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Soixante-huitard n'est pas une revendication ! Le hasard de la vie fit que je fus à l'endroit, au moment, sans jugement de valeur. En mai 68, j'ai 21 ans, je suis étudiant à Orsay et je roule en 2CV qu'un copain de lycée m'a donné (en panne). La marche forcée m'horripile ; le progrès à coups de schlague, de téléphone dit intelligent, de réseaux dits sociaux, d'Elon Musk et autres mickeys ne peut leurrer que des crétins des Alpes ! La réalité serait-elle subjective ? Ce n'est pas une vérité scientifique. Donc l'observation n'est pas la réalité. Nietzsche, que j'apprécie mais pas toujours, considère qu'il n'y a que des interprétations de la réalité, variées et infinies. Je relate des bribes de vie, dont certaines ont plus de 70 ans ; elles peuvent ne pas être fidèles à la "pure" réalité ; mais personne ne peut en juger, ni m'en tenir rigueur.
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Seitenzahl: 313
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Qu’on ne se méprenne ! "Soixante-huitard" n’est pas une revendication. J’étais à l’endroit, au moment, sans aucun jugement de valeur…
Simplement le fait d’avoir eu vingt et un ans (la majorité) en mai 1968, d’être étudiant à la fac d’Orsay après mon bac "Sciences Ex" et de posséder une 2CV gracieusement offerte (en panne) par Jeannot, un copain de lycée.
Je garderai la tête froide tout au long de ce qu’on appellera les "évènements de mai 68" auxquels j’ai bien sûr, participé "activement" (?) avec entendement, distance, humour et dérision.
Grâce à mes enseignants, mon esprit critique (forgé par les précédents) et mon acuité d’observation et d’analyse (idem), je suis resté à l’écart des sectarismes ambiants de l’époque et futurs ; les enfants de prolos étaient PC, ceux des petits bourgeois, trotskistes et les engeances des grands bourgeois, maoïstes.
Plus tard, les trotskistes ont été dissous dans l’aile "gôche centriste" (et ont même fini par voter Macron !), les maoïstes dissous dans l’ENA, les corridors des ministères et la presse BCBG du 6ème arrondissement ; étant fils de prolos, j’ai échappé à ces sectarismes.
Plus prolos, c’est dur ! Quand j’ai passé mon bac, ma mère était femme de service dans une école maternelle et mon père, "chauffeur de chauffe", c’est-à-dire que pendant six mois d’hiver il partait à la nuit tombée, en Solex, vers l’ONERA de Meudon ; là, il passait la nuit de bâtiment en bâtiment à charger les chaudières de pelletées de charbon, et ce, à soixante-six ans… Pourtant, quinze ans plus tôt, la pâtisserie provinciale de mes parents marchait bien…Que s’était-il passé ?
Opposé à tous les sectarismes, dis-je, à voir… Je me souviens des paroles d’un ami, officier de marine, dont la fille unique était en âge de fréquenter (de copuler) :
« Le jour où elle me ramène un copain déjeuner à la maison, je pose sur la table un Aloxe-Corton et un Coca ; s’il choisit le Coca, c’est la porte immédiatement ! J’exige un minimum de culture et de discernement, tout de même ! »
J’adhère totalement, bien sûr ! Donc, je suis intransigeant, donc sectaire… j’assume et le revendique…
POURQUOI ces "mémoires" ?
Je ne connais de la vie de mes parents que des fragments et m’interroge sur des zones d’ombre, tout au moins d’ignorance. Pourquoi mon père, dans les années trente, alors que la pâtisserie marchait fort bien, décide de tout plaquer, vend le fonds de commerce et part à Limoges pour une boulangerie ? Puis, pourquoi reviendra-t-il trois ans plus tard à la pâtisserie ? C’est donc principalement pour mes enfants et petits-enfants, qui se désintéressent totalement de notre vie de notre vivant, comme tous les enfants, que j’ai décidé de consigner ces souvenirs.
Et puis, j’aime raconter des histoires…
Le fait de publier (à compte d’auteur, ce qui ne coûte quasiment rien aujourd’hui), permet de laisser une trace, y compris à la BNF, que des arrière-petits-enfants pourraient éventuellement retrouver des dizaines d’années plus tard.
Nostalgie ? oui et c’était "mieux avant", c’est certain ; je le revendique, toutes mes aventures le démontreront.
Bien sûr, j’exagère et c’est relatif ; les famines étaient bien plus dévastatrices dans les années 50 que dans les années 2020. …Quoi que ?
Mais le "progrès" à coups de schlague, de téléphone dit "intelligent", de réseaux dits "sociaux", d’Elon Musk… ne peut leurrer ou abuser que des crétins des alpes…
Qui aurait pu imaginer qu’au 21ème siècle, un individu appartenant à la race humaine, Mike Hughes, le chef des "platistes", se tuerait dans sa "fusée à vapeur artisanale" (SIC) en voulant prouver que la terre était plate ?
Pauvres Galilée et Christophe Colomb qui doivent se retourner dans leur tombe !
