The price of us - Partie 2 - Emilie Bordeaux - E-Book

The price of us - Partie 2 E-Book

Emilie Bordeaux

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Beschreibung

Holly et Cesare pensaient avoir gagné leur combat. Mais est-ce vraiment une victoire ?

Après les tempêtes du premier volet, les voilà réunis. Pourtant, le silence s’installe là où brûlait autrefois la passion. À quoi bon continuer de s’accrocher à des sentiments qui ne semblent plus partagés.

Les non-dits s’accumulent. Les doutes s’insinuent.

Entre passé douloureux et présent incertain, cette seconde partie les confronte à la plus grande des vérités : s’aimer ne signifie pas se posséder ; se retrouver ne garantit pas de rester ensemble.

À PROPOS DE L'AUTRICE 



Émilie Bordeaux est une auteure passionnée dont l'imagination débordante la pousse à écrire depuis son adolescence. Grande lectrice, elle considère que l'écriture est un art qui s'affine avec la persévérance. Après un baccalauréat Littéraire, c'est par la lecture et la pratique qu'elle a affûté sa plume. Depuis cinq ans, elle évolue également dans le monde du cinéma, un univers qui nourrit sa créativité. Elle a déjà écrit trois manuscrits. "The Price of Us" est le premier publié.







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Seitenzahl: 292

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture par Scarlett Ecoffet

Maquette intérieure par Scarlett Ecoffet et Emilie Diaz

Correction par Emilie Diaz

© 2025 Imaginary Edge Éditions

© 2025 Emilie Bordeaux

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou production intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

ISBN : 9782385721541

Chapitre 1Cesare

____________________________________

 

Holly était assise sur mon bureau comme à son habitude, je l’observai à la dérobée.

Dieu que j’aimai l’avoir à mes côtés.

J’étais moins concentré, mais plus productif, parce que j’avais hâte de rentrer pour lui faire à manger et la dévorer du regard dans mon appartement. La voir investir mon salon était toujours un coup au cœur, car c’était si simple de l’imaginer m’appartenir alors qu’en réalité, j’étais à des années-lumière de l’attraper. J’espionnai ses beaux cheveux roux hérités du meilleur de ses origines et elle me fit ainsi penser à un renard. Adorable, intelligent, magnifique, mais inapprochable et sauvage.

— Ta lèvre a un problème ?

— Non, pourquoi ?

— Alors pourquoi tu souris ?

Sauvage, oui.

— On rentre, lançai-je d’un ton sec.

Encore légèrement tendu par la vision d’elle en compagnie d’Edward prendre cette voix ne me demandait aucun effort. Je la vis s’exécuter avec un frisson et le rictus sur mon visage réapparut. J’avais remarqué plusieurs fois qu’elle m’obéissait de plus en plus et avec plaisir. Chose impensable, il y a une semaine ou deux.

Après avoir cuisiné puis dégusté en son énervante compagnie des cannellonis, nous avions collaboré afin d’en finir avec cette histoire. Quelques heures plus tard, elle se tenait assise à côté de moi sur le plan de travail de nouveau. Je ne savais pas ce qui attirait autant ses fesses, mais elle ne semblait pas pouvoir s’empêcher de monter partout. Nous avions tous les deux besoin d’une pause ainsi, à l’heure où les honnêtes gens dorment, je nettoyai la vaisselle pendant qu’elle naviguait sur son écran. Du coin de l’œil, je la voyais inspirer plusieurs fois comme si elle allait parler puis se raviser. Je me décalai de façon à me mettre de trois quarts et me séchai les mains sans la quitter du regard. C’était indécent la façon qu’elle avait toujours de lorgner sur mes bras… je ne lui faisais jamais remarquer, car j’étais bien incapable de résister à ses yeux émeraude.

— Bon, c’est quoi le problème ? T’es à découvert ? Si ce n’est que ça, je connais un excellent comptable qui peut t’aider !

Si près d’elle, j’appréciais d’entendre son rire, de sentir sa chaleur près de moi tandis que mon regard était irrésistiblement attiré par son écran de téléphone. Je la vis donc quitter le site de sa banque pour une autre fenêtre dans les paramètres.

Je pourrais faire ça toute ma vie.

— Non en fait… Je souhaitais te demander quelque chose, mais c’est délicat.

— Dit toujours.

Les sourcils froncés, je sentais l’inquiétude dans le timbre de sa voix et je n’aimai pas ça.

— Tu es le seul au courant dans mon entourage pour mon boulot et je me demandais si tu voudrais être ma personne de confiance, là-dessus.

Elle agita son téléphone sous mon nez et je ne lui dis pas à quel point le choix de ses mots résonna comme une berceuse à mon oreille.

