Un héros sans visage - Tome 2 - Patrick Clotagatilde - E-Book

Un héros sans visage - Tome 2 E-Book

Patrick Clotagatilde

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Beschreibung

Après avoir sauvé son père d’un odieux chantage en Amérique et une jeune femme harcelée par son patron, Jack Summer sort de sa zone de confort et étend ses pouvoirs. Cet aveugle, que personne ne soupçonne jusqu'ici, s’engage cette fois à aider une colonie de chiroptères en mauvaise posture. Réussira-t-il sa mission sans être démasqué ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Un héros sans visage - Tome II est un clin d’œil de Patrick Clotagatilde aux aveugles qui se débrouillent, et souvent, voient bien mieux que les voyants.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Patrick Clotagatilde

Un héros sans visage

Tome II

Roman

© Lys Bleu Éditions – Patrick Clotagatilde

ISBN : 979-10-377-7761-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Excès de confiance

En empruntant une petite ruelle sinistre, Jack Summer, ce jeune garçon né aveugle, s’est aperçu qu’une personne venait de se faire violemment agresser. Elle était étendue là, par terre, baignant dans une mare de sang. À ses côtés, quatre énergumènes se vantaient de s’en être débarrassés à bon compte. Celui qui paraissait gérer le groupe était même en train de lui faire les poches. Notre non-voyant avait choisi de porter secours au blessé, ce qui n’était pas du goût du quatuor plein de haine.

— Non… mais ! De quoi je me mêle ! cria l’un d’eux à l’encontre de notre ami. Fous-moi le camp, si tu ne veux pas rejoindre celui qui est étalé là.

Ces malfrats ignoraient que le baroudeur n’obéissait qu’à ses propres règles. En effet, au lieu d’opérer un demi-tour, comme le ferait n’importe qui de sensé, le jeune homme s’est lancé tête baissée au beau milieu de ce groupe de prétentieux. Ces derniers, observant que le nouveau venu paraissait ignorer la consigne, s’étaient mis à rire joyeusement, croyant pouvoir se débarrasser de celui-ci sans risque. Ils s’étaient visiblement trompés, car Jack n’avait pas attendu un instant de plus. D’une prise de judo, il attrapa par le bras le premier qui lui barrait le chemin pour l’envoyer voltiger dans les airs. Celui-ci est allé s’écraser contre le bitume, tandis que le bruit de l’un de ses os brisés s’était fait entendre. Pendant que ce dernier hurlait de douleur, un second avait réussi à empoigner son adversaire par-derrière. Un troisième, profitant de ce que le Nancéen était fortement enlacé, l’assénait de plusieurs coups de matraque sur tout le corps. La même arme avait été utilisée l’instant d’avant pour éliminer l’homme en train d’agoniser. Dans un suprême effort, notre ami avait soulevé son ennemi de dos. C’est ce dernier qui reçut en plein visage la dernière action qui l’aurait sans doute mis hors course. Fou de rage, prenant à bras le corps son troisième adversaire, le Nancéen le propulsa directement sur les deux autres. C’est sur cet ultime fait que s’est stoppée là, net, son ingérence en terrain ennemi. Touché à la tempe, se tenant la tête, Jack s’est subitement affalé sur le bitume. Ne voulant pas d’un face-à-face avec cette furie, le quatrième gangster n’avait pas hésité à lui tirer dessus. Dérouté, au lieu de se rassurer que son ennemi était définitivement hors d’état de nuire, le brigand préféra s’occuper aussitôt de ses amis moribonds. De l’homme qu’ils avaient roué de coups, un peu plus tôt, ils n’en avaient plus fait cas. Pour autant, avant de quitter les lieux, le chef des loubards, revenu à lui et furieux, décida qu’il devait en finir avec ce curieux garçon qui a failli tous les avoir. Pour ce faire, il récupéra le pistolet des mains de son partenaire, avant de s’exprimer rigoureusement en narguant son adversaire impuissant.

— Désolé pour toi, mon gars, je t’avais prévenu qu’il ne fallait pas te mêler des affaires qui ne te regardent pas. Lorsque tu seras là-haut face au créateur, dis-lui que c’est moi, Charlie, qui t’ai refroidi et que je n’aime pas les redresseurs de torts de ton genre. Je n’ai pas non plus particulièrement affectionné la raclée que tu nous as infligée. Néanmoins, à quatre contre un, c’était perdu d’avance pour toi. Tu devais le savoir, non ! Gros bêta. Quant à vous mes amis, on se retrouve à la taverne du « Grec » dès que je lui aurais réglé son compte à celui-là. Et faites soigner Ben, il m’a l’air salement amoché.

De son arme, l’homme prit un malin plaisir à menacer notre héros, à peine conscient. L’odieux personnage allait faire feu sur son ennemi qui tentait vainement de se relever quand, tout à coup, des centaines de petits cris stridents lui firent lever la tête.

Une vision de cauchemar s’était présentée à ses yeux. Du haut du ciel, un nuage noir lui était arrivé dessus, tel un cyclone. Sombrant dans l’inconscience, c’était la dernière scène que Jack avait observée. Et avant qu’il ne pût commettre son geste de folie, le bandit était jeté par terre, avec une force insoupçonnable. Des chauves-souris, par centaines, étaient venues au secours de l’aventurier aveugle. De la ruelle d’ordinaire déserte, c’était la folie. Parmi les hommes valides, la débandade s’imposait. Ils ne savaient plus où donner de la tête, étant attaqués de toute part. Au point de mille efforts, à l’exception de Benjamin Jarvic, sévèrement blessé et pas déplaçable, tous avaient réussi à fuir les lieux. Ne comprenant pas vraiment ce qui s’est passé, le trio de malfrats est parvenu à s’éclipser, non sans mal, de la folle attaque. À la suite de cette confrontation extraordinaire, sans demander leur reste, ils s’éloignèrent à grande enjambée. L’un d’entre eux boitillait. Les autres n’allèrent guère mieux. Jack les avait pas mal molestés, avant de sombrer. La fuite précipitée des roublards était vue par quelques passants médusés. Aucun de ces derniers n’osa pour autant s’aventurer dans ce coin de rue qui donnait froid dans le dos.

Le danger passé, le calme était presque revenu dans l’étroit passage. Jack, quant à lui, demeurait toujours inconscient. Ses congénères ailées, qui le savaient vivant, s’étaient réfugiées non loin. Elles veillaient, pour permettre à leur ami de reprendre ses esprits. Combien de temps était-il resté inconscient ? Personne ne put le formuler, pas même l’intéressé.