Ma soeur de 94 ans se désespère de devoir utiliser un téléphone "intelligent" pour prendre rendez-vous chez son médecin ou pour effectuer un voyage en train ; c’était plus simple et moins cher d’acheter son billet cartonné à un guichetier1 !
Me suis-je tout permis ? non ; je me suis censuré, déjà pour ne pas blesser des proches, des amis, des gens… aussi à propos d’aventures trop intimes ou trop personnelles (ou dont j’ai honte) … et aussi pour des choses à ne pas dire "dans l’air du temps" et qui pourraient même me mettre en danger.
COMMENT raconter ?
Sous quelle forme ? Pas de "journal intime" sur un carnet qui disparaitra au fond d’un tiroir ; pas non plus un récit chronologique, ennuyeux, dès la dixième page ; pas un récit thématique aux classifications douteuses, redondantes ou impossibles. Et puis pourquoi pas des morceaux, des portions, qui ressurgissent par hasard, au gré de l’humeur, d’une idée, de réminiscences…
Ce sont donc des bribes de souvenirs, des lambeaux de vie ou des tranches de vie comme disait Béranger. Elles revivent, renaissent, reparaissent, à l’occasion d’un évènement, d’une situation, d’une photo, d’un rappel et parfois même d’une odeur. C’est tenace, les odeurs ! J’ai redécouvert une odeur cinquante ans plus tard, celle du séneçon, très odorante en fin de chaudes journées de juin, qui m’entêtait vers l’âge de neuf ou dix ans… Ou l’odeur du vin retrouvé à travers le cépage tourangeau "côt" qui n’était autre que celle du cellier légèrement humide, de moisissure aigrelette et âpre, fraiche comme la "miettée"2 dans le grand bol que me faisait ma grand’mère en cachette de mes parents, les chauds après-midis d’août.
Ces bribes ponctuelles sont entremêlées de réflexions personnelles, à vif, plus ou moins judicieuses, réactions épidermiques intuitives et instinctives au monde qui m’entoure ; si elles ne sont pas toujours appropriées, intelligentes, opportunes, pertinentes, elles ont le mérite d’être spontanées !
Aussi, ces "instantanés", parfois âgés de plus de soixante-dix ans, ne sont pas forcément fidèles à la "pure" réalité ; mais personne ne peut en juger ni m’en tenir rigueur...
“La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité.”
Pablo Neruda ("Fin du monde")
"Il n'y a pas de vérités, mais il y a des mensonges
évidents"
Omar Khayyam (Quatrains)
1 Guichetier : métier en voie d’extinction ; être humain derrière un guichet dans une gare. .
2 Ou "miot" ; bol d’eau fraîche (du puits) avec un peu de vin rouge, un morceau de sucre et des morceaux de pain sec. C’était très désaltérant et j’aimais bien…
Les péripéties de la pile de Danton
La traitrise des pizza
L’Escargot d’Or
Je suis fou, fou et mytho
Le mytho de l’école maternelle
Robert, le bon public
Louer dieu ?
La confesse
Quidam de la rue Marcadet
Désacralisation
Magie et sorcellerie
La balade des vacanciers
De la réclame
Amiante, obscur objet du désir…
Ecologie punitive
Riton, le "Che" de Schlumberger et d’Indochine
Des blonds
La poussée d’Archimède
L’Algérie
la 2CV contre le petit livre rouge…
Touggourt
Picotin et les loups
Ma nuit chez Ma…
On a tous été premier
Le bouzelouf
Les oiseaux attaquent
Quand on est vieux, on sort avec des vieux
De l’écologie
Le père fouettard
On vit une époque formidable
Comment fabrique-t-on des bisounours ?
Bob et la sorcière
Chissay ou l’ordre des choses
Romo, ou la vie trépidante
La remise
L’honneur est dans le slip
La vie de mon père
La vie de ma mère
La véritable histoire des soeurs Tatin
Léonard de Vinci, une supercherie ?
Le village monde – la vie des autres
Marie Rose
Gervas
Aimé Bouat
Un autre Aimé
Le père Bernard et le vieux chat
Des camping-caristes
De la religion
Compromissions
Le mouchoir mouillé
"Roms, l’unique objet de mon ressentiment…"
Les romanichels
Rom, le retour
Vacances en Roumanie
La testa rossa
Sacré Lafleur !
French kiss
Lafleur en Corse
Morane Saulnier
Du genre…
De la nostalgie
Les salins de Giraud
Les week-ends à Fontainebleau
Plage de Sète, où le sable est si fin
Ceillac du Queyras
L’exemple de la PMA
Suppression de l’argent « liquide »
La Bourgogne et des écolos…
Ma nuit avec le molosse
Une vocation ratée
La voûte céleste
"Matensech clignotor"
Les femmes, quelles harceleuses !
Il y a des jours bénis des dieux !
