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Cymbeline de Shakespeare, en traduction française. Selon Wikipédia: "Cymbeline est une pièce de William Shakespeare, basée sur des légendes concernant le premier roi celtique britannique Cunobelinus, bien que répertorié comme une tragédie dans le First Folio, les critiques modernes qualifient souvent Cymbeline de romance. et The Winter's Tale, qui traite des thèmes de l'innocence et de la jalousie, alors que la date précise de la composition reste inconnue, la pièce fut certainement produite dès 1611. "
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Seitenzahl: 168
Veröffentlichungsjahr: 2018
published by Samizdat Express, Orange, CT, USA
established in 1974, offering over 14,000 books
Other Shakespeare romances in French translation (by M. Guizot):
Périclès
La Tempête
Le Conte D'hiver
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Ce document est tiré de:OEUVRES COMPLÈTES DESHAKSPEARE
NOUVELLE ÉDITION ENTIÈREMENT REVUEAVEC UNE ÉTUDE SUR SHAKSPEAREDES NOTICES SUR CHAQUE PIÈCE ET DES NOTES
PARISA LA LIBRAIRIE ACADÉMIQUEDIDIER ET Cie, LIBRAIRES-ÉDITEURS35, QUAI DES AUGUSTINS, 1862
NOTICE SUR CYMBELINE
PERSONNAGES
ACTE PREMIER
SCÈNE I, La Grande-Bretagne.--Jardin derrière le palais de Cymbeline.
SCÈNE II, Une place publique.
SCÈNE III, L'appartement d'Imogène.
SCÈNE IV, Rome.--Appartement de la maison de Philario.
SCÈNE V, Grande-Bretagne.--Appartement dans le palais de Cymbeline.
SCÈNE VI, Un autre appartement du palais.
ACTE DEUXIÈME
SCÈNE I, Une cour devant le palais de Cymbeline.
SCÈNE II, Une chambre à coucher, et dans un coin un coffre.
SCÈNE III, Une antichambre dans l'appartement d'Imogène.
SCÈNE IV, Rome.--Appartement de la maison de Philario.
SCÈNE V, Rome.--Un autre appartement dans la même maison.
ACTE TROISIÈME
SCÈNE I, Grande-Bretagne.--Une salle d'apparat dans le palais de Cymbeline.
SCÈNE II, Un autre appartement dans le même palais.
SCÈNE III, Le pays de Galles.--Contrée montagneuse, avec une caverne.
SCÈNE IV, Les environs du havre de Milford.
SCÈNE V, Appartement dans le palais de Cymbeline.
SCÈNE VI, Devant la caverne de Bélarius.
SCÈNE VII, Rome.
ACTE QUATRIÈME
SCÈNE I, Forêt près de la caverne.
SCÈNE II, A l'entrée de la caverne.
SCÈNE III, ARVIRAGUS entre soutenant dans ses bras IMOGÈNE qu'il croit morte.
SCÈNE IV, Appartement dans le palais de Cymbeline.
SCÈNE V, Devant la caverne.
ACTE CINQUIÈME
SCÈNE I, Une grande plaine qui sépare le camp des Romains du camp des Bretons.
SCÈNE II, Même lieu.
SCÈNE III, Un autre côté du champ de bataille.
SCÈNE IV, L'intérieur d'une prison.
SCÈNE V, La tente de Cymbeline.
Une nouvelle du Décaméron de Boccace et une chronique d'Holinshed sontles deux sources où Shakspeare a puisé cette tragédie. Le roi qui luidonne son nom régnait du temps de César Auguste, selon Holinshed, ce quin'a pas empêché Shakspeare de peupler Rome d'Italiens modernes, Iachimo,Philario, etc. Malgré cette confusion de temps, de noms et de moeurs;malgré l'invraisemblance de la fable et l'absurdité du plan, Cymbelineest une des tragédies les plus admirées de Shakspeare. Le personnaged'Imogène a fait réellement des passions. Que les critiques comparent,s'ils le veulent, cette pièce à un édifice irrégulier et informe, maisqu'ils conviennent qu'Imogène est une divinité digne d'orner un templede la plus noble architecture. Quoique Posthumus semble le héros de lapièce, c'est Imogène qui y répand le charme de sa pureté conjugale, desa douceur céleste, de son dévouement et de sa constance.