Orage

Mais avant de se fourrer dans cette bataille qu’il a perdue, Jack Summer, alias « Sans Visage », surnom qui lui a été donné par deux jeunes femmes qu’il a sauvées d’un odieux kidnapping, ne faisait pas grand-chose, sinon réfléchir. Ce dernier était perché au sommet d’un building, à contempler, si on pouvait le dire, la tranquillité de cette nuit sans lune. En lui, un sentiment de fierté, des prouesses qu’il a réalisées les jours précédents. En effet, alors que Karol Douglas, sa petite sœur, avait regagné les États-Unis après avoir réussi sa mission de façon spectaculaire, le premier se sentit satisfait des efforts qu’il a entrepris en sa compagnie.

Toutefois, ce que notre héros a appris ces derniers jours, la façon dont il a obtenu ses pouvoirs ainsi que toutes ces aventures qui se sont enchaînées avaient fait de lui quelqu’un, dont il ne se serait jamais imaginé.

Néanmoins, il est resté imprégné dans son esprit le sauvetage de son paternel en Amérique. Un jumeau diabolique, de surcroît français, avait décidé de ruiner son propre frère pour tenter de se sortir de sa propre déchéance. Mais la vie du père de notre ami aveugle était en jeu. Alors notre héros a fait le nécessaire et tout est rentré dans l’ordre.

Par la suite, il a pu aider une jeune femme dans la tourmente, il ne regrette pas un instant le défi qu’il s’était lancé, à savoir la sortir des griffes d’un super vilain qui n’était autre qu’un ministre corrompu et avide. Bataille réussie avec succès et non sans peine. Bien entendu, ce garçon n’était pas seul lors de certaines de ces aventures. N’étant pas un surhomme, qui plus est avec une cécité et non des moindres, il lui fallait un petit coup de main. Un inspecteur à qui il avait eu affaire, au fil des évènements, avait compris de quelle façon son partenaire d’un moment damnait le pion à tout le monde.

Mieux encore, c’est en cette occasion que notre héros a appris que sa petite sœur fait partie des Métalmen, un groupe de super héros créé par Nathan Foreste qui n’est autre que « l’aigle noir ». À découvrir dans « L’aigle noir et les Métalmen ».

De même que ses performances dans son sport préféré, qui n’est pas du tout le fruit du hasard. Tout cela lui restera à jamais gravé dans sa mémoire.

Cependant, plusieurs jours à la suite de cette dernière affaire défrayant la chronique, la vie de notre sportif non voyant, que seuls deux ou trois personnes savent, semblait avoir retrouvé une tranquillité.

Rien de particulier ne l’inquiétait, c’est pour cette raison qu’il arpentait gaiement une grande avenue. Sifflotant, les mains dans les poches arrière de son pantalon, il flânait d’allure joviale et désinvolte. Personne ne pouvait deviner l’anomalie de notre joyeux luron. En revanche, malgré sa cécité, le garçon venait de discerner qu’une altercation était en train de se produire dans une boutique, quelques dizaines de mètres devant.

Nous savons à présent qu’il s’agit bien d’un sens radar que possède le Nancéen. Et que c’est grâce à ses ouïes hyper sensibles qu’il a pu comprendre qu’un drame se produisait. Après avoir entendu la détresse des assiégés, le garçon n’avait pas le choix que de se lancer dans la ruelle la plus proche afin de se métamorphoser. En fait, il ne fit que se nouer le visage avec le foulard de sa mère. C’est donc Sans Visage qui se rua vers le lieu où était en train de se dérouler la tragédie. Devant une bijouterie, le moteur vrombissant, patientait un véhicule avec à son bord le pilote tout en sueur. Son regard parcourant le secteur, en pleine course, Sans Visage ramassa un vieux pieu qui traînait et le balança avec force, tel un javelot, sur le chauffeur qui avait tout juste eu le temps de voir venir. S’apercevant du danger, celui-ci voulut tirer, mais le projectile de bois était déjà lancé et traversa le pare-brise avant de se planter dans son épaule. De douleur, se dégagea de lui un cri d’effroi, tandis que la balle, elle, traversa le plafonnier du véhicule. Accroché à son siège par l’arme improvisée, le renégat n’osa plus un mouvement. Dans l’établissement, ses complices, qui avaient entendu leur ami hurler, se dépêchèrent pour tenter de sortir. Mais la marchandise n’étant pas encore totalement sous contrôle, ils perdirent quelques précieuses secondes. Là-dessus arriva un Sans Visage en pleine forme. Déterminé dans son action, qui plus est doté d’une fougue hors du commun, ce dernier ne laissa aucune alternative à ces détrousseurs. Le premier leva son fusil et ouvrit le feu sur la cible mouvante qui venait d’entrer. Hélas ! Trop tard pour le premier. Notre ami esquiva la balle qui se figea dans le haut de la porte. Le bandit n’eut même pas l’occasion de réarmer. Prenant son adversaire à bras le corps, Sans Visage le hissa sans peine pour le lancer avec force sur le second qui s’apprêtait à faire feu, lui aussi. Dans un grand fracas, les deux hommes s’affalèrent sur une vitrine qui s’affaissa sous le poids du couple de malfaiteurs. L’affaire était réglée, les voilà inconscients.

— Je suis désolé pour vos meubles, monsieur.

— Bah ! Ne vous inquiétez pas, Sans Visage, répondit le bijoutier. Il vaut mieux le mobilier que nous autres. Heureusement que vous passiez dans les parages. Je ne sais vraiment pas ce qu’ils pensaient nous réserver, ces deux-là. La police ne tardera pas à intervenir, j’ai pris le temps de les alerter. Elle ne serait pas arrivée à temps si…

— Vous avez bien réagi, mais je ne compte pas les attendre. Je les entends, toutes les sirènes hurlantes. Personnellement, je ne tiens pas à leur fournir une quelconque explication sur ce qui vient de se produire !

— Allez-y, Sans Visage. Avec mes employés, nous le leur expliquerons, lui confia le patron du magasin, soulagé de ne pas avoir plus perdu.

Cette fois-ci pourtant, notre casse-cou fut pris de court. Il n’a pas été assez rapide pour évacuer les lieux. À l’extérieur, l’inspecteur Schneider avait fait diligence.

— Mince alors, Sans Visage ! Encore toi ? Tu ne rates décidément jamais une occasion de te faire remarquer. Lorsque j’ai vu celui-là avec le javelot planté dans le corps, j’ai tout de suite pensé à toi. Il n’y avait vraiment pas d’autre moyen pour l’arrêter ?