Dyslexie et épilogue
Photo de couverture : jeune couple de 22 ans dans le bazar de Chiraz en juillet 1969 (photo Vincent Hardy)
On est à la fin des années soixante-dix, peut-être en 78 ou 79. On revient en 2CV de Créteil vers la maison par le pont de Choisy le Roi sous lequel coule la Seine. Je tombe, face à moi, sur une très ancienne maison cossue, coincée entre la voie ferrée et la route. Elle est murée depuis peu ; je la connais comme étant la maison où avait vécu Danton. La place elle-même porte son nom. Je m’arrête, bien sûr.
Une des fenêtres arrière a été « démurée ». Je pénètre. Il fait sombre ; toutes les ouvertures ont été condamnées mais des raies de lumière passent par quelques fentes. Un superbe escalier en chêne dont je récupérerais bien la rampe mène au premier étage. Tout a été vidé. Je continue mon ascension. Au deuxième étage, les fenêtres n’ont pas été murées ; je trouve dans un angle une pile en pierre, belle, grande mais très lourde. Au-dessus, le grenier en carène est superbe ! c’est une charpente de marine en chêne en forme de cale de bateau renversée… Quel dommage de détruire cette oeuvre de plus de deux cents ans !
Je me dirige vers une épaisse planche, appuyée contre un mur ; c’est lourd ; tout gris de poussière ; je pense d’abord à une plaque de pierre ; je gratte ; c’est du bois mais d’un poids impressionnant ! Je la descends.
Les piles du rez-de-chaussée ou du premier étage ont dû être remplacées depuis bien longtemps par des éviers "modernes", mais celle du deuxième étage, y a échappé. Je réussis à la lever légèrement ; elle fait sans doute quatre-vingt kilos ; je ne vais pas laisser ce trésor partir à la décharge !
A la nuit tombée, on revient, ma copine et moi, avec une corde et un pied de biche ; on réussit à la mettre debout et à la déplacer, d’un coin sur l’autre, jusqu’à la fenêtre. Là, on la bascule en équilibre sur le rebord ; je passe la grosse corde par le trou de la bonde et on la bascule dans le vide. A deux, on arrive à la retenir car la corde frotte fortement sur le rebord de la fenêtre. Mais en descendant, la corde cède et la pile tombe… coincée entre une fenêtre murée et le balcon, à l’étage du dessous ! Impossible de la récupérer mais elle n’est pas cassée !
L’adage stupide des obstinés me revient en tête « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » Quel est le débile profond qui a pondu cette maxime ? (Ah, oui, je me souviens, c’est Guillaume d’Orange au siège de Saragosse seul devant vingt mille sarrasins en mille cinq cent cinquante-huit…)
Le lendemain, à nouveau dans la nuit, on y retourne avec d'autres cordes, des leviers et quatre bras supplémentaires.
Je descends en rappel du second étage au premier et me coince entre le balcon et le mur de parpaings qui obstruent la fenêtre. Pas à l’aise pour manoeuvrer ! On réussit à la relever ; je la bascule à nouveau dans le vide et là, la corde résiste. On la ramène à terre sans dommage.
Elle est chargée dans le coffre de la 2CV qui ploie sous le poids… Elle est entreposée dans le jardin de la maison de Vitry. Quelques mois plus tard, je la remets dans le coffre de la 2CV pour la descendre dans le midi et en équiper ma chapelle en ruine. On part, comme très souvent, à la nuit tombée. La route est libre et j’aime rouler de nuit. Vers une heure ou deux du matin, quand le coup de barre se fait sentir, je vide mon tube de lait concentré sucré Nestlé et la machine repart jusqu’au petit matin où l’on s’arrêtera dans le premier café ouvert prendre un petit noir bien serré.
On arrive à l’obélisque de Fontainebleau et, comme à chaque passage, je fais deux ou trois fois le tour du monument avant de décider quelle route emprunter : N6 ou N7 ?
Va pour la N6, cette fois ; la route est moins bonne ; le cul de la 2CV touche terre à chaque bosse et provoque une gerbe d’étincelles à l’arrière ; les feux de croisement éclairent très haut puisque l’arrière est lesté plus qu’il ne faut ! Les rares voitures que je croise, éblouies, me font des appels de phares. Alors, je mets les feux de route, qui éblouissent encore plus !
Il est près de minuit quand on arrive à proximité de Joigny. On croise une 404 commerciale de la gendarmerie ; appels de phares ; flash ! Zut ! J’ai bien passé ma plaque d’immatriculation au cirage, pour la faire luire comme on me l’a conseillé, mais on ne sait jamais. S’ils ont un appareil instantané, comme je le crois, ils vont faire demi-tour pour me rattraper, ne pouvant lire ma plaque.
Aussitôt réfléchi, je tourne à droite dans un petit chemin de terre, qui descend en contrebas de la route, vers un petit bois ; je le regrette aussitôt ! comment vais-je pouvoir remonter sur la route avec cette pente et une marche de quinze centimètres pour revenir sur le bitume ?
