Le plus âgé se présenta et demanda à la jeune femme :

— C’est bien vous qui avez appelé la gendarmerie ?

Juliette était impressionnée devant ces deux hommes en uniforme. Elle n’avait jamais eu à faire aux représentants de l’ordre. Elle respira un grand coup et se lança :

— Oui, monsieur, c’est bien moi.
— Vous pouvez nous expliquer la situation ?
— Je ne sais pas trop quoi vous dire. Pour résumer, j’ai aperçu par la fenêtre de ma cuisine les phares de la voiture de Georges, là où elle est actuellement. Quelques minutes plus tard, ne le voyant pas arriver à la maison, j’ai de nouveau regardé à l’extérieur. Le véhicule n’avait pas bougé. J’ai pensé qu’il avait oublié ses clés. Je suis descendue pour lui ouvrir. J’ai trouvé la voiture comme cela, le moteur en marche, la portière conducteur grande ouverte, mais personne à l’intérieur ni à côté. Je ne sais pas où il est passé. Je ne comprends pas.

Le chef de patrouille s’empara de sa mini-lampe Typhon qu’il portait à la ceinture. Il éclaira l’intérieur de l’automobile. Il balaya le siège avant, le tapis de sol sans rien noter de suspect. Il se positionna ensuite devant le vantail qui avait été ouvert par Juliette. Il continua sa recherche sur le sol. Il était recouvert d’une épaisse couche de Macadam. Le halo de lumière éclaira soudain une petite tache d’un rouge carmin luisant. Elle s’étendait sur une dizaine de centimètres. Il s’adressa à son binôme :

— Pascal, récupère dans la mallette d’inter les kits de prélèvements.
— Tout de suite.

Une fois en main, le gradé ouvrit le sachet soudé contenant un tube enfermant une sorte de coton tige. À l’aide de ce dernier, il préleva un maximum de cette matière poisseuse. Cette baguette fut remise dans son contenant, qui fut refermé. Le gendarme renseigna l’étiquette attenante : « trace de sang » 3 rue des coquelicots. « BT » (brigade territoriale) Sellonge-sur-Mérac. Adjudant Lelong.

Juliette avait regardé ce militaire faire son travail. Elle n’avait pas tout de suite compris ce qu’il avait prélevé au sol. Soudain, elle réalisa qu’il s’agissait sans aucun doute d’un peu de sang. Il n’avait rien à faire à cet endroit. Mon Dieu, se dit-elle, ce ne pouvait être que celui de Georges. Que s’était-il passé ? Elle osa demander :

— Qu’est-ce que vous en pensez ?
— C’est un petit peu trop tôt pour se forger une opinion. Comme vous avez pu le voir, j’ai prélevé un peu de liquide rougeâtre au sol. Il se peut que ce soit du sang et dans ce cas probablement celui de votre mari. Je vais dans un premier temps appeler un technicien pour qu’il vienne sur place inspecter la voiture. Pour l’instant, nous allons, si vous le voulez bien, entrer pour faire le point.

Le militaire rendit compte à son commandant d’unité. Il lui demanda le renfort du TIC (Technicien d’investigation criminelle). En attendant ce dernier, les deux gendarmes et Juliette se retrouvèrent dans la cuisine.

L’adjudant Henry Lelong s’installa confortablement sur la table. Il sortit de son sac d’intervention son carnet de déclarations. (le gendarme est doté d’un carnet paginé de la page une à la dernière. La Marianne de l’unité est apposée sur ce premier et dernier feuillet permettant de s’assurer qu’aucun folio n’ait été arraché. Il permet aux militaires de recueillir des déclarations, lors de l’établissement d’un procès-verbal ou pour consigner des renseignements d’importance comme dans ce cas présent. Le gendarme devra ensuite rédiger sur l’imprimé ad hoc l’intégralité de ce qui est noté pour être joint à toute procédure. Dans ce cas, il sera stipulé à la fin de chaque déclaration retranscrite au propre : « La personne entendue a signé au carnet de déclarations ». Ce dernier pouvant être présenté à la demande d’une autorité judiciaire ou d’un président de tribunal pour vérifier la conformité d’une procédure).