— Écoutez, monsieur le fonctionnaire, j’avoue que je n’avais guère eu de temps de m’acheter une arme réglementaire.

— Oh ! excuse-moi, Sans Visage. Mais nous n’avons pas encore terminé avec la précédente affaire que nous voilà avec une autre sur les bras. Il est vrai que tu n’as pas demandé que ces pseudo-voleurs se trouvent sur ton chemin ! Néanmoins, je tiens quand même à te dire bravo pour cet exploit. Je crois que tu as sauvé ces gens d’une mort certaine. Ces trois-là, je les connais parfaitement, ils ne sont pas à leur premier coup d’essai. Rarement, ils laissent des témoins gênants après leur passage. Encore toutes mes félicitations donc. Voilà tout ce que je peux te dire, une fois de plus !

Cette fois-ci, l’homme masqué fut bien obligé de prendre ses jambes à son cou. Quelques passants curieux voulaient savoir qui se cachait derrière ce fragment de tissu. Ils désiraient, comme beaucoup, être informés sur l’identité de cet homme qui se permettait toutes ces péripéties. Qui est donc ce garçon qui ose toutes ces folies ? Qui ose ainsi braver le danger au péril même de sa propre vie ? Notre ami en revanche, lui, ne s’était pas rendu compte à quel point il était devenu célèbre dans la ville. Après quelques acrobaties, le voilà un instant plus tard chez lui. Là, les surprises furent loin d’être terminées pour notre héros.

— Viens voir, Jack ! l’interpella Stefanie tout excitée. On a déposé un colis pour toi. Tu ne devineras jamais qui j’ai aperçu en personne.

— Non ! Mais je sens que tu vas me le dire, maman. Je t’écoute ! émit le fils prodige.

— L’Aigle noir et sa compagne Black Bird, tous les deux sont passés récemment. Ils étaient bien évidemment déçus de ne pas te trouver à la maison. Ces derniers pensaient te rencontrer afin de converser. Mais ils semblaient comprendre les raisons de ton absence.

— D’accord ! Dans ce cas, je vois de quoi il s’agit. Karol m’avait promis qu’elle lui en toucherait deux mots. Je t’avoue cependant que je ne l’attendais pas de sitôt. Peut-être même pas du tout. En plus, c’est Nathan lui-même qui me l’a emmené en personne ! Décidément, elle est plus que formidable, ma petite sœur !

Après avoir ouvert le colis.

— C’est un costume ! Comment le trouves-tu, maman ?

— D’une très grande beauté, Jack. Tu seras majestueux et surtout à ton aise là-dedans. Une magnifique tenue toute noire qui me paraît robuste, dit-elle en tapotant le costume en latex. Je suppose qu’il n’y en avait pas d’autres en magasin ! ajouta Stefanie en plaisantant. Il a pensé à ne pas inclure d’œillères à la cagoule. Je crois qu’il te connaît à la perfection, cet individu. On ne constatera plus une once de ta peau. Ici, accroché à la ceinture, un étrange objet. Je ne sais pas ce que ça représente, Jack.

— Je verrai cela demain, maman. Pour l’instant, je compte prendre un peu de détente, j’aviserai à ma prochaine sortie.

Jack fit bien de se reposer. Dans sa boîte aux lettres, un pli des plus importants allait retenir son attention pour un moment. Il venait d’être sélectionné comme prévu pour les jeux qui doivent se dérouler durant les mois à venir. Son entraîneur, Enrique Mathias, qui tentait de le joindre par tous les moyens, pensait que son poulain n’en avait plus rien à faire. En effet, celui-ci avait manqué pas mal de séances d’entraînement. Le lendemain, en se présentant de nouveau au gymnase, Jack s’attira les foudres du premier.

— Écoute, mon gars ! Ta présence après plusieurs jours sans nouvelles était souhaitée par tout le groupe. Mais ne pense pas, parce que tu as été élu comme le leader, que tu peux te permettre ce laisser-aller. Je ne sais pas ce que tu fabriques de ton temps, ce qui paraît évident, tu ne nous fréquentes plus beaucoup. Cours te changer, qu’on voie un peu ce qui reste de ta fameuse culture physique.

— Bien, monsieur Mathias. J’y vais de ce pas, lança le jeune homme, gêné.

Conscient que le sport dans sa vie lui importait, Jack ne pouvait cependant répliquer, afin de s’expliquer sur son absence. Il décida tout simplement de se donner à fond, comme pour se faire pardonner. Sa fougue remarquable démontra qu’il avait gardé son habileté et n’avait rien perdu de sa souplesse. D’autre part, à sa manière, le Nancéen n’avait jamais vraiment arrêté de s’entraîner. Mais il reste évident que personne ne pouvait savoir cela, pas même le coach qui observa avec étonnement la volonté du garçon qui se dévoila sans presque forcer. Tels des fans, ses coéquipiers, admiratifs de leur collègue, oublièrent leur propre rôle pour contempler la démonstration fantastique du revenant. Cependant, d’un ton imposant, Mathias les rappela à l’ordre.

— Dites, les gars, notre ami n’est pas un extra-terrestre. Il faut vous mettre au travail, vous aussi ! Nous avons des exploits à réaliser et des compétitions à remporter dans les semaines à venir. Bien entendu, nous comptons sur tout le monde. Allez ! Au boulot.

Vraisemblablement, en son for intérieur, l’entraîneur exultait en contemplant la forme resplendissante de son poulain. Il se retenait toutefois de montrer à ses hommes son entière confiance en ce dernier. Jusqu’à la fin de l’heure, Mathias n’en démordit pas. Après la séance, un revirement soudain étonna notre gymnaste-acrobate.

— Attends, Jack. Je dois te parler un instant avant que tu ne rejoignes les autres pour ta douche.

— Qu’y a-t-il, monsieur Mathias ? demanda-t-il avec inquiétude.

— Je voulais m’entretenir avec toi loin de tes compagnons, pour te dire que je ne possède aucun grief personnel contre toi. Il s’avère que lorsque tu ne t’entraînes pas avec eux, ces derniers perdent de leur enthousiasme et ils n’exercent plus le moindre effort. Ce soir, en ta présence, ils ont montré un tout autre visage.

