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Le premier volume, TOXIQUE, paru sur Amazon sous mon nom d'auteur, Dominic Courcy,, relate le parcours sanglant d'un serial-killer charismatique, Max Roarsky, accompagnée de son apprentie, Angeline. Cet opus passe de sa capture par la police à son procès, puis finalement son évasion grâce à l'aide d'une ex-flic, Marion Stoken, qui, après l'avoir pourchassé, décide de le rejoindre dans son parcours obscur. Lors de cette épopée, un seul flic, François Péqueur, a vu clair dans son jeu et se lance à sa poursuite. TOTAL KAOS prolonge son histoire par l'opération complexe que monte Max avec l'appui de son organisation, La Légion, pour tenter de renverser la société. Après avoir élaboré, depuis sa planque dans la profonde forêt alsacienne, un plan de grande envergure avec ses lieutenants, l'heure est maintenant venue de passer à l'action. Une équipe de policiers de la Brigade de Recherche et d'Intervention Nationale dirigée par Péqueur, parviendra à retrouver sa trace. Ce sont des petits cailloux qui vont les guider, semés, entre autres, par l'évasion sanglante de son ancienne complice, Angeline, mais aussi grâce aux indices laissés par l'ex-flic, Marion Stoken, qui poursuit en parallèle sa vengeance en éliminant tous ceux qui ont provoqué son renvoi. Après une opération commando de grande ampleur, les membres de La Légion se trouveront face à face avec les forces de police dans la forêt vosgienne. Au sortir de cet affrontement meurtrier, Max parviendra à s'échapper avec certains de ses lieutenants. Péqueur, dans une soif de vengeance, va démissionner pour poursuivre ce tueur qui a provoqué la mort de sa compagne ainsi que celle d'un des membres de son équipe. La traque continue dans un troisième volume en cours d'écriture où elle trouvera son épilogue
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Seitenzahl: 390
Veröffentlichungsjahr: 2023
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TOTAL KAOS1
1 En clin d’œil au livre de Jean-Claude Izzo, « Total Khéops » narrant les aventures de l’inspecteur Fabio Montale
Mille mercis à ma talentueuse team de relecteurs (trices) : Claire R, Laura DL, Gilliane C, Marie-Agnès R, Bernard L, Olivier C.
Chapitre 1 : La difficile reconversion des sportifs
Chapitre 2 : Putains de salades
Chapitre 3 : Noémie à Bruxelles
Chapitre 4 : Max et son discours de la méthode4
Chapitre 5 : The Call of the Wild5
Chapitre 6 : De l’apprentissage du survivalisme
Chapitre 7 : Le matos, ça compte
Chapitre 8 : Un Glock, ça ne s’enraye pas
Chapitre 9 : Péqueur is back
Chapitre 10 : Fantôme entre en scène
Chapitre 11 : Des bienfaits d’une bonne gestion de projet
Chapitre 12 : Angeline et les Sisters
Chapitre 13 : L’équipe, un atout à ne pas négliger
Chapitre 14 : L’arrivée des cadeaux
Chapitre 15 : Un shopping instructif
Chapitre 16 : L’ouverture de la chasse
Chapitre 17 : Angeline : looking for Max7
Chapitre 18 : Une retraite en queue de poisson
Chapitre 19 : Péqueur en full honeymoon
Chapitre 20 : La promesse d’une fructueuse collaboration
Chapitre 21 : Stormy et la Louve deviennent copines
Chapitre 22 : De l’art de forger des alliances
Chapitre 23 : La griffe du passé8
Chapitre 24 : Le cercle magique
Chapitre 25 : Un baptême franchement raté
Chapitre 26 : De l’importance du repérage
Chapitre 27 : Inside Angeline
Chapitre 28 : Faut nettoyer
Chapitre 29 : Execution style
Chapitre 30 : Noémie fait des emplettes
Chapitre 31 : Péqueur s’en veut
Chapitre 32 : L’essayer, c’est l’adopter
Chapitre 33 : Driss à la pêche
Chapitre 34 : L’informatique, c’est magique !
Chapitre 35 : Un flic averti en vaut deux…
Chapitre 36 : Les trouvailles de Fantôme, mais pas que…
Chapitre 37 : Back to the Alpha8
Chapitre 38 : Les aventures de Vévé en Alsace
Chapitre 39 : A l’Est, du nouveau10
Chapitre 40 : Les deux visages de Siem Reap
Chapitre 41 : Driss cuisine les Sisters
Chapitre 42 : Couture et patience
Chapitre 43 : Le filet se resserre
Chapitre 44 : Max goes public !
Chapitre 45 : Max et l’odeur de l’humus
Chapitre 46 : Péqueur en mode stand-up
Chapitre 47 : Check-up
Chapitre 48 : Une rencontre peut en cacher une autre
Chapitre 49 : Veillée d’armes
Chapitre 50 : Go, Max, Go11
Chapitre 51 : La trahison des salades
Chapitre 52 : Du sang et des larmes14
Chapitre 53 : Le monde bascule
Chapitre 54 : Les rennes ne sont pas bavards
Chapitre 55 : Vers un nouveau départ
Chapitre 56 : Gestion de carrière
Chapitre 57 : Sic volvere Parcas15
Ne manquez pas la suite !
Chapitre 1 : Écolo furioso
Stormy Cat ouvrit les yeux.
Un jour gris filtrait au travers des stores vénitiens.
Un ronflement sonore lui rappela qu’elle n’était pas seule. Elle ne se souvenait même pas de son prénom. Juste son odeur.
D’ailleurs, elle ne voulait pas vraiment s’en souvenir. Rien que pour une nuit, ça lui allait bien.
Elle se glissa hors du lit et se dirigea vers la petite salle de bain.
Pas le temps pour une douche, tant pis.
Elle ouvrit le robinet du lavabo, prit de l’eau dans ses mains et s’aspergea le visage, histoire d’accélérer son réveil.
Elle déplia son mètre quatre-vingt trois. Elle devait toujours se reculer un peu pour voir son visage en entier dans le miroir de la salle de bain. Trop grande !
Elle passa sa main dans ses cheveux bruns. Courts, pour éviter la brosse.
Ses yeux verts étaient toujours aussi lumineux, malgré la présence de petites rides sur les coins.
Elle s’étira, surtout du bras gauche, car elle ne pouvait lever le bras droit plus haut que l’épaule, souvenir toujours actuel de son passé de footballeuse américaine.
A l’époque, la star de l’équipe, c’était elle.
