Una storia - Bernadette Piscaglia-Rachou - E-Book

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Bernadette Piscaglia-Rachou

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Beschreibung

Destins croisés d’une grande famille italienne au XIX°.
Lily se doute bien qu’elle est le dernier maillon d’une chaîne torturée et complexe. Mais qui l’aidera à résoudre l’énigme de sa propre existence ? Peut-être ce grand-père bienveillant, dépositaire de tant de lourds secrets… Il faut dire que dans cette Italie morcelée où l’Église est omnipotente, les passions larvées semblent décuplées sous le poids des conventions. La famille de Lily n’y échappe pas : que de personnages fantasques ! Que d’intrigues sordides ! Et pourquoi ce rapport étrange avec l’Afrique ? Elle tâtonne, Lily, elle louvoie entre aveux pathétiques et non-dits coupables. Jusqu’à découvrir le mystère de sa propre marginalité. Une quête enivrante et parfois douloureuse : une vraie destinée.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Bernadette Piscaglia-Rachou, autodidacte passionnée, a exploré et approfondi les sources de savoir des médecines non-conventionnelles. Elle a, avec son époux, fondé et dirigé l’une des plus importantes écoles françaises de naturopathie, ainsi qu’un institut renommé d’enseignement de l’ostéopathie.
Aujourd’hui magnétiseuse-radiesthésiste, elle a relaté son parcours dans « J’ai osé… », une autobiographie parue en 2020, et dévoilé de lourds secrets de famille dans un roman paru en 2021, « Il faudra que je te dise un jour… »

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Bernadette Piscaglia Rachou

Una storia…

Il y a quelque chose de plus fort que la mort,

c’est la présence des absents, dans la mémoire des vivants.

Jean d’Ormesson

À Rémy…

Avertissement

Table des matières

PROLOGUE9

AUTEMPSDESAÏEUX19

AMADEO, CATARINA : LEURVIEDEFAMILLE29

ALDO, UNAMOURD’ARRIÈRE-GRAND-PÈRE37

GEMMAETSAFAMILLE45

GASPAREET DOLORÈS : LATERRIBLEALLIANCE55

GEMMAETSONDESTIN63

L’AVEUD’UNEMÈREÀSONFILS73

GLOIREÀ DIEUAUPLUSHAUTDESCIEUX !79

CEUXQUIPARTENT91

LEMANQUE95

REMONTERLETEMPSPOURCOMPRENDRE99

NOËL 1894 : LARENCONTREINÉVITABLE111

LEFRUITDELAPASSION115

LEDÉBUTDELAROMANCE117

LAVÉRITÉ125

GLORIA, UNEVIED’ÉNERGIE129

GIUSEPPE, LEFILSPARFAIT !143

L’HORRIBLEFILS151

LECRIMINEL157

LEZÈLED’UNFONCTIONNAIRE163

GABRIELE, LAVIERELIGIEUSE183

GIACOMO, L’INTRUS187

LAVIEDE PÉPÉ FRANCESCO191

CARMEN, LADOUCERENCONTRE205

NAISSANCED’UNAMOURIMPOSSIBLE213

LEDÉBUTD’UNEROMANCE215

CARMEN221

CETTEFAMILLEPARTICULIÈRE227

PAOLINA, LAREBELLE233

L’ENFANTDEL’AMOUR237

SOLAR : LEDRAME241

DALYA, MACHÈREAMIE245

LILY, LANARRATRICE249

LALETTRE261

REMERCIEMENTS :264

Prologue

C’est un beau jour de printemps ensoleillé, presque chaud pour la saison, mais, comme nous le savons, il n’y a plus de saisonnalité depuis quelques années. C’est ainsi que va la nature, surtout c’est ainsi que va notre espace-temps, celui que nous connaissons puisque nous le vivons, ici et maintenant.

Nous, les humains, nous devons nous adapter à la nature, et non l’inverse, car en se croyant tout permis avec extravagance on ne peut aller que vers un effondrement… Nous ne serons plus là pour le constater, cependant, que laissons-nous derrière nous ? Que laissons-nous à nos enfants ?

Mais soyons optimistes ! L’homme s’est adapté dans toutes les civilisations, d’abord à quatre pattes, il s’est relevé pour être ce qu’il est aujourd’hui, un être droit sur ses deux pieds, idéalement bien ancré.

Mon grand-père, qui avait conservé toute sa mémoire jusqu’à la fin de sa vie terrestre, et qui à deux mois près aurait atteint un siècle, était un véritable orateur. Il avait toutes sortes d’histoires fausses ou vraies à raconter auxquelles il savait joindre les mines et les accents. Outre ces qualités-là, il avait naturelle- ment une voix parfaite pour les chansons traditionnelles de son époque, sans qu’il eût besoin de cours de chant. Il était né artiste dans l’âme et le corps, mais il n’avait jamais osé se lancer dans cette voie qui pour sa famille était sans doute trop fantaisiste ! Personne ne l’a jamais convaincu de persévérer malgré l’aisance avec laquelle il savait animer les repas de famille et les soirées amicales. Cela restera un rêve inassouvi pour Pépé Francesco qui, le moment arrivant, nourrit sa famille grâce à un travail dit honorable, notamment pour ses géniteurs, avec l’esprit de leur époque. Mais pas pour Mémé Carmen-Maria, l’ensorceleuse passionnée de l’opéra de Bizet dont elle avait hérité du prénom de liberté, qui lui insuffla quelques bouffées d’oxygène artistique pour le sortir de son espace habituel, quand bien même il était intéressant dans sa dimension humaine. Elle ne voulait pas le bloquer sur des regrets, mais Pépé Francesco savait, il était libre…

⸺ Sais-tu Lily, quel animal marche à quatre pattes, puis deux, puis trois ?

