Sur le chemin… - Marie T. Carlevaris - E-Book

Sur le chemin… E-Book

Marie T. Carlevaris

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Une psychanalyste accueille les confidences de trois femmes et d’un homme, chacun confronté à des dilemmes de couple. À travers leurs récits, elle offre des conseils, des éclairages et des solutions. Deux d’entre eux se croisent, et ensemble, ils découvrent la voie vers la réconciliation. Mais pour les deux autres, leurs chemins divergent : l’un trouve un chemin de guérison et de croissance, l’autre s’engage dans une spirale négative. Un voyage fascinant au cœur des relations humaines, où l’espoir et la désillusion se croisent.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Marie T. Carlevaris, écrivaine depuis l’adolescence et docteur ès lettres et sciences humaines, poursuit un triple cursus en sciences politiques, sociologie et coaching en développement personnel. Dans cet ouvrage, elle explore avec finesse les défis des couples établis, en particulier la lassitude qui érode lentement l’amour originel.

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Seitenzahl: 211

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Marie T. Carlevaris

Sur le chemin…

Femmes et hommes à la recherche de l’amour

Roman

© Lys Bleu Éditions – Marie T. Carlevaris

ISBN : 979-10-422-6449-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Villa Montmorency

Gil GAJEAN

Villa Montmorency

De la même auteure

– Trahison et changement, ESA éditions, 2015 ;

– Lois de la vie, lois de l’esprit, essai, Société des Écrivains, 2015 ;

– Le kaléidoscope de la vie, récit, Société des Écrivains, 2016 ;

– Moi, L., pilote et dépressif, Société des Écrivains, 2015 ;

– La Fillette au bois de l’ogre, Société des Écrivains, 2015 ;

– Les histoires d’Hélène, jeunesse, Société des Écrivains, 2016

– Les choix, Editions Book Envol, 2025 ;

– Stop au mariage, 9Editions 2025 ;

– Chimères, Edilivre, 2025 ;

– Ombres et lumières, Maya Editions, 2025.

Introduction

Le fil conducteur de l’intrigue est l’histoire de quatre individus jeunes qui ont des difficultés en couple et cherchent à les résoudre en s’adressant à une psychopraticienne. Chacune des quatre histoires se termine différemment : trois d’entre elles de manière heureuse et une quatrième de manière fort ambiguë. La recherche de l’âme sœur est un parcours difficile, comme l’est l’entretien de la relation de couple dans le temps. Le contexte est le cabinet de la psychologue où ces personnes se confient. Des rebondissements interviennent chez chacun, entretenant un suspense jusqu’à la résolution.

La difficulté de la vie de couple dans le temps est l’un des sujets principaux. L’est aussi celui de la recherche d’une âme sœur, de l’espoir qu’une relation puisse durer et demeurer honnête.

Roman psychologique, réaliste.

I

Anne

Belle, élégante, soignée comme à son habitude, Anne était entrée dans le cabinet de Sophie d’un pas rapide, le teint d’une pâleur qui trahissait ses tourments. Qu’est-ce qui pouvait bien amener cette jeune femme, toujours impeccable et réservée, à consulter en urgence ? Dès que Sophie l’accueillit et referma la porte, Anne éclata en sanglots, sa silhouette frémissant sous la lumière tamisée de la pièce.

— Qu’est-ce qu’il vous arrive, Anne ? demanda Sophie, la voix douce.

Anne essuya ses larmes d’un geste tremblant avant de répondre d’une voix étouffée, chargée d’épuisement :

— Oh, je n’en peux plus. Je ne sais plus quoi faire…

Sophie la guida vers le canapé en velours bordeaux, invitant à la confidence. Anne ôta soigneusement son manteau en cachemire écru Chanel, défit le foulard Hermès noué à son cou et posa son sac Kelly couleur sable près du divan, le geste automatique, comme une danse élégante apprise par cœur. Elle s’assit en biais, un mouchoir à la main, face à Sophie, essayant de contenir son émotion.