Les Patriotes de Vidiesheim, la meilleure équipe d’Alsace, et leur attaquante vedette, celle qui n’a peur de rien, celle qui charge en faisant parler ses jambes de feu aussi élancées que puissantes, celle qui faisait rugir la tempête, Stormy Cat.
Elle.
Celle qui s’était fait fracasser l’épaule lors d’un bull rush2 fatal. Le piège avait bien fonctionné. L’équipe adverse avait fait rentrer une grosse dans le seul but de la casser. Stormy avait raffûté3 la première fille qui voulait la bloquer, et avait continué sa course.
Juste pour percuter l’autre, son quintal de lard lancé.
Et son épaule avait fait crac.
Gros crac.
Et, après ça, finie la compétition.
Du jour au lendemain, elle était passée du statut de star à celui d’ex-star, puis à celui de rien du tout.
La douleur, les opérations successives, la rééducation de merde, encore et toujours la douleur, alors les petites pilules qui aident, et puis encore les jolies petites pilules.
Et plus rien. Finie l’adrénaline des matchs. Finie la gloriole d’être en tête du championnat, grâce à elle, la meilleure marqueuse de l’équipe.
Celle qui renverse tout, celle qui déchaîne la foudre sur l’équipe adverse.
Et tous l’avaient laissée tomber.
Cette impossibilité de lever le bras droit faisait toujours remonter ce passé. Son ascension avait été brisée par cette grosse pouffe. Elle aurait pu être draftée4 pour jouer aux States, des scouts étaient déjà venus la superviser. Mais après sa blessure, plus de nouvelles, of course.
Perdue pour la cause.
Elle se passa une légère couche de crème hydratante. Et un trait d’eye-liner.
Toujours nue, elle retourna dans la chambre.
Le gommeux ronflait de plus belle.
Elle le regarda avec dépit. Certes, elle avait besoin de ces rencontres furtives, physiques, qui n’engageaient à rien. Et elle aimait vraiment ça.
Mais le matin, quand elle émergeait, repue, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir comme un grand vide.
Elle entendit les hoquets caractéristiques d’une Harley. Bear arrivait.
Retour aux affaires.
Elle passa un soutien-gorge quelconque, un string, et se glissa dans son pantalon de cuir. Un tee-shirt blanc cassé, et son perfecto.
Plus ses paraboots.
Restait à réveiller le bellâtre.
Elle lui mit une claque retentissante sur le postérieur.
— Eh mais ça va pas !
— Cool mec. Faut juste que tu partes.
— Déjà ! Mais …
— Allez, me force pas à te virer.
— Moi j’ai bien aimé…
— Écoute, je dois y aller. Alors tu dégages, et voilà.
Moi aussi, j’ai bien aimé, mais ça s’arrête là.
— Ok.
Il se leva et enfila rapido ses fringues.
Stormy Cat le reluqua sans vergogne. C’est vrai qu’il était pas mal gaulé.
Ils sortirent tous les deux sur le perron de la petite maison.
Bear, juché sur sa Harley, attendait.
Pas n’importe quelle Harley. Le chopper Softail Night Train de 2001. 1450 cm3 de force pure. Une Fat Boy Old Style.
Toujours les blagues entre eux.
— Alors Cat, encore un peu juste au niveau timing… Tu sais que Max n’aime pas qu’on soit en retard !
— Je taperai un peu sur ma Yam’, tu verras que tu auras du mal à suivre.
— Dans tes rêves ! Une Harley battue par une japonaise, je voudrais bien voir ça !
— C’est pas la moto, c’est le poids du Bear qui craint…
— Mon petit 130 kg, tu parles, elle avale ça comme une fleur…
Stormy Cat enfourcha sa Yamaha XSR 900 et fit rugir le moteur. Elle savait bien que l’accélération de ses 850 cm3 pouvait pourrir la Harley, mais elle ne voulait surtout pas faire ça.
Pas ça à son Bear. Son ange gardien, son alter ego.
Elle le revoyait encore, lors de leur première rencontre.
Au centre de rééducation.
Bear, de son vrai nom Bernard Lemieux, était un joueur de handball pro.
Un espoir. A son poste de pivot, il n’avait pas beaucoup d’équivalents. Deux mètres douze, 135 kilos de muscles. Et totalement ambidextre, ce qui donnait des cauchemars à tous les défenseurs.
Aucun moyen de savoir de quel côté il allait se retourner pour shooter.
Les beaux yeux de la fédération s’étaient tournés vers lui de façon insistante. Ses performances étaient surveillées de très près. L’équipe de France n’était plus très loin.
Et puis il y eut le genou. Et un peu plus tard le coude. Et l’autre genou.
Pas de place pour les bancals dans l’élite !
Rééducation, puis les petites pilules.
Ils avaient partagé cela. Cette dépendance.
Cette déchéance.
Toute leur vie raccrochée à ces putains de pilules !
Alors Cat l’avait aidé. S’occuper de quelqu’un lui avait donné une raison de tenir.
Et depuis, Bear était toujours là pour elle.
Sans condition. A 200 %.
Le bellâtre, impressionné par la présence massive de Bear.
Cuir, Harley, tatouages, muscles noueux.
— Tu es sûre que je ne peux pas t’attendre ? Je ne suis pas pressé…
Bear jeta un oeil à Stormy Cat, et descendit de sa Harley. Il savait bien comment ça se passait d’habitude…
— Ecoute mon gars, la Lady t’a dit de partir, alors tu dégages. Sinon, je vais me sentir obligé de te pousser. Et ça ne va pas te plaire, fais-moi confiance.
Stormy Cat lui coupa la parole.
— Casse-toi, c’est tout !
Il s’écarta prudemment de Bear, et rejoignit la petite route.
— Bon alors, on y va, oui ?
— Ok, go.
Elle kicka la Yam’ et passa en vrombissant tout près de sa conquête nocturne.
Bear ne put s’empêcher de passer encore plus près.
L’autre se jeta sur le talus en jurant.
Ils en avaient pour une bonne demi-heure de route.
Et encore, juste pour laisser leurs motos.
Le crew de Bear s’occuperait de garder les motos.
Ensuite, petite balade en voiture. Jusqu’à la petite gare.
Encore vingt minutes de train.
Et arrivée à Richheim.
Nouvelle voiture, jusqu’à la ferme. Le terrain neutre.
Là où Max et Marion les attendaient.
2 Bull Rush : terme de football américain, décrivant une action visant à se défaire d’un joueur avant qu’il ne réussisse à progresser.
3 Raffûter : au rugby, en parlant du possesseur du ballon, écarter énergiquement un adversaire avec la main libre ouverte.