Je tourne à gauche dans un chemin et j’éteins tout ; on attend ; la 404 break repasse aussitôt en sens inverse à vive allure ! Une heure plus tard je regagne la route ; comme je m’y attendais, impossible de remonter sur le bitume ; les roues avant patinent ; les phares éclairent la cime des arbres d’en face ! Sortir la pile, reprendre la chaussée puis remettre la pile ? Impossible, vu la configuration du lieu ! Ah ! souvenirs d’Iran : on a plus de puissance en marche arrière. Je redescends dans le petit bois, fais demi-tour et remonte le chemin en marche arrière ; à la deuxième tentative, on est sur la route !
On arrivera cinq cents kilomètres plus loin et dix heures plus tard sans encombre.
Aujourd’hui, le nouveau propriétaire de la chapelle ignore qu’il se lave les mains dans la pile où Danton s’est rasé la barbe !
Et alors, la planche ?
Arrivé à la maison, je lave la planche ; la couleur est d’un noir-brun tirant sur le rouge ; dans le bassin, elle coule aussitôt ; c’est un bois exotique très dur, plus dense que 1. Ebène ? non, l’ébène est très noire. Il présente de belles veines rouge sombre ; je pense aussitôt au palissandre mais il coule bien rapidement ! Il est vrai qu’elle a séché dans ce grenier pendant 200 ans ; sa densité dépasse largement 1 !
La planche mesure soixante centimètres par trente par cinq. Trop lourde, je la coupe en deux ; elle a été équarrie à l’herminette ; très inégale, je dois la raboter un long moment ; je la ponce et m’en sert de planche à hacher, encore aujourd’hui. Le problème n’est pas là ! Que faisait cette planche exotique dans cette maison du XVIIIème siècle ? J’enquête ; j’appelle Columbo à la rescousse…
A l’époque, les bois exotiques sont très à la mode ; les nouveaux bourgeois veulent rivaliser avec l’aristocratie et se faire fabriquer du mobilier haut de gamme en palissandre par exemple ; ces bois sont très fortement taxés à l’entrée en France. Alors, les voyageurs en quête de quelques subsides se faisaient fabriquer sur place des malles dans ces essences rares puis rentraient en France avec des malles dont le contenu était bien plus léger que le contenant ; au retour, soit ils se faisaient fabriquer des meubles pour eux-mêmes, soit ils vendaient ces planches à des ébénistes.
Danton a-t-il voyagé en Afrique ? Est-ce un ami qui lui a rapporté ces planches pour des meubles en devenir ? Projet stoppé net par la guillotine…
3Rien à voir avec Duracell ! Une pile, pour les jeunots, c’est un genre d’évier taillé dans une pierre monobloc, peu profond, et peu commode ; ça éclabousse !
L’enseignement, c’est pas de la tarte ! Gloire aux vaillants instits et profs de collèges et lycées !
J’avais déjà donné deux ans en 69-71 et j’avais démissionné ; l’inspecteur m’avait bien menacé à l’époque :
« Si vous démissionnez, vous ne pourrez plus jamais réintégrer l’Education Nationale ! Môsieur ! »
En 1983, je suis (ré)embauché comme prof de maths, à mitemps, l’autre mi-temps étant dédié à l’informatique (j’enseigne le "Plan Informatique Pour Tous" aux enseignants…). L’Education Nationale manque cruellement d’informaticiens dans ce début des années quatre-vingt et je suis en cours de rédaction de ma maitrise d’informatique.
On me donne, comme c’est normal, les classes les plus pourries dont personne ne veut. "CAP mécanicien-monteur", la crème des crèmes me dit-on ; c’est une section où aucun élève ne vient de son plein gré !
Le premier trimestre est consacré aux fractions : PGCD, PPCM et tutti frutti ; au bout de deux mois, une petite moitié de la classe considère encore que 1/2 plus 1/3 donnent 2/5 et 1/3 plus 1/4 font 2/7 ; le PPCM et le PGCD leur prend la tête.
En bon pédagogue (?), je cherche à concrétiser le problème ; un jour je décide d’apporter en classe deux pizzas (c’est là mon erreur !).
Je coupe la pizza au fromage en deux (un demi) et la pizza "vésuvio" en trois (un tiers).
Pour que les parts soient égales, tout le monde convient que je dois couper les demi-parts en trois et les tiers en deux. Jusque-là, tout baigne… réduction au même dénominateur…
Je prends donc trois parts de la pizza au fromage (qui représentent la moitié) et deux parts de la "vésuvio" (qui représentent un tiers). Là, tout le monde est d’accord…
J’ai donc cinq parts sur six, soit cinq sixième.
J’observe une réaction dubitative de certains élèves et un silence pesant ; l’un d’eux réagit :
« Mais M’sieur, y’a pas six parts, y’en a douze ! »
Les autres confirment ; même ceux qui avaient admis la réduction au même dénominateur comme raisonnable, acquiescent.
« Oui, M’sieur, on mange cinq parts sur douze en tout, pas six ! »
Je sens le sol se dérober sous mes pieds ; je doute de la lumière du jour et de la rotondité de la terre ! Ils ont raison quelque part… une raison à eux…
Je songe à démissionner immédiatement de l’Education Nationale…
J’ai beau leur dire que c’est par rapport à UNE pizza, l’unité de base ; que j’en ai pris deux pour couper l’une en deux et l’autre en trois, qu’on a bien réduit au même dénominateur, six. Rien n’y fait ! Je suis grillé. Il ne me reste plus qu’à couper toutes les parts en deux et tous les élèves se ruent sur les tranches.