— Je…

— Laisse-moi finir, Jack. Je sais aussi pourquoi tu n’es pas souvent avec nous. Un jour, l’inspecteur Schneider a pris contact avec moi. Il n’a pas hésité à me mettre dans la confidence. Il se trouve que ce policier a besoin de tes services. J’ignore ce que tu peux lui apporter, mais je lui fais confiance, car je sais également ce que tu apportes à l’équipe par ta bravoure. Ton ami policier m’a aussi dit qu’il te surveillerait, que je pourrais même observer une progression le jour où j’aurais besoin de toi à mon tour. Il n’a pas menti et ne pouvait réaliser moins. D’après ses dires, sa fille serait déçue si tu perdais tes acquis. Je m’aperçois en tout cas qu’il a tenu parole. Comment il a fait, ça, je l’ignore ! À voir tes performances, je ne doute plus un instant de tes capacités. Tu gagneras ces épreuves haut la main. Si tu dois par conséquent t’absenter plus souvent, ne reste pas trop longtemps sans donner de tes nouvelles, s’il te plaît. Aussi, je suis désolé de t’avoir réprimandé de la sorte, malgré ce que je sais. En même temps, je dois garder une certaine autorité sur les autres qui ont tendance à régresser, si tu comprends ce que je veux te dire.

— Très bien, monsieur Mathias, j’ai saisi le message. J’essayerais d’être le plus présent possible.

— Ne promets pas ce genre d’engagement, Jack. On ne sait pas ce que nous réserve l’avenir. D’autre part, puisque tu fréquentes la police, chez eux aussi, les évènements demeurent toujours aléatoires. Je me répète sûrement, mais je ne vois vraiment pas ce que tu peux leur apporter comme aide. À en croire l’inspecteur, tu es d’une efficacité rare. Je te demande seulement de ne pas nous laisser tomber. Pas en ce moment en tout cas. Tu dois venir nous mettre du baume au cœur dès que cela te semble possible, comme en ce jour par exemple. Je comprendrais si tu ne participes pas à nos exercices, mais pas tes partenaires.

Le lendemain et le surlendemain encore, Jack se présentait comme prévu aux séances d’entraînement. Sa présence se ressentait sur tous ses équipiers qui réalisèrent, à leurs tours, des performances tout à fait exceptionnelles. Enrique Mathias était aux anges. Il sentait son équipe tenace. Mais sachant leur meneur instable, l’entraîneur se demandait jusqu’à quand cela allait durer. Toutefois, il se décida quand même à jouer le jeu.

Si le sport lui importait, la vie d’autrui ne l’était pas moins. Jack, dirait-on, paraissait indispensable des deux côtés. En effet, tandis que le groupe était gonflé à bloc, après presque un mois de présence, voilà que leur leader disparaissait à nouveau. Cette fois-ci, tous ignoraient où il était passé. Ce fut Stefanie la première à s’inquiéter. Un soir, ne le voyant pas rentrer comme d’habitude, elle en référa à Schneider à son bureau. Ce dernier, à son tour, paraissait étonné de ne pas avoir obtenu de nouvelles depuis plusieurs jours déjà.

— Je suis désolé, madame. Ça fait presque trois semaines exactement que je ne l’ai pas sollicité. Je n’ai pas spécialement eu besoin de lui ces temps-ci. Je vais appeler son entraîneur.

— Vous devez vous douter que le premier numéro que j’ai composé en ne le voyant pas dans sa chambre ce matin encore était celui de l’entraîneur. Mon fils n’est pas rentré cette nuit ni la nuit dernière. Monsieur Mathias m’a confirmé qu’il n’a pas assisté à ses séances non plus. Ce dernier ne s’en était pas inquiété, le pensant sur une affaire avec vous. Voilà, ce n’est pas son habitude de me laisser sans nouvelles. Il se passe quelque chose, Inspecteur !

— Je crois que vous êtes dans le vrai, madame Summer.

— Appelez-moi Stefanie.

— Très bien, Stefanie. Moi, tout le monde m’appelle Schneider. Je vais me mettre à sa recherche aussi vite que possible pour tenter de retrouver ses traces. En effet, moi qui commence un peu à le connaître, je sais qu’il ne se comporterait pas ainsi. Vous restez près de votre téléphone, il se peut qu’on vous contacte si jamais il a été enlevé. Ce qui ne serait pas la première fois entre nous.

— Vous avez raison, Schneider. Il me semble néanmoins qu’il y a une différence cette fois. Je n’ai pas reçu la moindre nouvelle depuis plusieurs jours. Si des ravisseurs s’étaient emparés de lui, ils auraient appelé, lui confia la mère inquiète.

Après l’avoir laissé, malgré lui, l’inspecteur commença aussitôt ses recherches. Il remonta au moment où son ami aveugle avait quitté le gymnase en compagnie de deux de ses camarades d’entraînements. Les trois hommes s’étaient arrêtés dans un café et avaient consommé des orangeades, selon les dires du barman très précis. Là, le trio s’est séparé pour regagner chacun leur domicile. C’est à ce moment que le policier perdit les traces de son partenaire. En face de lui, une ruelle sombre qu’il arpenta presque inconsciemment ou plutôt du fait que précédemment, quelques-uns de ses collègues ont enquêté sur une autre affaire dans ce même coin.

« C’est la direction la plus directe pour rentrer chez lui, pensa-t-il ! Il serait passé par là, et après ? »

À sa gauche, une autre ruelle donnant sur un cul-de-sac que Schneider emprunta instinctivement. Là, le policier anxieux découvrit un indice qui lui fit comprendre que le jeune Summer aurait pu rencontrer des problèmes. Réagissant rapidement, il réclama une intervention de son quartier général. Pour cause, la découverte d’une énorme flaque de sang presque séché et à côté se trouvait une médaille. Un peu plus loin, un foulard que l’inspecteur reconnut sans trop de mal.

« Nom de Dieu ! Jack est dans les ennuis jusqu’au cou. Tout ça ne me dit rien de bon pour ce garçon. En effet, c’est ici, dans cette ruelle même, qu’ont été retrouvés un cadavre et un blessé, il y a deux jours de cela. D’ailleurs, ce dernier n’a jamais repris connaissance. Nom de nom ! comment vais-je annoncer cela à sa mère ? se dit-il. Cela dit, à présent que j’y pense, ça m’étonnerait qu’il n’y ait pas de rapport entre sa disparition, le cadavre que nous avons découvert ici même, ainsi que le blessé. »

Moins de dix minutes plus tard, les experts avertis étaient à pied d’œuvre. Alors que le terrain n’était plus vraiment neutre, ils auscultèrent tout de même la partie incriminée. La portion de rue fut bloquée à la circulation. À chaque extrémité, une voiture banalisée empêcha l’entrée à toute personne étrangère au service. Les traces de sang trouvées sur le sol étaient sélectionnées avec minutie, pour être par la suite analysées. Tous les indices furent méticuleusement classés. À présent en possession d’un début de piste, Schneider prit son portable pour appeler Stefanie Summer. Cette dernière tomba à la renverse, en apprenant la nouvelle. Néanmoins, en son for intérieur, la zoologiste ne pensait pas vraiment que son fils courait un réel danger. Pourquoi ? Elle ne saurait le dire.