— En quoi consiste le poste ?

Elle se dandina de joie et attrapa mon avant-bras pour m’attirer entre ses jambes. Dos à elle, elle passa ses bras sous les miens pour que je puisse mieux voir son écran.

— À être la personne à contacter en cas d’urgence et surtout s’il m’arrive quoi que ce soit, je partagerai ma localisation avec toi. Si un jour, je ne réponds pas, que tu as le moindre motif d’être inquiet, regarde où je me trouve. C’est aussi simple que ça. Je serai prête à avaler mon téléphone pour ne pas finir seule six pieds sous terre.

L’idée qu’elle se prostitue n’était déjà pas facile à admettre, mais l’entendre me parler de meurtre était inconcevable. Pourtant, elle avait tout à fait raison. Vendre son corps, peu importe, le prix faisait d’elle une cible privilégiée pour les malades qu’elle rencontrait trop souvent.

— Maintenant il faut qu’on s’embrasse !

— Pourquoi ? ris-je.

— Pour sceller notre pacte, affirma-t-elle avec enthousiasme.

Je me retournai et l’entourai. D’humeur taquine, je m’amusai de son impatience et reculai ma tête dès qu’elle essayait de poser ses lèvres sur les miennes.

— Bon, tu veux être ma personne de confiance ou pas ? s’agaça-t-elle.

J’espère être bien plus que ça, amore, mais je ne sais pas si c’est ce que tu désires aussi et je joue un jeu dangereux, pensai-je.

Après avoir fini la vaisselle, nous sommes retournés dans le salon pour reprendre notre boulot. Elle s’installa sur le canapé puis se lova contre moi et je me délectai de la sensation de l’avoir au creux de mon corps.

— Qui était ta dernière personne de confiance ? lui demandai-je.

— Gyllian.

Je soupirai et elle releva des yeux surpris comme si ma réaction l’étonnait. Je lui tendis alors mon petit doigt et elle y accrocha le sien sans même savoir ce que j’allais dire.

— Je te promets que peu importe ce qui se passe dans nos vies, je resterai pour toujours ta personne de confiance.

 

_____________

 

Son téléphone posé sur la table basse semblait m’inciter à faire plus. À faire mieux. Facile pour à dire venant du gardien de sa vie. Toutes les réponses devaient s’y trouver. Ne serait-ce que jeter un coup d’œil à ses contacts m’auraient déjà été d’une grande aide, car elle demeurait un mystère pour moi. Sa seule potentielle amie que je lui connaissais était Carmen, mais je n’avais pas son numéro et l’agence ne me le donnerait pas comme ça. Je dégainai mon portable parce que ça se tentait. Oui, j’étais désespéré, à ce point.

Après quelques sonneries, la standardiste me répondit :

— J’aimerais le téléphone d’une certaine Carmen qui travaille chez vous. Mérida me l’a conseillé et j’apprécierais de prendre contact avec elle.

— Ça ne se passe pas vraiment comme ça, Monsieur Kent, mais de toute manière même si je le voulais, Carmen est en vacances, je suis navrée. Elle ne nous a pas dit sa date de retour cependant nous pouvons vous tenir au courant ?

— Non merci, ça ira.

Je raccrochai en soufflant.

Pourquoi personne n’est joignable aujourd’hui, ils se sont tous donné le mot ?

J’essayai de me remémorer les dernières soirées mondaines que j’avais faites. Aucune fille ne me semblait sortir du lot et franchement je ne pouvais pas faire grand-chose avec un simple prénom et une nationalité. Si l’accent français se remarquait autant que l’accent italien, je n’avais pas eu l’occasion de l’entendre. Et puis travaillait-elle avec les mêmes personnes que Holly ? Je me rendais compte avec frustration que je ne connaissais pas les règles de ce milieu et j’en pestais. La seule piste sérieuse qu’il me restait était ses frères, alors je pris un taxi pour rentrer chez moi et attendre des nouvelles devant les informations.

J’avais peu d’espoir qu’elle pousse la porte d’entrée. J’espérai qu’elle le fasse, si elle était en danger. Je lui avais promis de demeurer sa personne de confiance. Nerveux, je me levai pour me servir un café et rallumer la télé.

La journée allait être longue. Ristretto.

Les informations n’avaient pas changé depuis ce matin. Le portrait-robot de la jeune fille fait par les employés sur place était en cours d’élaboration, mais ne serait dévoilé que le lendemain. Je bus ma tasse cul sec et me positionnai derrière mon sofa, les deux poings enfonçaient dans les coussins du dossier. Je voulais me bouger, faire plus. La vérité était simple : j’avais l’espoir, même infime, qu’elle passe cette porte. J’y avais pensé toute la matinée. Et si elle était venue pendant que je n’étais pas là ?

