Seuls sur Terre - Sébastien Scharle - E-Book

Seuls sur Terre E-Book

Sébastien Scharle

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Beschreibung

Quand Adam se réveille d'un profond sommeil, il ne se souvient de rien, mis à part son prénom. Chose plus troublante encore, le monde autour de lui semble désormais dépourvu de toute trace humaine. Qu'est-il arrivé durant son sommeil ? Où sont passés tous les êtres humains ? Partez dans une quête captivante pour découvrir la vérité sur ce monde post-apocalyptique. Aventure, suspense, frissons, humour... Tous les ingrédients réunis pour savourer une histoire passionnante accompagnée d'un personnage farfelu mais attachant, qui ne vous laissera pas indifférent.

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Seitenzahl: 383

Veröffentlichungsjahr: 2021

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Il faut toujours se battre pour concrétiser ses rêves.

Publier ce roman est une immense fierté pour moi.

Je remercie toutes les personnes qui m’ont soutenu tout au long de cette aventure, car oui, c’était une véritable aventure passionnante à vivre. Vous êtes nombreux à avoir suivi l’avancée de ce projet.

Je tiens à remercier chaleureusement quatre personnes en particulier.

Tout d’abord, Myriam Lorenz, que je considère comme ma marraine auteure. Ses conseils et sa disponibilité ont été une aide très précieuse.

Ensuite, Marie-Anne N, bêta-lectrice. Son point de vue et son éclairage m’ont permis d’améliorer le roman que vous allez découvrir.

Tiana BI pour la conception de la couverture.

Enfin, Annie Lanvers, ma correctrice.

Je vous laisse maintenant en compagnie d’Adam et je vous souhaite une agréable lecture.

Sébastien Scharle

Table des matières

Chapitre 1 - Un réveil troublant

Chapitre 2 - En route pour les Champs-Élysées

Chapitre 3 - Les Champs-Élysées

Chapitre 4 - Dans les couloirs du métro

Chapitre 5 - La quête de l'indice

Chapitre 6 - Hôtel sur les Champs-Élysées

Chapitre 7 - Le parc d'attractions

Chapitre 8 - Embarquement pour Los Angeles

Chapitre 9 - Vol pour Los Angeles

Chapitre 10 - Perdus au milieu de l'océan

Chapitre 11 - Croisière pour New York

Chapitre 12 - New York

Chapitre 13 - En route pour l'aéroport de New York

Chapitre 14 - Ce n'est qu'un au revoir

Chapitre 15 - Seul à l'aéroport

Chapitre 16 - Los Angeles

Chapitre 17 - Le Staples Center

Chapitre 18 -Bienvenue chez moi

Chapitre 19 -Premières réponses

Chapitre 20 - Le passé ressurgit

Chapitre 21 - Fin

Chapitre 1 - Un réveil troublant

Un étrange matin

Les réveils matinaux s’avèrent parfois compliqués et laborieux. Cette sensation déplaisante se manifeste souvent après une mauvaise nuit, ou lorsque des cauchemars agitent le sommeil.

En ce début de journée, Adam ressentait, au plus profond de lui-même, la conscience reprendre ses droits. Dans la douleur, ses paupières tremblèrent et il ouvrit péniblement les yeux avec des perceptions désagréables. Frappé par une incommodante migraine, la vue troublée, il souffrait de crampes répandues au travers de l’ensemble de sa musculature. Dans l’immédiat, il rechignait à s’extraire de son lit.

— Oh putain de merde ! jura-t-il. Comment veux-tu que je me lève, moi ?

Âgé de vingt-cinq ans environ, le jeune homme se retourna sous ses draps. Il désirait replonger dans le monde enchanteur du sommeil et des songes. Sur le point de se rendormir, la petite voix cachée dans son esprit s’adressa à sa raison et il se résigna à rester éveillé. Il se concentra sur sa respiration, inspira lentement l’oxygène par le nez et l’expira par la bouche. Le corps d’Adam réagissait enfin correctement : sa vue offrait des images nettes et sa tête cessa de lui causer des souffrances.

— Quand faut y aller, faut y aller… Allez gros paresseux, debout !

Il se glissa hors de ses draps et eut l’étrange impression d’avoir dormi beaucoup plus longtemps qu’à l’accoutumée. Adam s’attarda sur cette pensée troublante. Perturbé, il ne se rappelait plus de sa dernière activité précédant le coucher.

— Je crois que je deviens dingue. Si jeune et déjà touché par des problèmes de mémoire. Ça promet pour la suite… Mais quel jour est-on aujourd’hui ? Oh putain, ça craint grave !

Il alluma son téléphone portable qu’il éteignait la nuit pour éviter le moindre dérangement durant son sommeil. Il détestait le ballet incessant des notifications en provenance des nombreux réseaux sociaux. Le jeune homme grimaça au moment de saisir le code PIN.

— Fais chier ! C’est quoi déjà le code à la con ?

Adam entretenait une réputation peu flatteuse sur la qualité du vocabulaire utilisé. Cependant, il s’en moquait, dans la mesure où le plus important restait de se faire comprendre.

— Vas-y, ça me soule ! Ce téléphone va finir à la poubelle !

Il ouvrit les volets de chacune des pièces de son appartement et l’aéra afin d’éliminer les odeurs nauséabondes de renfermé. Le vent soufflait fort et Adam percevait le bruit d’une bouteille en plastique roulant dans l’allée.

— Saint-Germain-en-Laye paraît bien calme ce matin. On dirait qu’il n’y a pas école aujourd’hui, je n’entends pas ces satanés gamins qui crient tout le temps. On doit être dimanche… Putain, c’est quoi le code PIN à la con ? s’énerva-t-il.

Sans réfléchir, il pianota quatre chiffres. Le téléphone se déverrouilla aussitôt.

— Yes ! C’est qui le boss, ici ?

Adam constata l’absence de réseau, car l’écran affichait « recherche ». Il accepta l’évidence : son mobile ne détectait aucune connexion disponible, ni même le wifi.

— Mais c’est quoi ce délire ?

L’écran d’accueil du téléphone indiquait néanmoins la date du jour. Il encaissa un violent électrochoc et se frotta les yeux, craignant une hallucination.

