Suceurs de sang - Patrick Marchandiaux - E-Book

Suceurs de sang E-Book

Patrick Marchandiaux

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Beschreibung

Dans cette quatrième enquête captivante, les membres de la brigade de recherches de Sellonge-sur-Meyrac, sous la direction du major Bernard Liodard, se retrouvent plongés dans une affaire troublante, où un médium et des meurtres commis par des vampires défient les frontières de la réalité. Pour résoudre ces mystérieux assassinats, ils devront faire preuve d’une clairvoyance exceptionnelle et déployer toutes leurs compétences pour démêler le vrai du surnaturel.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Patrick Marchandiaux a consacré sa vie à la gendarmerie, mettant ses compétences au service de la justice et de la sécurité. En tant que Maître de chien au sein du Peloton de Surveillance et d’Intervention, il a travaillé aux côtés de ses fidèles compagnons pendant plus de vingt-deux ans, utilisant leur flair infaillible pour traquer les trafiquants de drogue à travers tout le pays.

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Couverture

Page de titre

Patrick Marchandiaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Suceurs de sang

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Patrick Marchandiaux

ISBN : 979-10-422-2926-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Suceurs de sang

 

 

 

 

 

Dimanche 16 mai 2010, il est 8 heures du matin. Nous sommes dans la salle café de la Brigade des recherches de la gendarmerie de Sellonge-sur-Mérac. Une ville de quinze mille habitants située dans le sud-ouest de la France. Les six militaires qui composent cette unité sirotent leur petit noir. Elle est commandée depuis mai 2005 par le major Bernard Liodard, 48 ans, le regard vert émeraude, le cheveu court, châtain peigné en brosse. Il est secondé par l’adjudant-chef Paul Levain, dit Paulo, 37 ans, le regard bleu acier, le cheveu noir jais, légèrement dégarni sur le devant, la silhouette sportive. Vient ensuite l’adjudant Gustave Ramoy, dit Gus, 35 ans, le crâne rasé, les yeux marron clair, un léger embonpoint laisse penser qu’il aime la bonne chair. Puis l’adjudant Georges Philony, dit Jojo, 37 ans, blond comme les blés, les yeux gris clair, le sourire facile, baraqué, accro à la muscu. Vient ensuite l’adjudant Olivier Gratton, 33 ans, dit Olive, les yeux marron foncé, le cheveu noir, raide comme la justice. Et enfin, l’adjudante Léonie Médius, alias Léon, 34 ans, les yeux noir profond, une chevelure rousse coiffée en queue de cheval, une allure souple bien que les hanches soient un peu épaisses, passionnée de sport de combat, ceinture noire de Karaté.

Chacun des enquêteurs est titulaire du diplôme d’officier de police judiciaire et peut dès lors prendre n’importe quelle enquête à son compte.

La loi permet entre autres à ces militaires de travailler en civil.

Ils sont spécialisés dans les enquêtes criminelles et apportent leur concours aux unités départementales de la gendarmerie et plus particulièrement aux BT (brigades territoriales).

Cela faisait désormais un peu plus de cinq années qu’ils travaillaient ensemble. Une équipe indéfectible, soudée par des liens particulièrement forts.

Leur dernière grosse enquête a porté sur une affaire qui avait ses ramifications en 1972. (voir : Pactole Maudit.) Deux hommes avaient décidé de détrousser les notables de leur ville. Après plusieurs mois d’enquête, un des auteurs était interpellé dans sa ville de Nice. Ce dernier avait quelques jours auparavant assassiné son complice. Un travail rendu particulièrement difficile à cause de l’intelligence des criminels.

Depuis, la BR n’était intervenue que sur des dossiers portant sur des magouilles financières, chantages en tous genres, escroqueries et vols plus ou moins avec violences.

Même s’ils ne souhaitaient pas revivre des faits aussi graves que dans leur dernier dossier, ces limiers-là étaient avant tout formés pour enquêter sur des affaires sortant de l’ordinaire.

Ils sont secondés par un « TIC » (Technicien d’Investigation Criminelle). Ce dernier, Victor Tramblay, un adjudant, d’un peu plus de trente ans, remplit cette fonction d’une manière très professionnelle. Cette technicité s’acquiert après un stage de plusieurs mois à l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) basée à Pontoise. Celui qui se destine à embrasser cette technicité doit d’abord avoir un caractère bien trempé et le cœur bien accroché. Il va devoir intervenir très souvent sur des scènes de crime à la limite du supportable. Son rôle sera de récolter un maximum d’indices, de traces de toutes sortes, d’empreintes digitales et d’ADN. Pour cela, il dispose d’un accès, lui permettant d’effectuer des recherches sur les deux principaux fichiers qui sont le FNAED (fichier national automatisé d’empreintes digitales) et le FNAEG (fichier national automatisé d’empreintes génétiques). Il est également doté de plusieurs machines ultra-performantes, lui permettant entre autres de comparer des empreintes palmaires sur des supports tels que papier, bois, plastiques, etc., de pouvoir développer et agrandir des clichés photographiques numériques, d’analyser certains prélèvements et bien d’autres actions prépondérantes dans certaines enquêtes. Très pointilleux à l’extrême, le TIC doit littéralement passer au crible les lieux sur ses interventions.