L’émission prit soudain une tournure de débat sur l’existence depuis la nuit des temps des travailleuses du sexe. Selon certains, il fallait plus réglementer au point de les supprimer quant à d’autres, ils certifiaient qu’elles contenaient certaines déviances loin de la société. C’est ce que m’avait dit Holly un soir, que je n’imaginais pas tout ce qu’on pouvait lui demander et à quel point certains humains pouvaient être tordus.

— Il y a tellement de jeunes filles qui tombent dans la décadence. Il n’y a qu’à voir les boîtes de striptease qui fleurissent comme des moisissures dans le paysage urbain.

Une intervenante représentante d’une association protégeant les travailleuses de la nuit regarda le chroniqueur avec un petit sourire, que je connaissais bien. Cette moue, Holly la faisait quand sa répartie lui brûlait les lèvres avant de vous cramer sur place sans préchauffage. Je me régalai d’avance de la réponse qu’elle allait offrir à ce répugnant journaliste, qui n’en était même pas un en substance, mais imaginait dominer la conversation.

— Ahah ! lâcha-t-elle et se reprit. Pardon. C’est sorti tout seul ! Mais vous savez ce qui me fait rire ? C’est qu’un type dans votre genre pense maîtriser ce que c’est d’être pauvre. Attention, je ne le prétends pas non plus, car je ne l’ai jamais été, mais au moins je ne juge pas de mon piédestal, voyez-vous ? J’essaie réellement d’aider sur le terrain auprès de ses femmes et de ses hommes. Pour en parler, c’est que vous y êtes allé récemment, n’est-ce pas ? Vous leur avez donné un petit billet avec la sensation d’avoir fait la charité, je me trompe ? Je connais des stripteaseuses et vous savez ce que l’une d’entre elles m’a avoué ? Le meilleur soir qu’elle ait fait, elle a ramené chez elle dix mille trois cent soixante-douze dollars. La boîte dans laquelle elle travaillait ne propose pas de show privé, donc on parle uniquement de scène devant le public. Vous payez combien votre assistante personnelle, vous ? Vous êtes payés combien par mois ? Alors vous m’excuserez, mais je comprends que pour vivre une vie à peu près descente sur New York on ait besoin de passer par ce genre d’établissement. Et puis pourquoi pas ? Quel est le mal à choisir de prendre l’argent là où il se trouve ? La dignité est une question de point de vue, elle est là où on la place. Ce midi, la dignité et le respect ne siègent pas avec nous à table.

Le chroniqueur du jour, pseudo-expert, journaliste autoproclamé, jeta un coup d’œil au présentateur, outré comme s’il devait la sermonner pour ne pas avoir été à son rôle de gentille militante. Probablement à la recherche de soutien virile, aussi.

La faiblesse masculine.

— Ne me regardez pas comme ça ! J’aurais été une fille un peu mignonne, je n’aurais pas fini présentateur, c’est clair. Déjà parce que des gars comme vous ne m’aurez pas fait confiance pour le poste et de deux parce qu’au lieu de me faire chier 24/7 avec des emmerdes qui me suivent comme si j’étais « Maman Canard », j’aurais bossé quatre soirs par semaine. Pour combien, rapide calcul ? On va dire, je ne suis pas prétentieux que je me fais environ deux mille dollars par soir parce que je donne tout, mais je ne suis pas la plus belle non plus. Je finis le mois à plus trente-deux mille dollars sur mon compte. Pas besoin de pratiquer de sport ou à peine parce que danser toute une soirée, c’est déjà pas mal et je suis un brin feignant. Je fais ça trois ans et j’aurais gagné au minimum un million de dollars. Personnellement, je n’aurais pas réfléchi beaucoup plus loin. Après tout, c’est l’argent qui nous motive tous, n’est-ce pas ?

Le chroniqueur se tourna en direction de la caméra, blême, et l’invitée fit un clin d’œil complice au présentateur. Bien sûr qu’il comprenait, parce qu’avec un peu de bon sens nous parlions tous en dollars et il y avait une veine inépuisable que les travailleuses du sexe ponctionnaient.

— C’est quand même dingue cette énergie gaspillée à s’occuper de la vertu des femmes, conclut l’invitée.

Le plateau donna le relais à une présentatrice qui arrêtait des passants en pleine rue, mais le chroniqueur bouillonnait tellement que c’est lui qui posa la question que la journaliste sur place dut répéter.

— Et vous jeune homme, vous devez bien avoir une opinion sur la question. Qu’est-ce que ça vous ferait si votre petite amie était stripteaseuse ?