— C’est impossible… 9 juin… 2030… 2030… 2030 ? 9 juin, je veux bien, mais 2030… J’imagine que le problème de réseau perturbe mon portable. Quand la technologie part en sucette, c’est le bordel ! En attendant, je vais me préparer un bon p’tit dej. J’ai trop la dalle.

Il se précipita vers le buffet et perdit toutes ses illusions, en une fraction de seconde, lorsqu’il découvrit qu’il était vide. Il voulut utiliser la cafetière, mais elle ne fonctionnait pas. Adam grogna, gagné par la frustration. Il ouvrit le réfrigérateur également hors service et remarqua l’absence de produits frais à l’intérieur. Il décela rapidement une défaillance électrique générale.

— La poisse ! J’ai comme l’impression qu’il n’y a pas grand-chose qui daigne marcher ce matin. J’aurais mieux fait de rester couché ! Une bonne douche chaude me fera du bien.

Il se dirigea vers la salle de bain. Évidemment, la lumière ne s’alluma pas et laissa la pièce plongée dans la pénombre.

— Se laver dans l’obscurité la plus totale, c’est un concept intéressant pour les gens pudiques… Non, mais j’hallucine ! Pas d’eau !

Il jeta violemment le pommeau dans la baignoire.

— Je ne me souviens de rien, aucun truc ne veut fonctionner… Que se passe-t-il aujourd’hui ?

Une atmosphère lourde l’entourait et le déconcertait. Absolument rien ne tournait rond. Adam s’efforçait de rechercher des embryons de souvenirs dans son esprit car il ignorait tout des caractéristiques de sa personnalité. Quel âge avait-il ? Quelle profession exerçait-il ? Avait-il des enfants ? Une femme partageait-elle sa vie ? Aucune réponse à ses questions. Cette absence de mémoire le perturbait. La seule et unique certitude concernait son prénom, il savait qu’il s’appelait Adam.

Immeuble fantôme

Adam décida de quitter son appartement, dans l’espoir de rencontrer quelqu’un qui lui raviverait son passé oublié. Évidemment, le couloir se révéla dépourvu d’éclairage. Il activa l’application « lampe torche » sur le smartphone et découvrit, avec dégoût, le sol tapissé d’une montagne de poussière. Des traces de moisissures sur les murs le répugnaient.

— J’ai l’impression que ça n’a pas été nettoyé depuis des années.

Cette dernière pensée le déstabilisa.

— Si le ménage n’a pas été fait depuis des années, combien de temps ai-je dormi ? C’est scientifiquement impossible, il y a forcément une explication rationnelle ! Tout va bien, on reste calme ! se persuada-t-il.

Adam toqua chez l’un de ses voisins, dont il ignorait l’identité. Aucune réponse en retour. Il se dirigea vers une autre porte pour un résultat similaire.

Adam descendit l’escalier, car il devinait, avec bon sens, que l’ascenseur serait hors service. Il arriva dans le hall. La baie vitrée d’entrée brisée permettait au vent de s’incruster dans les couloirs. Le sifflement de la brise provoquait des frissons, comme dans les films d’horreur.

Adam quitta l’immeuble d’un pas prudent. Il transpirait à cause de la chaleur oppressante et découvrit, avec stupéfaction, le paysage cauchemardesque qui l’entourait. La pelouse poussait avec anarchie dans les moindres parcelles de terre disponibles. De nombreuses branches d’arbres gisaient sur le chemin d’entrée.

— Depuis combien de temps ça n’a pas été entretenu ? se demanda-t-il. Quel paresseux, ce gardien ! Franchement, dans le genre « je ne sers à rien », il est champion le type… Non, je suis à côté de la plaque, se raisonna-t-il. Il existe forcément une autre explication.

Adam jeta de brefs regards autour de lui, dans toutes les directions. Les deux immeubles de quatre étages, situés de part et d’autre de l’allée, paraissaient complètement abandonnés. Des stores arrachés se balançaient. Les vitres brisées se comptaient par dizaines. Saccagé, le bureau du gardien donnait l’impression qu’une tornade avait sévi avec une violence fulgurante. Adam s’y introduisit et constata la présence de nombreuses feuilles de papier déchirées qui jonchaient le sol. L’ordinateur n’avait plus d’écran. Le clavier ne comportait plus aucune touche. L’imprimante était éventrée et la chaise amputée de la moitié de ses pieds.

— Que s’est-il passé ici ? murmura Adam perplexe. Où sont les gens ? Je ne dois quand même pas être tout seul dans le quartier ! Il y a quelqu’un ? cria-t-il.

L’écho de sa voix résonna à quatre reprises entre les immeubles, mais il ne reçut aucune réponse en retour.

— C’est quoi cette blague ? Une caméra cachée ? C’est pour la télé ? Franchement si c’est le cas, ça ne me fait pas rire du tout.

Le jeune homme se précipita dans la rue. Pas de circulation. Aucun bruit de moteur de voiture. Aucun coup de klaxon. Des véhicules endommagés encombraient la chaussée. Il remarqua l’absence de dépouilles.

— S’il n’y a pas de cadavres, c’est que logiquement, les gens ne sont pas morts. On dirait qu’il s’est déroulé un drame. Peut-être que la population se cache ailleurs, mais où ? Il faut que je la retrouve, mais par où commencer ? J’ai besoin d’un indice, d’une piste à explorer.

Adam erra en plein milieu de la chaussée, en toute sérénité, conscient qu’il ne risquait rien. Pourtant, l’atmosphère pesante le tourmentait car il ne parvenait pas à savoir s’il se confrontait à la réalité, à un mauvais rêve ou à une vaste supercherie. Il constata l’absence de toute trace animale. Les oiseaux ne battaient pas des ailes dans le ciel. Les chiens n’aboyaient pas. Les chats ne se coursaient pas. Les insectes ne bourdonnaient pas autour de ses oreilles.

— Ça va paraître carrément débile, mais on dirait que je suis le dernier être vivant sur cette planète… Reste cool, Adam. Ne tire pas de conclusions hâtives !