Un élève philosophe intervient, me voyant dépité :
« Allez, M’sieur, c’est pas grave ! de toute façon, ça sert à rien dans la vie le PP truc… »
Je réfléchis au problème…
Il fallait adapter les programmes aux élèves et non l’inverse !
Je décidai de tester l’informatique ! Une salle équipée n’était quasiment jamais utilisée. J’expliquai le fonctionnement basique d’un ordinateur ; ça accrochait ! mails ils étaient impatients de pratiquer :
« M’sieur, quand c’est qu’on y va ? »
Je proposai de créer une base de données d’insultes ; ça plut beaucoup ! Puis on écrivit un jeu en langage "Basic" : il fallait trouver un nombre entre 1 et 1000 que l’ordinateur tirait au hasard ; on jouait contre l’ordinateur ; à chaque coup, l’ordinateur annonçait « trop petit » ou « trop grand » ; quand l’élève perdait, l’ordinateur lui assénait une insulte, genre "ta mère, elle s…" ; alors, l’élève en colère, crachait sur l’écran !
« M’sieur, y m’insulte ! »
Je vis des élèves, genre "crétins des alpes" au sens propre, taper « 1 » ; « trop petit » répond la machine ; puis « 2 » ; « trop petit » puis perdre systématiquement avant d’arriver à 9 !
Mais des lumières se firent ; des mômes ne supportant rien de l’école découvrirent sans le vouloir la « dichotomie », théorie que l’on voyait en terminale à l’époque, et devinrent des cadors. Ils reprirent confiance en eux. Mais les objections furent nombreuses :
« M’sieur, y triche l’ordi ; c’est lui qui tire le nombre alors il le connait !»
Comment expliquer ? On fit le jeu inverse ; c’est un élève qui allait choisir un nombre entre 1 et 1000 et l’ordinateur jouerait contre un autre élève ; celui qui avait choisi le nombre répondait à l’ordinateur et à l’élève par « trop petit » ou « trop grand » ; bien sûr, j’avais un peu trafiqué les programmes pour que l’ordinateur ne gagne pas systématiquement…
Un conseiller pédagogique4 se pointa un jour ; bien sûr, il me remonta les bretelles dont je n’avais cure, n’en portant pas :
« Vous savez qu’il y a un programme à respecter… »
« Cessons l’hypocrisie… »
« L’ordinateur impose la rigueur, vertu qu’ils ont peu. Et c’est la machine qui y oblige, pas le prof ; et au niveau rapports, ça change tout ! Si au moins je peux leur inculquer cette notion, ce sera toujours mieux que l’échec des PPCM… »
Je lui fis une séance dans la salle informatique ; il vit un ou deux élèves cracher sur l’écran…
« C’est l’avenir ; l’ordinateur deviendra un excellent media qui s’interpose entre le prof et l’élève ; on ne le conteste pas ; il est préférable que ce soit l’écran qui reçoive le crachat, non ? » …
Entre 2008 et 2017, l’Europe a dépensé 37% de sa richesse pour sauver les banques !
En 2007, 1% de la richesse mondiale aurait suffi à ralentir la crise climatique !
Retour aux origines
Puis je réfléchis à la phrase fétiche de Maurice Rapin, mon prof de "Sciences Nat" au lycée « l’histoire de l’individu récapitule l’histoire de l’espèce » ou, plus scientifiquement : « L'ontogenèse (le développement de l’individu) récapitule la phylogenèse (le développement De l’espèce) ». (Ernst Haeckel et sa loi de la récapitulation de 1875).
C’est à travers l’étude des tests d’oursins fossiles que ce biologiste, philosophe et libre penseur allemand élabora sa théorie. Un oursin de 1850 passait par des stades d’évolution d’oursins adultes disparus depuis plusieurs millions d’années.
Pourquoi ne pas tenter d’appliquer cette théorie qui me semblait si juste, (le foetus passe par les étapes unicellulaire puis poisson, avec des branchies, puis batracien avec un coeur à deux cavités et sang-froid, puis sort de l’eau !), à l'apprentissage de l’être humain, de la connaissance : balbutiements, prononciation, répétition puis énumération, dénombrement, ordonnancement, comptage… ?
J’achète quelques livres sur l’histoire des mathématiques. Etant en année de maitrise informatique à "Vincennes à Saint Denis", je m’inscris à un cours d’épistémologie au département de maths ; passionnant !