Sans artifice, comme l'innocence, elle a peine à croire à l'infidélitéde Posthumus; indulgente comme la vertu, elle pardonne à Iachimo sespremières calomnies sans affecter une haine d'ostentation contre levice. Faussement accusée, elle ne sait se justifier qu'en disant combienelle aime; modeste et timide sous son déguisement, elle apparaît dans lagrotte de Bélarius comme l'ange de la grâce, elle est belle dans ledésert comme à la cour, et ajoute encore à la beauté du paysage danslequel Shakspeare a placé les deux jeunes princes.
Les autres caractères de la pièce ne manquent pas de vérité. Posthumusne serait-il que l'époux adoré d'Imogène, il nous intéresserait; mais ily a en lui le courage et la noblesse des héros. Philario est un de cesserviteurs fidèles que Shakspeare a souvent pris plaisir à représenter,et Iachimo un des plus adroits menteurs que l'Italie ait produits; soneffronterie a quelque chose d'amusant; Bélarius, opiniâtre dans son plande vengeance, offre un de ces caractères fermes qu'on voit avec plaisirtransplantés du milieu des montagnes et mis tout à coup en présence d'uncourtisan. Ses deux élèves ont déjà l'instinct des grandes âmes; et leuramitié fraternelle est touchante.
La méchanceté de la reine et la crédulité conjugale du roi prêtent aussià l'analyse et forment un contraste piquant. Cloten, le seul personnagecomique de la pièce, peut être jugé de plus d'une manière: on voit enlui la sottise et l'orgueil d'un prince privé d'éducation; mais ilsemble que Shakspeare ait oublié qu'il nous l'a donné d'abord pour uneâme lâche et sans énergie, lorsque, dans le conseil royal, il lui faitadresser à l'ambassadeur romain une réponse pleine de dignité; soitqu'il ait cru que, vis-à-vis de l'étranger, l'honneur national peutenflammer les âmes les plus communes; soit que le poëte ait vouluinsinuer que le rôle des princes leur est souvent tracé d'avance dansles grandes occasions.
En général, l'intérêt qu'inspire la tragédie de Cymbeline, est d'unenature douce et mélancolique plutôt que tragique. On s'échappevolontiers de la cour avec Imogène, et l'on se sent disposé à rêver dansl'asile romantique où elle retrouve ses frères sans les connaître.
Des sentiments noblement exprimés, quelques dialogues naturels et desscènes charmantes rachètent les nombreux défauts de cette composition.
Cymbeline est l'une des dix-sept pièces qui ont été publiées pour lapremière fois dans l'édition in-folio de 1623. Il est impossible dedéterminer avec précision le moment où elle fut écrite; mais il paraîtprobable que ce fut vers 1610 ou 1611. On a en effet de bonnes raisonsde croire que la Tempête et le Conte d'hiver furent composés à cetteépoque, et l'on retrouve, entre ces deux pièces et Cymbeline, desanalogies de style, de pensée et d'allure qui semblent indiquer qu'ellessont toutes trois sorties de la même veine d'esprit.
CYMBELINE, roi de la Grande-Bretagne.
CLOTEN, fils de la reine, du premier lit.
LEONATUS POSTHUMUS, chevalier, marié secrètement à la princesse Imogène.
BELARIUS, seigneur, exilé par Cymbeline, et déguisé sous le nom de Morgan.
GUIDÉRIUS. }fils de Cymbeline, et
ARVIRAGUS, }crus fils de Bélarius
}sous les noms de Polydore et
}de Cadwal.
PHILARIO, ami de Posthumus, }
IACHIMO, ami de Philario, }Italiens
UN FRANÇAIS, ami de Philario.
CAIUS-LUCIUS, général de l'armée romaine.
UN OFFICIER ROMAIN.
PISANIO, attaché au service de Posthumus.
CORNÉLIUS, médecin.
DEUX GENTILSHOMMES.
DEUX GEOLIERS.
DEUX OFFICIERS ANGLAIS.
LA REINE, femme de Cymbeline.
IMOGÈNE, fille de Cymbeline, de son premier mariage.