Il scruta à nouveau l’écran de son téléphone et souffla de dépit car le réseau ne fonctionnait toujours pas. Il s’assit sur un muret fissuré pour réfléchir calmement. Les mains sur le visage, il s’immobilisa quelques minutes et s’efforça de contrôler sa respiration pour retrouver un soupçon de sérénité. Malheureusement, d’innombrables pensées se succédaient à un rythme effréné dans son cerveau. Il se releva brusquement, frustré de ressentir ce stress permanent.

La radio

Troublé par les évènements, Adam défila et scruta l’ensemble des applications téléchargées sur son téléphone. Son regard s’arrêta sur celle schématisant un poste de radio.

— Mais oui ! La voilà, la solution ! s’exclama-t-il avec enthousiasme. Je vais sûrement en apprendre davantage en écoutant les infos.

Il se sentait perturbé, les réminiscences personnelles s’accumulaient. Pourtant, il se rappelait du fonctionnement de la radio en mode hors-ligne. Il exprima un grognement de frustration face à l’anarchie de questions qui trottaient dans sa tête.

Il apposa son pouce sur l’application et parcourut la liste des stations enregistrées.

— France Info ! Bingo ! C’est ce dont j’avais besoin.

Adam retrouva son dynamisme. Il connaîtrait bientôt l’effroyable vérité.

— Mon Dieu, si tu existes, fais que ça marche ! implora-t-il les yeux rivés vers le ciel. S’il te plaît, je t’en conjure !

— Aux Champs-Élysées… Aux Champs-Élysées… Au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit, il y a tout ce que vous voulez aux Champs-Élysées… Tu m’as dit « J’ai rendez-vous dans un sous-sol avec des fous qui vivent la guitare à la main, du soir au matin ». Alors je t’ai accompagnée, on a chanté, on a dansé. Et l’on n’a même pas pensé à s’embrasser… Aux Champs-Élysées… Aux Champs-Élysées… Au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit, il y a tout ce que vous voulez aux Champs-Élysées.

— C’est quoi ce bordel ? Depuis quand France Info diffuse-t-elle un tube de l’époque des dinosaures ?

Adam décida d’attendre patiemment qu’il s’achève, mais lâcha un cri de détresse lorsque la même chanson redémarra.

— Non, non, non ! hurla-t-il en se tenant la tête à deux mains. Ce n’est pas possible !

Il s’évertuait à relativiser ce souci en se convainquant qu’un bug causait probablement la répétition de ce titre. Cette persuasion resta vaine, car le morceau fut diffusé une fois, deux fois, trois fois, indéfiniment.

— Radio de merde ! Je vais changer… Fun Radio, ça me paraît une bonne idée. Cette station est spécialisée dans les hits joués en boîte. Tiens, comment se fait-il que je me souvienne de cette information absolument pas indispensable ?

— Aux Champs-Élysées… Aux Champs-Élysées… Au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit, il y a tout ce que vous…

Il zappa sur NRJ, pour un résultat identique et éteignit son portable. Envahi par une colère sombre, il jura en hurlant :

— J’en ai plein le cul de ce délire ! Si je connaissais le con qui a décidé de diffuser sur toutes les fréquences une vieille chanson pourrie qui parle des Champs…

Il n’acheva pas sa phrase, car il pressentit une révélation. Adam s’interrogea sur l’enchaînement de la même chanson sur toutes les ondes. Relevait-il vraiment du hasard ? Un message ne se cachait-il pas derrière tout cela ? Était-ce le fameux indice recherché et espéré ?

— Les Champs-Élysées, souffla-t-il. Pourquoi pas ? Je ne dispose d’aucune autre piste de toute manière.

Chapitre 2 - En route pour les Champs-Élysées

À la recherche d'un moyen de locomotion

Adam s’interrogea sur le moyen de locomotion approprié pour rallier la mythique avenue. Avec bon sens, il écarta d’emblée les transports en commun de l’Île-de-France. Seulement deux alternatives s’offraient à lui : soit la voiture, si d’aventure un véhicule se révélait utilisable, sinon la marche. Se déplacer à pied n’effrayait pas Adam, mais il estimait que toute perte de temps s’avérerait préjudiciable. Le jeune homme avait la conviction que cette destination ne serait pas anodine.

Un véritable paysage apocalyptique se dessinait tout autour de lui : des voitures gisaient en plein milieu de la chaussée. Les portières ouvertes indiquaient un probable abandon brutal de celles-ci. Adam rechercha le véhicule le mieux entretenu, puis admit que ce critère exigeant limitait les opportunités. Un grand nombre d’entre elles étaient endommagées, les pneus dégonflés, les parebrise en mille morceaux. En toute logique, il renonça à poursuivre sa quête.

Adam s’installa au volant d’une Audi avec la clé de contact qui ne demandait qu’à être enclenchée.

— La classe ! J’ai toujours rêvé de rouler en Audi. Allez mon Adam, fais-toi plaisir ! Finalement, cette journée ne sera peut-être pas complètement merdique ! Enfin, n’exagérons rien.

Son enthousiasme se révéla éphémère. Le véhicule refusait catégoriquement de démarrer.

— Merde alors ! C’était trop beau pour être vrai ! En même temps, les moteurs doivent être sacrément encrassés et je n’y connais que dalle en mécanique. Une pure gonzesse !

Il se figea pendant de longues minutes sur le siège conducteur. La lueur d’espoir manifestée par l’inspiration se terrait dans l’obscurité du doute.

— Je n’ai pas le choix, il va falloir que je marche un peu. Mais d’abord, j’aimerais bien avaler quelque chose. J’ai la dalle, putain !

Il pressentait que la nourriture s’imposerait comme une denrée rare. Toute l’alimentation stockée par la population s’avérerait vraisemblablement périmée et immangeable. Il espérait que des arbres fruitiers se dresseraient sur son chemin.

Dans l’attente de satisfaire sa faim, le jeune homme entama sa longue expédition vers les Champs-Élysées. Il évalua son périple à une distance approximative de quinze kilomètres, c’est-à-dire plus de trois heures de marche. Une pensée furtive perturba sa conscience. Pourquoi maîtrisait-il, sans le moindre doute, l’itinéraire à suivre alors qu’il se trouvait dans l’incapacité de se remémorer son passé ? Son esprit s’amusait-il à manipuler ses souvenirs et ses connaissances ? Une sélection troublante des informations s’opérait sans qu’il ne puisse la contrôler. Il essuyait les caprices de son cerveau. Adam tenta de se rassurer en se persuadant qu’il subissait les conséquences d’un traumatisme inconnu et que ce problème se résoudrait dans les prochaines heures.

