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Souffle celte nous emporte dans un voyage en Bretagne. Dans les souvenirs d'une Bretonne, dans cet instant magique où le regard se pose, où les images s'illuminent des instants nostalgiques. Ces petits riens qui a l'époque, paraissent normaux, mais qui aujourd'hui ont un gout délicieux et font pétiller les yeux de bonheur. A travers les personnages, les mots hurlent la force, la fierté des hommes et des femmes de cette terre de Bretagne, ce lien amour-haine avec la Mer, la Mer amante, ensorceleuse et traitresse selon son humeur, cette voleuse d'hommes, remerciée et bénie lorsqu'elle daigne les laisser rentrer au port. Un voyage magique sur une terre de légendes qui prennent vie pour peu que l'on y croie. Un recueil de nouvelles où se mélangent contes, légendes et réalité, à travers des scènes de vie d'hier et d'aujourd'hui.
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Seitenzahl: 81
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Pour Josette, Clarisse, Papy et tous ceux, si nombreux, qui m’ont offert leur amitié à Guémené-sur-Scorff.
Breizh, ma bro
L’expatrié
La galette de blé noir
Le Kig-ha-Farz
L’indomptable
Le Terre-Neuva
Le lien
Le peintre d’azur
La petite flamme de Locronan
Les amoureux de Belle-ile
Les amants de Sainte-Barbe
Souffle de la mort
L’ovate et le chirurgien
La photo cornée
Hommage
Il y a des jours où je ne sais plus du tout qui je suis, ni d’où je viens. Malgré tous les lieux que j’ai visités, aucun ne m’a enracinée. Tant d’endroits où l’histoire a pris son envol, pour ouvrir la fenêtre de ma curiosité. Être tortue m’aurait bien plu, car je ne rêve que de liberté. Une maison sur le dos et j’aurais tout visité. Le monde aurait été foulé de mes pieds.
J’ai multiples voyages à faire et rencontres à découvrir. L’homme aux mains abîmées par le travail, la femme aux yeux fatigués de trop broder, l’enfant qui joue près de l’océan. Ils sont tous là, à m’ouvrir le livre de leurs existences et peut-être de leurs pénitences.
J’étouffe dans ce modèle que l’on veut m’imposer. Sans racine, à n’en pas douter, c’est pourtant en Bretagne que je me suis arrêtée. Pays de voyageurs assoiffés qui chantent les embruns autant que les femmes endeuillées. La puissance des vents m’a parfois effrayée et fait rire ceux qui se gaussent du fait qu’ici, je ne suis point née. C’est une terre que j’aime malgré tout, que je respecte en son tout. La brume du matin qui berce les champs, comme si elle voulait les protéger d’étranges géants.
Ceux qui battent des ailes et ne s’envolent pourtant jamais. Ils font des efforts sur leur pied unique, mais il semblerait que rien ne puisse leur permettre de quitter les lieux. Les rayons du soleil réchauffent l’atmosphère, trouent les nuages qui n’ont pas été très sages. Le vent s’amuse à souffler sur eux et les fait voltiger jusqu’aux rivages.
Rester des heures sans bouger, je le pourrais, de peur qu’une merveille, si je me détourne, puisse m’échapper. Un chevreuil qui se promène dans le champ qui s’éveille, dévoilant sa beauté et sa noblesse à l’enfant que je redeviens en l’observant. Une chouette qui hulule et s’envole pour passer au plus bas au-dessus de ma tête, protectrice de mes rêves. Un lièvre qui, au moment où je vais appuyer sur le déclencheur de mon appareil photo, me fait trébucher de surprise en apparaissant tout de go. Tant de choses, tant de douceurs que j’ai besoin de vivre pour me sentir connectée à la Terre de ceux qui vivaient là.
La forêt qui m’entoure est ma protectrice et le respect que je lui porte devrait lui être donné par chaque humain. Chaque arbre, chaque plante, chaque fleur exprime son amour de l’instant, la complicité qu’ils ont les uns envers les autres, que ce soit dans la vie ou la mort. Ils sont nos parents, tout autant que la biche qui se cache dans les bosquets pour fuir le chasseur. J’aime à croire que mes racines sont là et non pas dans un pays plus qu’un autre. Je ne peux concevoir qu’une frontière soit faiseuse de paria. Je suis une « cent racines », cela va de soi.
Les dolmens se dressent devant moi, me racontant leurs contes, plein d’effroi pour certains. Ils sont ici depuis si longtemps qu’il nous serait impossible de les déloger de leurs habitats. Ils sont brûlants sous mes doigts, répondent à mes prières par leur silence. Ils murmurent aux amoureux, chuchotent la venue de l’enfant à naître. Puis, soudain, à la nuit tombée, ils se transforment et prennent froid pour devenir amants éternellement maudits.
Ma Bretagne est celle-là, pleine d’ombres et de lumières à la fois, de colères et de joies, de combats et de sagesse. Où que j’aille elle est là, avec ses valeurs d’autrefois, avec ses sourires narquois, son sarcasme sans fin. Elle est en moi.
Revenir, encore et toujours. Au fond de lui, un besoin intense de retrouver ses racines, ses ancêtres, ses valeurs, sa maîtresse. Il a voyagé, découvert tous les pays du monde, des plus froids aux plus brûlants, des plus riches aux plus pauvres. Les peuples l’ont fasciné par leurs cultures si différentes de la sienne et parfois si similaires. Malgré tout cela, c’est plus fort que lui. Il faut qu’il revienne ici, à n’importe quel prix.