4 Draft : processus, issu de la ligue de basket-ball nordaméricaine, par lequel des joueurs sont repérés et classés pour jouer dans une division supérieure à celle dans laquelle ils évoluent.
Max n’arrivait pas à se satisfaire de ces putains de salades.
La relative autonomie pour être tranquille, se montrer le moins possible en ville, il appréciait.
Mais il fallait aussi s’occuper de ces fichues salades, et ça, ça le gonflait vraiment.
Pas un jardinier dans l’âme, c’était clair.
Il balança d’un air rageur sa bêche et rentra dans ce qu’il fallait bien appeler un relais de chasse.
Alors, c’est sûr, ils étaient tranquilles.
Pas de voisin du tout, que des arbres, des sangliers, parfois des lapins, et quelques chevreuils.
Il y avait aussi les oiseaux.
Max détestait ces volatiles qui piaillaient dès que le jour se levait.
Réveil garanti !
Ok, mis à part ces menus inconvénients, il devait bien reconnaître que la planque de Marion était superbe. Ce pavillon forestier avait en fait appartenu à un cousin éloigné de Marion, un alsacien pur jus. Au beau milieu des Vosges du Nord, sa localisation était parfaite pour qui souhaite se cacher. De plus, la parcelle de forêt appartenait à un grand groupe industriel, qui n’avait nulle intention de l’exploiter, à la différence des petits propriétaires qui n’avaient qu’une envie, céder leur parcelle au plus offrant ! Et Marion avait racheté la bâtisse comme ça, de la main à la main, du cash vite gagné pour le vendeur, et, pour l’acheteur, invisible au niveau du fisc. Or, sans déclaration officielle, rien pour relier cette propriété à Marion. Ou alors il aurait fallu interroger ledit cousin, qui de toute façon serait resté muet, histoire de garder son fric, sans en parler aux Impôts.
Depuis la séquence évasion, Max et elle se terraient là. Un an et demi, ça faisait un paquet de salades.
Au milieu des bois, avec les piafs.
Cela avait laissé du temps à Max.
Il avait pu peaufiner l’organisation de La Légion2.
Parce que, au départ, le seul lien entre les membres, c’était les blogs qui avaient relayé son histoire. Une histoire de sang et de fureur.
Il avait fallu connecter les membres potentiels, et mettre au point des rencontres.
Forcément à hauts risques, car ils n’avaient encore rien.
Pas de fric.
Peu d’armes.
Avec les connaissances de Marion, et quelques membres locaux, ils avaient monté quelques casses.
Histoire d’avoir du cash.
Tout en étant très prudents.
Max avait élaboré une organisation en cercles.
Et ascendante.
Une personne d’un cercle ne connaissait qu’une personne du cercle supérieur.
Quelques membres naviguaient d’un cercle à l’autre. Marion et Stormy Cat, par exemple.
Et comme ces deux-là ne pouvaient pas s’encadrer, Max les mettaient volontiers en compétition, histoire de les challenger.
Il avait cette organisation en tête depuis longtemps.
Seuls les membres du premier cercle avaient le pouvoir de coopter des nouveaux. Et Max avait toujours eu le dernier mot. Globalement, peu d’échecs au niveau des troupes. Et ces revers avaient été traités comme il se devait.
Ne jamais laisser de trace, une évidence.
Avec l’argent, ils avaient eu accès à du matériel de plus en plus sophistiqué. Juste pour être moins faciles à repérer.
Tant que l’argent coulait, tout baignait.
Les membres de La Légion étaient tous des outsiders, des exclus, pour une raison ou pour une autre. Certains ne seraient jamais que des hommes de main. D’autres, au contraire, étaient complètement en accord avec ce qui guidait les actions de Max. Et ils étaient prêts à tout pour mettre en place le chaos.
Ce qui les rassemblait, avant tout, c’était leur appétit de vengeance. Prendre une revanche sur ce foutu système qui les avait, à un moment donné, broyés.
Max leur offrait, non pas un espoir, mais en tout cas l’occasion rédemptrice de taper sur le système.
Et taper, ils allaient le faire.
Fort, très fort.
Il ressortit cueillir délicatement une salade. Il avait finalement fait la paix avec les salades.
Au moins une trêve.
Une paix temporaire avec les batavias, blondes ou brunes, les scaroles, les feuilles de chêne.
Cette petite-là, il allait la croquer à midi.
Avec des petits croûtons à l’ail, il aimait bien en fait.
Surtout les croûtons.
2 « Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux ». Évangile selon Saint-Marc, Chap 5. Se réfère aux démons.
Avant de partir au bureau, comme tous les matins Noémie Landelot jeta un coup d’œil par la fenêtre de son superbe appartement du square du Bois, qui donnait sur le bois de la Cambre.
Le square des Milliardaires, comme le surnommaient les Bruxellois, méritait bien son nom. Un prix absolument ahurissant au mètre carré auréolant de prestige ceux qui avaient le privilège - et les moyens - d’y habiter.
Elle adorait son appartement. Vue imprenable sur la cime des châtaigniers et des hêtres par les grandes baies vitrées à triple isolation. Cinq pièces, un immense séjour, une salle de bain avec sauna et bain bouillonnant.
Un rêve.
Devenu réalité depuis qu’elle avait jeté aux orties sa toge d’avocate. Enfin, elle était toujours avocate, mais elle n’exerçait plus.
Depuis ce fameux procès, cette cour d’assises où elle n’avait vraiment siégé que pour une seule affaire.
La défense de Max Roarsky, le serial killer qui avait mis la ville de Gréville, sa ville, à feu et à sang.
Elle sirotait doucement son café en regardant la neige tomber.
Cette terrible neige.
Elle avait failli en mourir.
Lorsque Max s’était évadé, elle avait de fait perdu son client… Il n’y avait plus de procès, car il n’y avait plus d’accusé.
Elle avait voulu fuir l’exposition médiatique.
Partir.
Son cher papa avait été ravi de lui offrir un séjour de luxe dans la station de ski de Val d’Isère.
Elle adorait le ski depuis sa plus tendre enfance.
Cette sensation de glisse, la vitesse, les crissements de la neige sous les skis, le froid délicieux.
C’était une excellente skieuse. Même le fameux Mur des Bellevardes et ses 2988 mètres de descente ne lui faisaient pas peur.
Elle avait voulu oublier tout ça, le monde du crime et ses à-côtés déplaisants, les interviews, les journaux, la pression.
Sans se douter qu’elle allait replonger complètement.