Afin de tenter de comprendre cette certitude qu’elle pouvait ressentir, remontons le temps quelque quarante-huit heures plus tôt. Un peu avant ce moment où notre ami avait perdu connaissance à la suite de sa bagarre avec un quatuor qui avait déjà malmené un autre individu.

En effet, bien plus tard, après la bagarre qu’il a perdue, notre casse-cou était finalement sorti de son inconscience. Comme si de rien n’était, sans même prendre en compte son alentour, le Nancéen s’était relevé pour rentrer chez lui ! Chose bizarre, lui-même semblait ignorer la direction qu’il devait prendre. Pendant un moment, le voilà parti tout droit devant, paraissant vagabonder sans but, dans la grande ville. À plusieurs reprises, il s’est porté les mains à la tête et avança en titubant. Et alors qu’il allait s’évanouir une nouvelle fois, à cet instant, une jeune femme et son amie l’avaient rattrapé juste à temps devant l’entrée de leur demeure.

— Qu’est-ce qui vous arrive, monsieur ? avait demandé l’une d’elles.

— Tu vois bien qu’il est blessé ! Je pense qu’il ne pourra même pas te répondre, Mathilde. Ça n’a pas l’air très grave, heureusement. Il a juste une éraflure à la tête. Tu ne comptes pas sur moi, en tout cas, pour le conduire à l’hôpital. Je ne tiens pas encore à me retrouver face à ces policiers qui ne nous apprécient guère.

— D’accord avec toi, Cindy. Emmenons-le plutôt à la maison, afin de le soigner. Ça représentera notre bonne action de la journée. Nous ne pouvons pas le laisser ici, l’on va encore nous accuser de non-assistance à personne en danger.

Voilà la raison pour laquelle l’inspecteur Schneider semblait avoir perdu les traces de son partenaire. Notre intrépide ami avait surestimé ses forces. Trop confiant en ses capacités, il s’est fait posséder, cette fois-ci. Dans son malheur, notre blessé a eu la chance d’être pris en charge par deux braves jeunes femmes. Le problème, ces dernières redoutaient, comme beaucoup de personnes dans la ville, de se présenter à la police. Jack se trouvait ainsi chez elles. Pourquoi dans ce cas, s’il vivait toujours, ne donnait-il pas de ses nouvelles à sa famille et à ses proches ?

Les jeunes femmes de leur côté désiraient pardessus tout que la situation de cet inconnu, qui ne leur semblait pas vraiment critique, évolue. Le plus rapidement possible serait le mieux, selon elles.

— Le voilà qui revient à lui, Mathilde. Ça va, monsieur ? Comment vous sentez-vous ? demanda Cindy.

— Oh ! Je ressens une douleur horrible au crâne ! répondit leur hôte en se tenant la tête. Je crois cependant que je devrais m’en sortir, mademoiselle.

— Je suis Cindy ! Mon amie, que voici, c’est Mathilde. On s’est occupé de vous alors que vous paraissiez mal en point. Vous êtes blessé ! Que s’est-il passé ?

— Je suis blessé, vous dites ! Comment suis-je arrivé ici et où suis-je ?

— Nous vous avons conduit chez nous, monsieur. On espérait un peu que vous pourriez nous raconter comment vous vous êtes occasionné cette blessure, qui ne représente plus de danger, entre nous.

— Hum ! voilà la bonne question, mesdemoiselles. Je ne peux rien vous relater ! Désolé ! Je n’ai pas la moindre idée de ce que j’ai subi. Il y a pire encore, j’ignore, au moment où nous parlons, qui je suis et de quelle manière j’ai été blessé.

— Ben, voilà autre chose ! Là-dessus, ni moi ni mon amie ne pourrons te renseigner, mon tout beau. Toutes les deux, nous t’avons trouvé mal en point, et nous avons décidé de t’emmener à l’abri. Ce que nous avons entrepris avec de grands efforts, car tu es très costaud. Les gens du quartier savent ce que nous pratiquons et personne ne s’est inquiété quand nous t’avons pris sous nos ailes, afin de te conduire en lieu sûr. Ta blessure cicatrise étonnamment vite, on dirait. Entre nous, un peu plus à gauche, tu étais mort. Dans ton malheur, tu as eu de la chance, je crois. En revanche, je ne tiens pas à participer à un règlement de compte. Dès que tu seras en mesure de partir, la porte est toujours ouverte. Nous resterons en bas, si jamais tu as besoin d’aide, mais discrètement, hein ! De toute évidence, à la suite du choc à la tête, vous avez perdu la mémoire. Mais ne vous inquiétez pas. Ça arrive souvent lors de ce genre d’accident. Vous allez vite vous retrouver.

— D’accord, si vous le dites ! avança Jack, pas du tout sûr de lui.

Un moment encore, notre bagarreur profita pour se reposer afin de reprendre des forces. Il demeura là à cogiter, allongé sur le lit mal fagoté, de l’unique pièce tout en désordre. Longuement et étrangement, l’aveugle fixa le plafond (façon de le dire) à la recherche de quelques souvenirs. Rien ne sembla lui revenir. Soudain, à sa grande surprise, une de ses amies vint le solliciter à la fenêtre.

« Qu’est-ce que c’est ? émit-il. Une chauve-souris qui essaie de me parler. Le comble c’est que je la comprends. Mais, qui suis-je donc ? »

Instinctivement, comme pour tenter de comprendre, Jack ouvrit la fenêtre. Aussitôt, le petit mammifère entra, suivi d’un autre et un autre. Bientôt, une dizaine d’entre eux se trouvaient dans l’appartement de nos call-girls, aux côtés du rescapé. Ce dernier s’efforçait à tout prix de reprendre ses esprits, en vain. Il ignorait bien sûr qu’il lui faudrait patienter un moment encore pour cela, car le coup reçu était d’une violence extrême.

Schneider en attendant, persistait dans ses recherches. Le policier n’avait pas perdu l’espoir de retrouver son ami. Il lui devait bien ça et continuait inlassablement à poser des questions à tout un chacun. Une des protectrices du Nancéen entre temps l’aperçut au loin qui rôdait.