— Maintenant, je dors sur le canapé, murmura-t-elle. Il m’a dit que ça vaudrait mieux… Je ne ferme pas l’œil. J’ai commencé à boire une bouteille de cidre bien corsé le soir, juste pour m’anesthésier et réussir à dormir un peu. J’en ai honte. Mais sinon je ne dors pas.

Sophie l’observa avec un mélange de compassion et d’incrédulité. Sous le maquillage soigneusement appliqué, les cernes de fatigue se dessinaient malgré tout.

— Pourtant, vous avez l’air en forme, belle comme tout ! tenta Sophie, espérant la faire sourire.

— Oh, le maquillage… soupira Anne, esquissant un sourire las. Ce n’est qu’une façade. Il y a des jours où je me sens si vide.

Sophie hocha la tête, consciente que cette beauté soignée et cette élégance cachaient un gouffre intérieur. Depuis leur dernier rendez-vous, Anne lui avait confié le drame intime qui la rongeait : son compagnon, professeur estimé à Sciences Po, se réfugiait de plus en plus souvent dans la salle de bains, absorbé par des vidéos pornographiques. Ce comportement avait pris des proportions qu’Anne n’arrivait plus à ignorer. Elle en avait honte, se sentait trahie et incomprise.

— Anne, ça ne dure pas d’aujourd’hui cette mésentente silencieuse. Ne croyez-vous pas que vous devriez enfin trouver une solution ?

— J’essaie tout pour le séduire, soupira-t-elle. Je me mets en belle lingerie, je veux qu’il me voie, qu’il me remarque… mais rien n’y fait. Il semble aveugle à tout.

— C’est étrange, en effet, murmura Sophie, songeuse. Vous êtes une femme magnifique, élégante… Que peut-il bien chercher ailleurs ? Vous voyez, quand j’évoque une solution, j’entends une solution pour vous, pour sortir de cette situation, pour vous séparer, si vous n’osez pas lui parler ou si vous le croyez inutile.

Sophie se surprit à la juger, en silence, se demandant si Anne et son compagnon avaient vraiment des points communs. Au-delà de sa beauté, Anne semblait manquer de profondeur. Elle avait beau être irréprochable dans son apparence, Sophie sentait un vide intellectuel, une sorte de platitude.

— Peut-être a-t-il besoin de changement… avec le temps, l’habitude finit par user un couple, non ? suggéra Anne, les épaules affaissées.

— Vous êtes ensemble depuis presque trois ans, n’est-ce pas ?

— Oui, bientôt trois ans, répondit Anne, les yeux baissés.

Sophie se dit que c’était la durée de la passion, de l’infatuation…

Elle vivait avec lui dans un appartement qu’il avait acheté avec l’aide de ses parents. Ceux-ci, très conservateurs, la regardaient de haut. Ils la jugeaient indigne de leur fils, pas à la hauteur intellectuellement, malgré ses manières impeccables. L’indifférence glaciale de ses beaux-parents la hantait. Un simple incident au dîner – elle avait coupé une croûte de fromage un peu large – avait suffi à susciter une remarque acide de sa belle-mère : « Oh, on a des habitudes de riches, on dirait… » Les commentaires méprisants et l’arrogance passive avaient fini par l’affecter profondément.

Anne raconta comment elle s’était souvent sentie dévalorisée. Lorsqu’il s’agissait de parler des articles que son compagnon publiait, elle n’osait même plus essayer de les lire. Elle ne comprenait que les titres, n’ayant pas le bagage pour suivre les discussions intellectuelles qui passionnaient son compagnon et ses parents.

Anne avait eu un parcours difficile. Élevée seule par sa mère, elle avait arrêté ses études après le bac et travaillé comme vendeuse dans des boutiques de luxe, où elle avait appris à cultiver son apparence pour compenser ses insécurités. Sa mère, vieillissante et solitaire, vivait dans un modeste appartement du 18e arrondissement, se sentant persécutée, convaincue que quelqu’un entrait chez elle. Ces illusions inquiétaient Anne, mais elle n’avait plus le courage d’y faire face.

