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26 février 1980 : Plogoff – Finistère. Lors d’une manifestation contre l’implantation d’une centrale nucléaire, deux amis, Jean et Guillaume, se retrouvent. Seulement, poursuivi par des gendarmes, Jean, réfugié sur un rocher, est emporté par une lame de fond. Quarante ans plus tard, Guillaume Crenn n’a rien oublié, il prépare sa vengeance…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Kristian Gonidec a été enseignant de français. Plein d’imagination et d’aventures, avec
Triskell mortel, il montre une Bretagne contemporaine aux cultures et musiques diversifiées où la géographie et l’histoire participent aussi à l’écriture.
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Seitenzahl: 220
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Kristian Gonidec
Triskell mortel
Roman
© Lys Bleu Éditions – Kristian Gonidec
ISBN : 979-10-377-6595-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Après les promontoires du Van et du Raz régnaient les eaux ! Les grandes eaux atlantiques pleines de la colère d’un monde inachevé, d’un cosmos travaillé par l’esprit. Quand les ouragans craquaient dans les vergues des nues, les oiseaux criards de Plogoff portaient dans leurs becs l’appel des morts.
Xavier Grall, La fête de nuit, éditions Kelenn, 1972
Je ne suis rien. Rien qu’une silhouette claire, ce soir-là, à la terrasse d’un café.
Patrick Modiano, Rue des boutiques obscures,
éditions Gallimard, 1978
Et voici bien ma terre, la vallée de mes amours.
Glenmor : (chanson « le retour », album dix ans déjà).
« Le triskell, également orthographiés “triskel” ou “triskèle” a une symbolique extrêmement forte. Les trois branches du triskell représentent les trois éléments : l’eau, la terre, le feu. »
À Plogoff, des pierres, il y en avait partout : murets de granit, comme en Irlande, qui délimitaient les parcelles de terre, inventant une géométrie compliquée, anarchique, sauvage.
Les fusils le savaient bien : ils l’apprenaient au fil des jours.
Les 4x4 des gardes mobiles et les cars bleus grillagés étaient présents comme chaque matin, barrant les routes du bourg. Depuis près d’un mois, le début de l’enquête d’utilité publique sur l’implantation d’une centrale nucléaire à Plogoff, le bout du monde, ce pays nommé « Cap Sizun » était entré en rébellion.
C’était une sorte de rituel. À cinq heures du matin, chaque jour, la colonne motorisée, quatre-vingt-douze véhicules, cinq cents hommes, bouclait le village. Il fallait des tractopelles et des soldats du génie pour arriver jusqu’à Trogor, dans un dégagement, devant la maison d’un sculpteur. Là, les autorités y installaient deux camionnettes : « Les mairies annexes » car le maire leur refusait l’accès à la mairie.
Chaque nuit, des barricades énormes de gravats, d’arbres abattus, de pneus, de vieilles voitures se constituaient, fermant l’accès aux « envahisseurs ». Plogoff devenait une île, réagissait comme une île. L’océan des détritus était l’expression de l’espoir, de la peur aussi.
Plogoff, 26 février, sept mille manifestants pour ce qui devenait chaque jour la « der des ders ». Tout à l’heure, les gendarmes vont quitter les lieux. Mission remplie jusqu’à demain…
C’était parti. 16 h 30
Les gendarmes mobiles avaient jailli des cars pour renforcer la sécurité autour des « mairies annexes ».
André Lacre, coordinateur du maintien de l’ordre, se tenait à l’écart. De taille moyenne, 1 m 70 environ, ses yeux étaient dissimulés derrière d’épaisses lunettes. Il s’entretenait avec Baultier, commandant des forces mobiles. Il employait ce ton sec et cassant qui avait fait sa réputation au ministère de l’Intérieur. Drôle de flic, aux pouvoirs étendus, on le retrouvait partout où la raison d’État chancelait.
Baultier se dirigea vers quatre camions bâchés. Des gendarmes parachutistes de Mont-de-Marsan en baskets avec un équipement offensif ultraléger attendaient.
André Lacre, quant à lui, fit quelques pas pour se détendre, puis il se hissa sur la plate-forme d’un land rover où se trouvait un poste d’observation. Un gendarme, dissimulé derrière un abri de toile, caméra au poing, filmait, sans discontinuer, la foule, là-bas, au loin. Deux autres plantons repéraient à la jumelle les éléments perturbateurs, porteurs de casques et de lance-pierres, l’arme préférée des antinucléaires.