Le dernier intervenant et pas des moindres, n’est autre que Gilles Mavier, le médecin légiste. Il intervient à la demande de l’autorité judiciaire, ou d’un OPJ lors de la découverte de morts suspectes. Son travail consistera à effectuer les premières constatations sur la ou les personnes décédées. Principalement pour découvrir sur place si possible, quelle est la cause du décès. Il va s’assurer que les lividités cadavériques correspondent à la position actuelle du corps attestant de ce fait que le cadavre n’a pas été déplacé. Son avis est prépondérant pour les enquêteurs et le parquet. Ce qui peut apparaître d’emblée comme un suicide à un membre des forces de l’ordre peut sous l’œil avisé de ce médecin s’avérer finalement être un assassinat. Il va également, après autopsie, apporter une réponse scientifique aux différents acteurs chargés du dossier. Il devra repérer et noter les traces suspectes sur tout le corps. Il sera capable après avoir apporté certains prélèvements au laboratoire de dater précisément le jour et l’heure de la mort, de certifier ou non aux enquêteurs que des drogues ou des produits chimiques létaux sont la cause de la mort.

Gilles Mavier est divorcé depuis une bonne dizaine d’années. Trop passionné par son travail, pas souvent à la maison, son épouse a préféré mettre un terme à leur relation pour se remettre en couple avec un homme plus disponible.

Gilles s’est tout de suite très bien entendu avec Bernard. Les militaires de la brigade de recherches ont besoin, quelquefois, lors de grosses enquêtes, de décompresser. Une soirée au restaurant leur permet de se changer les idées. Dans ce cas, Bernard n’oublie jamais d’inviter Gilles. Il fait désormais partie intégrante de leur unité.

 

 

 

 

 

Les locaux de la compagnie de gendarmerie de Sellonge-sur-Mérac comprennent cinq niveaux.

Au sous-sol se trouve l’armurerie. Pièce hyper sécurisée dont les murs ont été doublés. Une porte en acier en interdit l’entrée. Deux caméras surveillent en permanence les allées et venues. Les armes lourdes ainsi que les armes de poing des militaires en repos ou en permission y sont entreposées.

Au rez-de-chaussée se trouvent au fond du couloir quatre cellules ou chambres de sûreté. Elles sont destinées à enfermer provisoirement les personnes en garde à vue ou placées en dégrisement. Dans chacune d’elles se trouve un bas flanc en béton servant de lit. Deux couvertures en laine pliées au bout de chaque couchette sont destinées aux gens de passage pour éviter d’avoir trop froid.

Des WC à la turc permettent à la personne enfermée de se soulager. Le système d’évacuation est commandé de l’extérieur. La cuvette au sol est en inox. Par le passé, un détenu avait réussi à casser à coups de talon la céramique de la cuve. Il avait récupéré un morceau de cette matière pour s’ouvrir les veines. Depuis, des modifications ont été réalisées sur tout le territoire pour éviter que ce genre de drame ne se reproduise.

Le premier étage est occupé par la brigade territoriale. Immédiatement après la porte d’entrée se trouve le local d’accueil destiné à recevoir le public avec un militaire dédié à ce travail. Chez les gendarmes, celui qui y est astreint s’appelle « le planton ». Il y a bien entendu un roulement chaque jour pour éviter que ce soit toujours le même personnel à ce poste. Une porte intérieure sert à conduire un plaignant directement dans les bureaux. De nombreuses pièces permettent d’avoir un minimum d’intimité avec les personnes venues déposer plainte. Le fait d’avoir ce genre de locaux séparés permet également d’isoler les mis en cause lors d’interrogatoires afin qu’ils ne puissent pas communiquer entre eux. Au cinéma, dans les séries policières, il n’est pas rare de voir plusieurs gardés à vue pour faits graves, être entendus dans une même pièce. Comment dans ce cas faire croire à l’un des protagonistes que l’autre a craché le morceau ? C’est la base élémentaire du travail qui va dans la majorité des cas permettre d’avoir accès à la vérité. La réalité n’a rien à voir avec le cinéma. Au second étage se trouve la salle de réunion de la compagnie. Cette vaste pièce est équipée de plusieurs tables et chaises, d’un immense tableau Vélleda, d’un rétroprojecteur dernier cri et d’un système audio performant. Elle est destinée aux réunions de travail ainsi qu’aux directeurs d’enquête qui souhaitent préparer avec les chefs de groupes les interventions d’envergure. Cela permet de coordonner avec les officiers de police judiciaire chaque unité qui va intervenir sur le terrain. Les objectifs sont de ce fait, à chaque fois, clairement identifiés et détaillés à l’aide de croquis, de photos, voire de petits films réalisés lors de planques et missions de surveillance. Ces dernières sont réalisées entre autres par des unités spécialisées appelées « GOS » « groupe d’observation et de surveillance ». Il faut bien comprendre que certaines enquêtes peuvent durer plusieurs mois, voire des années. Il s’agit principalement de dossiers portant sur les infractions à la législation des stupéfiants, d’affaires criminelles, de trafic d’armes voire d’importantes affaires financières. Il arrive qu’il y ait plusieurs dizaines d’objectifs à investir. Il est évident mais encore faut-il le préciser, que le résultat final, donc la réussite complète d’une enquête est subordonnée à l’effet de surprise. Pour obtenir ce résultat, il est primordial de synchroniser l’intervention sur les différents objectifs. En clair, tapé au même moment à la seconde prêt. D’où une réunion préparatoire, car en fin de procédure, il va bien falloir tôt ou tard procéder aux interpellations des personnes mises en cause.