HÉLÈNE, suivante d'Imogène.
LORDS, LADYS, SÉNATEURS, ROMAINS,
TRIBUNS, APPARITIONS, UN DEVIN,
UN GENTILHOMME HOLLANDAIS, UN
GENTILHOMME ESPAGNOL, MUSICIENS,
OFFICIERS, CAPITAINES, SOLDATS, MESSAGERS.
La scène est tantôt dans la Grande-Bretagne, tantôt en Italie.
Entrent DEUX GENTILSHOMMES.
LE PREMIER GENTILHOMME.--Vous ne rencontrez ici personne qui ne froncele sourcil. Nos visages n'obéissent pas plus que nos courtisans aux loisdu ciel. Tous retracent la tristesse peinte sur le visage du roi.
LE SECOND.--Mais quel est le sujet?...
LE PREMIER.--L'héritière de son royaume, sa fille qu'il destinait aufils unique de sa femme (une veuve qu'il vient d'épouser), s'est donnéeà un pauvre, mais digne gentilhomme: elle est mariée;--son époux estbanni, elle emprisonnée. Tout présente les dehors de la tristesse; pourle roi, je le crois, il est affligé jusqu'au fond du coeur.
LE SECOND.--Personne autre que le roi?
LE PREMIER.--Celui aussi qui a perdu la princesse; la reine aussi, quisouhaitait le plus cette alliance; mais il n'est pas un des courtisans,quoiqu'ils portent des visages composés sur celui du roi, qui n'ait lecoeur joyeux de ce dont ils affectent de paraître mécontents.
LE SECOND.--Et pourquoi cela?
LE PREMIER.--L'homme à qui la princesse échappe est un être trop mauvaispour une mauvaise réputation; mais celui qui la possède (je veux direcelui qui l'a épousée, ah! l'honnête homme! et qu'on bannit pour cela),c'est une créature si accomplie qu'on aurait beau chercher son pareildans toutes les régions du monde, il manquerait toujours quelque chose àcelui qu'on voudrait lui comparer. Je ne pense pas qu'un extérieur aussibeau et une âme aussi noble se trouvent réunis dans un autre homme.
LE SECOND.--Vous le vantez beaucoup.
LE PREMIER.--Je ne le vante, seigneur, que d'après l'étendue de sonmérite; je le rapetisse plutôt que je ne le déroule tout entier.
LE SECOND.--Quel est son nom, sa naissance?
LE PREMIER.--Je ne puis remonter jusqu'à sa première origine. Siciliusétait le nom de son père, qui s'unit avec honneur à Cassibelan contreles Romains. Mais il reçut ses titres d'honneur de Ténantius, qu'ilservit avec gloire et avec un succès admiré, et il obtint le surnom deLéonatus. Il eut, outre le chevalier en question, deux autres fils qui,dans les guerres de ce temps, moururent l'épée à la main. Leur père,vieux alors et aimant ses enfants, en conçut tant de chagrin qu'ilquitta la vie: son aimable épouse, alors enceinte du gentilhomme dontnous parlons, mourut en lui donnant le jour. Le roi prit l'enfant soussa protection, lui donna le nom de Posthumus, l'éleva, et l'attacha à sachambre: il l'instruisit dans toutes les sciences dont son âge pouvaitêtre susceptible; et il les reçut comme nous recevons l'air aussitôtqu'elles lui furent offertes; dès son printemps, il porta une moisson:il vécut à la cour loué et aimé (chose rare), modèle des jeunes gens,miroir redouté des hommes d'un âge mûr; et pour les vieillards, unenfant qui guidait les radoteurs. Quant à sa maîtresse, pour laquelle ilest banni aujourd'hui, ce qu'elle lui a donné proclame le cas qu'ellefaisait de sa personne et de ses vertus. On peut lire dans son choix, etjuger au vrai quel homme est Posthumus.
LE SECOND.--Je l'honore sur votre seul récit. Mais, dites-moi, je vousprie, la princesse est-elle le seul enfant du roi?