— On vit une époque où les femmes devraient faire ce qu’elles veulent. À titre personnel, j’aime les femmes indépendantes donc, peu importe le métier qu’elle exerce si elle ferme les yeux quand elle goûte ma cuisine, ça me suffit, lui répondit-il en fixant l’objectif de la caméra.

Le souvenir des réactions très expressives de Holly m’envahit. Ces signes d’appréciations m’emplissaient de joie à chaque fois. J’étais totalement d’accord avec lui et je l’avais toujours été. Une femme devrait faire ce qu’elle avait envie de faire.

Le temps où seul l’homme allait travailler et alimentait le compte joint est révolu.

Ce n’était même pas un sujet pour moi. En même temps, dans mon enfance, on ne peut pas dire que mon père ait brillé par sa présence durant les premières quinzaines années de ma vie.

L’émission continua, mais je n’avais pas la tête à ça. Je la laissais quand même en fond et commençai à faire les cent pas dans mon appartement tel un lion en cage. Mon téléphone était toujours aussi désespérément silencieux.

Soudain, des images passèrent probablement pour la vingtième fois de la journée, ceci dit je ne les avais pas vues, ce matin. On pouvait discerner la police avec un brancard maculé de sang suivi du coupable présumé sortant avec les menottes. Les images exclusives qui défilaient après… Je n’aurais jamais imaginé qu’il soit possible de montrer une boucherie pareille à l’écran. L’employé qui avait découvert le corps avait filmé la chambre avant l’arrivée de la police. On pouvait constater sans censure, à quel point le corps avait été mutilé.

Je m’approchai de l’écran, mais en effet, il était méconnaissable. Une nausée violente me prit, je voulais éteindre la télé de toute mon âme, je ne pouvais pas en regarder plus. Mes yeux, eux, ne pouvaient pas s’en détacher. J’avais devant moi l’horreur et j’étais toujours incapable de croire que ce corps pouvait être celui de Holly.

J’augmentai le son mécaniquement, on pouvait percevoir la respiration chaotique de l’employé, il se retenait de pleurer ou de crier, en tout cas sa terreur était clairement observable. J’avais beau essayé de reconnaître les habits qu’elle portait ou sa couleur de cheveux tout était maculé de sang. Je ne savais même pas qu’un corps humain pouvait en contenir autant. Au ralenti, la caméra montra le plafond tandis que des bouts de corps ensanglantés y étaient collés et gouttaient sur le sol. L’employé hurla d’effroi et la vidéo se termina.

Je me frottai le visage de toutes mes forces comme si ses images pouvaient s’enlever de ma tête aussi facilement. Ça ne peut pas être elle ! Ça ne peut pas être elle quand même ? Quand mon téléphone sonna enfin, c’était le père de Holly.

— Salut Cesare ! Je ne sais pas si tu es en ville en ce moment, mais si tu pouvais passer à la maison, j’ai un dossier à remettre à ton père et il ne répond pas. Je crois qu’il devait partir en Australie, non ? C’est urgent, j’aurais besoin de son avis pour un voyage au Japon.

— Hé, Clay, tu sais, ce n’est pas ta faute si Maman a élevé le placenta, entendis-je en fond, suivi de cris et d’éclats de rire diabolique que je reconnus à la première intonation.

Je concluais rapidement la conversation après avoir perçu son rire. Je manquai de peu de vomir la boule d’angoisse qui était logée depuis ce matin dans mon estomac.

Je repris alors mes affaires dans la précipitation et quittai mon appartement. Il fallait que je m’assure que ce soit bien elle, j’en avais besoin. Sur la route, je garai ma voiture devant le premier store que je trouvais. À la porte, une file d’attente de plusieurs kilomètres m’accueillit, les premiers avaient même des tentes. Je fronçai les sourcils et demandai à un des abrutis de cette file ce qu’ils guettaient.

— C’est la sortie du dernier téléphone de la marque !

Putain ! Ça allait être ça chez tous les revendeurs de la marque aujourd’hui, c’était bien ma veine. Je continuai de considérer la boutique quand l’agent de sécurité à l’entrée m’apostropha.

— Vous n’avez pas l’air de quelqu’un qui ait le temps d’attendre. On peut peut-être s’arranger autrement ?

Un sourire satisfait sur le visage, j’attrapai la première liasse qui me vint dans les mains et nous scellâmes notre accord par une poignée de main qui cachait un échange de bons procédés. Il rangea discrètement mes billets dans sa poche et se décala pour me laisser passer. Les premiers de la file grognèrent et il leur répondit par un regard noir.

— Tu veux peut-être aller voir ce qui se passe en bout de fil, toi ?