— Cindy, j’ai comme l’impression que nous ne devons pas persévérer dans la zone ! lui annonça soudain, Mathilde. Cet homme qui se dirige dans notre direction, il ne s’agit ni plus, ni moins de l’inspecteur Schneider. Lui, il faut éviter de croiser son chemin, si tu as des choses à te reprocher. Pour l’avoir vu en action, je le sais redoutable. J’ignore ce que ce flic cherche exactement, moi, je ne reste pas là. Par l’expression de son air sérieux, ça ne m’étonnerait pas qu’il y ait un rapport avec notre patient.

Malheureusement, et malgré ce geste de repli du couple, c’était bien trop tard pour elles. Schneider en progressant, ne les avait pourtant pas aperçues. Mais c’est une scène étrange qui attira son attention. En effet, au-dessus de lui, de façon mystérieuse, une chauve-souris exécutait un ballet extraordinaire. On aurait cru que le mammifère réalisait une danse pour le diriger vers le couple.

— Jack se trouve dans le coin ! se dit-il à haute voix, oubliant qu’il n’était pas seul dans cette rue ! Allez, ma grande, mène-moi vers ton ami ! émit-il encore.

N’importe qui l’aurait pris pour un déséquilibré. Seulement dans l’immédiat, les remarques ne l’importaient guère. Voilà pourquoi il suivit le ballet de la chauve-souris, sans même en référer à quiconque, et avant même de s’être vraiment assuré de la situation. À peine Mathilde et Cindy rentrées, arrivait à son tour notre policier. De l’une de ses chaussures, ce dernier bloqua vivement la porte qui allait se refermer.

— Je suis désolé, mesdemoiselles. Je m’excuse de vous surprendre de la sorte. Mais je suis à la recherche d’un ami, qui se trouve peut-être dans ces lieux.

Les deux femmes apeurées ne tentèrent même pas la moindre résistance.

— Nous n’avons causé de mal à personne, Inspecteur.

— Tout à fait vrai, inspecteur ! Elles n’ont rien à se reprocher, intervint Jack, d’une voix indolente.

— Jack, non de Dieu ! Mais que t’est-il arrivé ? Et puis, qu’est-ce que tu fabriques en ce lieu ? Tout le monde te cherche partout, depuis deux ou trois jours. Surtout ta mère, qui s’inquiète outre mesure. Autre chose ! voilà que tu m’appelles, Inspecteur, maintenant ! Que se passe-t-il ?

— Inspecteur, vous semblez connaître ce jeune homme, lui demanda Cindy. Nous l’avons trouvé, il y a un peu plus de vingt-quatre heures. Il était blessé et ne se souvenait plus de rien.

— Cela ne m’étonne pas, lorsque je vois le pansement qu’on lui a pratiqué. Quelqu’un s’en est-il pris à lui ? Vous savez de qui il s’agit.

— Désolé ! Ne pouvant faire plus, nous n’avons fait que l’aider à survivre.

— Je comprends. J’appelle sa mère, qui sera folle de joie.

Ce fut à ne pas en douter de la joie qu’éprouva Stefanie, à la suite de l’annonce de Schneider. Aussitôt qu’elle obtint la nouvelle, qu’elle se lança pour venir retrouver son fils. Sur place, elle arriva en même temps que les secours.

— Je le savais sain et sauf, Inspecteur Schneider. Ne me demandez pas comment ! Parce que je ne sais absolument pas de quelle manière le justifier. Je ressentais en moi ce sentiment qu’il ne pouvait pas disparaître comme cela, sans laisser de trace. Qui sont ces personnes qui ont aidé Jack, dont vous me parliez au téléphone ?

— Ces jeunes femmes, là-bas, dit-il en les montrant du doigt.

— Mesdemoiselles, j’ignore si vous possédez des éléments contrariants dans cette affaire. Mais mon fils, vous ne savez sans doute pas, est un sportif de haut niveau. Certains aimeraient le voir hors course. Pour l’avoir aidé, il est bien possible qu’à présent votre vie se trouve en danger. Je souhaiterais vous prêter assistance à mon tour !

— Écoutez, madame…

— Summer…

— Écoutez, madame Summer. Nous voulions juste le soigner, en espérant qu’il ne nous créerait pas un quelconque ennui. D’après ce que vous dites, c’est mal parti. Mon amie, c’est Cindy et moi je suis Mathilde.

— Je vous remercie d’avoir pris soin de mon fils, qu’elle émit les yeux embués de larmes ! Mais vous auriez dû appeler les secours ou la police. Je vais m’entretenir avec l’inspecteur, vous ne bougez pas !

— Il n’y a pas de risque, madame Summer.

Quelques minutes plus tard, tandis que les ambulanciers conduisaient Jack à l’hôpital en compagnie de sa mère, Schneider de son côté, anxieux, et secondé des call-girls, s’était également déplacé pour ne rien rater sur la santé de son jeune ami.

— Comment se porte notre blessé, Stefanie ? interrogea le policier une fois qu’il l’avait rejoint.

— Selon les médecins, il restera encore un jour ou deux dans le flou. Mais selon eux, il s’en sortira sans séquelles. C’est la suite logique du coup qu’il a reçu, que me l’a confirmé l’un d’entre eux. Je me demande où vous l’aurez retrouvé sans ces dames.

— Le côté le plus comique de l’histoire, vous ne devinerez jamais comment je suis arrivé à le situer. Vous allez sans doute rire. Je n’ose même pas parler de ce que j’ai dû entreprendre, à quiconque.

— Schneider, concernant mon fils plus rien ne m’étonne, aujourd’hui. Je voudrais en savoir un peu plus, s’il vous plaît !

— J’ai suivi une chauve-souris… et il resta un moment à attendre une réponse. Eh bien ! Dites quelque chose !

— Votre présence d’esprit à vous engager dans ce que personne ne comprendrait prouve que vous êtes véritablement son ami, Inspecteur. Personne d’autre que vous, n’auriez agi de la sorte. Je vous remercie pour cela.

— Vous n’avez pas à me remercier, Stefanie. Jack aurait fait de même pour moi. Je n’aurais arrêté les recherches pour rien au monde. Je me suis aperçu entre-temps que ce garçon sera constamment protégé. Dans son entourage, bien des yeux veillent sur lui, dit-il, en regardant par la fenêtre de l’hôpital !

D’un même regard, Stefanie et le policier fixèrent au travers du vitrail, la dizaine de congénères, exécutant une ronde à l’extérieur.

— Waouh ! Je suis impressionné, bien que je les aie déjà vus à l’œuvre. Elles sont en train de s’assurer qu’il ne coure plus de danger, déclara le fonctionnaire plus que jamais émerveillé.