Les injures et les slogans parvenaient jusqu’à Lacre, portés par le vent qui soufflait de plus en plus fort. Au-delà des quatre cordons de sécurité, on agitait des « Gwen ha du », drapeaux bretons blanc et noir, des pancartes et des banderoles. Sur l’une d’elles, Il put lire en lettres de sang : « ARMÉE D’OCCUPATION DEHORS ! », et une autre, clamant : « VIVE LA VIE, NON AU NUCLÉAIRE ! ».
« Quels cons, ces Bretons, des vrais ploucs ... » pensa-t-il.
Nous nous étions retrouvés, par hasard, en garant nos voitures. Très vite, nous avions plaisanté, comme autrefois. C’est surtout Jean Le Du qui parlait, il parlait pour deux. Avec les filles, quand nous étions adolescents, au lycée de Quimper, c’était Jean qui prenait l’initiative. Quant à moi, je me la jouais « ténébreux et romantique ». Jean n’attirait pas spécialement les regards mais son humour et sa tchatche plaisaient bien. Mes yeux bleus, ma chevelure brune et ma peau mate faisaient, cependant, l’unanimité. Mes silences me conféraient un mystère et de nombreuses conquêtes féminines. Nous avions été très amis pendant notre adolescence, inséparables durant nos années lycée, toujours entourés par une bande de copains et copines dont le nombre fluctuait, avec cependant quelques fidèles Bertrand, Lili, Hubert, Patrick, Christian, Corinne, Nadine, Brigitte, Anne…
Je me souvenais ainsi d’une soirée anniversaire où Bertrand avait écrit sur l’un des cadeaux, une dédicace prémonitoire signifiant la fin de notre aventure commune : « De tes longs cheveux bruns coule l’âpre souvenir de nos vingt ans etde nos amours anciennes… ». Un poète, le Bertrand, grand lecteur de Baudelaire et de Xavier Grall, le lyrisme à fleur de peau. Tout ce petit groupe s’était disloqué après la terminale. Tout doucement, nous nous étions perdus de vue : études, travail, exil… ne restait que « le souvenir des jours heureux »… Seuls, Jean Le Du et moi, Guillaume Crenn, avions conservé pendant quelques années notre complicité, en nous voyant de temps en temps, puis de moins en moins. Nos parcours avaient divergé, le temps avait passé…
Jean avait ce don de raconter et de faire parler les autres, une empathie naturelle. Je le retrouvais bien avec sa faconde et sa bonne humeur évidente. L’envie de partager un bonheur simple qui le rendait sympathique, inimitable.
L’évocation de ces quelques souvenirs me replongeait dans cette période de jeune adulte où grâce à Lili, plus âgé que nous, et propriétaire d’une vieille Opel, nous écumions Audierne et le Cap, le pays bigouden. Nous avions, pour un temps, quelques mois, mis en commun nos économies pour louer à Briec de l’Odet une maisonnette où nous nous retrouvions pour des petites bouffes, des boums ou des soirées poétiques autour de la cheminée. Toute une époque lointaine, révolue.
Nous avions de plus en plus de mal à échanger, on venait de rejoindre le cœur de la manif. Nerveuse. Prête à en découdre. Les slogans fusaient de partout. Breton-Français mêlés.
« Non au nucléaire »
« Nann d’an distruj nukleel »
Les mots se reprenaient en chœur. Un véritable chahut étudiant et une kermesse vivante et sympathique pour l’instant. Le clown atomique, Jean Kergrist, promenait sa « Centrale baladeuse ». Il discourait, les gens riaient. Des jeunes, des familles entières, des plus âgés. Unis, solidaires, déterminés.
Devant les uniformes qui venaient d’abaisser les visières en plexiglas de leur casque noir, frappé d’une flamme jaune, quelques personnes encapuchonnées portaient un cercueil : « Ci-gît Plogoff, de profundis ». Ils psalmodiaient un cantique parodié.
Une femme, jolie brune, se détacha, portant une fleur, un œillet rouge. Elle s’approcha, tenta d’offrir la fleur à un fusil. On la repoussa sans ménagement. En même temps, deux fusées éclairantes partirent du gros de la foule. Les boucliers s’abaissèrent.
Derrière les cordons de gendarmes, les journalistes et les photographes suivaient les évènements avec attention.
Jean et moi, dans les premiers rangs, n’en perdions pas une miette non plus. Un vrai spectacle bruyant et coloré !