Lelong commença à poser les questions basiques à Juliette pour recueillir un maximum d’éléments sur cette mystérieuse disparition :

— Tout d’abord, expliqua-t-il, en attendant le TIC, il me faudrait s’il vous plaît, une pièce d’identité. Je dois transcrire sur procès-verbal tout ce que vous allez me dire.

Juliette remit le document demandé. Lelong repris :

— Je note que vous vous appelez Juliette Magnet, née Broussart le 11 juin 1985, à Sellonge-sur-Mérac 35 ans Fille de Louis Vignot et de Viviane Fargues, mariée à Georges Magnet, sans enfant, demeurant 3 rue des coquelicots à Sellonge-sur-Mérac, cheffe dans une grande surface, de nationalité française. Nous vous entendons le 5 mars 2015 à 20 heures. Je vais déjà écrire ce que vous nous avez expliqué tout à l’heure, à savoir : « vous avez aperçu les phares de la voiture de votre époux aux alentours de 19 heures 25. Cette dernière était arrêtée devant le portail qui conduit à votre pavillon. Dix minutes plus tard, ne voyant pas arriver votre époux et en apercevant toujours le véhicule à la même place, vous êtes allée voir ce qu’il se passait. Là, il y avait sa voiture, moteur tournant sans que lui soit présent ». C’est bien cela ?
— Oui, tout à fait.
— Vous avez fait quoi ensuite ?
— « J’ai regardé à l’intérieur de l’auto pensant qu’il avait peut-être eu un malaise. Il n’y était pas. Dès lors, j’ai ressenti une grande angoisse. J’étais désemparée. La panique s’est emparée de moi. C’est à ce moment-là que j’ai appelé la gendarmerie ».
— Vous avez tenté de l’appeler sur son téléphone mobile.
— Oh, mon dieu, je n’y ai pas pensé. Voulez-vous que j’essaie maintenant ?
— Ce serait une bonne chose.

Juliette s’empara de son appareil et s’exécuta. Elle appuya sur plusieurs touches et mit le haut-parleur. Pour toute réponse, ce fut l’annonce de la messagerie qui se fit entendre.

Le gradé murmura :

— Ça, c’est fait.
— Cela n’est pas normal, précisa Juliette, Georges répond toujours à chacun de mes appels.

Pour la première fois, Juliette se mit à sangloter. Elle se leva pour prendre un mouchoir jetable dans la boîte distributrice. Elle se moucha bruyamment et reprit :

— Veuillez m’excuser. Que pouvons-nous faire pour le retrouver ?
— Nous allons attendre l’arrivée de notre technicien et le résultat de ses prélèvements. Votre mari travaille dans quel secteur ?
— Il est sous-directeur chez « groupassur » une grosse entreprise d’assurances diverses et variées, implantée 2 avenue Louis Aragon ici à Sellonge-sur-Mérac.
— Quel âge a-t-il ?
— Il vient d’avoir 40ans.

L’adjudant Lelong clôtura cet échange par la formule réglementaire : à Sellonge-sur-Mérac le 5 mars 2015, à 20 heures 15, lecture faite par moi de la déclaration ci-dessus, j’y persiste et n’ai rien à y changer, à y ajouter ou à y retrancher. Juliette apposa sa signature en dessous de ce texte.

 

 

 

 

 

Pascal, le second gendarme, entra en coup de vent dans la pièce :

— Mon adjudant, Victor vient d’arriver, il se met au travail tout de suite.
— Très bien, allons-y.

L’adjudant Lelong demanda à Juliette de rester chez elle pour l’instant. Les deux gendarmes de la BT étaient retournés sur place, tout en restant à l’écart pour ne pas gêner le TIC.