LE PREMIER.--Son seul enfant. Il avait deux fils; et si ce détail vousintéresse, écoutez-moi. Tous deux furent dérobés de leur chambre; l'aînéà l'âge de trois ans, et l'autre encore au maillot; jusqu'à cette heure,pas la moindre conjecture sur ce qu'ils sont devenus.
LE SECOND.--Combien y a-t-il de cela?
LE PREMIER.--Vingt ans environ.
LE SECOND.--Qu'on enlève ainsi les enfants d'un roi! qu'ils fussent sinégligemment gardés, et qu'on ait été si lent dans les recherches qu'onn'ait pu retrouver leur trace!
LE PREMIER.--Quelque étrange que cela vous semble, et quoique cettenégligence soit vraiment ridicule, le fait est vrai, seigneur.
LE SECOND.--Je vous crois.
LE PREMIER.--Il faut nous taire, voici Posthumus, la reine et laprincesse.
(Ils sortent.)
(La reine, Posthumus, Imogène entrent avec leur suite.)
LA REINE.--Non; soyez-en sûre, ma fille, vous ne trouverez jamais enmoi, comme on le reproche à la plupart des marâtres, un oeil malveillantpour vous. Vous êtes ma captive; mais votre geôlière vous confiera lesclefs qui ferment votre prison. Pour vous, Posthumus, aussitôt que jepourrai fléchir le courroux du roi, on me verra plaider votre cause;mais le feu de la colère est encore en lui; et il serait à propos devous soumettre à son arrêt, avec toute la patience que votre prudencepourra vous inspirer.
POSTHUMUS.--Si Votre Majesté le trouve bon, je partirai d'iciaujourd'hui.
LA REINE,--Vous connaissez le danger.--Je vais faire un tour dans lesjardins, compatissant aux angoisses des amours qu'on traverse, quoiquele roi ait ordonné de ne pas vous laisser ensemble.
(Elle sort.)
IMOGÈNE.--O feinte complaisance! Comme ce tyran sait caresser au momentoù elle blesse! Mon cher époux, je crains un peu la colère de mon père,mais, soit dit sans blesser mes devoirs sacrés envers lui, je ne redouterien des effets de sa colère sur moi. Il vous faut partir; et moi jesoutiendrai ici à toute heure le trait de ses regards irrités, n'ayantrien qui me console de vivre, si ce n'est la pensée qu'il existe dans lemonde un trésor que je puis revoir encore.
POSTHUMUS.--Ma reine! mon amante! Ah! madame, ne pleurez plus; si vousne voulez m'exposer à me faire soupçonner de plus de faiblesse qu'il neconvient à un homme. Je veux être l'époux le plus fidèle, qui jamais aitengagé sa foi. Ma résidence sera à Rome, chez un nommé Philario, qui futl'ami de mon père; moi, je ne le connais que par lettres. Écrivez-moilà, ô ma reine! mes yeux en dévoreront les mots que vous enverrez, dûtl'encre être de fiel.
(La reine entre.)
LA REINE.--Abrégez, je vous prie. Si le roi survenait, je ne sais pas oùs'arrêterait sa colère contre moi. (À part.) Cependant je sauraidiriger ici sa promenade; je ne l'offense jamais qu'il ne paye mesoffenses pour nous réconcilier; il achète chèrement tous mes torts.
(Elle sort.)
POSTHUMUS.--Quand nous passerions à nous dire adieu tout le temps quinous reste encore à vivre, la douleur de nous séparer ne feraitqu'augmenter... Adieu.
IMOGÈNE.--Ah! demeure un moment. Quand tu monterais à cheval uniquementpour aller prendre l'air, cet adieu serait encore trop court.--Vois, monami, ce diamant était à ma mère; prends-le, mon bien-aimé, mais garde-lejusqu'à ce que tu épouses une autre femme quand Imogène sera morte.
POSTHUMUS.--Quoi! quoi! une autre femme? Dieux bienfaisants,accordez-moi seulement de posséder celle qui est à moi; que les liens dela mort me préviennent dans mes embrassements si j'en cherche une autre.(Il met le diamant à son doigt.) Reste, reste à cette place tant quele sentiment pourra t'y conserver. (A Imogène.) Et vous, la plustendre, la plus belle, qui, à votre perte infinie, n'avez reçu que moien échange de vous; je gagne encore sur vous quand il s'agit de cesbagatelles; pour l'amour de moi, portez ceci; c'est une chaîne; je veuxla mettre moi-même à ce beau prisonnier d'amour.