Brusquement, des poissons atterrirent sur les boucliers en tôle des gardes mobiles.
16 h 55
Ce fut le signal. Trois grenades explosèrent simultanément. Devant, les matraques répondaient maintenant aux injures. Les lance-pierres crachaient des billes de fer et des cailloux qui résonnaient sur les casques et les boucliers.
« CRS -SS » ; « L’armée dehors ! ».
Je me mis à courir, Jean à mes côtés. On hurlait, on toussait, on crachait.
Les mobiles tiraient des grenades lacrymogènes pour se dégager. Ils étaient encerclés par les plus déterminés. Les pierres giclaient de tous les coins.
Ça pétait plus que jamais. Plogoff méritait son nom : « Plogoff la révolte ».
Au sein de la foule, c’était la débandade : le clown « atomique » courait de guingois, gêné par ses godillots.
La plus grosse partie de la manifestation convergeait vers le haut du bourg, hors d’atteinte des fumées et des projectiles.
En revanche, quelques centaines de jeunes résistaient aux forces de l’ordre. Des pierres contre des fusils. Après les lacrymos, les grenades offensives, plus dangereuses, venaient d’entrer en action.
Elles pétaient, sèchement, sur la route, dans les champs, les jardinets repoussant les plus enragés, les blessant parfois.
La fumée se mélangeait au ciel gris, bas, menaçant. L’hélico tournoyait sous les nuages, rapace bleu qui fondait sur les groupes les plus agressifs pour les enregistrer et indiquer les positions.
Mouchoir humecté sur la bouche, nous nous étions lancés dans la bataille. Peu habitués au terrain, on s’épaulait mutuellement. Au début, en se contentant de faire des stocks de pierres, puis en rejoignant les avant-postes. Pour barder, ça bardait ! Les charges étaient autant de frayeurs, les gendarmes tapaient sur leurs boucliers avant d’avancer : fantassins harnachés de cuir des temps modernes. C’était comme une danse.
Peu à peu, les charges se faisaient plus espacées, certains cordons semblaient rompre le combat. L’office du soir, la messe de dix-sept heures s’achevait. Eux aussi devaient en avoir ras le bol. Ils devaient avoir hâte de regagner l’ancien petit séminaire de Pont-Croix transformé pour la circonstance en caserne.
Trois semaines d’âpres combats, pour une enquête inutile. Loin d’être terminée. Et tant d’autres semaines à venir, à tenir…
Je balançai un galet poli par la mer. Mon projectile fit mouche, un uniforme s’écroula en face. Écœuré par ma propre violence, j’eus envie de rentrer et fis signe à Jean que je partais. Jean me rejoignit :
Cavalcade. Derrière nous. À côté.
Instinctivement, nous nous mîmes à courir, tout en surveillant nos arrières. À peine cinquante mètres entre nous et un groupe de six ou sept flics, en tennis, armés de longues matraques ; ils ne portaient pas de casques, seulement des lunettes et un bandeau blanc sur la bouche.
Ils fonçaient vers nous vite, très vite. Flashes, les bruits du rotor de l’hélicoptère au-dessus. Assourdissant.
D’un coup d’œil, je repérai Jean, à dix mètres devant, il ahanait. On sauta ensemble, lévriers affolés, deux muretins.
« Bien joué », songeai-je. À l’oreille, les poursuivants perdaient du terrain. Juste un regard, les flics étaient arrêtés à une centaine de mètres, l’un semblait communiquer.
On contourna un bouquet d’arbustes pour se trouver, brusquement, au bord des falaises, devant la mer. On goûtait, notre victoire, reprenant notre souffle, Jean souriait :
Puis tout se figea : la phrase, le sourire, le temps…
D’autres uniformes convergeaient vers nous.
Notre chance ? Ces sentiers, pareils à des serpents, qui menaient les pêcheurs à des rochers inaccessibles. Je pris le premier, droit devant. Jean celui de gauche, parvenant rapidement en bas, sur deux langues de rocs, séparés par un bras de mer.
En haut, on organisait la traque, ils ratissaient les creux du terrain, méthodiquement. Plaqués l’un comme l’autre contre les rochers, invisibles pour le moment, nous nous encouragions par gestes.
Visiblement, la chasse était ouverte. Pour nous ! Nous Seuls !
Le vent avait encore forci, on ne distinguait plus aucun oiseau de mer. La mer s’engouffrait parmi les blocs de granit avec la régularité d’un métronome comme le soufflet dément d’un forgeron invisible.