— Dans ces conditions, pourquoi ne pas envisager de tourner la page ? insista Sophie.

Anne secoua la tête.

— Je ne peux pas, murmura-t-elle. Je l’aime, malgré tout. Et puis, j’ai peur de me tromper, de choisir encore quelqu’un qui me décevra.

— Que vous l’aimiez ne suffit pas. Faut-il encore que lui vous aime… dit Sophie.

Elle soupira, consciente que cette peur de l’abandon enfermait Anne dans une relation sans avenir. C’était une femme qui avait tout pour être aimée et désirée, mais qui restait attachée à un homme qui ne la voyait plus. Paradoxalement, Anne reconnaissait que, sur le plan intellectuel, elle n’était pas son égale.

— Mais au début, il savait bien qui vous étiez, n’est-ce pas ? Et pourtant, vous lui avez plu. Ce qui se passe c’est que le temps exerce une corrosion et les défauts des deux apparaissent… dit Sophie.

— Oui, je sais qu’avec le temps, on se lasse… Ses parents le découragent par rapport à moi, en lui rappelant mes lacunes, ma famille… Et puis, ma mère dans cet état, c’est difficile. Je me sens piégée entre eux tous.

— Et s’il était possible de parler calmement avec lui ? Comme trouver une solution équitable de séparation… ou savoir ce qui pourrait améliorer sa perception de vous ?

Anne baissa les yeux.

— Je n’ose pas. Il est distant. Je lui prépare le dîner, il mange et retourne seul dans la chambre. J’ai peur de sa réponse, peur qu’il me demande de partir. Et où irais-je ? Pas chez ma mère, c’est impossible. Ma mère n’a pas toute sa tête, elle habite un appartement modeste dans un quartier que je déteste. Je ne peux pas. Et puis elle serait toujours sur moi, comme une sangsue.

Elle était en formation pour devenir orthodontiste, un projet qui lui tenait à cœur et lui permettrait enfin de prendre son indépendance, mais pour l’instant, elle devait survivre, entre concessions et sacrifices. Elle suspectait même son compagnon de la tromper, ayant surpris des échanges équivoques avec une collègue. La jalousie se mêlait à la résignation, et chaque soir, elle trouvait dans l’alcool un semblant de soulagement.

Sophie l’écoutait, sentant qu’Anne s’enfonçait un peu plus à chaque mot. Elle était belle, sophistiquée, mais terriblement vulnérable. Sa fragilité et son manque d’assurance détonnaient avec son allure élégante et soignée. Elle n’osait rien, ne se rebellait jamais, acceptant en silence chaque affront. Qu’aurait-elle pu lui conseiller ou faire pour elle ? Lui donner la force d’être plus assertive… de chercher sur les réseaux une autre relation : oui, cette solution lui semblait la seule. Elle le lui dit, avec un accueil mitigé d’Anne.

En fin de séance, Sophie ressentit une vague d’affection pour Anne, malgré la frustration de son impuissance face à cette inertie. Elle aurait aimé l’aider davantage, la protéger, mais savait que ce ne serait pas possible. Le poids des apparences et le vide intérieur d’Anne rendaient cette amitié impossible à imaginer.

Anne se leva pour partir, ajustant machinalement son foulard. Sa beauté, sa grâce, ce masque élégant qui la définissait cachaient un désarroi profond, un vide que Sophie elle-même ne pouvait combler. La porte se referma sur elle, et Sophie resta un instant immobile, pensive, sentant l’étrange mélancolie que cette femme lui avait laissée.

Elle continua à penser à Anne, à comment la sortir de son bourbier.

Elle demeura assise au canapé, admirant les plantes qui décoraient son bel appartement haussmannien, sa cheminée en marbre blanc avec son énorme glace dans un cadre doré travaillé à l’ancienne qu’elle avait fait restaurer. Les bruits de la circulation ne la dérangeaient pas : c’était de la vie. Ils étaient fort bien atténués par les épais doubles vitrages et les doubles rideaux en velours bordeaux, tenus par des cordons à pompon des deux côtés.