Après avoir dévalé toutes les pistes intéressantes pour son niveau, elle était partie avec un couple de montagnards en hors-piste.
L’exaltation de la neige vierge, sur laquelle les skis volent pour la toute première fois, la trace, sa trace.
Et puis plus haut, des abrutis qui déclenchent une plaque.
Une vibration, un bruit, une nuée blanche.
Avalée.
Elle avait repris conscience quelques instants plus tard.
Ensevelie.
Bien sûr, elle avait sur elle son DVA, le détecteur de victimes d’avalanches.
Elle sentait encore la neige sur son visage.
Et cette sensation d’étouffement.
Ses bâtons et ses skis avaient été arrachés. Elle voyait au-dessus d’elle une très faible lueur, très loin.
Elle était parvenue à ramener une main près de son visage. Elle avait repoussé la neige pour avoir une petite poche d’air. Lentement, très lentement, au prix d’efforts démesurés qui l’avaient épuisée.
Attendre.
Dépendre des autres.
Elle avait évalué la triste réalité de sa vie. Sa vie sentimentale flirtait avec le zéro pointé, sa carrière professionnelle était mort-née, ses parents… Son cher et encombrant papa, grand maître du barreau de Paris, le ténor pénaliste de la décennie.
Et elle qui avait dû suivre cette voie, alors que cela ne l’intéressait pas.
Elle sentait sa vie partir. Elle savait que, en moyenne, au-delà de 25 minutes d’ensevelissement, ses chances de survie chutaient de 80 %.
Elle avait essayé de ne pas s’affoler, car il lui fallait absolument économiser l’oxygène.
Et elle avait pris la décision qui allait changer sa vie. Si elle s’en sortait, il fallait qu’elle trouve un moyen de vivre enfin pour le meilleur, son meilleur.
Une seule obsession : highlife forever !
Elle voulait du fric, la belle vie, elle voulait dévorer la vie à cent à l’heure, de toute urgence, même pour une courte durée.
Et le moyen le plus simple s’appelait Max Roarsky.
Elle se sentait glisser. Elle respirait de plus en plus mal. Et puis plus rien.
Elle était bien. Elle n’avait plus peur. Elle était dans une sorte de tunnel.
Légère, toute légère.
Et, très loin, comme une lumière qui l’attirait.
Elle progressait doucement, c’était moelleux, elle ne marchait pas vraiment. Son être allait vers cette douce lumière. Elle se sentait flotter.
Puis, brusquement, un déchirement, une douleur, sa poitrine lui faisait mal. Quelque chose pesait sur sa poitrine.
Les sauveteurs, grâce au DVA, l’avaient localisée.
Ils avaient pratiqué un massage cardiaque, et l’avaient ensuite mise sous oxygène. Avant de la redescendre dans la vallée en hélicoptère.
Et pendant toute la durée du massage cardiaque, elle avait entendu les voix des sauveteurs.
Elle avait vu l’autre côté.
Et cela avait tout changé.
Inexplicablement.
Son ancrage au monde était transformé.
À chaque fois qu’il neigeait, cette Expérience de Mort Imminente (EMI)3 revenait en boucle.
Comme une histoire sans fin.
Et maintenant, elle habitait ce magnifique appartement, son bureau se situait rue de la Loi, en plein quartier Léopold, à proximité des officines des multiples fonctionnaires européens.
Quoi de mieux pour se cacher qu’être à côté du pouvoir ?
Qui irait songer à contrôler une éminente avocate fiscaliste, dont le bureau jouxtait ceux des fonctionnaires européens de l’Allemagne ?
Avec l’aide de Priotr, depuis son lointain Cambodge, elle avait monté de toutes pièces le dispositif financier qui abritait les ressources illégales de La Légion.
Une multiplicité de comptes offshore, dont certains abrités au Luxembourg voisin, et d’autres aux États-Unis, des échanges de données cryptées au plus haut point, des dispositifs informatiques sophistiqués, auxquels elle ne comprenait rien…
Tout pour plaire à Max. Pour sécuriser et rendre indétectables toutes les opérations financières de La Légion, il avait fallut créer une architecture très complexe de sociétés-écrans, dont les comptes - certains légaux, d’autres pas - ne servaient qu’à abriter temporairement les flux financiers de La Légion.
Pour que Max ait les ressources à disposition.
Et il la payait plus que royalement.
En un an et demi, elle était passée du statut d’avocate pénaliste inconnue, sans le sou, à celui d’une spécialiste en fiscalité internationale qui menait grand train et impressionnait ses clients.
Son train de vie les bluffait, mais aussi et surtout elle proposait des niveaux de plus-value hors norme. Le recyclage d’argent sale – l’argent propre, ça existe ? – avec des rendements incitatifs, cela trouvait toujours preneur.
Il fallait juste se concentrer sur le pourcentage obtenu, et non sur les moyens.
Et il y avait toujours des amateurs.
Elle enfila son manteau, mit l’alarme, et sortit de son appartement.
Son Audi Q5 Sportback Quattro l’attendait sagement dans son box. Elle était très heureuse du choix qu’elle avait fait au niveau de la couleur ; rien que le nom déjà, faisait rêver : argent fleuret métallisé, vous avouerez ! Elle adorait les vingt minutes de voiture entre son appartement et son bureau. Huit kilomètres pour profiter de Bruxelles.
En fait, ce qui était compliqué, c’était d’avoir quelques clients qui venaient physiquement la voir.
Car, maintenant, tout passait par des réseaux sécurisés, avec les techniques de chiffrement ad hoc.
Or, et Max avait été très clair là-dessus, il fallait tout de même rencontrer certains clients, c’était indispensable que ces clients soient vus avec elle dans des endroits emblématiques.
Pour légitimer l’activité.
Donc, elle faisait le forcing pour réaliser quelques rendez-vous d’affaires.
Qui se terminaient bien souvent dans un excellent restaurant, généreusement offert par Noémie.
Comme ça, elle avait sa note de frais, et les autres convives du restaurant pouvaient témoigner.
Elle entra dans son bureau top classe. Design dernier cri, Mac grand écran, bureau en verre massif, confortables fauteuils visiteurs.
Elle n’avait qu’une envie, recevoir son cher père dans ce bureau. Pour lui prouver que sa fille avait mieux réussi que lui.
Pour lui montrer que lorsqu’il avait pris la décision de la forcer à « faire du droit », comme il disait, c’était une erreur. Ce qui avait permis cette réussite, c’étaient les options que Noémie avaient prises lors de sa formation universitaire : finance internationale et droit des affaires.
Elle se souvenait avec une immense joie de sa première victoire.