Je rentrai dans le store sans encombre quand un vendeur me proposa son aide. Pour une fois, je ne la refusai pas, car je n’avais pas le temps.

— Le dernier modèle toute option, s’il vous plaît.

Le vendeur subit mon humeur et serra les lèvres avant de tenter timidement une question supplémentaire.

— Et pour la couleur… ?

Je le regardai comme si c’était l’ultime chose au monde dont j’avais quelque chose à faire, mais il n’était pour rien dans ma journée de merde. Ce gars aussi allait se taper la pire journée de sa vie avec une file qui durerait probablement plusieurs jours. J’essayai alors d’en finir autant pour lui que pour moi.

— Pro max. Couleur bronze et le plus de stockage possible.

— Est-ce qu’il y aura une… une gravure ? bégaya-t-il.

Je laissai mon seul très long soupir lui répondre, ses yeux s’arrondirent puis il décampa en vitesse dans l’arrière-boutique. Un autre vendeur me proposa un café que je refusai avec une moue dégoûtée. Le café américain était une des pires choses qui m’ait été donné de boire. Lorsque mon vendeur revint, il m’annonça le prix dont je n’avais pas grand-chose à faire et m’encaissa. Je pris mon paquet et allai partir avant de me retourner.

— Et bon courage.

Il me remercia avec le sourire le plus franc qui ait marqué son visage depuis le début de notre échange. Lorsque je ressortis, l’agent de sécurité me fit un signe de tête complice auquel je répondis par la même. J’appuyai sur l’accélérateur toute la route en serrant le volant avec force. Dans mon esprit, une petite voix s’insinua sournoisement. Si ça se trouve, tu as halluciné ce que tu aimerais entendre…

Le portail s’ouvrit et je me précipitai à la porte d’entrée. J’informai sa mère de la raison initiale de ma venue et elle se décala pour me laisser passer, quand juste-là de l’autre côté de la baie vitrée se tenait mon ange baigné de lumière. Cette silhouette, je l’aurais reconnu entre mille, dans la pénombre, les yeux bandés.

— Vous permettez ?

Elle m’invita à entrer avec surprise et je me ruai jusqu’à la vitre, le cœur au bord des lèvres. C’était bien elle.

Toute la pression retomba tandis que ma bouche s’écrasa violemment contre la sienne. Ma respiration était haletante comme si je l’avais retenue depuis l’aéroport et ce qui était au début des râles essoufflés se transforma en soupir de soulagement. Je ne l’embrassai pas, je possédai sa bouche.

Quelques larmes s’écoulèrent sur son visage, c’est lorsqu’elle se décala pour me fixer que je compris que les pleurs ne venaient pas d’elle, mais de moi. Elle arborait un air gêné comme si le moment lui avait fait plaisir, mais qu’elle attendait des explications. J’appréciai sa petite mine troublée puis lui mis le téléphone flambant neuf dans la main.

— Tiens, s’il te plaît, reste toujours joignable, O.K?

— Hum… Tu débarques en m’embrassant comme un condamné à mort qui vit ses derniers instants pour me donner… Un téléphone ?

— Je t’ai fait une promesse et je compte bien la tenir, peu importe mon endroit sur le globe.

Elle tritura l’emballage, confuse, mais je ne lui laissais pas le temps de rétorquer. Ce rôle dans sa vie, je ne le lâcherai pour rien au monde. La protéger était aussi évident que respirer.

— Amore, tu as regardé les informations depuis ce matin ?

J’appréciai de tout mon être pouvoir l’appeler par son petit surnom.

— J’ai loupé un épisode ?

Je lui tendis alors mon téléphone sur lequel était ouverte la chaîne d’information en continu. Elle plaça sa main devant sa bouche et retint son souffle comme moi toute la matinée. Pendant ce temps, j’enregistrai dans ma mémoire chaque centimètre carré de son visage en savourant la seconde chance que m’offrait la vie parce que, ça aurait pu être-elle.

Malheureusement, les brefs échanges qui suivirent ne parvinrent pas à apaiser ma soif de tendresse. En réalité, rien ne pouvait le faire à part l’espoir insensé qu’elle accepte ses sentiments et me demande l’impensable… d’être à elle. La tête baissée, je me retournai une dernière fois.

— Tu ne m’empêcheras pas éternellement de te dire à quel point je t’aime.

— T’occuper de ses plantes, hein ? Tu ne te foutrais pas un peu de ma gueule ?

Accaparé par mes divagations, je n’avais même pas remarqué que Dexter était là, les bras croisés, le regard sombre.

— Bon, écoute, Clay est peut-être ralenti, mais je vous ai bien observé tous les deux et…

Oui ? J’attendais la suite, parce qu’avec eux, cette phrase pouvait avoir une infinité de fins possibles.