Son bureau style Louis XV trônait dans un angle de la pièce devant deux armoires vitrées contenant des livres et de l’argenterie. Ses tableaux, qu’elle avait peints, aux deux côtés de la cheminée, l’apaisaient par leur couleur chaude de coucher de soleil. Elle se sentait une privilégiée par rapport à bien d’autres, mais elle avait beaucoup trimé avant d’arriver à se bâtir une solide situation.

Elle alla dans la cuisine se préparer un thé. De ce côté-là de l’appartement, il y avait la cour de l’immeuble, qui était très calme. C’est là-dessus que donnait aussi sa chambre personnelle, où elle pouvait dormir avec les fenêtres ouvertes derrière les rideaux. Aux étages inférieurs il y avait un cabinet d’ophtalmologues, un cardiologue puis au-dessus une gynécologue et plus haut un pilote d’Air France. C’était un bon immeuble, calme, bien tenu par la gardienne, bien habité. Sur la façade quatre plaques en laiton indiquaient les spécialités de chacun.

L’immeuble donnait sur la place Alésia, face à l’Église, un rond-point très passant où se croisaient cinq grandes rues et avenues. Son appartement était au quatrième étage, idéal pour dominer l’ensemble de la vue par les grandes fenêtres : trois au salon et bureau communiquant et une à la salle de bain attenante au bureau, dont la porte restait ouverte quand il n’y avait personne au cabinet. Il était inondé de lumière, tamisée par les voilages blancs et les doubles rideaux.

Elle sortit de la cuisine pour répondre à son téléphone, resté sur la table basse face au canapé : c’était Céline.

II

Céline

— Bonsoir. Vous allez bien ? Elle attendit et continua : je peux venir dormir chez vous ce soir ?

— Eh… Oui, pas de problème, qu’est-ce qui vous arrive ? Elle était habituée aux montagnes russes conjugales de Céline. En parlant, elle enlevait un fil blanc de son épais tapis rouge à motifs face au canapé, puis elle ajustait les branches de la plante posée sur la table basse.

Céline éclata en sanglots au téléphone, se moucha fort et dit :

— Il est sou, il veut me tuer !

— Eh bien… de pire en pire… Venez, venez, aucun souci ! – Sophie soupira hochant la tête.

Encore une âme à sauver du naufrage. Est-ce qu’elle les attirait ou était-ce là son métier, d’avoir seulement des clients à problèmes ? Elle était psychopraticienne et sophrologue, installée là depuis trois – quatre ans après avoir quitté le 34 rue des Écoles à Paris 5e où elle gérait son entreprise d’immobilier et marchand de biens « Panthéon Investissements ».

Ça avait marché tellement bien que le fisc lui avait ôté toute envie de continuer : les impôts à payer étaient trop lourds par rapport au travail qu’elle fournissait et elle avait décidé de fermer la société, de garder quelques appartements comme rente locative et d’ouvrir le cabinet à cet endroit central où l’appartement se prêtait à la profession. Pluridiplômée, elle pouvait exercer plusieurs fonctions, et c’était ce qui lui plaisait : changer, essayer du nouveau, découvrir de nouvelles professions.

La relation avec les gens était toujours au cœur de son métier : comprendre ce que veut un acheteur d’appartement et ce que demande un patient en psychologie, à des points communs.

Elle était sécurisante pour les gens : des acheteurs lui avaient avoué que sans son intervention ils n’auraient pas osé acheter tel ou tel logement. C’était son côté psychologue et fort, rassurant. Il est vrai que même pour elle-même elle osait tout, avec bon sens, mais sans craintes superflues. C’était un sentiment communicatif et les gens avaient tendance à s’appuyer à elle, même à s’y agripper, parfois, en psychologie.