Elle était allée voir ses parents, dans leur maison située en banlieue parisienne. Une maison certes cossue, mais pas non plus une grande propriété. Il faut dire qu’elle avait soigneusement préparé ses effets. Elle avait loué une magnifique berline avec chauffeur, le portail d’entrée était juste assez large pour la laisser passer. Bien sûr le chauffeur lui avait ouvert la portière, elle était descendue du véhicule comme si c’était une habitude, devant l’air étonné de ses parents. Elle avait dit au chauffeur de venir la chercher le lendemain matin à dix heures précises. Elle lui avait aussi conseillé de se trouver un bon hôtel pour la nuit, au moins un trois étoiles.
Le chauffeur l’avait remerciée d’une voix compassée.
Elle avait mis au point cette petite représentation avec le chauffeur dans l’agence de location, moyennant un supplément non négligeable. Mais elle n’avait pas regretté une seule seconde ses euros : voir son père bluffé, quelle joie !
Elle alluma son ordinateur, et pendant qu’il se mettait en route, elle sortit de l’assise d’un des fauteuils son Toughbook. Elle l’initialisa également, sortit la puce de reconnaissance du pied de sa lampe de bureau et la logea dans le petit réceptacle destiné à la recevoir.
Sans la puce, l’ordinateur ne pouvait fonctionner.
Une sécurité supplémentaire, customisée par ce fameux Priotr qu’elle n’avait certes jamais rencontré, mais dont elle appréciait le talent informatique tous les jours.
Elle entra le code à six chiffres, quelques secondes d’attente et hop, on line. Les secondes de délai étaient dues au cryptage de la connexion.
Cet ordinateur était intraçable, et tous ses fichiers et dossiers étaient cryptés à l’aide d’algorithmes spécifiques, qui, selon ce que lui avait expliqué Priotr, « tournaient », c’est-à-dire que les combinaisons se modifiaient sans cesse.
Elle se connecta, et entreprit de vérifier systématiquement tous les comptes offshore de La Légion.
Et ils étaient nombreux.
Et bien approvisionnés.
Les fleurs du mal, les fruits des méfaits…
Une partie de ces fonds allait être utilisée pour acheter des armes, elle le savait.
D’après la somme, le stock d’armes serait plus que conséquent.
Des armes, pour faire quoi ?
Pas une collection, pour sûr !
3 Expérience de Mort Imminente : expression désignant un ensemble de « visions » et de « sensations » consécutives à une mort clinique ou à un coma avancé (Source : Wikipédia)
Au départ, Marion n’était pas convaincue.
Seule sa vengeance personnelle comptait.
Se les payer, ceux qui l’avaient rejetée. Elle allait leur montrer, elle allait leur présenter l’addition, et elle allait être salée.
Mais c’était compliqué. Un commissaire, les deux flics de l’Inspection Générale de la Police Nationale, et, surtout, le préfet.
Ceux-là étaient responsables de sa chute, et elle voulait les ruiner. Définitivement.
C’est aussi pour cela qu’elle avait fait évader Max.
Elle avait besoin d’aide, car jamais elle ne pourrait y arriver seule, elle en était sûre.
C’est à ce moment que l’idée d’un pacte avait germé.
Une aide réciproque.
Max lui offrait les ressources de La Légion pour sa vendetta, Marion le mettait en contact avec Hans pour acheter des armes, et elle acceptait de participer à son projet.
Il avait baptisé ce dernier Total KO.
Pour cela, il fallait d’abord structurer l’organisation de La Légion, puis trouver des ressources.
Max était très clair là-dessus : il ne suffisait pas d’avoir lu son récit sur les blogs pour être membre de La Légion. Il fallait faire ses preuves.
Ils avaient donc mené une intense séance de réflexion, brainstorming et tout et tout, comme des braves consultants.
Et, de toute façon, Max avait les idées bien arrêtées. Mais il se devait de consulter ses lieutenants. Il avait ensuite hiérarchisé les propositions.
D’abord, le recrutement.
Indispensable, car il allait y avoir des départs au sein de La Légion, et on ne parle pas ici de plan social ou de retraite. Non, les départs seraient plus définitifs. Les troupes devaient donc être renouvelées en continu.
La méthode était simple : il fallait tuer quelqu’un, de préférence un représentant du pouvoir, devant un membre à part entière de La Légion.
Max n’était pas difficile : la cible être un conseiller municipal, un juge, un gardien de prison, un flic, un gendarme… Le must étant tout de même un flic, gradé top chelem !
Et jamais dans la région d’origine de l’impétrant, juste une précaution élémentaire. Il fallait donc trouver une cible, organiser la logistique, accueillir le candidat, le mener jusqu’à la cible, attester de la réalisation et ensuite l’exfiltrer.
L’entretien de recrutement était une réussite en cas de décès confirmé. L’embauche était immédiate, il n’y avait pas d’autres formalités. Pas besoin de mutuelle !
En un an et demi, il n’y avait eu que deux échecs.
Les gars s’étaient dégonflés au dernier moment.
Pas de souci, ça arrive. Peut-être une mauvaise préparation mentale ? Ou un petit coup de mou passager ?
Sauf…
Pas le droit à l’erreur. Pas Pôle Emploi, tout de même.
Donc les candidats avaient été remerciés définitivement. Leurs cadavres, dans un coin tranquille, pour fertiliser notre chère terre nourricière.
Il y avait eu aussi quelques ratés dus à des policiers un peu trop rancuniers. Deux équipes retrouvées, échanges de coups de feu lors de l’interpellation mais, curieusement, pas de survivants, ce qui arrangeait bien Max.
Dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue, Max avait tiré les leçons de ces déconvenues.
Il avait confié à sa garde rapprochée, Stormy Cat, Bear, Marion et Jöring - l’ex des forces spéciales finlandaises -, la supervision des impétrants, et des plans, car ces derniers n’avaient pas été toujours au-dessus de tout soupçon.
Et depuis, ça marchait nickel.
Comme quoi, lorsqu’on cherche à s’améliorer, et que l’on a la vraie volonté de se remettre en question, cela pouvait porter ses fruits.
Avec le recul, Max pensait vraiment que son organisation fonctionnait correctement.
Enfin presque.
Parce que pour les casses, cela avait été plus délicat.
À la fois à mettre au point, mais aussi à exécuter.
Les cibles étaient multiples. Tous les organismes financiers, les entreprises multinationales, et tous ceux qui étaient perçus comme des nantis.