On fit de l’histoire plutôt que des maths ; les intendants des pharaons étaient chargés de faire l’inventaire des êtres humains, des animaux, des pièces d’or, des grains de blé… afin de connaitre sa richesse, sa puissance et sa capacité à acquérir un grand nombre d’esclaves, de soldats… et conquérir…
Pourquoi l'homme préhistorique s'est-il vu obligé de dénombrer, compter puis développer des théories ? Et pourquoi les civilisations qui dominèrent le monde étaient les sociétés où les maths étaient le plus développées ! Les romains n'ont pas su évoluer avec leur « calculis » (cailloux qui permettaient d’effectuer des opérations dans des casiers en bois) et leur complexe numération romaine alors que les perses, qui apprirent et transmirent les découvertes des indiens sur la numération décimale, théorisèrent l’algèbre !
On commença par « urapum okossa », les deux seuls nombres connus d’une tribu aborigène ; difficile de dépasser 8 ou 10 ! "okossa okossa unrapum" signifiait 5 (2 + 2 +1).
Des gamins surent résoudre par jeu une équation du second degré en appliquant une "recette de cuisine" d'Al Warismi !
C’est poétique et magique :
« Si le carré de l’inconnu et un multiple de celui-ci valent ensemble un connu, tu dois élever la moitié du connu …/… viendra alors ce qui est cherché »
Le terme « al-jabr », partie du titre du recueil publié vers 820, fut repris par les moines occidentaux et devint plus tard le mot algèbre tandis que le nom « Al Warismi » devint « algorithmus » puis algorithme. Ce savant perse reprit aux indiens également la numération de position, véritable révolution intellectuelle !
Quelques années plus tard, alors que je prenais le café au bar de la gare avec des stagiaires du "GRETA" ; quelqu’un me tape sur l’épaule ; en me retournant, j’entends « « urapum okossa »! C’était un ancien élève de BEP qui était en licence de mathématiques à Orsay.
J’en tirai une grande fierté, et même s’il n’y en eut qu’un seul, ça valait le coup !
4 Enseignant incapable d’enseigner mais pensant maitriser la pédagogie
Les vacances de la Toussaint arrivent ; un collègue instit, suppléant comme moi, part dans sa famille, dans le limousin. Rentrant à Belleville depuis le Petit Clamart en 2CV, je lui propose de le déposer à la gare d’Austerlitz ; à cette époque, en 68 ou 69, on circulait et on se garait facilement dans Paris, eh oui !
Son train étant tard dans la soirée, il me propose de m’offrir le restaurant ; c’est sa première paye et apparemment, il claque tout ! On se rend au célèbre « Escargot d’Or » face à la gare. Le patron est une connaissance de ses parents… et moi, je raffole des escargots maitre d’hôtel ; on boit ; pas mal ; on reprend des escargots ; le patron offre sa tournée ; le temps passe quand tout à coup :
« Merde !! J’ai loupé mon train… »
…et pas d’autre avant demain…
Qu’à cela ne tienne ; moi aussi, je suis en vacances après tout! Ma copine ? je l’appellerai demain pour lui dire où je suis.
« Chiche ! on fera la tournée des p’tits restaus que je connais ! on va pas désaouler ! »
Deux cafés serrés, l’addition et nous voilà partis sur la Nationale 20 que je connaissais bien, mais seulement jusqu’à Vierzon. Arrêts dans des bars pour un café ; les Routiers sont ouverts toute la nuit. On arrive au petit matin dans le limousin avec un beau soleil qui perce la brume ; les châtaigniers sont roux, jaune d’or ; la nature est superbe !
« Tu vas voir, on va aller aux champignons ! ».
On arrive chez ses parents, paysans. La maison est isolée, entourée de châtaigniers, noyers, aux feuilles embrasées.
Je n’en reviens pas ! J’ai l’impression d’être remonté d’un siècle. Dans une grande cheminée où crépite un grand feu, une marmite accrochée à la crémaillère mijote ; de part et d’autre du foyer, une chaise à l’intérieur de la cheminée.
Une table rustique trône au milieu de la pièce flanquée d’un banc de chaque côté. Un buffet très campagnard et une huche à pain complètent l’ameublement austère.
Je dormirai dans une « chambre d’amis » sans aucun confort. On sort pisser dans le jardin ; pas d’eau sauf dehors à la pompe, une eau glacée qui vient des montagnes… Spartiate !
Les parents sont fiers de leur fils, devenu instituteur. Avec le bac, on était embauché sur l’heure. Je les comprenais ; ils voyaient leur fils échapper enfin à leur condition misérable, même si Jean Ferrat chantait à l’époque « Que la montagne est belle… ».
Les conditions chez mes grands-parents, en Touraine, là où mon père était né, n’étaient pas très différentes ; les « toilettes sèches » étaient au fond du jardin ; il fallait faire vite si le besoin était pressant, mais il y avait l’eau courante, certes froide, au-dessus d’un évier dans la pièce commune et une cuisinière en fonte ; une ampoule de « 40 bougies », surmontée d’un abat-jour tacheté de milliers de chiures de mouches, éclairait péniblement toute la pièce. Dans le Limousin, on pouvait voir les mêmes chiures de mouches sur le même genre d’abatjour… et la même toile cirée décorée d’ustensiles de vaisselle et de légumes !