Elle savait que Céline aurait tardé, car elle habitait loin : elle se mit à son bureau pour voir son agenda de rendez-vous, feuilleter des livres de sa profession, en buvant de petites gorgées de thé vert chinois. Il devait être 15 heures en ce mois de septembre… Il faisait beau, mais elle avait rarement envie de sortir se promener sans un but précis.

Elle était si bien chez elle et les bruits de la circulation intense à l’extérieur étaient assourdissants. Il y avait bien un jardin au calme, mais trop loin ou, si plus proche, trop petit et fréquenté. Elle avait vendu sa maison de campagne au bout d’un an : elle avait découvert préférer la ville, vivante. À la campagne elle sentait un vide qui l’angoissait. Il est vrai que depuis la fin de ses études elle avait toujours vécu à Paris, dans des zones assez centrales. Décidément, elle n’aimait ni la campagne ni les vacances : elle préférait l’activité satisfaisante autonome, et tel était le cas.

Céline était jeune, elle avait 22 ans, mais elle était mariée à un salaud de 9 ans de plus qui n’arrêtait pas de boire et de la maltraiter. Elle était loin de sa famille. Elle n’avait personne. Sa mère s’était installée à Rome avec un type inconnu. Sa petite sœur de 17 ans travaillait à mi-temps chez McDonald et logeait chez elle. Elle ne faisait rien, à part naviguer sur son ordinateur, sur les réseaux sociaux.

Son père était chauffeur routier de temps en temps dans un autre pays. Elle avait une grande sœur schizophrène qui était en hôpital psychiatrique et maintenant habitait avec leur grand-mère, dont personne ne s’occupait : les deux s’adressaient à elle pour recevoir un peu d’argent, qu’elle leur envoyait, à l’insu de son mari qui en aurait été furieux. Elle gardait des enfants à plein temps dans une famille aisée.

À 16 ans elle avait été violée. Elle avait une maladie du foie et une santé fragile, mais était très jolie, s’habillait avec goût, élégance, parfois excentricité et sensualité, ce qui attirait beaucoup de regards. Elle faisait des achats compulsifs sur internet, de vêtements et chaussures qu’elle ne mettait pas, dont elle avait des quantités astronomiques. Elle dépensait au-delà du raisonnable par cette addiction.

Malgré un simple bac, elle était loin d’être bête : très philosophe et psychologue, elle comprenait vite et tenait des conversations intéressantes. Brune, mince, les cheveux longs, quand elle se faisait un chignon et mettait un tailleur, elle faisait très chic et da-dame. Comme elle était petite, elle portait de hauts talons et des escarpins bien faits, qui la mettaient en valeur.

Elle habitait très loin, en grande banlieue parisienne, où elle avait pu louer un trois-pièces correspondant à leurs salaires. Mais il lui fallait une heure pour venir à Paris. C’est donc une heure plus tard qu’elle arriva chez Sophie avec une valisette, en gin, baskets et blouson. Elle avait eu le temps de se calmer, surtout se sentant aidée et appuyée par Sophie. Elles s’embrassèrent en souriant.

Le grand appartement de Sophie avait deux chambres spacieuses, en plus du double séjour et bureau. Céline l’avait aidée à le meubler, quand elle avait eu du temps libre. Elles s’aimaient bien. Pour Céline, elle était une mère-amie. Elles s’entraidaient. C’est pourquoi sa propre fille, Éléonore, de 24 ans, était très jalouse : elle ne la saluait même pas quand elle la rencontrait. Éléonore était jalouse de toutes celles et ceux qui approchaient de trop près sa mère, tout en se tenant éloignée d’elle… lui préférant ses amies et ses sorties nombreuses.

L’appartement donnait sur la grande place vivante, entourée de terrasses de bar et restaurants, de boutiques et d’un grand cinéma à plusieurs salles.

— On sort ou on reste ici ? demanda Sophie l’air bienveillant, calme.

— On est bien là, après on verra… Céline s’était calmée.

— Alors, raconte… Sophie était impatiente d’en savoir plus.

— C’est de pire en pire. Il m’a dit de m’en aller, ou il me tue. Je l’ai rassuré : je m’en vais.