Un panneau publicitaire vantait les mérites d’une concession automobile et attira son regard. Comble du hasard, cela concernait la marque Audi.

— Mais bien sûr, c’est exactement ce dont j’ai besoin ! Une voiture neuve, protégée dans un garage, avec sûrement le plein d’essence ! Pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt ?

Revigoré, il modifia son parcours et se dirigea, avec entrain, en direction du centre-ville de Saint-Germain-en-Laye. Adam marchait à vive allure et se rapprochait de son objectif. Il remarqua une école primaire sur sa gauche et arrêta brusquement sa progression.

Un flash stimula son cerveau et il ferma les yeux. Il patientait devant la grille de l’établissement scolaire en compagnie d’autres parents. Les cris assourdissants de jeunes bambins couvraient les ronflements de la circulation des voitures sur la chaussée. Il pleuvait abondamment. Dépourvu de parapluie, les gouttes de pluie s’entrechoquaient sur sa tête et imbibèrent ses vêtements. Une petite fille coiffée de deux couettes blondes accourut vers lui avec un large sourire. Il la souleva avec vigueur et l’étouffa de bisous sur les joues et dans le cou.

— Arrête, tu me chatouilles ! ricana-t-elle en se débattant.

Il la reposa délicatement au sol et lui confia un parapluie rose de petite taille pour qu’elle s’abrite. Elle le déplia et donna son autre main à Adam.

Il rouvrit les yeux et revint subitement à la réalité, sa réalité. Il retrouva un soupçon d’optimisme en visionnant cette scène. Il n’en savait guère plus, néanmoins il préféra considérer le verre à moitié plein. Certes, il ignorait complètement l’identité de cette petite fille, mais pour la première fois depuis son réveil, il parvenait à se remémorer un souvenir. La guérison de sa mémoire commençait à s’opérer. Toutes ses interrogations ne resteraient plus sans réponse. Sa patience décrochait une première récompense.

— C’est un bon début ! souffla-t-il de soulagement.

Adam préserva pourtant sa lucidité, conscient que sa situation n’évoluait guère, mais il souhaitait savourer cet infime succès.

Cinq minutes plus tard, il entrevit la concession automobile. Un sculptural coupé sport rouge et intacte trônait dans la vitrine. S’il avait voulu s’arrêter sur des détails, il aurait insisté sur le manteau de poussière qui recouvrait l’ensemble de la carrosserie et gâchait le plaisir des yeux.

— C’est Noël, mon petit Adam ! murmura-t-il avec un rictus de jubilation. Cette superbe cylindrée n’attend que tes doigts experts pour vrombir.

Les vitres légèrement fissurées du magasin laissaient envisager une destruction aisée. Effectivement, un coup d’épaule suffit à les faire voler en éclats. Les yeux écarquillés, il admira le bolide. Une ultime incertitude à effacer subsistait, et non des moindres. La voiture se montrerait-elle coopérative ? Le jeune homme inspecta la boutique jusque dans ses plus secrets recoins, car sans surprise, la clé de contact n’était pas dans l’habitacle.

— Putain, ç’aurait été trop beau ! jura Adam. La simplicité n’est visiblement pas de cet univers ! Réfléchissons, si j’étais un concessionnaire, où cacherais-je des clés de bagnole ?

Après quelques minutes de recherches et surtout de tâtonnements, il repéra une sorte de coffre-fort avec un pavé numérique.

— Et merde, faut un code !

Il souffla de désespoir. Toutefois, en scrutant attentivement le coffre, il remarqua une infime et imperceptible ouverture. Adam ne s’enthousiasma pas et sa respiration s’accéléra. Il dirigea lentement sa main droite sur la poignée du coffre et la déposa avec délicatesse. Il ferma les paupières comme pour supplier le ciel d’exaucer son souhait. Il tira sur la poignée, ne ressentit aucune résistance provenant de la porte et ouvrit les yeux avec excitation. Il contempla le précieux sésame nécessaire au démarrage de son carrosse.

— Yeah ! murmura-t-il. C’est ça qu’on veut voir !

Il ne se fit pas prier pour annihiler le dernier obstacle qui le séparait du siège conducteur et marcha d’un pas décidé vers la voiture. Elle se déverrouilla automatiquement à son approche.

— Enfin, un truc qui fonctionne ! Alléluia ! apprécia Adam en levant les bras au ciel.

Il s’installa au volant du moyen de locomotion tant convoité qui démarra.

— Yes papa ! cria Adam. C’est bon ça ! Écoute-moi ce bruit de moteur. Quelle virtuosité ! Ça, c’est de la bonne caisse ! Malheureusement, aucune jolie fille pour m’accompagner. Quel gâchis !

À ces paroles que lui-même jugea déplacées, il se ressaisit immédiatement.

— On se reprend. Tu es seul, tu ne sais pas ce qu’il s’est passé, alors arrête de fanfaronner ! Je crois que je suis en train de péter les plombs à force de ne parler à personne.

En route pour les Champs-Élysées

Adam parvint à extraire son nouveau petit bijou hors de la concession et estima la quantité d’essence suffisante pour rallier les Champs-Élysées. Malgré la puissance de la voiture, il roula avec prudence, n’envisageant pas de conduire à une vitesse excessive à cause de la multitude de véhicules abandonnés sur la chaussée. Il s’adonna à un slalom digne des plus brillants skieurs olympiques. La circulation compliquée s’apparentait à un samedi de départ en vacances. Le jeune homme jugea opportun d’éviter les petites routes au risque de se retrouver bloqué. Il décida d’utiliser les grands axes, quitte à rallonger le temps et la distance de parcours. Il s’orienta donc vers l’autoroute A13 reliant Paris à Caen et quitta Saint-Germain-en-Laye, dans le plus profond anonymat. Reconnue pour son centre-ville dynamique et animé, cette commune ressemblait à une ville fantôme.