L’adjudant/Chef Victor Tramblay était un Technicien très expérimenté. Il se déplaçait à bord d’un fourgon de type Renault Boxer de couleur blanche portant les inscriptions : « Gendarmerie nationale Identification criminelle ». Avant que les gendarmes de la BT ne le rejoignent, Victor avait déjà installé le mât supportant deux énormes projecteurs à Leeds. Ce matériel était alimenté électriquement via une prise intérieure dans le véhicule. Ce dernier devait évidemment avoir le moteur en fonctionnement pour éviter que la batterie ne se décharge. On y voyait comme en plein jour. Victor avait en bon professionnel repéré la tache rougeâtre au sol, près de la portière côté conducteur. Il avait revêtu une combinaison spéciale, des surchaussures, une charlotte, un masque chirurgical et des gants plastifiés. Il avait ouvert une grosse valise métallique comportant plusieurs étages et autant de compartiments. Une multitude de petits matériels et de boîtes de diverses grosseurs étaient minutieusement rangés. Il inspectait cette fameuse tache à travers une grosse loupe. À l’aide d’une monumentale pince à épiler, il recueillit méticuleusement ce qui semblait être des cheveux. Il conditionna le tout dans un récipient stérile portant une large étiquette. Le TIC renseigna cette dernière : « Cheveux milieu tâche sang au sol » TIC – TBY – Cie Sellonge. En langage radio militaire, TBY était l’abréviation de son nom à savoir Tramblay. Il fera partir dans les plus brefs délais à l’IRCGN « Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale implanté à Cergy Pontoise » les indices prélevés.

Les deux brigadiers regardaient cet expert s’affairer désormais sur le véhicule. Il était visiblement à la recherche d’empreintes digitales puisqu’il badigeonnait d’un pinceau spécial, toutes les parties évidentes où l’être humain pose ses doigts. Il avait utilisé à plusieurs reprises des languettes de ruban adhésif pour emprisonner toutes les traces exploitables. Il allait dès son retour les numériser et les passer dans le logiciel « FNAED » (fichier national automatisé d’empreintes digitales).

Il retira son masque chirurgical et s’avança vers ses collègues :

— Bon, j’ai relevé pas mal d’empreintes palmaires. J’ai utilisé de la poudre DFO « Diazafluoren-9-one » pour mieux faire ressortir les crêtes papillaires lorsque la lumière n’est pas naturelle. Cette poudre est deux fois plus efficace que la « Ninhydrine ». Je passe tout cela au fichier dès mon retour. J’envoie tout de suite au labo les quelques cheveux que j’ai prélevés dans la trace de sang au sol près de la portière.
— Lelong demanda : Tu peux me donner ton avis sur ce qu’il s’est passé ici ?
— Rien de certain, mais une personne est tombée lourdement au sol. La tête de l’individu a tapé sur le bitume, d’où le sang et les cheveux incrustés au sol. Tu as prélevé un peu de ce liquide m’a expliqué Pascal ?
— Effectivement, tu veux le tube ?
— Oui, comme cela, je le joins à mes échantillons, on ne perd pas de temps. Henry, peux-tu récupérer pendant que je me désape la brosse à dents du monsieur ou éventuellement un peigne utilisé uniquement par lui pour que je puisse comparer l’ADN qui sera retrouvé sur mes prélèvements ?
— Je m’en occupe.
— Tiens, voici un sachet stérile.

Lelong revint rapidement avec l’objet en question. Il remit le tout à Victor et lui dit :

— Un grand merci à toi Victor, je vais appeler le garagiste avec qui nous travaillons. Il va entreposer cette voiture au sec chez lui. J’y passerais ensuite pour mettre les scellés dessus. Bon retour à toi Victor.

Le garagiste attitré arriva rapidement sur les lieux. Il évacua la voiture pour l’entreposer comme convenu. Lelong retourna dans la demeure. Il s’adressa à Juliette :

— Madame Magnet, nous allons quitter les lieux. Je vais appeler le parquet pour savoir ce que le Procureur décide. Pour l’instant, nous ne pouvons pas faire grand-chose de plus. Je vous appelle dès demain matin.
— Mais vous n’allez pas organiser des recherches dès maintenant ?
— Non, malheureusement nous n’avons aucun indice nous permettant de faire quoi que ce soit. Ayez confiance, nous ne vous laisserons pas tomber. Nous ferons le maximum dès demain, vous pouvez me croire. Bonsoir madame.