— … Y a un truc.

— Bravo, Sherlock !

Je tapotai son épaule, puis je le dépassai pour aller rejoindre ma voiture. Il continuait à courir derrière moi, essayant toujours de m’arrêter. Quand Clay arriva, le duo se retrouva au complet.

— Hé gars, je comprends.

Clay me prit dans ses bras. Peut-être que je devais lui faire de la peine. Mon visage devait être pathétique pour qu’il comprenne que j’en avais besoin.

— Elle t’a jeté parce que tu es précoce.

Scandalisé par cette affirmation, je l’ai repoussé, et j’ai nié vigoureusement.

— C’est pas grave, tu sais.

— Ah, elle t’a laissé tomber à cause de ça ? Après tout, c’est notre sœur, avec son tempérament, il était déjà difficile de gagner sa confiance. Espérer qu’elle te caresse dans le sens du poil est aussi futile que de secouer un pommier et d’attendre du jus de pomme.

— Mais vous allez me lâcher, oui ! Ce n’est pas du tout…

Clay posa un doigt sur mes lèvres et chuchota un « chut » qui me fit sursauter.

— On l’a entendu te dire que tu avais terminé en moins d’une minute.

— Pardon ? Mais…

Je m’interrompis net en plein milieu de ma phrase, car soudain, la conversation dont il parlait me revint en mémoire. Holly m’avait effectivement lâché cette bombe avant de raccrocher, mais elle ne parlait pas de ça du tout. Comment faire comprendre à deux demeurés que j’étais le seul à avoir la tête sur les épaules ?

 

 

Chapitre 2Holly

___________________________________________

Ses yeux parcouraient la rue dans tous les sens, remplis d’inquiétude et à ma recherche. Sans réfléchir, je me levai pour aller vers lui. Toute pensée avait disparu, ne laissant place qu’à une seule et unique affirmation qui tournait en boucle dans mon esprit :

Je suis aimée par quelqu’un.

Je me relevai et déposai mon téléphone désormais inutile sur ma boîte aux lettres. Tandis que Robert se rapprochait, je remarquai son anxiété croissante : ses sourcils étaient trempés, et ce qui ressemblait à des gouttes de pluie n’était rien d’autre que de la sueur. Mon nez me le confirma alors qu’il n’était même pas encore à mon niveau. Son odeur était insupportable.

— Comment vas-tu ? Je craignais que tu ne viennes pas…
— Tu as pris rendez-vous, donc je suis là.

Je ne lui fis pas de commentaire sur son retard, puisque, de toute façon, le compteur tournait. Je n’étais pas réputée pour me brader.

— J’ai besoin d’un peu de compagnies, suis-moi, on va se trouver un endroit sympa.

Il tenta de poser sa main sur mon épaule, mais je m’éloignai instinctivement pour échapper à son contact.

— Écoute, ça fait longtemps qu’on se connaît. C’est pour ça que je suis encore là, même si tu ne sembles n’avoir qu’un bout de carton en guise de maison. Donc, d’abord, donne-moi l’argent, puis je viendrai avec toi. Tu es dans un triste état.

Je tendis la main, il ne transmit rien. Au lieu de cela, il agrippa fermement son sac de sport, comme s’il craignait un vol. Je m’apprêtai à partir, mais il me saisit brutalement le bras.

— Si tu as besoin de compagnie gratuite, je ne suis pas la personne qu’il te faut. Apprends à jouer aux échecs et va dans un parc, Robert. Je ne plaisante pas avec l’argent, tu le sais.

Son visage se remplit de rage, ses yeux devinrent sombres et ses sourcils se froncèrent, exerçant une pression supplémentaire sur mon bras. Il demeurait silencieux pendant que je soutenais son regard avec autant d’aplomb.

— Je ne sais pas ce que tu as dans ce sac, Robert. Ce ne sont visiblement pas des affaires de rechange, alors écoute-moi bien. Je n’aime pas la façon dont tu me reluques, ton petit sourire condescendant, ni même l’odeur qui émane de toi et qui me dégoûte. Donc, si tu n’as rien pour me payer, tu me lâches.

— J’ai réglé directement l’agence, répliqua-t-il, la mâchoire crispée.

— D’accord, soit.

Je le sentis se détendre, or ; je n’étais pas dupe. Elle ne prenait jamais l’argent, sinon c’était du proxénétisme.

— J’annule le rendez-vous. L’agence te remboursera. Bonne nuit et belle vie à toi, Robert !