Adam se força à conserver une concentration maximale pour contourner les redoutables obstacles : des carcasses de voitures, des branches d’arbres et une quantité incalculable de divers déchets. L’obligation de se maintenir en alerte crispa ses muscles et des crampes gagnèrent son corps.

Il ignorait toujours la durée de son mystérieux sommeil, mais constata que son organisme lui procurait des sensations inhabituelles et de surcroît inconnues.

Adam emprunta l’échangeur de l’autoroute en direction de Paris. Il afficha un sourire satisfait en imaginant l’absence des légendaires embouteillages parisiens. Pourtant, sa vigilance exacerbée tétanisait l’ensemble de ses membres. Il se rendit à l’évidence et admit son incapacité à conduire. Il arrêta le véhicule en pleine voie et se leva de son siège afin de se dégourdir les jambes. Ravagé par la faim, Adam aurait pu offrir tout l’or du monde pour manger ne serait-ce qu’une malheureuse petite pomme. Il marcha cinq minutes autour de la voiture, le regard fixé sur le goudron.

— Trop cool ! Je me balade à pied sur l’autoroute en ne courant absolument aucun danger ! Je ne risque pas de me faire faucher par un abruti qui ne sait pas conduire.

Il ne put s’empêcher d’éclater de rire à l’évocation de cette pensée.

— Voilà que je rigole tout seul… Je crois que je deviens complètement dingue. Il va falloir que je m’y habitue, surtout si je suis le dernier survivant.

Il remonta à bord et poursuivit son chemin. À la lecture des panneaux de signalisation, il devina qu’il approchait du terrifiant périphérique, cauchemar des Parisiens, ennemi de la patience, générateur de tensions, palais des coups de klaxon et des insultes. Il s’engagea sur la rocade intérieure désertée.

La sonnerie de son téléphone brisa l’angoissant silence. Adam regarda furtivement l’écran. « Mon cœur » tentait de le joindre. Un large sourire illumina son visage. Radieux, il répondit à cet appel avec enthousiasme.

— Coucou mon cœur, ça va ?

— Oui, et toi mon chéri ?

— Ouais tranquille, à part que je roule sur ce périph de merde et qu’à ce rythme je vais arriver en retard à mon rendez-vous.

— Je sais ce qu’il représente pour toi et pour ta carrière, mais je veux que tu me promettes que tu ne prendras pas de risques inconsidérés.

— Ne t’inquiète pas. Avec les bouchons que je me tape, c’est carrément impossible de faire des conneries au volant !

— Dieu merci, car j’ai besoin de toi.

— Moi aussi, mon cœur.

— Envoie-moi un message quand tu seras arrivé, OK ?

— Oui, évidemment.

Cette nouvelle vision disparut aussi vite qu’elle était apparue. Son sourire s’effaça et ses traits se durcirent devant le pénible retour à la réalité. Il souffla de frustration, agrippa le volant avec force et serra les dents de colère. Finalement, Adam s’efforça d’adopter une attitude plus positive. Une seule pensée le lui permit : une femme douce et attentionnée existait dans sa vie. Où se trouvait-elle ? Incarnait-elle la mère de la petite fille aperçue auparavant ?

L'article de journal

Les illusions d’Adam s’évanouirent en une fraction de seconde, le périphérique se referma comme un piège. La chaussée saturait d’une multitude de véhicules abandonnés.

— Quel gâchis ! soupira Adam. Je pilote une voiture de rêve et je vais être obligé de continuer à pied. Quand je vais raconter à tout le monde que j’ai marché tranquillement sur le périph, personne ne me croira ! En même temps, c’est con ce que je dis… Il n’y a personne pour m’écouter sur cette planète. Quelle merde !

Il aperçut un journal sur le siège arrière d’une des automobiles, le quotidien régional francilien : « Le Parisien ».

— Mais oui ! Le journal ! exulta Adam. Je vais probablement en savoir un peu plus sur ce qui a pu se passer.

Son premier réflexe consista à regarder la date de publication inscrite en haut de la première page.

— Non, ce n’est pas possible !

Il jeta violemment le quotidien parterre et contempla la date affichée sur son smartphone.

— Mon téléphone déconne vraiment !

Il ramassa le journal et prononça à voix haute :

— 6 mars 2027… Cette édition remonterait à plus de trois ans. J’aurais dormi tout ce temps-là ! C’est humainement inconcevable, sauf en cas de coma… On reste calme, ça ne veut rien dire. Peut-être que je vais trouver des journaux beaucoup plus récents.

La une affichait en gros titre : « La Corée du Nord ne bluffe pas, le monde tremble ! », accompagnée de la photo d’un homme doté de petites lunettes rondes noires dont le regard sévère inspirait la crainte. Une légende l’identifia sous le nom de Kim Yoon, chef de l’état nord-coréen.

Adam tourna lentement la page et découvrit un nouvel intitulé à glacer le sang : « Kim Yoon n’hésitera pas à utiliser son arme ultime ! ». Il lut, à voix haute et avec un ton grave, l’article qui suivait :