— Tu me raconteras tout ça tranquillement. Va t’allonger au lit, prends un calmant et relaxe-toi.

— J’en ai, merci, j’en ai déjà pris un sinon j’aurais tout cassé. Je vais me reposer. Elle avait toujours une boîte de Xanax sur elle.

Elle conduisit Céline dans la chambre d’amis, pour qu’elle s’allonge, les doubles rideaux fermés. Sophie lui demanda de raconter, tout en restant au lit, relaxée.

— Il m’a pris par la gorge devant la fenêtre ouverte et il m’a dit qu’il me jetterait…

— Qu’est-ce qui s’était passé avant ?

— Comme d’habitude : je lui ai dit que j’en avais marre de faire sa femme de ménage, qu’il buvait trop, qu’il salissait la maison et mettait du désordre… J’étais énervée, quoi… et ma sœur qui s’enferme dans sa chambre face au PC et ne fout rien. Il invite des amis dégueulasses qui squattent le canapé, le salon sent mauvais… ils boivent et ils y dorment… ! ça pue le tabac froid et les chaussettes sale : c’est dégoûtant.

— Comme d’habitude, quoi… ? répondit Sophie en soupirant. Il serait temps de vous prendre un studio pour vous seule…

— Oui et avec quel argent, quelles garanties ? soupira Céline.

Sophie réfléchit. – Je peux vous aider… et puis vous et votre sœur travaillez, vous avez des fiches de paie…

Elle craignait de s’avancer trop, car elle n’avait pas confiance dans la capacité de Céline à gérer son budget pour faire face à ses engagements. Elle dépensait trop en vêtements et accessoires. Elle ajouta alors :

— Mais il faut arrêter de faire des achats inutiles sur internet et tenir vos engagements financiers : déjà vous êtes mal avec votre propriétaire, vous avez deux mois de retard et vous êtes trois à rapporter du salaire…

— Mais oui, je ferai attention ! c’est une façon de me défouler, de faire des achats, mais si je suis chez moi, au calme, j’arrête !

Sophie n’y croyait pas. Mais comment la laisser dans cette situation qui durait depuis des mois ?

L’interphone retentit. Sophie alla décrocher :

— Qui est là ?

— Je suis la sœur de Céline. Est-ce qu’elle est là ?

— Bonjour. Oui, venez. Elle appuya sur la molette qui ouvrait la porte de l’immeuble et laissa sa porte entrouverte pour qu’elle puisse entrer.

Dans le pas de porte, elle lui demanda si le mari connaissait son adresse et elle répondit négativement. De toute façon il n’aurait pas osé venir chez elle.

Les deux sœurs se firent face sans un mot, dans la chambre. La petite sœur restait debout, face à Céline, impassible.

— Qu’est-ce que tu veux ? lui demanda Céline, la voix dure, presque agressive.

— Bah, je voudrais savoir ce qu’on fait, où on va… répondit platement la petite sœur, sans montrer aucune émotion. Sophie ne la comprenait pas : elle n’était pas « lisible ». Elle était inexpressive, comme si tout lui était égal. Irritée elle lui lança :

— Débrouille-toi, pour une fois. J’en ai marre de prendre en charge tout le monde !

— Il m’a dit d’aller te chercher… pour faire à dîner, annonça simplement la sœur.

Céline rit sarcastique. Sa sœur demeurait apathique. Elle avait annoncé ça comme dire : il y a un livre sur la table. Sans aucune coloration dans la voix ni expression dans le regard. Sophie la regardait avec curiosité, sans la comprendre.

— Sans blague ! Va, va lui faire à dîner si tu veux. Je ne suis pas votre bonne.

La petite sœur n’avait que 17 ans, menue, pâle, elle en faisait moins.

— Écoute, reste, si tu veux. Il se fait tard. On verra ça demain, dit Sophie. Le lit est grand. Dors avec ta sœur. Céline va se calmer, eh, Céline ?