Dans la réalité, le directeur d’enquête, lorsqu’il est certain d’avoir en sa possession tous les éléments constitutifs de l’infraction, du délit ou du crime et toutes les preuves indiscutables de l’implication de chaque protagoniste, va en référer au Parquet ou au juge d’instruction chargé de l’affaire pour obtenir de ces juridictions, l’autorisation de procéder aux interpellations des mis en cause. Le droit français est très compliqué. Cela ne se passe pas comme à la télévision. Les interventions, perquisitions, interpellations domiciliaires ou autres se font sous l’autorité de ces magistrats.

Le deuxième étage est le domaine de la Brigade de recherches. Chaque militaire de cette unité dispose d’un bureau indépendant. Une pièce assez spacieuse sert de salle de réunion et de travail en commun. Elle est équipée d’un très grand tableau « Velléda » permettant aux enquêteurs de répertorier les éléments qui concernent l’affaire en cours. Un autre tableau recouvert d’une couche de liège permet d’y punaiser toutes les photographies prises généralement par les TIC (technicien d’investigation criminelle). Elle est également dotée d’un écran vidéo rétractable et d’un vidéoprojecteur. Il y a à disposition des personnels, une salle transformée en petite cuisine. Elle est équipée d’une table, de chaises, d’un four à micro-ondes, d’un frigo et d’une magnifique cafetière. Très souvent sur des enquêtes particulièrement difficiles, les gendarmes n’ont pas le temps matériel de rentrer déjeuner chez eux. Ils cassent la croûte sur le pouce pour gagner un peu de temps et continuer à mettre leurs idées en commun sur l’affaire en cours. Il ressort toujours quelque chose de concret lors de ces mini repas. Au fond du couloir, une espèce de minuscule pièce qui servait à l’origine de débarras a été vidée. La porte a été enlevée. Au plafond a été installé un projecteur très puissant. Le mur du fond à l’intérieur a été recouvert d’un film plastifié blanc permettant au TIC de prendre ses photos anthropométriques des personnes qui passent entre les mains de la BR.

Au troisième étage, c’est le domaine du GC compagnie « groupe de commandement de la compagnie », qui comprend : le secrétariat, la salle radio, le bureau de l’adjoint au commandant de compagnie et celui du Boss.

 

 

 

 

 

En ce début de matinée, les militaires se trouvaient dans la salle café. Passage obligé chaque jour avant de commencer la journée. Le téléphone intérieur sur le bureau de Bernard se mit à sonner. Il était 8 h 15. Ce dernier se précipita et décrocha.

— Major Liodard.

— Bonjour major, c’est le planton. J’ai devant moi un monsieur disant s’appeler Henri Luciols. Il souhaite être reçu par vous. Il dit que c’est très important.

— Vous savez ce qu’il veut exactement ?

— Non, major, il ne veut s’entretenir qu’avec vous. Je fais quoi ?

— Très bien, accompagnez-le chez nous.

Bernard demanda à son personnel de se regrouper dans la salle de réunion. Il attendit ensuite la venue de cet homme. Bernard remercia le planton et conduisit ce monsieur Luciols auprès des autres enquêteurs. Le visiteur était quelqu’un de taille moyenne. Il était coiffé d’une casquette écossaise. En entrant, il ôta son couvre-chef. Ses cheveux étaient coiffés court et de couleur châtain clair. Il portait une fine moustache. Son regard d’un bleu très clair paraissait inquiet. Il était rasé de près. Bien habillé puisqu’il portait un costume noir de bonne facture. Ces chaussures étaient parfaitement cirées. Il avait probablement une cinquantaine d’années et présentait bien. Bernard lui désigna un siège. Il s’y assit lourdement. On aurait dit qu’il transportait toute la misère du monde. Il regarda les membres de la BR l’un après l’autre. Il paraissait impressionné. Bernard prit la parole :

— Bonjour Monsieur Luciols. Je suis le major Bernard Liodard. Je commande cette unité. Vous avez souhaité vous entretenir avec moi en particulier. Je vais être franc avec vous, je travaille depuis des années en unité constituée. C’est-à-dire que nous tous ici partageons sans exception tous les renseignements qui arrivent dans ce service. À vous de voir si vous souhaitez toujours vous entretenir avec nous ?

Cet homme paraissait particulièrement nerveux. Il triturait sa casquette dans tous les sens. Il fixa Bernard dans les yeux et se lança :

— Présenté comme cela, je ne vois pas d’inconvénients à vous communiquer ce que je suis venu vous révéler. Mais auparavant, je dois me présenter. Vous connaissez mon patronyme. En revanche, il faut que je vous dise que je ne suis pas un fabulateur, un illuminé ou quelqu’un de malhonnête. Mon métier consiste à soulager les phobies, les petites manies, les vices et autres problèmes que rencontrent les gens qui viennent consulter dans mon cabinet. Pour être plus clair, je guéris tous ces maux grâce à l’hypnose. Et oui, je suis hypnothérapeute.