En fait, la logique de Robin des Bois, mais à destination de La Légion. On volait pour survivre, pour vivre, pour s’équiper, pour se surpasser.
Et puis il y avait eu la combine magique de Priotr, il avait réussi à hacker une multinationale et avait détourné près de cinq millions d’euros. Un sacré ballon d’oxygène ! Max n’avait jamais compris comment il s’y était pris.
A l’origine, Max l’avait recruté sur le dark net pour qu’il construise des blogs afin de recueillir son récit, pour, au final, cibler les sympathisants, ceux qui pourraient devenir des membres à part entière de La Légion.
Priotr s’en était remarquablement tiré.
Et Max s’était dit que ce hacker génial pouvait être un sacré atout.
Lorsque Priotr avait mis au point cette arme informatique, il était naturellement passé du statut de prestataire loué à celui de partenaire à part entière. Il avait fait le chemin vers Max, il avait succombé au charme obscur de la rébellion.
Grâce à ces fonds, il était parti au Cambodge, car sa Pologne natale devenait tout de même un peu trop risquée. Il devait se reconstruire une virginité, et changer d’échelle. Un hacker en quête de renaissance, ça force le respect.
Il avait débarqué à Siem Reap, la ville dotée du grand aéroport touristique à côté des magnifiques temples d’Angkor, avec son Toughbook, et tous ses joujoux informatiques sur des clés.
Six mois plus tard, il dirigeait la sécurité informatique d’un grand hôtel.
Max ne lui avait pas demandé comment il avait fait. Tout ce qu’il avait intégré, c’est que cela constituait une merveilleuse couverture, qui lui avait permis de continuer ses petits tripatouillages.
Priotr avait recruté quelques geeks locaux, et avait mis au point le dispositif de cryptage qui permettait aux transactions financières de La Légion d’être à l’abri de trop de curiosité.
Son petit personnel local s’éclatait bien, grâce aux merveilleux matos bricolés par Priotr. Du surmesure, du vrai ! Priotr se procurait les meilleures puces et les composants les plus sophistiqués du marché : rien n’était trop beau pour lui, il ne voulait que le meilleur. Bien sûr, le meilleur avait un prix, mais Priotr ne s’arrêtait pas à des choses aussi triviales. Il contactait Noémie et lui demandait des fonds. Et les fonds arrivaient. Alors, il faisait ses emplettes. Tout ce petit monde se transformait alors en soudeurs assembleurs : cela donnait un matériel top class, hyper performant, et complètement introuvable sur le marché. Du pur customisé !
Et, ce qui ne gâtait rien, Priotr avait pu découvrir que les taxi-girls du cru n’étaient pas regardantes sur le physique, tant que le dollar coulait à flots. Il avait également copieusement soutenu par de généreuses donations le fonds de retraite de la police, et, en guise de remerciement, personne ne regardait, ni de près ni de loin, ce qu’il faisait.
Pour Max, Priotr était vraiment devenu une ressource majeure. Les guns, c’est une chose, mais les bidouillages informatiques… Miam !
Cela, plus le génie combinatoire de Noémie Landelot, son ex-avocate, reconvertie dans les placements financiers offshore, et voilà une entreprise criminelle modèle !
Le cycle vertueux de la consommation était assuré : les fonds recueillis produisaient des intérêts, et leur judicieuse utilisation produisait de nouveaux revenus, qui eux-mêmes servaient en partie à procurer une juste rétribution aux divers partenaires.
La partie sensible, comme souvent, était l’échange d’informations.
Avec un principe de base : toujours se méfier, ne jamais tenir pour acquise une situation de sécurité.
La sécurité d’un jour, c’est le risque de demain.
Ma x avait donc imposé un moyen de communication par niveau. Seuls les membres de son équipe rapprochée communiquaient par les téléphones satellitaires cryptés.
Pour les échanges autres, il privilégiait le courrier.
Tout simple, mais jamais le courrier n’était ouvert.
Marion avait donc monté une association loi 1901 toute banale, à vocation culturelle, avec une boîte postale. Et Stormy Cat s’occupait de la relever.
En tout cas, jamais ils n’utilisaient les mails, les portables, et même les téléphones filaires.
Quelques rencontres physiques, mais le membre du cercle supérieur avait toujours un dispositif détecteur de micro, et un brouilleur.
Toutes ces précautions pouvaient paraître démesurées, mais en pratiquement deux ans de casses et de meurtres, impliquant facilement une cinquantaine de personnes différentes, il n’y avait eu qu’une opération découverte avant exécution.
Et Max avait trouvé pourquoi : un des membres avait communiqué à l’aide de son portable. Pas de chance, les flics le surveillaient.
Donc interpellation, séquence émotion je suis tout seul devant les méchants flics, j’avoue, je donne les noms de mes gentils collègues et paf, la grosse opération des poulets.
Heureusement, derrière, peu de preuves, juste une arme prohibée, pas de plans, pas de fichiers informatiques.
Max avait envoyé Bear faire le ménage ensuite, lorsque les types avaient été relâchés.
Et Bear, le ménage, il savait faire.
Proprement.
On n’avait jamais plus entendu parler des types.
Ils avaient disparu, c’est le cas de le dire, corps et biens.
Les biens, on n’était pas certain.
Par contre, les corps, c’était sûr.
Quelques kilos de chaux vive, et l’affaire était réglée.
4 Clin d’œil à l’ouvrage de René Descartes, paru en 1637, « Le Discours de la Méthode ».
Angeline Turqot avait pris sa décision. C’était aujourd’hui.
Il le fallait.
Ses blessures étaient maintenant complètement cicatrisées. Lorsqu’elle avait attaqué le poste de police municipale de Gréville, en compagnie de Max, elle avait été gravement blessée. Trois balles, dont deux dans le thorax, ça ne guérit pas comme ça.
Elle avait eu le temps de tuer deux flics et d’en blesser un troisième, à l’aide de ses wakizashis, ses deux petits sabres japonais. Mais les autres ne l’avaient pas loupée.
Elle avait très peu de souvenirs de ce qui avait suivi.
Une douleur violente, du bruit, de la fumée - le cocktail Molotov lancé par Max - et puis plus rien.
Ensuite, longtemps après, le réveil à l’hôpital. Puis les opérations.
La douleur.
Et les menottes qui la maintenaient attachée sur son lit. Ça les menottes, elle connaissait.
Une seconde nature !
Elle ne regrettait rien. Les personnes qu’elle avait tuées ne comptaient pas pour elle. Juste des corps, de la chair et du sang. Surtout du sang. Elle se souvenait encore de ce délicieux goût, douceâtre, avec une pointe de sucre. Des proies, c’est tout !