(Il lui attache un bracelet.)
IMOGÈNE.--O dieux! quand nous reverrons-nous?
(Entrent Cymbeline et les seigneurs de la cour.)
POSTHUMUS.--Hélas! le roi!...
CYMBELINE.--Vil objet, va-t'en; disparais de ma vue. Si, après cet ordreencore, tu fatigues la cour de ton indigne présence, tu meurs. Fuis, tavue empoisonne mon sang.
POSTHUMUS.--Que les dieux vous protègent et bénissent les hommes de bienque je laisse à votre cour; je m'en vais.
(Il sort.)
IMOGÈNE.--La mort n'a point d'angoisses plus douloureuses que celles-ci.
CYMBELINE.--Fille déloyale, toi qui devrais rajeunir ma vieillesse, tuaccumules un siècle sur ma tête.
IMOGÈNE.--Seigneur, je vous en conjure, ne vous faites point de mal parces emportements; car je suis insensible à votre courroux: un sentimentplus rare étouffe en moi toute peine, toute crainte.
CYMBELINE.--Au delà de toute grâce! de toute obéissance!
IMOGÈNE.--Au delà de l'espérance! au désespoir!... Dans ce sens, au delàde toute grâce!
CYMBELINE.--Tu pouvais épouser le fils unique de la reine.
IMOGÈNE.--Oh! bienheureuse de ne pas le pouvoir: j'ai choisi un aigle,et j'ai évité un faucon dégénéré.
CYMBELINE.--Tu as choisi un misérable; tu voulais asseoir l'ignominiesur mon trône.
IMOGÈNE.--Dites que j'en ai relevé l'éclat.
CYMBELINE.--O âme vile!
IMOGÈNE.--Seigneur, c'est votre faute si j'ai aimé Posthumus; vousl'avez élevé comme le compagnon de mes jeux: il n'est point de femmedont il ne soit digne; il m'achète plus que je ne vaux, presque de toutle prix que je lui coûte.
CYMBELINE.--Quoi! as-tu perdu la raison?
IMOGÈNE.--Peu s'en faut, seigneur: veuille le ciel me guérir! Oh! que jevoudrais être fille d'un paysan, et que Posthumus fût le fils du bergervoisin!(La reine paraît.)
CYMBELINE.--Femme imprudente, je les ai trouvés encore ensemble; vousn'avez pas suivi mes ordres, retirez-vous avec elle, et l'enfermez.
LA REINE, à Cymbeline.--J'implore votre patience. (A Imogène.)Silence, ma chère fille, silence.--Bon souverain, laissez-nous seules,et cherchez dans votre raison quelque consolation pour vous-même.
CYMBELINE.--Qu'elle languisse en perdant chaque jour une goutte de sang,et que vieille avant le temps elle meure de sa folie!
(Il sort.)
LA REINE, à Imogène.--Allons, il faut que vous laissiez passer...(Pisanio entre.) Voici votre serviteur. Eh bien! Pisanio, quellesnouvelles?
PISANIO.--Le prince, votre fils, a tiré l'épée contre mon maître.
LA REINE.--Ah! j'espère qu'il n'y a pas de mal?
PISANIO.--Il aurait pu y en avoir; mais mon maître n'a fait que jouerplutôt que de combattre, et il n'était pas soutenu par la colère; desgentilshommes qui se sont trouvés là les ont séparés.
LA REINE.--J'en suis bien aise.IMOGÈNE.--Votre fils est l'ami de mon père; il prend son parti! Tirerl'épée sur un proscrit! ô le brave prince!--Je voudrais les voir tousdeux dans les déserts de l'Afrique, et moi près d'eux, avec uneaiguille, pour en piquer le premier qui reculerait.--Pourquoi avez-vousquitté votre maître?
PISANIO.--Par son ordre. Il n'a pas voulu que je l'accompagne jusqu'auport; il m'a laissé une note des ordres que j'aurai à remplir quand ilvous plaira d'accepter mon service.