Mais je ne suis pas venu vous parler de cela. J’ai une autre corde à mon arc. Je possède un don très particulier. Cela a débuté lorsque je suis entré dans l’adolescence. Cela paraît difficile à croire pour certains mais j’ai la faculté d’entrer en contact avec des personnes décédées. Disons pour être plus exact que ce sont eux qui dialoguent avec moi. En clair, je suis médium. Rassurez-vous, je ne suis pas de ceux qui organisent des réunions de plusieurs individus se tenant par la main, autour d’un guéridon, dans le noir, avec seulement quatre bougies allumées. Seuls les charlatans avides d’argent se permettent de monter ce genre de spectacle bidon, profitant de la crédulité et du malheur de gens désespérés par la perte d’un être cher. Ces escrocs, car il n’y a pas d’autres mots, font du tort aux vrais médiums.

Les gendarmes avaient tous un petit sourire aux lèvres. Luciols ne se démonta pas et poursuivit ses explications.

— Les morts qui souhaitent communiquer avec moi le font généralement en pleine nuit. Cela arrive principalement lorsque je dors du sommeil du juste. Comment vous expliquer, c’est comme dans un songe ou un cauchemar selon le cas. Cela ne me réveille pas du tout. C’est mon cerveau qui enregistre la conversation. C’est seulement le lendemain, lorsque j’ouvre mes volets, que tout me revient. Je note sur mon calepin ce qui m’a été révélé dans la nuit. Vous allez me dire, c’est très bien votre histoire mais pourquoi êtes-vous ici ?

— Effectivement, monsieur Luciols, notre temps est précieux alors venez en au fait sans plus tarder.

— Oui, excusez-moi, je n’avais pas conscience que vous aviez autre chose à faire. N’empêche que je viens vous apporter une affaire d’homicide.

— Les gendarmes à ces mots avaient dressé l’oreille non sans s’être dit que ce gars-là était peut-être un mythomane.

Luciols reprit :

— Un certain Serge Eymard m’a contacté cette nuit enfin vers les cinq heures du matin pour me dire qu’il avait été assassiné à son domicile. Il a vu celui qui l’a agressé. Mais il ne le connaît pas. Il m’a précisé qu’il était quelqu’un de bien et qu’il n’a jamais fait de tort à personne. Il ne comprend pas pourquoi il a été tué par ce monstre. C’est le mot qu’il a employé. Je ne saurais vous dire pourquoi. Il m’a affirmé n’avoir aucun penchant homosexuel. Là, non plus, je n’ai pas d’explication. Il était d’ailleurs sur le point de demander sa copine en mariage.

Bernard était sur le point de se lever et de raccompagner manu militari son visiteur à la porte.

— Je vois que vous ne me prenez pas au sérieux. Laissez-moi vous donner un aperçu de mes capacités : « Major, c’est bien votre grade ? Votre épouse est décédée d’un cancer du pancréas en 2003. Vous avez effectué un stage d’analyste comportemental au FBI à Cantico aux USA en avril 2005. Dès votre retour en France, vous avez été muté à la tête de cette unité que vous commandez toujours à ce jour. Vous avez rencontré votre compagne actuelle, Christiane, lors de votre première enquête, ici, grâce à votre, désormais, ami le médecin légiste, Gilles Mavier. Vous aviez parié un repas au restaurant avec lui. Vous avez gagné. Il vous a emmené souper à la brasserie. Là où servait Christiane. Depuis votre prise de fonction, vous avez avec votre équipe solutionné trois grosses affaires. L’envenimeur, un jeune homme qui avait décidé de venger la mort de ses parents en tuant leurs assassins à l’aide de différents venins, le massacreur toujours une histoire de vengeance à la suite d’un viol et les rôtisseurs deux Niçois venus dans votre ville s’en prendre à la fortune de plusieurs bourgeois. Je continue où cela suffit-il ?

Les visages s’étaient tournés spontanément vers Bernard. Ce dernier allait exploser :

— Vous allez me foutre le camp d’ici avant que je devienne grossier, c’est compris ?

Luciols ne bougea pas d’un pouce. Il sortit de sa poche un morceau de papier. Il le tendit à Bernard. Ce dernier s’emporta :

— C’est quoi encore cette fois-ci ?

— Serge Eymard m’a révélé travailler dans le restaurant 2 étoiles le lys d’or. Je vous ai noté le numéro de téléphone de cet établissement et son adresse qui est 12 rue haute en ville. Cela ne vous coûte rien d’appeler pour vous assurer qu’il est bien au travail. Autre chose. J’ai durant des années travaillé avec la brigade criminelle de Paris. Je résidais dans la capitale à cette époque. Il y a deux ans maintenant, j’ai une fois de plus rendu service à cette unité. Malheureusement lors de l’enquête, il y a eu une fuite et mon nom a circulé dans le milieu. J’ai dû faire mes valises en catastrophe. J’ai obtenu une nouvelle identité. C’était le moins qu’ils puissent faire pour me renvoyer l’ascenseur. Le patron de la crime s’appelle Jean-Claude Fillippi. C’est un Corse. Je vous ai écrit son numéro. Vous pourrez vérifier que je ne suis pas un mytho.

Bernard pesa le pour et le contre. Finalement, il s’empara de son portable et composa le numéro du resto. À la troisième sonnerie, une voix féminine répondit :

— Restaurant le lys d’or, je vous écoute.

— Bonjour madame. Je suis le major Liodard de la Brigade de Recherches de Sellonge-sur-Mérac. Je souhaiterais parler à Serge Eymard, s’il vous plaît.

— Ne quittez pas, je me rends en cuisine et vous le passe.