Alors que j’essayai une seconde fois de fuir, il posa sa main sur mon épaule. J’avais l’impression qu’un faucon aux serres aiguisées m’agrippait. Je l’entendis trifouiller la fermeture éclair de son sac et, tout à coup, mon sang ne fit qu’un tour. Tout mon corps me hurlait que j’étais en danger. Dès lors, je laissai mon côté démoniaque me submerger, celui que je pouvais invoquer et que le commun des mortels appelait inconscience ou instinct de survie.

— Tu vois, ce bâton dans les bosquets, Robert ? À ton avis, est-ce que, si je te l’enfonce suffisamment profond, tu auras des échardes dans la gorge ? Nous savons tous les deux par quel orifice il entrerait.

Sa main trembla sur mon épaule, alors je profitai de son trouble pour faire volte-face et serrer ses joues de mes doigts. Mes ongles se plantèrent légèrement dans sa chair tandis que je réduisis l’espace entre nous.

— Tu ne me connais pas, Robert. Tu ignores de quoi je suis capable. Je pourrais te tuer ici, tout de suite, et obtenir des dommages et intérêts qui seront à la charge de ta famille pendant trois générations. N’oublie pas que l’argent a coulé un seul jour chez toi, tu as eu quelques lingots fût un temps. Moi, ça fait des générations qu’on est assis sur un putain de trésor. Je connais des gens dans beaucoup de milieux qui feraient n’importe quoi pour étouffer les liens qui nous unissent, eux et moi. Je n’ai qu’un seul appel à passer et j’ai droit de vie ou de mort sur toi. C’est ça le pouvoir, Robert. Alors je ne sais pas ce que tu projetais de faire ce soir, mais vas t’amuser ailleurs, je n’ai pas de temps à perdre avec des chiens errants.

Je relâchai la pression en le poussant violemment. Pris de court, il en perdit l’équilibre et tomba sur ses fesses. Le temps qu’il se relève, j’avais déjà traversé la route. Il essaya de me suivre jusqu’à ce que j’entende un hurlement de frustration. Mon cœur battait la chamade, mais pas de peur, d’énervement. Je refusai qu’on me traite comme une vulgaire petite chose et j’étais capable de le tuer, s’il ne m’avait pas lâché.

J’entrai dans un dîner et m’installai sur une banquette en cuir confortable dans un coin de la pièce et surtout loin des baies vitrées. Une serveuse vint à ma rencontre avec une grande tasse et une carafe de café.

— Le premier café est pour la maison. Je n’aimerais pas que vous mouriez de froid à une de nos tables.

Un immense sourire sincère ourla mes lèvres qu’elle me retourna. Juste derrière moi se trouvait un téléphone fixe à disposition, alors je décrochai le combiné pour vérifier s’il était toujours en service et ce fut le cas. Je mis quelques billets dedans et composai un des seuls numéros que je connaissais par cœur.

— C’est Mérida. Dégagez-moi Robert Thiebault de la liste des clients pour toutes les filles et j’arrête.

La secrétaire bredouilla à l’autre bout du fil en demandant des explications que je ne lui donnais pas. Mon ton était ferme, il n’y avait pas besoin d’épiloguer plus longtemps.

— Ce que je suis en train de te dire, c’est que c’est fini pour moi. Je raccroche, je rends les clés de la boutique. Ne comptez plus sur moi. Voilà un moment que je cherchais le courage de passer cet appel, mais ce soir, c’est la goutte d’eau. J’en ai marre de faire comme si j’en avais quelque chose à foutre de tout ça, comme si mon corps était en phase avec mon esprit. Je ne vais pas attendre de me noyer pour réagir. Oh et j’aimerais le numéro de Carmen, s’il te plaît.

Elle bredouilla des excuses qui ne m’intéressaient pas.

— Ne sois pas idiote, je ne vais pas l’embarquer avec moi, je veux juste qu’elle vienne me chercher. C’est noté, merci. Oui, oui, voilà transmets et surtout oubliez-moi. Je vais essayer de survivre, c’est déjà pas mal.

Je raccrochai puis composai le numéro de Carmen.

— Carmen ? Tu as déjà eu l’impression que tu n’étais qu’un moucheron qui se débattait pour survivre ? Fatiguée, pas heureuse, mais pas suicidaire pour autant ?

— Ça m’arrivait souvent, chérie. Je peux venir te chercher où ?

Je lui spécifiai approximativement l’adresse et mes épaules s’affaissèrent comme si un énorme poids s’était tout à coup retiré de celles-ci.

— J’arrive.

Je raccrochai une dernière fois et partis me rasseoir. Après avoir feuilleté la carte, je me décidai pour un vulgaire hot-dog avec des frites. Quand la serveuse revînt, je lui indiquai ce que je souhaitai pour mon dîner et lui glissai un billet de cent dollars.