Les deux militaires, après avoir fait un détour chez le garagiste et apposé comme convenu les scellés sur la voiture de Georges Magnet, regagnèrent ensuite leur bureau. Une fois arrivés, Pascal s’occupa de remplir le « BS ». Chez les gendarmes, lors d’un retour de patrouille, un Bulletin de Service est obligatoirement rempli. Les actes effectués au cours de cette sortie y sont scrupuleusement renseignés. (Infractions relevées à la police de la route, procédures diverses, remises de pièces, interventions chez des personnes, enquêtes de routine, etc.) Tout est codifié afin d’avoir une trace écrite d’une quelconque intervention.

Pendant ce temps-là, Lelong appela le substitut de permanence :

— Bonsoir monsieur le substitut, adjudant Lelong de la BT de Sellonge-sur-Mérac. Je vous informe que nous sommes intervenus en début de soirée sur une disparition de personne majeure. Il s’agit du nommé Georges Magnet demeurant 3 rue des coquelicots à Sellonge-sur-Mérac. D’après les premiers éléments qui sont en notre possession, nous serions en présence d’une agression suivie d’un enlèvement. L’action s’est déroulée devant sa propriété. Il serait descendu de voiture pour ouvrir le portail et c’est là que ce serait déroulé le drame. À notre arrivée, le véhicule de l’intéressé était toujours en marche sans que Magnet soit présent. D’autre part, il y avait au sol une belle trace de sang. Notre TIC a collecté et envoyé pas mal de matière au labo.
— L’épouse était présente ?
— Oui, monsieur le substitut, elle était dans sa maison, c’est elle qui a donné l’alerte.
— Vous penchez donc sans aucun doute pour un kidnapping, c’est bien cela ?
— Cela paraît être le cas.
— Vous n’avez aucun indice permettant de déclencher des recherches dans une zone précise ?
— Non pour l’instant, absolument rien.
— Dans ce cas, je vais saisir la BR de Sellonge-sur-Mérac. Je vais contacter le procureur pour savoir quelle est sa position. Il décidera peut-être d’ouvrir une information. Dans l’immédiat, transmettez au major Liodard les pièces du dossier qui sont en votre possession. Je l’informe tout de suite de ce qu’il prend le relais. Merci mon adjudant pour votre appel.

Lelong savait pertinemment qu’il serait dessaisi de cette enquête. Il lui fallait taper tout de suite la déclaration de Juliette sur l’imprimé ad hoc ainsi que le procès-verbal de « transport, constatations et mesures prises ». Tout devra être carré avant de refiler le bébé aux enquêteurs.

 

 

 

 

 

Le vendredi six mars 2020, 7 heures 50, les six militaires de la brigade de recherches de Sellonge-sur-Mérac étaient réunis dans la salle café. Dans la gendarmerie, ces unités spécialisées sont exclusivement composées d’hommes et de femmes, tous titulaires du diplôme d’officier de police judiciaire. Ils peuvent dès lors prendre n’importe quelles affaires à leur nom. Ils sont formés pour mener n’importe quelle enquête : qu’elles soient criminelles, financières ou autres. Contrairement à leurs collègues de brigades territoriales qui sont saturés de services divers particulièrement chronophages, les gendarmes en brigades de recherches, ne font que du travail d’enquêteurs. Cette BR est commandée par le major Bernard Liodard, il est secondé par l’adjudant/Chef Paul Levain dit « Paulo » puis vient l’adjudant Gustave Ramoy dit « Gus », l’adjudant Georges Philony dit « jojo », l’adjudant Olivier Gratton dit « Olive » et pour terminer, l’adjudante Léonie Médius dit « Léon ». Bernard s’adressa à son personnel :

— Hier soir, j’ai reçu un coup de fil du substitut de permanence. Il nous a saisis d’une disparition inquiétante d’une personne majeure, concernant le nommé : Georges Magnet demeurant 3, rue des coquelicots. C’est la BT et plus particulièrement l’adjudant Henry Lelong que tout le monde connaît qui est intervenu sur cette affaire. Il ne devrait plus tarder.