— La tension a atteint son paroxysme. Malgré l’enchaînement des nombreuses réunions de crises ces dernières semaines, le conflit s’enlise. Kim Yoon n’en démord pas et accuse toujours les États-Unis d’espionnage illégal dans une usine ultra-sécurisée au nord de Pyongyang, il y a maintenant six mois. Les quatre agents américains se trouvent en détention dans un endroit gardé secret. Le président nord-coréen exige des excuses de la part du chef d’état américain Harry Johnson avant de procéder, éventuellement, à la libération des otages. Ce dernier refuse catégoriquement, prétextant la découverte d’une arme jamais vue dans toute l’histoire de l’humanité et capable de désastres effroyables. Yoon menace justement d’en faire usage et place Johnson devant ses responsabilités : « Des excuses empêcheraient un drame dont, vous seul, en assumerez les terribles conséquences ». « Votre chantage est désolant. Votre ego pourrait engendrer des millions de morts innocents » a contre-attaqué Johnson. Les positions figées des deux présidents affolent les dirigeants des nations majeures qui supplient un indispensable retour à la raison. « Vous jouez avec la survie de la population mondiale » accuse le chancelier allemand Lothar Müller. « Votre entêtement va causer des dégâts irréversibles », prévient notre présidente Sylvie Lopez. « Pour l’amour de Dieu, agissez avec discernement », déclare le roi d’Angleterre. Le pape, lui-même, s’est exprimé depuis le Vatican : « Dieu a créé le monde. Dieu a façonné les hommes et les femmes pour qu’ils peuplent la Terre. Ce n’est pas à nous de sceller le sort de l’humanité. Bien évidemment, les conflits sont inévitables, mais il existe toujours des solutions pleines de sagesses pour éviter d’en arriver à de telles extrémités. Asseyez-vous à une table comme des adultes responsables et discutez en prêtant écoute à votre interlocuteur. Puisse Dieu vous aider à prendre les décisions qui s’imposent ». Des manifestations spontanées se sont organisées dans les plus grandes villes de la planète, ces derniers jours, avec pour seul mot d’ordre : « La paix à tout prix ». Jamais, dans l’histoire moderne, le monde n’a eu aussi peur. Les deux grandes guerres mondiales du vingtième siècle paraissent insignifiantes face au danger de destruction de l’humanité. Le Conseil de Sécurité de l’ONU doit se réunir en urgence aujourd’hui afin de proposer des solutions et des compromis convenables pour les deux parties.

Adam lut l’article une seconde fois afin d’en saisir toute la subtilité et le contexte.

— Nom de Dieu ! souffla Adam. Mais qu’ont-ils fait de notre planète ?

Adam ne voulut pas perdre de vue son objectif et continua sa marche en direction des Champs-Élysées. Il arriva non loin de l’arche de la Défense et emprunta l’avenue de la Grande Armée, avec en ligne de mire, le majestueux Arc de Triomphe. Le jeune homme s’encouragea à atteindre sa destination dans les délais les plus brefs.

Chapitre 3 - Les Champs-Élysées

Seul sur les Champs-Élysées

La plus belle avenue du monde décrivait un paysage complètement désert. Aucun coup de klaxon. Aucun magasin ouvert. Aucune voiture de collection stationnée face à l’entrée d’un hôtel étoilé prestigieux. Aucun touriste enchaînant les clichés devant les boutiques de luxe ou avec l’Arc de Triomphe en arrière-plan. Aucun policier en patrouille. Rien de tout cela. Le néant. Des véhicules endommagés. Des tables et des chaises renversées. Des déchets se mouvant au rythme des rafales de vent…

— C’est un truc de malade ! Personne sur les Champs-Élysées… Mais où sont donc les gens s’ils ne sont pas ici ?

Adam aspirait tellement à retrouver âme qui vive. Il prit véritablement conscience de sa solitude sur la planète et s’écroula parterre avant de pleurer, envahi par un sentiment de désespoir. Non seulement il ne possédait plus aucun souvenir précédant son sommeil, mais en plus de cela, il ne rencontrait aucun habitant.

— Mais qu’est-ce qu’il se passe ici ? C’est un cauchemar ! Est-ce que je vais enfin me réveiller ?

La nuit tombait. D’ordinaire scintillants, les Champs-Élysées étaient plongés dans l’obscurité. Adam éprouvait une profonde angoisse. Le vent sifflait et courait à travers l’avenue. Il ressentit un désagréable mal-être. Frappé d’une immense fatigue et affamé, il commença à somnoler malgré l’inconfort du trottoir. Adam trouva finalement la force de s’abriter à l’intérieur du plus proche magasin, à la vitrine inexistante. Épuisé mentalement par une journée pas comme les autres, il s’assoupit, espérant retrouver une vie normale à son réveil. Il aspirait à oublier cet épisode afin de le classer dans le tiroir des mauvais souvenirs.

Adam craignait de subir une nuit blanche, mais au contraire, il dormit d’un sommeil profond. Les premiers rayons du soleil caressèrent son visage d’une chaleur vivifiante et il s’éveilla paisiblement. Néanmoins, il ne bénéficiait pas de la commodité d’un bon matelas moelleux et souffrait de douleurs dorsales causées par le carrelage. Il ouvrit les yeux et soupira de dépit, car le cauchemar se poursuivait.

— Vu le confort « moins douze étoiles », je suis malheureusement toujours sur les Champs.

Il se leva péniblement en se tenant le dos et observa tout autour de lui. Personne, la rue restait désespérément vide. Sa nervosité s’intensifiait et prenait le dessus sur tout son esprit. Il se saisit d’une branche d’arbre et la jeta, avec colère, contre la vitrine la plus proche.

— J’en ai ras le bol de cette blague pourrie ! hurla-t-il à pleins poumons. Ça me fait chier ! Sortez les gens ! C’est n’importe quoi !

Il administra un violent coup de pied contre une chaise de bar.

— Pourquoi moi ? Pourquoi ne reste-t-il que moi ? Je n’ai rien demandé, moi !

Désespéré, le jeune homme s’empara d’une petite table de café et frappa à plusieurs reprises une carcasse de voiture stationnée près de lui. Après s’être défoulé durant quelques minutes, il se calma enfin, essoufflé et ruisselant de sueur. Résigné, il abdiqua.

— Je suis vraiment seul au monde. Ce n’est pas un cauchemar, c’est la triste réalité. Qu’est-ce que je vais faire tout seul ? Avec qui vais-je pouvoir discuter ? Je ne vais pas supporter ça ! Je ne peux pas vivre ainsi, c’est impossible.

Adam ne se rappelait de rien, mais avait une solide certitude : il détestait la solitude.

Ses yeux devinrent humides et il décida d’en finir immédiatement. Il se dirigea avec conviction vers la vitrine brisée quelques minutes auparavant et dégota un morceau de verre bien aiguisé, idéal pour se trancher les veines. Il fixa le ciel avec tristesse et pria.

— Pardon mon Dieu. J’ai conscience que c’est très lâche, mais comprends moi, Seigneur ! Tu n’as pas créé l’homme pour qu’il vive sans ses semblables. Je me doute que s’il ne reste que moi, ce n’est pas anodin, ni un hasard. Toi seul détiens la vérité, la clé, mais je n’ai pas la force de découvrir ce que tu attends de moi… Je sais que ma décision va te mettre terriblement en colère, alors, encore une fois, pardonne moi pour le péché ultime que je m’apprête à accomplir… J’implore tout de même ta pitié. Amen.