— Ce n’est pas facile de bosser la nuit, soulignai-je.

Elle hocha la tête d’un air entendu et vociféra ma commande à la cuisine. J’étais en train de manger mon repas quand mon amie débarqua dans le restaurant. Elle survola la pièce du regard jusqu’à ce qu’elle me voie. Toujours aussi chic, même en pleine nuit et sous des cordes d’eau, elle retira la capuche de son trench de marque, puis s’avança vers moi.

— Ça n’a pas été facile avec Cesare, hein ?

Un rictus amer apparut sur mes lèvres, suivi d’un long soupir. Avec les derniers évènements de la soirée, ça m’était presque sorti de la tête.

— Pas du tout. J’avais raison, il a des sentiments pour moi, mais je me suis juste… contentée de partir. Ma vie est si chaotique en ce moment que je ne voulais pas prendre le risque de le faire souffrir.

—      Je ne comprends pas ce que tu fais là, ce soir ? S’il t’a avoué ses sentiments, fonce ! Tu en as toi aussi, non ?

—      Ma vie est devenue un tel chaos que je ne suis plus sûre de rien. Je dois me décider sur certains points et remettre de l’ordre dans mes choix. Je ne voulais pas admettre que ce métier, qui était censé me rendre libre, était devenu un fardeau que je traînais. J’aurais aimé connaître Cesare dans d’autres circonstances, j’aurais aimé ne jamais avoir le doute qu’il m’apprécie pour ce que je suis au fond de moi et qu’il ne doute jamais que je ne le garde pas près de moi comme une garantie financière.

— Alors ça veut dire… ?

— Que je viens d’appeler l’agence et que j’ai tout envoyé balader. C’est fini, j’ai tout arrêté.

Une larme s’échappa. Je l’essuyai aussi vite qu’elle était tombée.

— Je ne suis pas triste, je suis soulagée. Le rendez-vous que j’aurais dû avoir tout à l’heure m’a donné le courage de le faire. Je ne veux plus faire face à la misère sexuelle du monde. Je veux juste vivre ma vie et qu’on me laisse tranquille. J’en ai marre d’être au service des autres, j’ai besoin d’être à mon service, un petit peu.

Carmen m’observa avec une expression réconfortante, puis prit ma main pour la serrer.

— Ça fait longtemps que je me demande ce que tu fais là. Alors, tu as bien mérité quelques jours pour toi. Que dis-tu de partir une semaine en vacances avec moi ? On laisse tout derrière nous et on se casse.

Nous joignîmes nos mains pour sceller ce pacte de minuit.

— Allez, finis de manger et viens à la maison. Tu pourras prendre une bonne douche et te changer. Même si cette tenue est magnifique.

— Merci !

— Nous discuterons de nos projets de vacances plus tard ; pour l’instant, tu as besoin de te reposer.

J’acquiesçai à sa proposition et nous échangeâmes jusqu’à la fin du repas. Nous ne traînâmes pas pour rentrer chez elle. Le trajet en taxi fut plutôt silencieux, ce qui me convenait parfaitement. Je regardai par la vitre le trottoir où j’aurais pu commettre un meurtre il n’y a pas si longtemps, puis le décor défila et je laissai ce souvenir derrière moi. Je ne voulais plus y penser et aller de l’avant. Sans regret pour ces années, mais avec l’impression d’être arrivée au bout du chemin.

Je montai quelques étages et Carmen ouvrit la porte d’un tout petit appartement. L’essentiel s’y trouvait, sans plus. Je contemplai les fleurs qui ornaient chaque surface, des murs aux meubles.

— Bienvenue chez moi ! C’est certainement plus petit que chez toi, mais j’ai l’habitude de vivre dans une caravane, donc j’aime me sentir à l’étroit.

— Au contraire, c’est charmant ! J’ai eu le même désir à une échelle différente.

Elle m’offrit un verre de vin français. Moi qui pensais que les Européens étaient des ronchons insatisfaits, ils m’accueillaient toujours à bras ouverts.

— Un Saint-Émilion pour les grandes occasions.

Je haussai un sourcil en portant un toast, avant qu’elle ne m’emmène faire le tour de son appartement.

— Comme tu peux le voir, il n’y a pas grand-chose qui va ensemble. C’est encore une manie. J’ai l’habitude de me meubler dans les déchetteries, les recycleries et les brocantes. J’aime les choses anciennes et robustes qui finissent souvent dépareillées.

— C’est plein de charme ! En particulier, ce buffet tourne-disque.

— Et il est fonctionnel ! J’écoute du Elvis à l’occasion et des plus contemporains. J’ai un faible pour les crooners des années cinquante.

— Mets-nous quelque chose que je ne connais pas.