On fera la nouba pendant dix jours, à écumer tous les bars et restaurants de sa connaissance ; cuisses de grenouilles, escargots, tourtes, pounti, truites, champignons, et du vin ! De la piquette ! Des festins qui me permettront de vomir un soir sur deux ; j’ai toujours eu une petite santé, côté foie !
…et ce, dès le plus jeune âge ! à la maternelle je menais la chenille, j’avais une voix de stentor, et je racontais des histoires incongrues.
Mythomane ? ce n’est pas la réalité ; il faut se prendre au sérieux pour être mythomane. Menteur ? peut-être un peu, mais plutôt bonimenteur, affabulateur, à l’imagination féconde.
C’est aussi apparemment un héritage génétique ; mon père et mon oncle étaient facétieux et ils aimaient raconter des histoires absurdes mais crédibles. Il y avait toujours un « même que… » qui rendait l’histoire indubitablement vraie…
Vers l’âge de sept ans, je reçois un vélo du père noël ; il passait par la cheminée, comme tous les pères noëls ; dans le laboratoire, il y avait un ancien conduit de cheminée obstrué par un bouchon ; la veille de noël, mon père retirait ce bouchon pour laisser le passage libre ; je regardais le vélo puis le trou de la cheminée ; j’étais dubitatif ! comment avait-il passé ce truc par ce trou ? mais le père noël était un peu magicien… et puis j’avais la preuve irréfutable de son passage ; mon père avait installé sur une tablette au pied de la cheminée deux verres de gniole et un casse-croute pour que le père noël se restaure un peu, le pauvre ; au matin, les deux verres étaient vides et le casse-croute avait disparu ! C’était bien la preuve de son passage, non ?
Quand je coupais du pain contre ma poitrine, il me mettait en garde ; un de ses commis, il y avait bien longtemps, en coupant une tranche dans un gros pain de quatre livres, s’était coupé le ventre et le dossier de la chaise sur laquelle il était assis ; "même que" la chaise était au grenier et qu’elle avait le dossier coupé ; et c’était vrai !
Quand il y avait du vent, il m’envoyait chercher « la corde à virer le vent » chez le marchand de couleurs ; il avait envoyé un jour un commis chercher du gaz dans un panier à salade…
Ces farces faisaient bien rire les adultes ! Heureusement, ma mère était là pour remettre un peu d’ordre et de dignité…
Mon oncle lui, taquinait les clients ; au bord du Cher tout proche, un camping avait été aménagé. C’était tout naturellement que les campeurs venaient se fournir en légumes chez mon oncle, maraîcher. Cela offrait un débouché commercial, certes minime, mais surtout l'occasion de bavarder avec des gens, car c’était un grand bavard, de tout et de rien, et toujours sur le ton de la plaisanterie.
« Savez-vous s’il va pleuvoir demain ? » demandait un vacancier. Alors mon oncle sortait de sa cambuse qui servait de boutique, faisait trois pas, regardait vers la haie de grands platanes et annonçait :
« Oh oui, c’est plus que probable ! »
« A quoi vous le voyez ? »
« C’est simple ; quand les corbeaux volent le bec en avant, c’est signe de pluie »
Il assénait la phrase avec un tel sérieux et une telle solennité qu’on ne pouvait contester. Derrière, du haut de mes huit ou neuf ans, j’observais et j’écoutais très attentivement ces saynètes dignes d’un vaudeville !
Pour faire "paysan", le taxi parisien, qui venait camper chaque année au bord du Cher, avait accepté l’offre de mon oncle de se rouler une cigarette ; Robert lui tendit son petit cube de gris Caporal et son paquet de papier à rouler JOB. Alors que mon oncle fumait sa cigarette, le pauvre homme avait lamentablement roulé un peu de tabac qui s’échappait par les deux bouts, le premier lui tendit son briquet à essence ; à peine approché du mégot, celui-ci s’enflamma d’un coup et brûla la moustache du chauffeur de taxi. Mon oncle resta totalement impassible, comme si rien ne s’était passé.
Il envoya le pauvre chauffeur de taxi chercher des "ceps" sur le plateau quand le malheureux vacancier lui demanda un bon plan pour trouver des cèpes…
« Ben oui, dans les vignes, vous en trouverez en pagaille, des "ceps"… après c’qu’il a plu… »
C’était la revanche du bouseux sur les parigots…
Il m’envoyait chercher une loufe chez la "mée Crène". La chevrière me répondait qu’elle n’était pas prête, et d’autres fois, lassées par ces blagues à répétition, elle lançait :
« Dis donc à Robert de venir les faire lui-même, ses loufes… » J’appris bien plus tard ce qu’était une loufe.