Elle se leva et alla se soulager au fond de sa cellule, dans l’endroit prévu à cet effet.
Deux ans après et elle avait toujours mal aux abdominaux. Pour se rappeler en permanence de la troisième balle, qui l’avait touchée là. Enfin, pour être honnête, pas vraiment mal, juste une gêne persistante.
D’ailleurs, vu la façon dont ils l’avaient recousue, elle ne pouvait manquer de se souvenir. Les petites cicatrices invisibles, ce n’était pas prévu dans la pratique des chirurgiens qui recousaient les tueurs de flics. De bons gros bourrelets, des déchirures bien visibles.
Elle se rajusta.
Bon, d’un autre côté, vu sa vie sexuelle en prison, elle n’avait pas trop de crainte au niveau de son sex-appeal.
En tout cas, elle avait pu vérifier que Max avait eu raison, en ce qui concernait sa tranquillité en prison. Il lui avait dit que personne ne toucherait à une tueuse de flics.
Son Max.
Il fallait qu’elle le revoie.
Elle avait eu droit au respect des plus dures de ses codétenues. Les autres avaient juste peur.
La presse l’avait surnommée « la Louve ».
C’était devenu son identité carcérale.
Quand elle arrivait dans le réfectoire, toutes la laissaient passer.
Elle avait toujours sa place à la table de Morgane et d’Aïssa, les deux caïds.
Et ça, c’était cool.
Elle avait pu se rapprocher de Morgane. Et profiter de ses contacts.
Elle allait en avoir besoin.
A dix heures précises, la gardienne lui apporta ses vêtements « civils ». Elle appréciait ce moment, pouvoir de nouveau s’habiller comme tout le monde, être presque libre.
C’était finalement un bénéfice inattendu de la thérapie qu’elle devait suivre.
Pendant deux ans, à raison d’une séance ou deux par semaine.
Les premiers moments avaient été durs : les séances se tenaient à la prison, en présence d’un gardien, et le psy ne l’avait pas lâchée. Il voulait tout savoir, pour la guérir comme il disait.
Car elle ne pouvait qu’être malade. Cette fascination malsaine pour le sang, pour les plaies, pour les béances, c’était une maladie !
Comme ils ne pouvaient comprendre, ils la rangeaient dans la catégorie des malades.
Pour ne pas dire folle, monstrueuse, tarée.
Ils voulaient l’aider, la réhabiliter, comme disait le psy.
De toute façon, elle était condamnée à perpétuité, alors la réhabilitation, elle n’en avait rien à battre.
Elle enfila son jean. Mit ses chaussures à scratch.
Elle se résolut très vite à se tenir tranquille pour être une prisonnière modèle.
Elle avait joué le jeu dans toutes les séances, elle avait bien vu que le psy se régalait.
Quasi-orgasme. Il sauvait une personne !
Angeline ne l’avait pas détrompé.
Les séances s’étaient succédées. Et puis, une autre phase commença.
Changement de lieu, dans le cabinet du psy, en ville. Histoire de l’accompagner sur le chemin de la réinsertion dans le monde normal. Et ceci même si elle était programmée pour rester en taule jusqu'à la fin de ses jours, allez comprendre.
Et depuis trois mois, elle allait à ces rendez-vous en « civil » !
Certes, toujours en fourgon pénitentiaire et avec ses deux anges gardiens, mais tout de même, en ville.
Son psy devait être sacrement persuasif.
Et maintenant, ses flics restaient à l’extérieur de la pièce. Pour préserver l’intimité de la relation…
Pour marquer qu’elle guérissait.
La porte s’ouvrit.
— Alors, la Louve, prête pour la balade chez le psy ?
— Je suis prête. Mais ce n’est pas une balade. Il m’aide vraiment.
— Réserve ton baratin pour tout à l’heure, avec moi ça ne marche pas. T’es une tarée de première, et s’il ne tenait qu’à moi, tu boufferais du bâton tous les jours…
Ne pas répliquer.
Tenir.
Ne rien dire.
Laisser cette pute cracher son venin.
La deuxième gardienne attendait à l’extérieur de la cellule.
Angeline marcha lentement dans le couloir, encadrée par les deux surveillantes. Elle ne se pressait pas, elle faisait durer ce moment aussi longtemps que possible.
Puis, les sas, et enfin le fourgon.
Les chaînes. La route. Le doux ronron du moteur diesel. Le trajet prenait habituellement une demiheure.
Elle se demandait ce qu’était devenu Max.
Elle avait appris son évasion bien après.
Son Max, son senseï. 6
Qui lui avait tout appris. Ce chemin vénéneux, plein de sang et de fureur.
Mais quel pied !
Grâce à lui, elle avait découvert sa nature profonde.
La soif. Le goût du sang.
Pour ça, elle lui serait toujours fidèle. D’ailleurs, lorsqu’il avait fallu en arriver à cette opération suicide, l’attaque du poste de la police municipale, elle n’avait pas hésité. Au risque de perdre la vie. Et ce n’était pas passé loin. Mais il fallait qu’elle se sacrifie pour que Max puisse s’en tirer, et avoir sa tribune.
Parce qu’il voulait ce procès, c’est pour cela qu’il s’était laissé prendre.
Et il s’était s’échappé, pas possible de l’ignorer, la France entière en parlait.
Elle avait été surprise de n’avoir aucun contact.
Rien.
Il devait se cacher, forcément. Mais elle était sûre qu’il ne l’avait pas abandonnée. Son Max ne ferait jamais ça. Ils avaient vécu trop de choses ensemble.
Le fourgon arrivait. Il ralentissait, il y avait les pauses aux feux.
Le parking, puis arrêt.
Moteur coupé.
Et la procédure.
Le chauffeur descend et ouvre la porte. Il se met à droite.
L’une des gardiennes déverrouille les chaînes.
L’autre, la main sur son arme, surveille Angeline du fond du fourgon.
La première descend, l’autre reste dans le fourgon.
Angeline sort. La deuxième gardienne sort derrière elle.
Et direction l’ascenseur.
En permanence les mains sur leurs armes.
Premier étage, le cabinet du psy.
Toujours encadrée par ses deux gardiennes, Angeline sortit de l’ascenseur.
L’une des deux gardiennes sonna, l’autre se tenait maintenant derrière Angeline.
La porte s’ouvrit automatiquement.
A l’autre extrémité du vestibule, le psychiatre entrebâilla l’accès à son antre.
— Bonjour Madame Turqot, entrez, je vous en prie.
Entrée groupée.