Luciols n’avait pas bronché. Son visage était impénétrable. On entendit dans le haut-parleur du téléphone de Bernard les pas de la personne puis une porte qui s’ouvre et le concert d’instruments de cuisine. Enfin une voix étouffée qui disait : Edgard, j’ai au téléphone un gendarme qui veut parler à Serge. « Putain, il n’est pas là. C’est la première fois qu’il me fait faux bond. J’ai appelé sur son portable. Il ne répond pas. Cela ne lui ressemble pas. Le pire c’est que nous sommes complets ce midi. On va faire avec ». « Bon d’accord ». La personne reprit :

— Monsieur Serge Eymard n’est pas venu travailler ce matin. Je suis désolé. Voulez-vous son adresse ?

— Merci, madame, nous l’avons.

Luciols reprit :

— Vous voyez, je ne vous ai pas menti. Si vous voulez savoir où je me trouvais hier, j’étais absent tout le week-end. Je suis allé faire un tour à Cannes. Je tiens à votre disposition, chez moi, mon titre de transport ainsi que la facture de mon hôtel. Major, je reste à votre disposition. Si vous avez besoin de moi, n’hésitez pas. Je vous laisse ma carte. Cela peut servir. Très bonne journée à vous tous.

 

 

 

 

 

Avant que Bernard donne ses ordres, Léon et Gus, étaient partis en trombe sortir les véhicules du garage.

Olive avait récupéré son arme et sa sacoche de travail. Il était fin prêt.

Bernard s’adressa aux deux autres :

— Jojo, Paulo, vous en êtes où de votre procédure en cours ?

— Il nous reste pas mal de boulot.

— Bon, ne traînez pas, on ne sait jamais sur quoi nous allons tomber. J’aurais peut-être besoin de vous dans les prochaines heures. Je rends compte au commandant de notre intervention chez Eymard.

— Mon commandant, major Liodard.

— Oui major, je vous écoute.

— Nous allons intervenir, 12 rue haute, chez un certain Serge Eymard. Nous avons recueilli un renseignement laissant supposer que cet homme aurait été assassiné chez lui. Nous allons vérifier.

— Bon, tenez-moi au courant.

Les deux véhicules banalisés arrivèrent rapidement à l’adresse indiquée. Ils se retrouvèrent devant une petite maison de plain-pied. Le portail était grand ouvert. L’extérieur de l’habitation était laissé à l’abandon. De hautes herbes avaient pris possession des lieux. Après avoir stationné leurs voitures le long du trottoir, les enquêteurs se présentèrent devant la porte d’entrée. Bernard appuya deux fois sur la sonnette. Un timbre représentant le gros bourdon de Notre-Dame se fit entendre. Aucun bruit à l’intérieur. Personne ne vint ouvrir. Bernard fit jouer la poignée de la porte. Elle n’était pas verrouillée. Les militaires entrèrent l’un derrière l’autre. Sur la gauche se trouvait une petite cuisine bien équipée. Elle était bien rangée, rien ne traînait. Le frigidaire était approvisionné. À droite, la pièce faisait office de salon salle à manger. Un mobilier quelconque remplissait l’espace. La maison était bien tenue. Aucune trace de violence dans ces pièces. Ils suivirent le couloir. Il y avait une salle de bains, des WC et une chambre à coucher de chaque côté. Celle de droite était meublée d’un grand lit, de deux tables de chevet, d’une commode, d’une armoire et d’une chaise. Sur cette dernière, des vêtements étaient correctement pliés. C’était sans aucun doute possible ceux du propriétaire des lieux. C’est sur le lit que gisait le corps d’un homme. Il était totalement nu. Les bras le long du corps. Couché sur le dos, la tête tournée vers la droite. Les yeux étaient grand ouverts en direction du couloir. Le regard était devenu vitreux. Sur le cou du gisant, côté gauche, il y avait une sorte de blessure. Le peu de sang coagulé sur la plaie ne permettait pas de visualiser la nature de celle-ci. Impossible dans ces conditions de se prononcer sur ce qui avait causé cette petite perte d’hémoglobine. Bernard chercha à tout hasard un pouls. Il fallait se rendre à l’évidence. Henri Luciols avait vu juste. Serge Eymard était à l’état de cadavre. Bernard donna ses ordres :

— Bon, on s’y met. On ressort s’habiller pour ne plus polluer les lieux. Je rends compte au parquet et au Boss.

— Bonjour Monsieur le substitut, major Liobard de la BR de Sellonge-sur-Mérac. Nous venons d’intervenir sur renseignements 12 rue Haute, chez le nommé Serge Eymard, avec un Y. Il est décédé chez lui, dans son lit.

— D’après vous, la mort est-elle naturelle ?

— Non, Monsieur le substitut. Il porte une sorte de blessure au niveau du cou.

— Bien, dans ce cas, puisque vous êtes déjà sur place, je vous charge de faire la lumière sur ce décès. Je vous laisse gérer avec le médecin légiste et les pompes funèbres. Vous m’informerez au fur et à mesure de l’avancée de ce dossier.

— Très bien, Monsieur le Substitut. Bonne journée.

Le major raccrocha et contacta le légiste et le TIC. Ensuite, il rendit compte à son commandant de compagnie. Ce dernier lui demanda s’il avait besoin de renfort. La proposition fut déclinée par Bernard.

Les militaires s’équipèrent. Combinaison blanche, charlotte, housses de chaussures, masque FFP2, gants plastifiés. Le TIC et le légiste venaient d’arriver. Ils s’habillèrent rapidement. Gilles, le sourire aux lèvres, vint serrer la main des hommes et fit la bise à Léon. Victor fit de même. Le légiste demanda :

— Nous sommes sur quelle affaire ?