Contrastes : l’écume blanche des vagues à l’assaut des rochers et les noires profondeurs agitées de remous. Je me plaquai à la paroi, remontai doucement, hors d’atteinte.
Je distinguais à peine Jean, réfugié sur un escarpement. Minuscule point, assailli par des paquets de mer
Ce dernier paraissait immobile, comme fasciné par les déferlantes. Une vague s’écrasa près de lui, sur lui ?
J’avais peur. Il fallait que je me bouge, que j’aille l’aider. Soudain, une lame de fond s’enroula, gigantesque, autour du point. La mer et la mort s’emparèrent de Jean. Mes cris, ma course vers les autres là-haut. Tout était fini. Pleurs et pluie mêlés.
Je rejoignis le groupe de nos poursuivants qui m’entourèrent aussitôt. Le chef des voltigeurs contactait visiblement un autre gradé. Menotté, ils m’emmenèrent sans ménagement vers un poste à l’arrière.
Un civil se présenta :
— André Lacre, c’est moi le responsable de l’ordre, ici. Pour info, une vedette de la gendarmerie, qui est sur zone, vient de repêcher ton pote. On n’a pas pu le ranimer malheureusement.
Ses yeux racontaient une autre histoire. Il s’en foutait de ma détresse, de mes larmes. J’étais vidé, abîmé au plus profond et il restait face à moi, dans une tente à l’écart, sans aucune compassion. Serviteur des puissants.
Je me levai pour lui foutre mon poing dans la gueule. Je le ratai car deux militaires me ceinturèrent immédiatement ;
La phrase en suspens était lourde de sous –entendus. J’étais seul, terriblement seul. Témoin unique d’un drame qui me dépassait. Mon âme était glacée. « Infern », l’Enfer !
Après une nuit de garde à vue, j’avais bien tenté d’alerter les médias, sans succès. Ma plainte, déposée au commissariat de Quimper fut, immédiatement, cataloguée « sans suite » et on me fit comprendre de me tenir « peinard » si je ne voulais pas me retrouver dans « les pires emmerdes dans ton boulot et tes projets » selon les termes de l’inspecteur Grall qui m’avait écouté et reçu. À la fois affable et inflexible.
L’affaire fut classée. Rideau !
Galway – palais des congrès septembre
Matin - Rencontres celtiques
« … oui, les sociétés celtiques ont bien mis en avant les femmes au sein même des organisations civiles ou religieuses ; ainsi les druidesses avaient les mêmes prérogatives que leurs homologues masculins.
Pour reprendre mon propos liminaire, et ne pas dépasser le temps prévu, je voudrais revenir aux figures mythologiques et en particulier à celle de Mélusine. Vous le savez, sans doute, que le nom de cette femme-fée “de toute beauté, aux longs cheveux, séductrice”, d’après de nombreuses interprétations, a été l’objet d’une bataille étymologique, voire idéologique, tantôt personnage défini à partir du grec “mela – leukos ou Blanche – noire” selon mon collègue Jean Markale ; ou également désigné comme “Merlusine”, la “mère de Lusignan”… »
André Coatkeo s’échauffait, depuis une heure, il tenait son auditoire : cinq cents personnes qui assistaient aux dernières prises de parole sur différents thèmes liés au celtisme. Des Irlandais, Gallois, Écossais, Bretons mais aussi des délégués corniques ou galiciens se retrouvaient ainsi pour échanger et débattre pendant trois jours, tous les deux ans. Le lieu changeait à chaque fois, cette année l’Irlande était à l’honneur, d’ailleurs l’inauguration avait débuté par le concert des inusables et très engagés « Wolfe – Tones » ; ils avaient mis le feu ! En particulier avec leur hymne : « you’ll never beat the irish ».