Il se demande s’il ne devait pas poser bagages… définitivement. Ses ancêtres, des générations de marins malouins qui l’habitent totalement, lui ont envoyé des marées d’adrénaline, lui ont insufflé la soif du départ sur la mer déchaînée. Jeune et pourtant tellement vieux, il en vient à se demander s’il n’est pas parti trop loin, trop longtemps. Et il est là, tout simplement. Il observe. Inlassablement. Et l’amertume le guette, s’insinue en lui, sa ville n’existe plus.
Où sont passées les épiceries cachées par les remparts ? Que sont devenus les anciens, où sont-ils partis ? L’âme des marins a-t-elle quitté la cité ? Il voudrait que disparaissent les magasins pour touristes et retrouver les visages burinés de ces hommes qui ont fait l’histoire et la culture de Saint-Malo. La cité corsaire était alors un havre de paix, une halte où il faisait bon vivre. On revenait après avoir passé des mois en mer avec l’envie de boire, s’amuser, retrouver ses belles et sa famille. Heureux de fêter le simple.
Il fixe le large du haut de ces remparts qu’il connaît par cœur et éclate de joie intérieurement, en apercevant le Renard rentrer au port. Un Breton ne montre pas ce qu’il ressent, il est aussi fort que le granit, aussi simple et puissant. On peut s’appuyer sur lui, jamais il ne s’écroule. Une brèche peut parfois apparaître dans son cœur, mais il ne la laisse pas détruire ce qu’il est. Le navire s’avance majestueusement, fier et noble. Il profite de la marée montante pour rentrer. Lentement, il replie ses ailes et ne fait plus apparaître qu’un fin squelette gracile. L’homme plisse les yeux, un étrange sourire aux lèvres. L’air du large l’appelle.
Mille souvenirs lui reviennent. Une grand-mère qui promène son petit dans les rues pavées. Le crachin parsème le visage de l’un et de l’autre. Un sourire complice les lie à jamais. Elle a le regard gris anthracite, les mains rugueuses de la femme qui a travaillé toute sa vie, le cœur impénétrable d’avoir perdu un père au large, puis un frère et un mari. La fatalité lui fait présumer le même destin pour son fils. Pas la moindre trace d’amertume en cette femme, juste un calme reposant. Le gamin est tout tendre encore, mais déjà marqué par la difficile vie qui se profile, il apprend à ne rien montrer. On ne pleure pas ici, on se bat.
D’autres vieilles sont là, assises à discuter. Elles les saluent. L’odeur obsédante de la maîtresse de leurs hommes ne semble pas les déranger. Ne fait-elle pas partie intégrante de leur quotidien ? Iodée et forte, elle rappelle à qui le veut qu’elle seule a le pouvoir de rendre ou non ses amants. Elle nargue par sa puissance et sa beauté ces femmes qui prient pour que reviennent les leurs. Son parfum à nul autre pareil marque l’esprit à tout jamais. Le gamin qu’il était alors ne savait pas qu’il aurait besoin de se remémorer cet instant pour se sentir revivre. Loin d’elle, il ne se sent plus rien. Il ferme les yeux de contentement.
Il refuse de perdre son identité, celle de son peuple, Malouin sûrement, Breton peut-être, Français s’il en reste.
Il continue son chemin, descend les remparts pour retrouver la rue sans soif. Son nom n’a plus de sens. Il avait vécu plus d’une cuite avec ses compagnons d’infortune, en tournées qui n’en finissaient plus. Folies de gamins qui voulaient se prouver qu’ils étaient des hommes. Leur voie croisait celle de ceux qui repartaient au large le lendemain. Mais les troquets ont disparu. Inexorablement, ils ont laissé place aux enseignes modernes qui vous promettent du rêve venu de la lointaine Chine.
Les fantômes du passé n’habitent plus les lieux. Ils ont fui avec les anciens, refusant de voir leurs âmes souillées par ce souffle de modernité qui détruit tout sur son passage, lorsqu’il est mal utilisé.
Son regard se porte sur sa fille. Elle n’a guère plus d’un an. Comment lui transmettre les valeurs qu’on lui a inculquées dans ce drôle de monde qui se perd ? Il sourit. La petite semble si fragile et pourtant son caractère s’affirme déjà. Ses yeux gris plongent dans ceux de son père et à son tour, un sourire apparaît sur la frimousse ronde. Quatre minuscules perles d’ivoire apparaissent. L’enfant n’entendra sans doute jamais son père lui dire qu’il l’aime, mais a-t-on besoin d’entendre pour savoir ? Il lui apprendra tous les coins où pêcher, lui racontera l’histoire de la tour Solidor, des bas sablons, lui apprendra à se défendre, à se battre sans concession. Que l’on soit fille ou gars, on se doit de ne jamais se laisser écraser par les autres. Il lui apprendra la fierté et l’honneur.
La petite main s’accroche à son père qui la porte avec douceur et fermeté. On lit la confiance sur le visage rond alors qu’elle pose sa tête sur son épaule. Il la serre tendrement contre lui, la protégeant de ses larges mains. Jamais on ne touchera à son enfant, il sera le gardien de ses rêves et de son avenir.
Oui, l’expatrié lui apprendra à être fière de ce qu’elle est, de ses racines, à ne