— Nous avons une personne décédée dans sa chambre. Olive Léon et toi, Gus, vous attaquez la perquise. Nous autres, on s’occupe de la personne décédée. Tout le monde est prêt ?

Le petit groupe pénétra de nouveau dans la maison. Gilles s’avança auprès du lit. Il constata que la personne allongée sur son lit avait bien cessé de vivre. Il se recula et fit signe à Victor qu’il pouvait officier. Muni de son appareil photos numérique dernier cri, il commença à immortaliser la scène. Il clicha la pièce dans son ensemble puis se rapprocha pour prendre plusieurs images en gros plans de la face et de la lésion sur le cou. Il se recula ensuite pour laisser la place à Gilles. Le légiste fit pivoter la tête du mort pour vérifier l’état de rigidité cadavérique. Il se tourna vers Bernard et prit la parole :

— La mort remonte tout au plus à quelques heures, les articulations ne sont pas encore rigidifiées.

— Tu as une théorie sur ce qui a pu causer ce décès ? demanda Bernard.

— Pas pour le moment si ce n’est cette blessure au cou. Ce qui me chagrine, c’est qu’il n’y a pas eu d’écoulement sanguin. Les draps sont nickels. Pourtant une entaille au niveau de la carotide, même minime, déclenche un début d’hémorragie, le sang va se mettre à gicler. Là, pas une goutte. Bougez pas, je vérifie quelque chose. Je vais appuyer à cet endroit-là sur la croûte formée par le sang. Vous voyez, il y a un petit saignement, signe qu’il y a eu une perforation de la veine exactement ici. Voyons voir le reste du corps. Victor, tu me donnes un coup de main pour retourner ce gus. Bon, les lividités cadavériques correspondent à la position du corps. Conclusion, il a bien été tué sur ce plumard. Pas de traces suspectes sur le dos et à l’arrière des cuisses. Aller, on le rebascule sur sa position initiale. Pas de lésion au niveau des poignets et des chevilles. Votre bonhomme n’a pas été entravé. Aucune trace sur le pourtour de la bouche. Il n’a pas été non plus bâillonné. Aucune marque de violence. Voilà ce que je peux vous dire à la suite de mon primo-examen post-mortem. Vous en saurez plus lorsque je l’aurai ouvert. Bernard, tu fais évacuer ce monsieur à l’IML (Institut médico-légal). Je vais m’en occuper en priorité. Victor, c’est toi qui viens assister à l’autopsie ?

— Affirmatif. Je suis de permanence.

— Bon et bien, je t’attendrai avant de commencer.

— Pas de souci, je termine ici et te rejoins dès que possible.

Gilles salua ses potes et quitta les lieux pour rejoindre son sous-sol mortuaire.

Bernard sortit pour contacter les professionnels du transport de macchabées. Car, faut-il le préciser, ce n’est pas comme dans les films ou les séries policières où les cadavres sont transportés tantôt par les pompiers, les ambulances, voire pire, par les policiers ou les gendarmes. Le transport de personnes décédées sur le territoire Français est strictement encadré par la loi. Seuls les employés des pompes funèbres avec leurs véhicules réfrigérés et spécialement aménagés sont habilités à transporter les cadavres.

Le TIC attaqua son laborieux travail qui consistait à inspecter minutieusement la scène du crime à la recherche de la moindre trace. Dans ce cas précis, la victime n’étant pas décédée de mort violente, ni par arme blanche ou arme à feu, il devait s’ingénier à rechercher principalement les empreintes digitales ou d’ADN. Depuis plusieurs années, à la suite de l’avènement de l’ADN et des dernières technologies permettant l’identification de traces infinitésimales, le technicien d’investigation criminelle était une pièce importante dans l’avancée d’une enquête. Le moindre détail relevé par lui devient un apport non négligeable dans une enquête. Cela permet très souvent d’avoir un début d’éclairage sur le nombre de personnes présentes sur les lieux d’un crime. Une fois de retour à l’unité, chaque TIC va s’ingénier à comparer et faire parler la moindre trace d’acide désoxyribonucléique ou d’ADN voire d’autres prélèvements. Il va ensuite établir un procès-verbal de constatations et mesures prises. C’est-à-dire qu’il va par ce biais, relater par le menu tous les actes qu’il aura été amené à effectuer sur les lieux du drame. Il va sortir via l’imprimante les clichés qu’il aura pris dont certains seront montés en planches photos accompagnés de leur légende pour servir lors des débats judiciaires, en correctionnelle ou aux assises. Il faudra qu’il remplisse un autre procès-verbal, qui va inventorier et détailler le nombre et la nature de prélèvements qu’il va envoyer à l’IRCGN (Institut Régional Criminel de la Gendarmerie Nationale) pour analyses. Il devra ensuite aller assister à l’autopsie qui sera pratiquée sur la victime. L’OPJ est présent pour photographier tous les actes réalisés par le médecin légiste. Un nouveau procès-verbal sera rédigé avec les clichés en question et sera remis au responsable de l’unité qui diligente l’enquête, pour être joint à la procédure.