— Je le crois en effet, Schneider ! approuva la mère. Depuis qu’elles ont quitté la forêt, je les remarque bien plus souvent. Il me semble qu’il y en a toujours une qui traîne ici et là, à quelques endroits où se trouve Jack.

— Comment expliquez-vous ça ? osa lui demander, l’inspecteur.

— Bah ! Il s’agit d’une longue histoire. Un jour prochain, Jack vous la narrera, j’en suis certaine. Ce jour-là, vous ne le croirez sans doute pas.

Déçu de ne pas obtenir une réponse plus nette, il ne restait à Schneider qu’à raccompagner Stefanie jusqu’à sa voiture et de prendre en charge les anges gardiens de son ami aveugle.

— Madame Summer a raison, les filles. La vie de ce garçon n’est pas simple. Je vous mets en lieu sûr comme elle le propose, jusqu’à ce que Jack nous raconte ce qu’il sait.

— Mais… nous… nous ne voulons pas aller en prison, s’inquiéta l’une d’elles.

— Il n’est pas question de vous emprisonner, mademoiselle. Vous n’avez rien commis pour mériter cela, avoua l’inspecteur. Néanmoins, vous auriez dû nous appeler, dès que ce garçon… Bref, je comprends. Aujourd’hui pas mal de citoyens, hésitent, ou ne font plus confiance à la police. Sur les réseaux sociaux, on en prend pour notre grade. Non ! Je veux juste vous garder dans un abri aux frais de l’état. De plus, je ne manquerais pas de lui parler, de ce que vous avez réalisé, lorsqu’il était dans les ennuis.

— Je souhaiterais, avant cela, une réponse à une interrogation. Comment avez-vous su qu’il se trouvait chez nous, votre ami Summer ? lui demanda l’une des filles, maintenant plus à l’aise avec le policier.

— Figurez-vous que j’ai suivi une chauve-souris ! lui dit-il en souriant et en s’éclipsant en même temps.

— Il se paye notre tête ! insinua l’autre. Quand on le connaît un peu mieux, il n’est pas un si mauvais bougre, finalement !

— Qu’est-ce que tu crois ? Nous non plus. Nous sommes du bon côté de la barrière et heureusement pour nous. À ce moment, je m’aperçois qu’il vaut mieux être son ami. Des potes à moi ont déjà eu à en découdre avec lui. Il paraît que ce dernier n’est pas tendre avec ceux qui passent de l’autre côté de cette barrière justement.

Puis…

— Mesdemoiselles ! Sur ordre de l’inspecteur Schneider, mon collègue et moi, nous devons vous conduire dans un lieu sécurisé, suivez-nous, s’il vous plaît ! leur dit un policier en uniforme. Il m’a formellement demandé la discrétion. Vous croyez pouvoir nous accompagner et respecter les consignes ? Dans le cas contraire, inutile d’aller plus loin, voyez-vous ?

— Qu’est-ce que vous sous-entendez ? On ne tient pas à mourir ! Faites ce que vous devez, et n’oubliez pas de nous donner des nouvelles de notre protégé ! Rajouta la jeune femme.

Entre-temps, plus de vingt-quatre heures après, Jack commençait à peine à recouvrer ses esprits. Il recommençait en outre à reconnaître sa mère qui n’avait pas quitté son chevet depuis. Le lendemain, comme par magie, il se réveilla, comme sorti d’un long cauchemar.

— Maman ? Que s’est-il passé ? Que m’est-il arrivé ? Et pourquoi suis-je sur un lit d’hôpital ?

— Oh, Jack ! tu peux te vanter de nous avoir causé des frayeurs, à ton ami Schneider et à moi-même. Il a accompli des pieds et des mains pour te retrouver et ça a payé.

— Depuis combien de temps te trouves-tu à mon chevet dans cette chambre ?

Là-dessus entra son inspecteur favori.

— Cela fait déjà deux jours, Jack, lui confia ce dernier. Sans compter les quelques jours que tu as passés avec deux jolies blondes, que j’ai dû mettre en lieu sûr. Crois-moi, elles doivent être satisfaites de l’endroit où elles ont été amenées. Mais, toi, es-tu en mesure de nous raconter ce qui t’est arrivé, maintenant ?

— Bien sûr, Schneider ! Je t’avoue que tout cela est encore un peu embrouillé dans ma tête. Je me rappelle que j’ai quitté mes partenaires de gymnastique, Josué et Claude après avoir pris un soda au café habituel. Je me souviens ensuite, des quatre hommes qui réglaient son compte à un cinquième. Ils ne lui ont pas tiré dessus comme moi. Ils l’ont battu à mort à l’aide de gourdins, et se sentaient fiers de leurs actions. Lorsque je suis arrivé à leur hauteur, ils étaient en train de le dépouiller. Je me sentais remonté contre ces bandits de grand chemin. À la suite de cela, j’en ai blessé au moins trois, quand l’un d’eux m’a tiré comme un lapin. Je n’ignorais pas en fait que ce vaurien allait appuyer sur la détente. Mais fou de rage et aveuglé par la colère, le pire est arrivé. Je me rends compte que c’est cette hésitation qui m’a perdu. Je ne crois pas, je le sais même. J’avais tout le temps nécessaire, pour éviter cette balle ! Une demi-seconde de trop, que j’ai mise pour réagir. Je me suis senti ensuite partir dans le flou.

— Que tu le reconnaisses, je trouve ça très bien, Jack ! lui confia sa mère. J’espère que tu as réalisé, que l’emportement ne mène à rien. Comme tu viens de le faire remarquer, trop de confiance en toi peut aussi t’amener à perdre. Sans doute, tu aurais pu les appréhender ces minables. Va savoir ! Tu n’es pas infaillible, après tout. Que comptes-tu faire à présent ?

— Je n’ai pas entendu Schneider dire qu’ils les ont arrêtés. Dans ce cas, il faut que je remette les pendules à zéro, maman. Après, on verra ! On peut sortir d’ici ?

— D’après le docteur, qui n’observe plus rien de particulier, il ne pense pas nécessaire que tu restes plus longuement en ces lieux. De plus, par le nombre de lits de plus en plus restreint, dont nous alloue le gouvernement, il nous encourage même à te faire dégager d’ici, le plus vite possible. Tu te portes très bien. Selon lui, tu as eu de la chance d’être tombé sur ces braves personnes. On ne sait pas où on t’aurait retrouvé, sans elles. Et, surtout dans quel état !

— OK ! ce sont de jeunes femmes de bonne compagnie si j’ai bien compris. Je vais devoir les remercier. Laissons-les d’abord, apprécier un peu le confort dans lequel Schneider les a placées, elles le méritent. Je leur rendrai personnellement visite après cette affaire.