LA REINE.--Cet homme, jusqu'ici, a été pour vous un serviteur fidèle.J'ose garantir, sur mon honneur, qu'il le sera toujours.
PISANIO.--Je remercie humblement Votre Majesté.
LA REINE, à Imogène.--Je vous prie, promenons-nous un moment ensemble.
(Elles sortent.)
Entre CLOTEN, DEUX SEIGNEURS.
IMOGÈNE, à Pisanio.--Avant une demi-heure, je vous prie, revenez meparler: du moins vous irez voir mon époux à bord. Pour le moment,laissez-moi.
(La reine et Imogène sortent ensemble, Pisanio sort par un autre côté.)
PREMIER SEIGNEUR.--Je vous conseille, seigneur, de changer de chemise.La chaleur de l'action vous a fait fumer comme la victime d'unsacrifice. Quand un air sort, un air entre; et il n'en est point audehors qui soit aussi sain que celui qui sort de vous.
CLOTEN.--Si ma chemise était ensanglantée, alors j'en changerais...L'ai-je blessé?
SECOND SEIGNEUR, à part.--Non, d'honneur, pas même sa patience.
PREMIER SEIGNEUR.--Blessé? Ah! s'il ne l'est pas, il faut qu'il ait uncorps perméable; c'est un grand chemin pour l'acier s'il n'est pasblessé.
SECOND SEIGNEUR, à part.--Son acier avait des dettes; il est sorti parles derrières de la ville.
CLOTEN.--Le lâche n'osait pas m'attendre.
SECOND SEIGNEUR, à part.--Non, il allait toujours; mais en avant, versta face.
PREMIER SEIGNEUR.--Vous attendre? vous avez assez de terres à vous; maisil a ajouté à vos domaines, il vous a cédé du terrain.
SECOND SEIGNEUR, à part.--Autant de pouces de terre que tu asd'océans! Les fats!
CLOTEN.--Que je voudrais qu'on ne se fût pas mis entre nous!
SECOND SEIGNEUR, à part.--Et moi aussi, jusqu'à ce que tu eusses prispar terre la mesure d'un imbécile.
CLOTEN.--Mais comment peut-elle aimer ce misérable, et me rebuter, moi?
SECOND SEIGNEUR, à part.--Oh! si c'est un péché de bien choisir, elleest damnée.
PREMIER SEIGNEUR.--Seigneur, comme je vous l'ai toujours dit, son espritet sa beauté ne vont pas ensemble: c'est une belle enseigne; mais jen'ai vu en elle qu'un esprit peu lumineux.
SECOND SEIGNEUR, à part.--Elle ne luit pas pour les imbéciles de peurque la réflexion ne lui fasse tort.
CLOTEN.--Venez, je vais dans ma chambre: je voudrais bien qu'il y eût unpeu de mal.
SECOND SEIGNEUR, à part.--Je ne fais pas le même voeu, à moins que cen'eût été la chute d'un âne, ce qui ne serait pas un grand mal.
CLOTEN.--Voulez-vous nous suivre?
PREMIER SEIGNEUR.--J'accompagnerai Votre Altesse.
CLOTEN.--Oui, venez: allons ensemble.
SECOND SEIGNEUR.--Volontiers, prince.
(Ils sortent.)
IMOGÈNE, PISANIO.
IMOGÈNE.--Je voudrais que tu te tinsses sur le port pour interrogertoutes les voiles.--S'il m'écrivait, et que sa lettre ne me parvînt pas,ce serait une aussi grande perte que si c'était des lettres de grâce.Qu'est-ce qu'il t'a dit en dernier lieu?
PISANIO.--Ma reine! ma reine!
IMOGÈNE.--Et alors il agitait son mouchoir.
PISANIO.--Et il le baisait, madame.
IMOGÈNE.--Insensible tissu, tu étais plus heureux que moi!--Et ce futtout?
PISANIO.--Non, madame; car aussi longtemps qu'il a pu se fairedistinguer des autres, à mes yeux ou à mes oreilles, il est resté sur lepont, et me faisant des signes de son gant, de son chapeau, de sonmouchoir, il exprimait de son mieux, par les transports et lesmouvements de son coeur, combien son âme était lente et le vaisseau