Les enquêteurs, de leur côté, avaient commencé leurs recherches. En tout premier lieu, il fallait confirmer l’identité du mort. Ce fut fait rapidement grâce à Léon. Elle avait découvert un portefeuille dans une poche intérieure d’un blouson négligemment posé sur un des fauteuils du salon. La carte nationale d’identité était bien au nom de Serge Eymard, né le 23 octobre 1972 à Sellonge-sur-Mérac. Il allait sur ses 38 ans. Sur la table de la salle à manger, Léon s’aperçut de la présence d’un téléphone portable. Il était en veille et non verrouillé. Elle s’intéressa tout d’abord au répertoire téléphonique. Un numéro l’intéressa en particulier. Il s’agissait de papa, maman. Elle le nota. Elle avisa ensuite un magnifique ordinateur portable posé sur un bureau. Elle l’ouvrit et commença à naviguer sur les planches photo. De nombreux clichés représentaient la victime en compagnie d’une jolie jeune femme blonde comme les blés. Elle s’empara une nouvelle fois du téléphone portable et s’intéressa au journal d’appels. Deux personnes avaient à plusieurs reprises cherché à joindre Serge. Il s’agissait de Bébé et d’un certain Fernand. Les deux numéros s’y rapportant furent scrupuleusement notés. Bernard décida de placer sous scellé ces deux appareils pour pouvoir mieux les exploiter à la BR. Gus, en fouillant dans une valisette porte-documents, venait de découvrir que ce monsieur était micro-entrepreneur. Il avait monté son entreprise de coach en informatique. Il est vrai que désormais, tout le monde devenait de plus en plus dépendant de cette technologie. Que ce soit pour l’achat de marchandises sur le net que pour obtenir un renseignement, envoyer des documents numérisés, sans compter toutes les démarches administratives. Sans ordinateur ni un minimum de connaissance, l’avenir devenait de plus en plus noir pour certains, à commencer par les personnes âgées.

 

 

 

 

 

Les recherches n’amenèrent rien de nouveau dans ce dossier. La fouille de la chambre du mort après que Victor eut terminé ses prélèvements non plus. En repartant, les scellés furent apposés sur la porte. Les militaires rentrèrent au bureau. Midi et quart, il était temps d’aller casser la croûte pour tout le monde.

À 14 heures, tous les enquêteurs se retrouvèrent dans la salle de réunion, chacun avec une tasse de café à la main. Jojo et Paulo en avaient terminé avec leur procédure. Elle avait été déposée sur le bureau de Bernard. Il n’avait plus qu’à la relire, à apposer la Marianne sur le bordereau d’envoi et à la signer avant de l’envoyer aux différents destinataires. (généralement : le Procureur de la République, le Préfet, une archive à la compagnie et une à la BR.) Jojo et Paulo prirent connaissance de l’affaire qui venait de démarrer. À cet effet, Bernard inscrivit sur le tableau Véléda, les renseignements recueillis chez Serge Eymard. Il nota ce qui se rapportait à la victime. Il inscrivit les numéros de téléphone des parents, de Bébé et de Fernand. Il nota la blessure sur le cou de la victime et l’absence d’écoulement sanguin. Il mentionna également que la porte d’entrée n’était pas verrouillée lors de leur arrivée sur les lieux. Il souligna la nudité de la victime, l’absence d’ecchymoses sur le corps et le fait que celui-ci n’avait pas été déplacé après sa mort.

Léon avait continué à inspecter le téléphone portable et l’ordinateur. Elle expliqua :

— J’ai le nom complet des deux personnes qui ont cherché à joindre Serge Eymard. Il s’agit de Fernand Beaupain, demeurant 33 rue des lavandes ici à Sellonge-sur-Mérac. La personne répondant au diminutif de « bébé » était une jeune femme. Elle s’appelait Hélène Baudoin. En revanche, je n’ai pas trouvé son adresse. J’ai celle des parents : 83 rue des alouettes, le papa se prénomme Denis, la maman Brigitte.

— OK, Léon, super travail. Il faut localiser ce Fernand Beaupain. J’imagine qu’à cette heure-là, il doit être au travail. Le plus simple est de contacter les voisins pour savoir chez qui il bosse. Olive Gus, Paulo, Jojo, vous y allez tous les quatre. Si vous obtenez le renseignement, vous l’interpellez et le ramenez pour l’interroger. Allez-y en douceur, ce n’est pas la peine de le braquer dès le départ. Léon et moi nous nous chargeons d’avertir les parents du décès de leur fils. On se retrouve ici ensuite.

Les deux équipes partirent sur leurs objectifs respectifs. Bernard et Léon arrivèrent devant le domicile des parents de Serge Eymard. Il s’agissait d’une villa assez cossue. Le jardin d’agrément était parfaitement entretenu. Sur le côté de la maison se trouvait un magnifique potager. Le propriétaire des lieux avait la main verte. Une grosse voiture de marque allemande était stationnée devant le garage. Bernard appuya sur la sonnette. La porte d’entrée s’ouvrit sur un homme d’un certain âge. Il avait les cheveux blancs, une barbe de la même couleur lui mangeait le visage. Il était vêtu d’une salopette bleu foncé. Le regard suspicieux, il s’avança au-devant du couple qui attendait au portail. Il s’arrêta à mi-distance et lança d’un ton sans appel :

— Nous n’avons besoin de rien. Veuillez nous laisser tranquilles.

Bernard sortit sa carte professionnelle et la passa au travers des barreaux. Il affirma :

— C’est la gendarmerie, Monsieur Eymard, nous souhaiterions nous entretenir avec vous.