Sa gardienne favorite lui enleva ses menottes, comme d’habitude. Le psy avait en effet été assez vite catégorique : pas question de garder des entraves dans son cabinet, la parole devait être libre, et comment avoir une parole libre lorsqu’on avait les mains attachées ?
Cela tombait sous le sens.
Et cela faisait bien les affaires d’Angeline.
Les deux cerbères allèrent se replier en salle d’attente, la bien nommée.
— Alors, Madame Turqot, comment allez-vous depuis notre dernière rencontre ?
— Très bien, docteur, je vous remercie.
— Parfait. Nous allons pouvoir commencer ?
— Tout à fait. Mais avant, si vous le permettez, j’aimerais utiliser vos toilettes. Parce que celles de la prison…
— Bien sûr, bien sûr ! Vous connaissez le chemin.
— Merci docteur.
Angeline se dirigea vers le fond du cabinet, pendant que le psy regagnait son fauteuil de consultation. Il allait l’attendre bien sagement.
Ce n’était pas la première fois qu’elle faisait ça.
Aller aux toilettes avant le début de sa séance.
Elle avait pu bien repérer les lieux.
Et les habitudes.
Le psy était un homme d’habitudes.
A chaque fois qu’Angeline voulait aller aux toilettes, il quittait son bureau, situé à l’extrémité de la pièce, pour prendre « sa » place de thérapeute sur son fauteuil.
Ce qui présentait deux avantages.
Il laissait son bureau libre.
Et il tournait le dos à son bureau et aux toilettes.
Angeline, tout en jetant un coup d’oeil derrière elle, histoire de vérifier tout de même la position du psy, fit une légère embardée vers le bureau, subtilisa un crayon à papier et ouvrit la porte des toilettes.
Ensuite, bon, je ne vais pas détailler, elle utilisa les lieux.
Elle vérifia toutefois que le crayon était suffisamment bien taillé.
Elle n’aurait pas de deuxième chance, elle le savait : c’était stop or go !
Elle sortit sans faire le moindre bruit, et surtout, elle n’actionna pas la chasse d’eau.
Le psy, recueilli sur son fauteuil, lui tournait le dos.
Elle serra le crayon de toutes ses forces dans sa main droite, et enserra fortement la tête du psy en le bâillonnant à l’aide de son bras et de sa main gauche.
Elle prit un grand plaisir à enfoncer jusqu’à son poignet le crayon dans l’oeil droit du psy.
Dix bons centimètres de Faber-Castell dans l’œil, ça vous calme un psy.
Et comme l’œil communique directement avec le cerveau, le crayon manipulé avec précision et force par Angeline remonta jusqu’au cerveau.
Et là, ça fait du dégât.
Du genre définitif, qui envoie directement à la rubrique nécrologique.
Bien sûr, il rua un peu, mais sans plus.
Peut-être un athlète des mots, mais pas une force de la nature, le psy. Angeline le maîtrisa easy, et surtout sans bruit.
Bientôt, il cessa de bouger. Elle relâcha le crayon, ce qui lui permit de l’enfoncer un peu plus loin, histoire d’être sûre.
On n’est jamais trop prudent.
Elle retourna aux toilettes pour se laver les mains.
Elle était complètement shootée à l’adré et ne put réprimer un léger tremblement. Elle avait tellement envie de se rouler dans le sang, de fouiller avec son visage les plaies, comme avant !
Mais ce n’était pas le moment.
Pas ici. La priorité c’était de s’enfuir.
Les gardiennes n’avaient visiblement rien entendu.
Elles devaient apprécier ces moments de coolitude, dans les doux canapés de la salle d’attente. Et comme les séances duraient une heure, elles avaient le temps.
Angeline prit le portefeuille du psy : liquide et cartes de crédit, merci les psys n’émargent pas au RMI, cela pouvait toujours servir.
Elle déverrouilla sans difficulté la fenêtre.
Un premier étage, c’est bien pratique.
Coups d’oeil à droite et à gauche. Personne dans la rue.
Elle enjamba la rambarde, se laissa pendre par les deux mains, et la lâcha pour se recevoir sans problème.
Le porche, la rue.
Sans se presser outre mesure, elle remonta la petite rue pour rejoindre le boulevard.
Deux cents mètres plus loin, un arrêt de bus. Elle n’attendit que quelques minutes. Elle régla le prix du ticket en montant, en se félicitant que ce soit encore possible. Pas besoin de trouver une borne quelconque !
Et roule, vers la liberté.
L’avantage, avec les bus, c’est que très peu d’entre eux sont équipés de caméra de surveillance.
Et maintenant ?
Searching for Max…
Le retrouver.
Enfin !
5 The Call of the Wild : roman de l’auteur américain Jack London (1903). Ce titre est souvent traduit par « L’appel de la Forêt ». Une traduction plus littérale serait « L’appel du monde sauvage ».
6 Senseï : dans les arts martiaux, terme qui désigne « le maître ». Littéralement « celui qui est né avant et nous guide dans la voie ».
Un an et demi avant…
Marion conduisait la BMW en souplesse.
Il ne fallait surtout pas se faire contrôler. Elle sortit de l’autoroute assez vite, juste assez pour avoir mis quelques cent kilomètres entre le lieu de l’évasion et elle.
Max appréciait.
La douceur d’un cuir de haute qualité, c’est toujours une expérience tactile magnifique.
— Donc nous allons en Alsace…
— Oui. J’ai une bonne planque là-bas, nous serons tranquilles.
— Ok. Et tu es qui ? Tu me fais évader, ok, mais je voudrais bien en savoir un peu plus…
— Marion Stocken, ex-flic.
— Ex ? Tu veux dire, avant que tu ne butes des flics lorsque tu m’as fait évader ?
— Disons que j’ai de très bonnes raisons d’en vouloir à mort à toute la hiérarchie des flics. Et que je pense que tu peux m’aider, au vu des compétences très particulières que tu as démontrées.
— T‘aider à faire quoi ?
— Je vais me venger, mais je n’y arriverai pas toute seule.
— De qui ?
— De ceux qui ont fait que je ne suis plus flic. Ils vont le regretter. J’ai quelques cibles en vue.
— Je ne suis pas un tueur à gages. Mais je peux être ton partenaire si tu me renvoies l’ascenseur.
— En faisant quoi ? Je te rappelle que je t’ai libéré, c’est déjà pas mal, non ?
— C’est vrai, c’est un bon début. Maintenant que je suis dehors, je vais monter mon organisation.
— Quelle organisation ? Tu veux faire quoi ?