Sophie n’avait pas de sympathie pour la jeune fille qu’elle n’arrivait pas à cerner. Elle parlait peu, ne se soignant pas, elle était fermée et distante. Mais la situation était délicate. Elle savait qu’elle ne faisait rien à la maison, même pas sa chambre. Elle fumait beaucoup et passait des heures devant l’écran. Était-elle jalouse de sa sœur ? Elle n’allait pas à l’école, elle s’était arrêtée au brevet du collège. Elle n’avait aucune ambition, aucune direction. Elle était désenchantée, apathique, quasi mutique.

Le portable de Céline n’arrêtait pas de sonner, mais était en silencieux. C’était son mari. Puis ce fut le tour de celui de sa sœur, aussi en silencieux. Elles décidèrent d’éteindre.

— Pourvu qu’il ne vous localise pas et il ne vienne nous déranger ! dit Sophie préoccupée. Écoutez : demain il va travailler, n’est-ce pas ? Vous rentrez prendre les affaires nécessaires et vous venez chez moi quelques jours en attendant qu’un studio se libère à la fin du mois et je vous loge. Mais vous irez travailler, parce qu’il faut subvenir à vous besoins, d’accord ? Et pas de folies sur ordinateur, compris ?

Céline lui sauta au cou pour l’embrasser, tandis que sa sœur restait indifférente.

— Oh merci, merci, vous me sauvez la vie ! dit Céline. La sœur se taisait.

— Il ne doit pas savoir où vous logez, d’accord ? Ne le dites pas aux connaissances et amis communs. Dites que vous êtes hébergées chez une dame où vous faites le ménage, dans une chambre de bonne…

— Oui, bien sûr !

— Mais il connaît le MacDonald où je travaille, dit la sœur.

— Demande une mutation sur un autre lieu, pour de graves raisons familiales, suggéra Sophie, ou au pire on le dénonce à la police pour harcèlement pour qu’ils prennent des mesures d’éloignement, compris ? Toi, Céline tu fais pareil, mais il n’osera pas venir à ton travail… En tout cas vous portez plainte, qu’il sache à quoi s’en tenir s’il fait des menaces de nouveau.

Sophie aurait pu prendre Céline chez elle comme gouvernante, mais elle craignait que leur amitié soit une interférence, car elle n’aurait pas pu lui commander et être amie. Elle connaissait ses défauts et n’aurait pas voulu se trouver dans une situation délicate. Elle s’endormait très tard, fumait à l’intérieur, ce que Sophie ne supportait pas, se levait tard, était lente…

Pour garder les enfants, ce qu’elle faisait, c’était passable, mais pour l’exigence de Sophie, ça ne pouvait pas aller. Par ailleurs, elle craignait d’être envahie : elle avait besoin de solitude, de silence, pour son travail, pour réfléchir ; il n’était pas question de passer son temps dans des amitiés d’adolescente.

Après un dîner de pizzas, elles se retirèrent toutes : Sophie pensait aux mésaventures des femmes avec les hommes, dont elle était confidente et support. Anne, Céline, combien d’autres ? En valait-il la peine ? Décidément non. Depuis 8 ans elle vivait seule après avoir subi des problèmes graves avec le père de ses deux enfants. Elle était calme, heureuse comme ça, bien que souffrant parfois de solitude à cause de l’éloignement de ses enfants. Mais les hommes, non, décidément, non, elle n’en voulait plus. Et pourtant, si ses enfants l’abandonnaient, allait-elle finir ses jours seule ? Si elle avait des problèmes de santé, qui l’aurait aidée ?

Céline était volubile, on ne pouvait pas lui faire confiance, pas totalement. Quelque chose en elle lui échappait. Prenait-elle des psychotropes ? Oui, du Xanax, mais seulement ? Son comportement était changeant… Elle pouvait promettre de bonne foi et ne pas tenir ses promesses ensuite. Elle était toujours en retard… Enfin, son comportement aurait pu finir par lasser et contrarier Sophie à la longue s’il devenait durable à temps complet. Mieux valait éviter et rester bonnes amies.