Effectivement, l’adjudant Lelong se présenta deux minutes plus tard, tenant dans sa main, une chemise cartonnée. Il salua tous les hommes et fit la bise à Léon. Il s’adressa à Bernard :

— J’imagine que le substitut de permanence t’a appelé hier soir ?
— Tout à fait. Une agression suivie d’un enlèvement, c’est bien cela ?
— Apparemment, c’est ce qu’il ressort des constatations effectuées sur place. En deux mots, Georges Magnet rentre chez lui comme tous les soirs à peu près à la même heure. Son épouse aperçoit sa voiture devant leur portail. Jusque-là, rien d’anormal. Sauf que dix minutes plus tard, Juliette, sa femme, remarque que son époux n’est toujours pas rentré dans la maison. Le véhicule est toujours à la même place. Elle file voir ce qu’il se passe. Pas de mari. Elle s’affole à juste raison et nous appelle. Arrivés sur place, nous constatons que le moteur de l’auto est toujours en marche, la portière avant côté conducteur est grande ouverte. Pas de Georges Magnet sur place. Au sol, nous remarquons une trace de sang frais. J’ai fait venir le TIC. Victor a récupéré quelques cheveux qui étaient agglomérés à l’hémoglobine. Il a relevé un maximum d’empreintes digitales. Je l’ai eu au téléphone avant de venir, la recherche est négative au FNAED. En revanche, il a comparé toutes ces traces palmaires, elles appartiennent toutes à la même personne. Probablement au mari puisque c’est son automobile. J’ai fait enlever la voiture. Elle est entreposée chez notre garagiste. Je suis allé apposer les scellés. Je te remets la déclaration de Juliette Magnet ainsi que le PV de transport.
— Bon, merci Henry. En arrivant, tu l’as sentie comment cette Juliette ?
— Très tendue, stressée, angoissée et nerveuse. Vu la situation, il n’y a rien d’anormal. En revanche, chose curieuse, elle avait un foulard en soie autour du cou. Elle a peut-être pris froid.
— Tu es entré dans la demeure, tout était normal, rien ne t’as choqué ?
— Non, j’ai jeté un rapide coup d’œil dans la salle à manger. La table était dressée. J’ai même remarqué qu’il y avait deux verres de ce qui semblait être du whisky. Il y avait également un seau à glace rempli. Dans la cuisine, ça sentait drôlement bon. Je pense que Juliette avait cuisiné une pizza, elle était encore au four.
— Elle a pleuré ?
— Oui, lorsque je lui ai demandé si elle avait tenté de l’appeler sur son portable. Elle n’y avait pas pensé. Elle s’est exécutée à ma demande. Elle est tombée immédiatement sur la messagerie. C’est là qu’elle a fondu en larmes. Très honnêtement, je ne la crois pas mouillée dans cette affaire.
— En parlant justement de téléphone, donne-moi celui de Juliette. Il faudra que nous passions la voir dans la matinée. Pour l’instant, je ne sais pas par quel bout nous allons prendre cette affaire. J’espère simplement que le procureur va ouvrir une information et désigner rapidement un juge d’instruction.
— Voici le numéro de portable et de fixe de Juliette.
— Il travaillait dans quoi ce Georges Magnet ?
— C’est le sous-directeur de la société « Groupassur » sise 2 rue Louis Aragon.
— Merci, Henry, je te tiendrais au courant de l’avancée de l’enquête.

Henry Lelong prit congé. Il repartit retrouver son bureau où une multitude de paperasses l’attendaient.

Bernard demanda :