— D’accord, mon fils, nous pouvons partir, alors ! déclara Stefanie.

Une fois à la maison, le jeune homme en colère se dirigea directement vers sa chambre. Il était temps pour lui de sortir sa panoplie. Celle-ci lui avait été généreusement transmise par l’Aigle noir un autre super héros, fervent défenseur des opprimés.

Depuis qu’il l’avait reçu, pris par ses activités, Jack n’avait pas encore eu le loisir de l’essayer. Le complet lui allait à ravir. Le voilà un instant plus tard dans cet accoutrement où il se sentit tout de suite, comme un homme nouveau. Il crut soudain sa force accroître, ce qui semblait en fait la vérité. Nathan Foreste le scientifique y avait adapté un exosquelette identique à son propre costume d’Aigle noir. Stefanie, sa mère, avait du mal à le reconnaître.

— Tu tiens à partir à l’instant, Jack ? dit-elle, soudainement. Il faudrait que tu…

— Maman !

Le ton que Sans Visage prit pour lui adresser la parole, elle comprit ne devoir rien rajouter. En effet, dans son uniforme tout noir, il demeurait là majestueux et surtout redoutable. Tous ses muscles ressortaient avec insolence au travers du tissu. Sa cagoule comme avait conseillé sa sœur à son créateur lui cacha entièrement le visage. Dans son costume fait d’un alliage léger, Jack se sentait tout à fait à l’aise. On ne distinguait pas un seul pouce de son corps. Plus encore, Sans Visage paraissait inébranlable. Pour cause, Aigle noir y avait introduit des capteurs qui lui multipliaient par deux ou trois sa propre force musculaire.

— Mes ennemis n’ont qu’à bien se tenir ! se dit-il à voix haute, à la surprise de Stefanie.

— Fais tout de même attention, Jack. N’oublie pas que ce costume ne fait pas de toi un être invulnérable, hein !

— J’ai retenu la leçon maman, ne t’inquiète pas.

Une mère reste une mère. Quand bien même Jack pourrait posséder tous les pouvoirs de la terre, Stefanie se montrerait toujours inquiète pour son rejeton. En l’occurrence, à ce moment précis, elle s’appréhendait pour les hommes, qui avaient amené son fils dans cet état. Voilà pourquoi peu de temps après le départ de Sans Visage, cette dernière appela l’inspecteur Schneider.

— Écoute, Stefanie, je commence un peu à le connaître, le bonhomme. C’est pour cela que je ne vais rien te promettre. Néanmoins, je tenterais de le raisonner, si jamais il devient trop expéditif. C’est mon rôle de le retenir, conclut le policier.

Désespoir

Notre fonctionnaire faisait bien de le préciser, car son partenaire était vraiment en colère. Ayant retenu un nom en particulier lors de la bagarre dans la ruelle, notre aveugle s’est déjà lancé sur le sentier de la guerre. Sans perdre un seul instant et apparemment sûr de lui, le voilà parti à la recherche de ses ennemis. Dans sa tête, c’était décidé et il ne comptait pas passer par quatre chemins. Voilà pourquoi Sans Visage se rua dans une certaine taverne, à réclamer après un certain Charlie.

— Cet homme s’est vanté de s’être débarrassé de l’un de mes proches avant de tenter de lui tirer dessus, ce soir-là, dans ce passage sombre. Sans mes amies ailées, sans doute ne serait-il plus de ce monde.

Son accoutrement n’était pas pour rassurer les quelques gros bras qui se tenaient impeccablement droits tenant fermement leur queue de billard. Soudain, l’un d’eux, se trouvant derrière notre furie, crut bon lui asséner un violent coup. Sans même se retourner, Sans Visage s’était légèrement déplacé. Le bâton qui ne rencontra que le vide se brisa net, contre un énorme pilier de chêne massif. Le forcené resta sans voix. Son regard précisait son étonnement, quant à cette esquive, dont il ne s’attendait pas. Notre justicier ne broncha pas d’un iota, son adversaire semblant en panique et tétanisé. Rectifiant ses pensées, l’homme masqué se hasarda tout de même, à lui poser la question.

— Tu peux me dire, où je pourrais trouver Charlie, toi ! Qu’il lui demandât calmement !

— Je… je ne sais pas, Sans Visage. S’il vient, je te le ferais connaître, répondit le costaud, avec sa demi-baguette entre les mains.

— Tu oses me mentir ! Vu mon attifement, tu dois comprendre, que tu ne peux pas, me raconter des salades ! s’emporta cette fois le justicier, en se dirigeant vers l’infortuné.

Pressentant que leur camarade allait passer un sale quart d’heure, les autres bandits se ruèrent sur l’intrus comme un seul homme. Personne parmi cette assemblée ne pouvait se douter qu’avec une vision de trois cent soixante degrés, que celui-ci serait quasi insaisissable. En un rien de temps, trois des adversaires avaient valsé dans le décor.

— Ne te sauve pas. Je n’en ai pas fini avec toi ! protesta Sans Visage à l’encontre de celui qui tenait toujours son bâton cassé entre les mains.

Ne trouvant aucun endroit pour fuir, et pousser par une pincée d’adrénaline, ce dernier tenta une ultime manœuvre en fonçant directement sur son ennemi, armé de son pieu. Grâce à un roulé-boulé, notre acrobate s’est projeté hors de sa trajectoire. Mais au dernier moment, il se rendit compte que son adversaire dans son élan allait embrocher l’un de ses propres amis évanouis. Se tractant, le justicier juste à temps, dégagea l’homme à demi inconscient.

— Tu peux toujours réessayer mon gars. Je peux t’assurer que tu n’y arriveras pas ! Dans trente secondes, ce sera ta fête, si tu ne me dis pas où je peux dénicher, Charlie.

Décontenancé devant la souplesse de cet homme cagoulé, le bandit ne savait plus comment se comporter pour s’en sortir. Tandis que de grosses gouttes de sueur perlèrent à son front, Sans Visage entre-temps, nota la brusque accélération des battements de son cœur. Celui-ci détenait une réponse, mais aurait préféré recevoir une sévère punition, plutôt que de communiquer ce renseignement, reconnut-il. Il n’était pas compliqué alors, de comprendre la raison, pour que notre héros ait décidé de surseoir à la sentence. Sans émettre un mot à l’attention de ses adversaires mal en point, il disparut aussi subitement qu’il était arrivé. Ce dernier n’était pas allé bien loin pour autant, semblant attendre une réponse à ses propres engagements.