— La gendarmerie ? Que se passe-t-il ?

L’angoisse apparut aussitôt sur le visage de ce monsieur. Il ouvrit la grille et demanda aux deux militaires de le suivre à l’intérieur de la maison. Une femme aux cheveux coiffés en chignon se déplaçant avec une béquille était sortie sur le perron. Elle regarda ce trio s’avancer vers elle. Les enquêteurs furent invités à s’asseoir sur un canapé dans le salon. Denis Eymard murmura à l’intention de son épouse :

— Ce sont des gendarmes.

— Grand dieu, que se passe-t-il ? s’exclama Brigitte.

Denis reprit :

— Qu’est-ce qui vous amène chez nous ? Rien de grave j’espère ?

Bernard redoutait ce moment atroce où il fallait apprendre à de braves gens qu’ils ne reverraient jamais plus l’être cher. Le major prit la parole :

— Monsieur et Madame Eymard, nous sommes porteurs d’une très mauvaise nouvelle. Votre fils Serge a été retrouvé inanimé chez lui, ce matin.

— Mais, il va bien, s’écria Brigitte, dites, il est où à l’hôpital ?

— Hélas, il n’a pu être réanimé. Il est décédé, je suis désolé et vous présente mes plus sincères condoléances.

Brigitte a fixé Bernard droit dans les yeux comme si le fait de le regarder de la sorte pouvait faire disparaître ce colporteur de malheur. Denis a simplement hoché plusieurs fois la tête de haut en bas pour assurer qu’il avait compris le message. Il s’était soudain voûté dans son fauteuil comme si le poids de la terre lui était tombé sur les épaules. Il avait les yeux dans le vague. Il se tourna vers sa femme. Le visage de son épouse s’était couvert de larmes. Elle avait la bouche grande ouverte sans qu’aucun son n’en sorte. Ses mains s’étaient mises à trembler sans pouvoir s’arrêter. Elle sécha ses larmes à l’aide d’un mouchoir à usage unique.

Que dire, que faire dans ce genre de situation ? Attendre qu’un des deux parents reprenne le dessus et pose les questions évidentes dans ce genre de situation. C’est Denis qui rompit le premier ce silence si pesant.

— Que s’est-il passé ?

— Nous l’avons trouvé dans son lit. Il était décédé depuis plusieurs heures.

— Mais, il est mort de quoi dans ce cas ?

— Nous ne savons pas encore.

— Mais, sa mort est-elle naturelle ? Je ne comprends pas, de nos jours, on ne meurt pas comme cela pour un oui ou pour un non.

— Écoutez, nous ne pouvons pas vous en dire plus. Une enquête est en cours. Son corps sera autopsié pour connaître avec certitude les causes réelles de son décès. Dès que nous saurons ce qu’il s’est passé, vous serez tenus informés. Vous pouvez compter sur moi.

— Non, mais attendez, si vous enquêtez, c’est qu’il y a un problème avec les causes de son décès, c’est bien cela, ne tournez pas autour du pot.

— Serge n’a pas été tué par arme blanche ou arme à feu. C’est pour cela que le médecin légiste n’a pas pu se prononcer sur ce qui l’a emporté. Le légiste va tout faire pour faire la lumière sur cet aspect des choses.

— Oh, mon dieu, s’exclama Brigitte, ils vont me le charcuter.

— Calme-toi ma chérie, il faut bien qu’il découvre ce qui a tué notre fils.

Bernard poursuivit :

— Il y a encore une formalité à accomplir.

— Quoi donc ? demanda Denis.

— Vous devez nous suivre à l’institut médico-légal pour reconnaître le corps.

— Vous pouvez nous laisser quelques minutes, pour que nous reprenions nos esprits.

— Je vous en prie. Prenez votre temps, nous vous attendrons sur place.

Bernard et Léon se retirèrent. L’atmosphère dans ce genre de situation est étouffante. Pour cette fois, les deux gendarmes ont eu affaire à des gens dignes. Ce n’est pas toujours le cas. Il arrive trop souvent que les personnes en deuils s’en prennent verbalement aux forces de l’ordre. Même s’ils n’y sont pour rien, il est difficile d’accepter de se faire rabrouer de la sorte. Bernard et Léon retrouvèrent Gille à l’IML. L’autopsie n’avait pas encore été pratiquée. L’homme de science expliqua :

— J’attends Victor pour commencer. Il ne devrait plus tarder.

— Tu vas devoir patienter encore un peu, les parents de la victime vont venir l’identifier.

— Bon, on va faire avec.

Moins d’un quart d’heure plus tard, Denis et Brigitte confirmèrent que l’homme étendu sur ce chariot en inox était bien leur fils. Le plus compliqué dans ce cas-là, c’est de faire comprendre en douceur à ces personnes qu’il faut quitter les lieux.

 

 

 

 

 

Bernard et Léon, après avoir salué Gilles, reprirent le chemin du bureau. Les autres militaires étaient rentrés avec leur témoin. Paulo fit signe à Bernard de le suivre dans son bureau. Il expliqua :

— Nous avons finalement trouvé où Fernand travaillait, grâce à sa voisine. Il bosse dans la zone industrielle pour la société « Microsoft ».

— Ah oui, quand même. Comment a-t-il réagi ?

— Il nous a suivis sans faire de difficulté. Nous ne lui avons pas encore dit que Serge Eymard était décédé.