— Vous en êtes où de vos procédures ?
— Paulo expliqua : J’ai le procès-verbal de synthèse à taper sur l’escroquerie découverte chez « Carrefour ». Gus se charge de l’inventaire des pièces à conviction et du bordereau d’envoi. Nous devons ensuite relire toute la procédure, corriger les fautes d’orthographe et mettre le tout en forme.
— Nous continua Olive, avec Jojo nous avons encore du taf sur l’affaire de la tentative de viol sur la personne âgée qui se trouve encore hospitalisée. Nous devons l’entendre aujourd’hui si elle est en état de répondre à nos questions. On va lui présenter les photos du tapissage que nous avons effectué. Nous avons peut-être l’auteur. J’espère qu’elle reconnaîtra notre homme. Jusqu’à présent, les médecins ne nous avaient pas autorisés à la voir. Hier soir, nous avons eu le feu vert du toubib pour ce matin.
— Bon et toi Léon ?
— J’ai terminé le PV de synthèse sur notre affaire, le BE « Bordereau d’envoi » est rempli. Tu n’as plus qu’à le signer et le mettre au départ.
— Dans ce cas, l’affaire Magnet est pour nous. Je n’ai pas besoin de vous dire de faire le plus vite possible pour clôturer vos enquêtes, car nous aurons sans doute besoin de vous tous dans les prochains jours. Aller au boulot.

 

 

 

 

 

Bernard et Léon s’installèrent dans la salle de réunion. Ils s’intéressèrent à la procédure déposée par l’adjudant de la BT. Léon demanda :

— D’après toi, on commence par quoi ?
— Nous allons filer prendre la température chez « Groupassur ». 2 avenue Louis Aragon, tu vois où cela se situe ?
— Oui, c’est sur la zone commerciale.

Les deux enquêteurs prirent le chemin de cette entreprise. Ils arrivèrent devant un immeuble de plusieurs étages entièrement dédié à cette compagnie d’assurance. Ils se présentèrent à l’accueil. Une jeune femme élégamment vêtue les accueillit très gentiment. Bernard présenta sa carte professionnelle et demanda à être reçu par un responsable. L’hôtesse répliqua d’un ton sec :

— C’est à quel sujet ?

Léon avait d’abord réagi en faisant la grimace devant cette répartie, puis elle esquissa un franc sourire lorsqu’elle vit la colère se dessiner sur le visage de Bernard. Ce dernier souffla un bon coup pour prendre un peu sur lui, puis il ressortit sa carte tricolore, la présenta au niveau des yeux de la nana et expliqua :

— Que lisez-vous écrit en gros caractères ?
— Ben gendarmerie, et alors ?
— Alors, madame, sachez tout d’abord que vous avez en face de vous deux officiers de police judiciaire, et que cette carte professionnelle me permet de rencontrer toute personne susceptible de nous renseigner sur une affaire criminelle. Si nous sommes dans vos locaux, c’est simplement dans ce but. Ceci étant dit, vous avez deux options : la première, faire votre travail en décrochant votre téléphone pour informer votre boss ou son adjoint que des gendarmes de la brigade de recherches de Sellonge-sur-Mérac souhaitent être reçus dans les plus brefs délais pour une affaire le concernant. La seconde option, vous ne bougez pas le petit doigt et je vous embarque manu militari pour obstruction à une enquête en cours. La balle est dans votre camp.

Le téléphone fut décroché à la vitesse de l’éclair. La jeune femme bredouilla :

— Monsieur Richard,j’ai devant moi deux gendarmes qui souhaitent vous parler et c’est très urgent.

S’adressant à Bernard après avoir raccroché :

— Notre directeur va vous recevoir. Vous prenez l’ascenseur jusqu’au neuvième étage. Il vous attend.
— Merci, madame, vous voyez, ce n’est pas si compliqué de faire correctement ce pour quoi vous êtes rémunérée.

À peine sortis de l’ascenseur, un homme d’une cinquantaine d’années, vêtu d’un costume anthracite, cravate gris clair s’avança au-devant d’eux, la main tendue, un sourire de complaisance aux lèvres. Il serra la main des deux militaires. Bernard se présenta ainsi que Léon. Le directeur reprit :

— Suivez-moi dans mon bureau, nous serons plus à l’aise.

Le patron de cette compagnie d’assurance ferma la porte derrière lui et désigna deux fauteuils. Les gendarmes prirent place pendant que le maître des lieux s’installait derrière son bureau. Il demanda :

— Qu’est-ce qui vous amène dans nos locaux, rien de grave j’espère ?
— Georges Magnet, annonça Bernard.
— Oui, Georges est mon bras droit, en d’autres termes, le sous-directeur de cette entreprise. Vous souhaitez lui parler ?
— C’est possible s’étonna Léon.
— Évidemment, nous n’avons rien à cacher. Je vous demande juste une petite minute.