Le jeune homme en peine se signa de la croix puis pointa son arme de fortune au plus près de la peau de son cou.

La jeune femme perdue

— Non ! s’écria une voix féminine étouffée et éloignée.

Adam ne sourcilla pas et ne daigna même pas lever les yeux. Il se persuada que ce hurlement provenait d’un stratagème du Très-Haut pour empêcher le passage à l’acte ultime. Il pressa légèrement son arme contre sa peau, déterminé à en finir.

— Ne fais pas ça ! s’exclama une nouvelle fois la voix.

Adam regarda tout autour de lui et aperçut, au loin, une femme désemparée. Elle accourait vers lui.

— Mon Dieu ! murmura-t-il. J’ose espérer que je ne suis pas victime d’une fourbe hallucination !

Adam se frotta les yeux et découvrit une jeune femme sensiblement du même âge que lui. Elle termina sa course à son niveau. Noire de couleur de peau, les yeux marrons en forme d’amande, elle avait de longs cheveux bruns lisses. Adam desserra ses doigts et le morceau de verre tomba. Ils se fixèrent du regard durant quelques secondes, dans le silence, tellement étonnés de se retrouver à deux.

— Dis-moi que tu es réel et que tu n’es pas le fruit de mon imagination ! supplia la jeune femme.

Adam ne put contenir un large sourire.

— Je suis réel, ne t’inquiète pas ! Je suis bien réel.

Elle se libéra de toutes les larmes de son corps.

— Je croyais que j’étais seule sur cette planète, que j’étais le dernier être vivant.

Adam l’enlaça pour lui apporter du réconfort et ressentir un peu de chaleur humaine.

— Moi aussi, j’ai cru que j’étais seul, affirma-t-il avec mélancolie. C’est pour cela que je voulais m’ôter la vie, c’était trop insupportable. Tu es arrivée à temps. À quelques secondes près, c’en était fini de mon existence.

— Dieu merci.

Adam retira ses bras autour de la jeune femme toujours rongée par l’angoisse.

— Je ne te connais pas, mais je n’ai pas envie de me retrouver seule à nouveau.

— Je reste avec toi, lui assura Adam. Moi non plus je ne veux plus être tout seul… Allez, calme-toi, nous sommes deux, désormais. On ne se quitte pas. On ne se quitte plus.

— Tu me le promets ?

— Je te le promets.

— Merci, merci beaucoup ! Tu crois qu’on va rencontrer d’autres personnes ?

— Aucune idée. Il y a à peine cinq minutes, je t’aurais répondu « non ». Maintenant que tu es là, j’ai envie d’y croire à nouveau. Je me pose quatre questions. Tout d’abord, où sont passés les gens et les animaux ? Je n’ai pas vu un seul cadavre. Ensuite, deuxième interrogation : que s’est-il passé ? Trois : pourquoi sommes-nous vivants ? Enfin, pourquoi n’ai-je pratiquement aucun souvenir de ce qui s’est produit avant mon réveil d’hier matin ?

— Toi aussi ? s’étonna la jeune femme. Il m’arrive exactement la même chose ! Pas de souvenir plus ancien qu’hier matin.

— Tout cela semble vraiment étrange. J’ai le sentiment que tout ceci n’est pas un hasard.

Adam plongea dans une profonde réflexion et demanda :

— Tu habites où ?

— Boulogne-Billancourt et toi ?

— Saint-Germain-en-Laye. Qu’est-ce qui t’a amenée jusqu’ici ?

— Je me suis connectée sur l’application radio et je n’arrêtais pas d’entendre…

Adam lui coupa la parole en entonnant la chanson de Joe Dassin :

— Aux Champs-Élysées padadadada, aux Champs-Élysées padadadada, au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit, il y a tout ce que vous voulez aux Champs Élysées…

— Comment as-tu deviné ?

— Parce qu’il m’est arrivé exactement la même chose… Notre rencontre ne relève pas de la coïncidence, j’en suis convaincu. On nous a conduits jusqu’ici.

— Comment ça « on » ? Qui se cache derrière ce « on » ?

— Aucune idée, pour l’instant, mais je compte bien le découvrir.

— Oui, moi aussi.

— Au fait, je ne connais même pas ton prénom.

— C’est vrai, rit la jeune femme, nous n’avons pas encore pris le temps de nous présenter. Je m’appelle Ève.

Le visage d’Adam se referma en une fraction de seconde.

— Comment ? demanda-t-il sur un ton particulièrement inquisiteur.

— Tu me fais peur. J’ai dit que je m’appelais… Ève.

— Nom de Dieu ! murmura-t-il. Tu ne devineras jamais comment je m’appelle. Moi, c’est… Adam.

— Pourquoi as-tu l’air aussi perturbé ?

— Tu ne comprends donc pas ? Nous nous appelons Adam et Ève, comme…

— Les noms du premier homme et de la première femme sur Terre créés par Dieu selon la Bible, coupa Ève. Non, je n’y crois pas et je vois où tu veux en venir. C’est une coïncidence, Adam, tout simplement.

— Tu en es sûre ? Tu es convaincue de ce que tu avances ?

— Non, admit Ève en baissant les yeux. Quelle est ta théorie ?

— Je n’en ai pas vraiment, pour l’instant. Ce que je peux affirmer, c’est que notre rencontre était programmée et nos prénoms ne sont pas le fruit du hasard. Sommes-nous les derniers êtres vivants ? Adam et Ève ? La boucle serait-elle alors bouclée ? Ou bien, incarne-t-on la renaissance de l’humanité ? Ou, effectivement, c’est une simple coïncidence… Je ne sais plus où j’en suis, je suis perdu.

— Moi personnellement, j’ai la sensation d’évoluer au beau milieu d’une sorte de jeu de piste ou un truc dans le genre. J’en veux pour preuve cette chanson. Elle nous a spontanément conduit tous les deux ici.

— Oui, c’est intéressant ce que tu racontes. Si tu dis vrai, cela signifierait qu’on doit trouver un nouvel indice en ces lieux pour nous indiquer notre prochaine destination.