Aux premiers rangs de l’assemblée, j’admirais le talent de celui qui avait été mon mentor lors de nos rencontres dans des stages d’immersion en langue bretonne. À mes côtés, Moira et Célestin appréciaient visiblement aussi les envolées lyriques du « vieux » comme nous l’appelions amicalement. À travers l’amicale des Bretons en Irlande, vingt ans auparavant, j’avais noué des liens d’amitié avec ces deux jeunes, aujourd’hui des quadras. On se retrouvait périodiquement. Nos visions politiques convergeaient et nous avions un projet commun…
… « Non et non ! Mélusine est bien celtique ! Elle est “mi-lysowen”, moitié-serpent et sans doute aussi rattachée à “Lux”, la lumière et au dieu celte Lug. Bref, qu’elle soit la dame des eaux ou la divinité du chêne, je vous rappelle qu’elle est la dispensatrice des biens terrestres, la bâtisseuse. Elle n’a pu conquérir la condition mortelle mais change d’apparence, lorsqu’elle serpente ou devient dragon volant… elle continue à vivre, hors du monde, dans l’île d’Avallon, notre paradis celtique, en compagnie des déesses comme Birgit ou Dana, en féérie. Belle métaphore de la liberté des hommes et des peuples ! Comme un chemin secret et intime ! Merci, chers amis, pour votre attention ! »
Les applaudissements crépitèrent, sur l’écran, où la traduction de la conférence s’affichait, la couverture de son dernier livre, en version anglaise : « Melusine, a Celtic Mythology » apparut.
Standing ovation.
Coatkeo descendit enfin de la scène et vint me saluer chaleureusement. Un journaliste du « Galwayindependant » nous demanda de prendre la pause.
« Setu, Guillaume, ni ho unan ! Kenavo ar c’henta e Breizh ». (« Voilà, Guillaume, nous seuls, à bientôt en Bretagne »)
Au centre de l’attention, entouré par une forêt de micros et par la caméra de l’Irish Tv, le « vieux » se dirigea, vers une table pour une séance de dédicaces. Une star. Un militant breton reconverti dans les légendes, du moins en apparence…
***
Septembre - Galway – Irlande
Dans Maingard street, la musique irlandaise s’entendait de loin. Au « Tig Coili », comme tous les soirs ou presque, la session avait débuté vers 18 h. Le uilleann pipe répondait au fiddle et à la guitare. La flûte irlandaise, le « tin whistle » se mêlait ensuite à l’accordéon pour enchaîner jigs et reels ; le pub était bondé et les clients débordaient dans la rue ; Guinness et Smithwick’s coulaient à flots dans une ambiance chaleureuse.
Je me tenais debout dans un coin du pub, très heureux d’avoir assisté au congrès inter celtique international qui s’était achevé ce midi. Demain, retour en Bretagne. Je connaissais bien Galway et l’Irlande pour y avoir séjourné plus de dix années en tant qu’enseignant.
La jolie brune, quadragénaire aux yeux verts, était très à son aise dans ce lieu chaleureux. Depuis dix années, elle militait activement au sein du « Sinn Fein », l’organe politique de l’I.R.A. qui voulait la réunification de l’Irlande.
Originaire du Connemara, elle vivait le parfait amour avec Célestin à Dublin où ils avaient monté ensemble une société d’assistance informatique et de conseils dans l’« interculturel ». Elle possédait la double nationalité, Française par son père qui vivait entre le Connemara et le petit port de Dingle, où Yann, son grand-père avait établi, dans les années 1950, une petite entreprise de transformation autour des produits de la mer et de vente des crustacés pour l’export.
Les musiciens faisaient un break avant la deuxième session. Mais immédiatement, ils furent relayés par la sono maison, couvrant le brouhaha. La voix magique de Christy Moore et son tube « Ordinary man » résonnait. Immédiatement, une partie des consommateurs reprirent les paroles à la manière d’un hymne :
« I‘m an ordinary man, nothing special, nothing grand, I’ve had to work for everything I own, i never asked for a lot , i was happy with was i got enough to keep my family and my home ... »
(« Je suis un homme ordinaire, avec rien de spécial ou de grand, j’ai eu à travailler pour tout ce que je possède, je n’ai jamais demandé beaucoup, je suis satisfait de ce que je suis, assez pour garder ma famille et ma maison… »)
Moira, Célestin et Guillaume quittèrent l’atmosphère conviviale du « Tig Coili » pour se diriger vers le port
Ils passèrent devant « The Quays », sur la terrasse et devant le restaurant, une foule compacte discutait par petits groupes, beaucoup de filles court-vêtues, aux collants colorés, bravaient le froid et la pluie fine, donnant à la rue un air de fête.
Le pub était bondé, un décor extraordinaire : la charpente très haute était celle d’une ancienne chapelle écossaise. Une passerelle - mezzanine dominait l’un des bars et accueillait, chaque soir, des groupes musicaux.
Ce soir, un groupe de rock, habitué de la maison, débordait d’énergie, en interprétant U 2 : « Bloody Sunday »
Moira les entraîna à l’étage, ils trouvèrent une alcôve, qui dominait le bar principal et permettait de voir les musiciens tout en réussissant à poursuivre leur conversation