M. Richard décrocha son téléphone et demanda d’un ton qui ne souffrait aucune remarque :

— Sylvie, demandez à Georges de venir me voir séance tenante.

Bernard et Léon avaient chacun un petit sourire aux lèvres. Le big-boss s’en étonna.

— Je peux savoir pourquoi vous souriez ?
— Simplement parce qu’il serait étonnant que Georges Magnet entre par cette porte.
— Pourquoi je vous prie ?

Le téléphone sur le bureau sonna. M. Richard décrocha et hurla un « Quoi ». Il regarda, interloqué, les deux militaires et raccrocha sèchement le combiné. Que se passe-t-il avec Georges, on vient de me dire qu’il n’est pas dans son bureau ce matin, vous pouvez éclairer ma lanterne ?

Bernard répondit :

— Il semblerait que Georges Magnet ait été victime d’une agression suivie d’un kidnapping.
— Georges ! Mon Georges Magnet ! c’est une blague ?
— Croyez-vous, monsieur Richard, que nous nous soyons dit ce matin, « si nous allions faire quelques blagues chez Groupassur » ?
— Non, bien sûr, c’était sur le coup de la surprise, une façon de parler. Mais pourquoi aurait-il été kidnappé, cela n’a aucun sens ? C’est pour de l’argent, il y a eu une demande de rançon ?
— Pas pour le moment. Monsieur Richard, nous sommes devant vous aujourd’hui pour tenter d’y voir plus clair dans cette histoire. Nous souhaiterions savoir si Georges Magnet avait des ennuis, ou si par le passé quelques clients chez vous auraient eu à se plaindre de cet homme ?
— Jamais de la vie ! Georges est quelqu’un de très sympathique. Je ne l’ai jamais vu s’énerver. D’autant qu’il n’a pas de contact direct avec nos clients puisqu’il s’occupe essentiellement de la comptabilité interne.
— Vous savez s’il s’entendait bien avec son épouse ?
— Avec Juliette, alors là, je peux vous assurer que ces deux-là filaient le parfait amour. Nous avons organisé plusieurs réceptions ici et croyez-moi, tout allait bien entre eux. Le seul regret qu’ils ont est de ne pas avoir eu d’enfants.
— Vous ne vous êtes pas étonné ce matin de ne pas avoir vu votre adjoint dans son bureau ?
— Je ne savais pas qu’il était absent.
— Comment cela, vous n’avez pas de contacts avant de prendre le travail, voire boire un café avant d’attaquer la journée ?
— Mais non, nous nous réunissons chaque jour vers onze heures. Nous faisons le point sur la journée de la veille et sur les différentes avancées de la matinée. Il n’est pas productif de se rencontrer tôt le matin. Dans le domaine de l’assurance, énormément de sinistres surviennent au cours de la nuit. Les victimes nous contactent dans les deux premières heures de la matinée, d’où notre réunion quotidienne en fin de matinée.
— Bien, vous ne voyez rien de plus à nous dire, qui pourrait nous permettre d’y voir plus clair dans cet enlèvement ?
— Je suis désolé, je côtoie Georges depuis plus d’une dizaine d’années et je puis vous assurer qu’il a des capacités intellectuelles extraordinaires et que c’est un homme sans histoire.
— Merci, monsieur le directeur, de nous avoir accordé un petit peu de votre temps.
— Major, serait-ce trop demander de me tenir au courant de l’avancée de votre enquête, tout au moins de savoir si vous avez retrouvé Georges ?
— Vous pouvez compter sur nous.

 

 

 

 

 

Les deux militaires rejoignirent leur véhicule. Bernard composa le numéro de téléphone de Juliette Magnet. Cette dernière décrocha à la seconde sonnerie :

— Allô ?
— Bonjour madame Magnet, major Bernard Liodard au téléphone, êtes-vous chez vous actuellement ?
— Oui, jusqu’à quatorze heures, je travaille cet après-midi.
— Dans ce cas, nous serons chez vous dans une dizaine de minutes.
— Vous avez du nouveau sur la disparition de mon mari ?
— Non, pas pour l’instant, nous avons des renseignements à vous demander.
— Je vais aller vous ouvrir le portail.