— C’est ce que je pense aussi. Ça se tient.

— Personnellement, j’ai envie de découvrir cet indice et savoir ce qu’il s’est passé sur notre planète. En venant ici, je suis tombé sur un article de journal datant de trois ans environ. Il mentionnait une arme inimaginable que la Corée du Nord menaçait d’utiliser contre les États-Unis. Les autorités internationales semblaient redouter un désastre humanitaire sans précédent. Je crains que la catastrophe ne se soit malheureusement produite.

— Je ne suis pas d’accord avec toi, Adam.

— Comment ça ? T’es sérieuse là ?

— Regarde autour de toi. On ne distingue aucune trace de destruction nulle part et je n’ai vu aucun cadavre jusqu’à présent. Ça ne peut pas être ça. Il n’y avait pas d’autres articles dans ton journal ?

— Je n’en sais foutrement rien, répondit Adam désemparé. Je suis désolé, mais je ne me suis pas assis à une terrasse de café pour tout lire. J’avais d’autres priorités. Et pour anticiper la prochaine question que je devine que tu vas me poser : non, je n’ai pas conservé l’exemplaire. Je n’en ai pas vu l’utilité. Excuse-moi !

Ève détecta de la nervosité dans l’intonation de sa voix. Elle ne voulut pas le contrarier davantage et provoquer une dispute inopportune. Elle lui saisit la main.

— Ce n’est pas grave, affirma-t-elle avec douceur. Tu sais, il me semble qu’il y a de nombreux kiosques à journaux sur l’avenue. On va trouver notre bonheur. J’en suis persuadée.

Adam répondit par un sourire approbateur et pointa aussitôt son index droit sur l’objectif.

— Bingo ! s’exclama-t-il avec un regard satisfait. Les réponses nous tendent les bras. Allons-y !

La mort de l'humanité

Après un léger sprint de deux cents mètres, ils investirent le kiosque et firent face à une multitude de journaux.

— En total libre service, c’est le pied ! Ça a du bon d’être seul au monde, finalement.

Il se gaussa de sa propre boutade et arrêta brusquement de rire en croisant le regard désappointé d’Ève.

— Enfin, reprit-il gêné, c’est quand même plus sympa quand on rencontre des gens.

— C’est mieux. Tu as l’air d’un petit comique, toi… J’aime ça ! apprécia-t-elle sur un ton qui traduisait une certaine admiration.

Adam se retrouva dépourvu et bafouilla.

— Et ben… C’est-à-dire que… Bah ! Ça se peut… Et merde !

— Que se passe-t-il, monsieur Adam ? se moqua Ève. On dirait que vous êtes troublé. C’est ma petite personne qui vous met dans cet état ?

Totalement désemparé, il détourna la conversation sous le regard amusé d’Ève. Elle dissimula sa bouche avec sa main pour retenir son rire. Adam adopta un air concentré pour éviter de croiser les yeux de la jeune femme.

— J’ai trouvé « Le Parisien ».

Il s’empara du journal et focalisa d’emblée son attention sur la date. Selon son intuition, elle déterminerait, sans aucun doute, le jour sombre scellant le sort de l’humanité.

— 9 juin 2027, chuchota Adam. C’est une histoire de malade !

— Toi aussi, ton téléphone indiquait 9 juin 2030 lorsque tu t’es réveillé hier ?

— Oui. Malgré l’absence de réseau, nos portables sont synchronisés sur la même date. Ce n’était donc pas un bug.

— Adam, ça me fait peur tout ça. Tu ne l’exprimes pas clairement, mais je devine que tu insinues que nous serions restés en sommeil durant trois longues années !

— À l’heure actuelle, je suis dans le regret de t’annoncer que je n’ai pas d’autre explication ou interprétation. Notre interminable hibernation pourrait justifier nos problèmes avec notre mémoire.

— C’est complètement irrationnel.

— Irrationnel ? s’agaça Adam. Parce que tu trouves que tout ce qui se passe depuis hier matin est rationnel ? Qu’il n’y ait pas âme qui vive sur cette putain de planète est rationnel ? De toi à moi, dis-moi ce qu’il y a de rationnel, ici ? Parce que, pour être franc avec toi, ça me ferait vachement kiffer de voir un truc, même insignifiant, qui soit rationnel !

Ève se mit à pleurer. Adam éprouva un profond remords et de la honte. Emporté par l’exaspération, il regrettait son mauvais comportement, enlaça Ève dans ses bras et lui murmura avec douceur :

— Je suis sincèrement désolé. Excuse-moi. Je n’avais pas à m’énerver. C’est juste que l’incertitude, dans laquelle on se trouve, me rend fou.

— Ne t’en fais pas, je ne suis absolument pas fâchée contre toi, répondit Ève en sanglotant. C’est toi qui as raison. Absolument rien ne tourne rond et je me voile la face.

— Sèche tes larmes et oublions ce petit incident. Restons unis et soudés, c’est notre seule chance de survivre et de comprendre comment le monde a pu chavirer. Je veux connaître la vérité et retrouver mes souvenirs enfouis dans mon cerveau.

— Je suis d’accord.

Adam se replongea dans le journal, tandis qu’Ève s’empara d’un exemplaire identique. Il frissonna en découvrant le titre glaçant de la une : « Cette fois, c’est la fin ! ». Curieusement, le quotidien ne comportait qu’une page recto verso en tout et pour tout, signe d’un drame imminent. L’illustration évoquait un dessin de la planète Terre, entièrement rougeâtre, comme ravagée par un feu destructeur. Adam lut avec attention le long article au verso, précédé du titre : « Adieu le monde, adieu tout le monde ! ».

— Ce 9 juin 2027 va marquer l’Histoire, mais ne restera pas dans l’Histoire. Et pour cause, l’Histoire s’achève, tel le mot « fin » dans un roman. L’espèce humaine va s’éteindre aujourd’hui, comme une ampoule qui cesserait de diffuser sa lumière. La folie des hommes va avoir raison de la raison. Cette dernière édition de notre quotidien ne sera probablement lue par personne, chacun voulant profiter de ses proches une dernière fois. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi les grands de ce monde ne sont-ils pas parvenus à empêcher ce drame annoncé et craint depuis