Il m’avait envoyé aussi chercher des "boules de bleu" chez l’Alma, une paysanne de Saint Georges sur Cher qu’il affectionnait tout particulièrement… Ces "boules de bleu" étaient destinées à rendre le linge plus blanc dans les lessiveuses ; j’avais dû ensuite aller en jeter deux ou trois dans le Cher pour appâter…
Le mytho de l’école maternelle
La directrice de l’école maternelle où je me trouvais vint se plaindre à ma mère de ma grosse voix :
« Mon mari est incapable de faire la sieste après le repas car ton fils anime la cour de récréation en jouant aux pompiers ; en tête du groupe, les autres suivants les bras sur les épaules du précédent, il hurle des "pin-pon" ou des "tchou-tchou" à gorge déployée pendant toute la récréation ! »
A cinq ans, j’avais déjà l’idée de raconter des inepties ; une cliente vint se plaindre des fausses histoires que je répandais et que son gamin prenait pour argent comptant !
Je racontais que j’avais bien connu la guerre et que les allemands avaient réquisitionné la pâtisserie de mes parents pour venir y faire leur pain ; je les voyais tous les jours ; de plus, ils étaient très forts car ils n’avaient presque rien à faire ; ils prenaient de la farine, y jetaient un comprimé et le pain était fait ; il n’y avait plus qu’à le cuire… Et quand les parents riaient de cette histoire, le gamin se mettait dans des colères noires !
J’avais apparemment aussi un don de persuasion. Je ne me souviens pas personnellement de cette histoire mais c’est ma mère qui me l’a racontée bien plus tard.
Dès trois ans, j’avais une voix très grave ; à la maternelle, il y avait une chorale où j’avais interdiction de chanter :
« Le bourdon, tais-toi un peu, c’est faux et on n’entend que toi ! »
Je ne pense pas avoir été traumatisé par cette interdiction car je n’aimais pas particulièrement cette chanson qu’il fallait mimer en marchant sur place et en jouant des coudes et des bras ; ce qui est étonnant, c’est que je me souvienne encore des paroles et de l’air !
« Sortant de son carton, voici le bataillon des bonhommes de plomb… » suivait un roulement de tambour…
Robert (un autre), le bon public
Je me surprends de temps à autre à raconter des inepties à des gens quand je les sens réceptifs et « bon public » ; parfois, ils me reprennent, me questionnent, doutent, mais je continue… Et ce n’est pas nouveau !
Il y a quelques années, un collègue prof de maths, Robert, m’appelle. J’étais prêt à raccrocher quand il me dit :
« Au fait, c’est bien une chapelle ta maison dans le midi ? »
« Oui »
« On y fait encore des offices ? »
« Oui »
« Et c’est un curé qui vient ? »
« Non, c’est moi qui officie… »
« Ah bon ; mais alors tu es vicaire ? »
« Non ; je suis prêtre laïque »
« Comment ça ? »
« J’ai une soutane, un goupillon, un encensoir, un calice avec du vin blanc de messe pour ne pas tacher la nappe de l’autel, et je dis la messe en latin… »
« Non ? tu parles latin ? »
« Oui, bien sûr : "O fortunatos nimium, sua si bona norint, agricolas"… », la seule phrase dont je me souvienne de mes quelques heures de latin de cuisine.
« Ah merde ! ça alors, tu m’en bouches un coin ; il faudrait que je passe voir ça… »
« Oui et je fais mes hosties bio moi-même avec de la farine de petit épeautre sans gluten… des femmes viennent de loin pour gouter ça… »
Il faut dire que Robert est le public parfait pour ce genre d’histoires…
Alors, j’en rajoute…
« Tu sais, c’est comme les gens qui achètent une ancienne gare ou une maison de garde barrière ; tu n’es pas fonctionnaire pour autant mais l’organe créant la fonction, tu dois entretenir l’outil de travail, vérifier qu’en cas de défaillance matérielle, tu pourras fermer les barrières avec la manivelle ; c’est donc une contrainte mais tu es mis au courant au moment de l’achat par le notaire ; c’est pareil pour une chapelle ou une église ; mais les contraintes sont plus lourdes encore… »
Louer dieu ?
Par hasard, le proviseur de mon lycée apprend que j’ai décidé de louer ma résidence secondaire, une chapelle, quelques semaines en été.
« Et tu la loues avec ou sans dieu ? » me demande-t-il.
Me méfiant de lui et ne sachant jamais où il voulait en venir, je relance :
« Qu’est-ce que tu sous-entends avec cette question ? »
« Ben, avec dieu, c’est plus cher ! »
« Pourquoi ? »
« On dit toujours "que dieu soit loué" ! alors faut savoir combien »
J’aimais ces incongruités et malheureusement, je me prenais souvent au jeu.
Alors qu’une femme me téléphone ayant vu l’annonce, je la questionne :
« Êtes-vous croyante ? »
Silence gêné au bout du fil…
« Oui, mais c’est pas pour cela que je veux louer votre maison… »
« Bien sûr mais comprenez bien, je ne veux pas louer ma chapelle à un athée ou un mécréant ! et louer dieu à un chrétien, ça se paie ! »
Après un nouveau silence la femme clôt la conversation :
« J’en parle ce soir à mon mari et je vous rappelle ».
Je fis le même type de gag aux autres locataires potentiels ; j’eusse aimé voir leurs réactions ! J’en fis tant que cette année-là, je n’ai pas loué cette chapelle une seule journée ! mais qu’est-ce qu’on a ri…
La confesse