Le temps de faire le trajet et les gendarmes stationnèrent leur véhicule devant un très beau pavillon. À peine eurent-ils claqué les portières que la porte d’entrée s’ouvrit devant une très belle femme. Elle portait un pantalon style treillis de couleur marron clair et un pull en laine assorti. Elle avait autour du cou une magnifique écharpe en soie. Elle s’avança au-devant des visiteurs. Elle tendit la main pour les saluer. Bernard fit les présentations. Il demanda : « pouvons-nous entrer s’il vous plaît ? »

Elle tourna les talons et murmura : « suivez-moi ».

Elle conduisit les deux gendarmes dans le salon. Ils s’installèrent indifféremment dans des fauteuils ou sur le canapé. Juliette demanda :

— Vous n’avez pas progressé depuis hier soir ?
— Non, madame, nous n’avons aucun indice nous permettant de diriger notre enquête dans une direction avérée.
— Mais, reprit Juliette, on ne disparaît pas comme cela de nos jours. Georges ne s’est quand même pas volatilisé.
— Mais si madame, chaque jour des femmes et des hommes s’évaporent dans la nature sans laisser la moindre trace. En ce qui concerne une disparition d’enfant, c’est inquiétant, choquant, traumatisant, mais les adultes, eux, sont libres de tout quitter pour refaire leur vie ailleurs.
— Georges n’avait nullement l’intention de me quitter ou de changer de vie.
— Vous savez s’il avait changé de comportement ces derniers jours ?
— Non, il était comme d’habitude. Tout allait bien entre nous.
— Il vous aurait tenu au courant s’il avait reçu des menaces ou quelque chose d’équivalent ?
— Oui, certainement, nous en aurions discuté. Mais, rien de tout cela. Hier, il est rentré comme tous les soirs, à la minute près. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai regardé par la fenêtre pour savoir s’il était arrivé. J’ai vu sa voiture devant le portail tous feux allumés. Quelques minutes plus tard, n’ayant pas encore entendu le grincement de la porte du garage, j’ai de nouveau regardé par la fenêtre. Son véhicule n’avait pas bougé d’un pouce. Vous connaissez la suite. J’ai appelé la gendarmerie et la machine s’est mise en route.
— Vous allez quand même travailler cet après-midi ?
— Oui, bien sûr, rester à la maison à tourner en rond comme un lion en cage ne m’apportera rien de plus. Sans compter que mon employeur compte sur moi. Nous sommes trop peu nombreux sur le rayon. Si je n’occupe pas mon poste, c’est quelqu’un d’autre qui sera obligé de me remplacer et de faire des heures supplémentaires. En grande surface, la poissonnerie est le rayon le plus fatigant.
— Votre écharpe autour du cou, c’est pour une douleur aux cervicales ? demanda Léon.
— Non, j’ai pris froid au travail, j’ai un peu mal à la gorge. Se couvrir avec un tissu en soie, c’est un vieux remède de grand-mère.
— Autre chose, votre rue conduit où exactement ?
— Elle continue sur un environ quatre cents mètres, jusqu’à la prochaine maison. Nous n’avons pratiquement pas de circulation sur cet axe.
— Lorsque vous avez regardé par la fenêtre pour la seconde fois pour voir pourquoi votre mari n’était pas encore rentré, vous n’avez vu aucun véhicule ?
— Mais si, vous avez raison. Il m’a semblé voir passer une sorte de camionnette de livraison.
— Vous n’avez pas vu de signe distinctif sur le côté ou la couleur éventuellement ?
— Je crois qu’elle était toute blanche. À la réflexion, je me demande même si elle ne venait pas de démarrer.
— Bon, c’est un élément que nous allons prendre en compte et tenter de l’exploiter. Nous allons vous laisser. Merci, madame Magnet, nous vous tiendrons au courant s’il y a du nouveau. Bon courage.