⸺ Non Pépé ! lui ai-je répondu la première fois.

⸺ Eh bien, c’est l’homme, voyons, c’est tout simple…

Bien sûr que Pépé avait raison : nous débutons notre vie enfant à quatre pattes, puis devenons adultes et marchons sur nos deux pattes, ensuite quand vient la vieillesse, nous marchons avec une canne !

Je me nomme Lily, je suis née en 1964, l’année où fut créée l’université de Nanterre qui deviendra en 1968 le foyer d’agitation avec tous les mouvements de contestation. Les universités parisiennes décrètent la grève et des barricades surgissent en une nuit.

Je n’ai pas de souvenir des barricades, mais j’ai plein de souvenirs de ma famille ainsi que des histoires vraies la concernant. C’est mon Pépé Francesco qui fut mon conteur pendant longtemps afin que l’histoire ne se perde pas, mais aussi pour me faire comprendre certains liens de la culture dont je suis issue et comment ma naissance a bouleversé ce que l’on croyait indestructible.

En réalité, je vais vous raconter une histoire fabuleuse, celle d’une famille exceptionnelle qui remonte très loin, mais qui, pour moi, commencera au XIXe siècle, dans un pays où siègent plusieurs royaumes. C’était bien avant son unification, bravant les conflits et les rivalités pour bon nombre de penseurs et de philosophes. Un pays où la religion catholique avait un poids important dans la pratique quotidienne et dans l’esprit des Italiens. Une famille somme toute comme beaucoup d’autres, qui a connu des moments glorieux, des moments plus graves, qui a traversé des drames et des scandales dans une époque de non- dits et de guerres.

C’était il y a fort longtemps…

Nous sommes tous des êtres de passage avec un temps qui nous est donné, mais que nous ne pouvons définir. C’est comme un grand sablier qui n’en finit pas de couler et, lorsque le dernier grain arrive, il est temps de partir d’une façon ou d’une autre, bonne ou mauvaise selon la vie terrestre qui nous est destinée ou que nous avons choisie.

Mais certains êtres auront marqué à la fois un destin, des idées, des messages dont le dénominateur commun, depuis l’aube de l’humanité, toutes les générations passées, présentes et à venir, est l’Amour inconditionnel. L’Amour est immortel. Il est dans notre vie, il est notre vie et bien au-delà il nous accompagne en permanence. Encore faut-il en avoir conscience.

Pépé Francesco avait grandi dans une famille très aisée du nord de l’Italie, dans l’une des plus belles régions situées entre la Lombardie et la Toscane, l’Émilie-Romagne. Ses arrière-grands-parents, des nobles, ses grands-parents Amedeo et Catarina, tout comme ses parents, Aldo son père et Gemma sa mère, étaient d’importants propriétaires terriens. Sur leurs terres étaient cultivées avec le blé, toutes sortes de fruits et légumes, ainsi que les vignes qui produisaient un vin local, le meilleur vin du monde, comme disait l’aïeul. Cette phrase a toujours résonné dans ma tête et depuis toute petite, je l’avais entendue maintes et maintes fois. À l’âge où j’ai pu en boire, je reconnais que oui, ce vin local est excellent. De plus, il est notoire dans la région, et l’Italie a fait d’énormes progrès dans la connaissance des vins. Aujourd’hui, il y a d’excellentes productions, à faire pâlir certains terroirs français bien connus.

Il n’y avait pas que cela comme produit du terroir, dans cette région particulière ; il y avait le fameux chef-d’œuvre de la nature : le fromage de fosse qui accompagnait si bien le vin. J’ai souvent entendu dans la famille, comment tous aimaient expliquer sa fabrication.

Il fallait, dès le départ, prendre un bon fromage de brebis, déjà préaffiné de soixante à soixante-dix jours. Ensuite, il était descendu dans des fosses en grès situées dans les roches, à pas moins de trois mètres de profondeur, pendant trois mois. Ces fromages étaient emballés dans un linge de toile de coton, épargnés du contact avec les roches grâce aux bottes de paille, puis les fosses étaient scellées sur tout le pourtour afin d’éviter tout oxygène extérieur.

J’ai toujours oublié la partie chimique et biologique de transformation que su- bissait le fromage, grâce à l’humidité, au manque d’oxygène, au microclimat, aux anaérobies ou aux processus de fermentation ; je ne peux que me souvenir de son goût extraordinaire qui depuis le moyen âge faisait saliver les papilles de ceux qui le mangeaient. Je n’ai pu manquer cette saveur !

Pépé Francesco était un vrai conteur, riche d’humanité et d’empathie. Il aimait me parler de sa longue vie, lorsque j’allais lui rendre visite dans sa grande maison de Seine-et-Marne. Cependant, il y eut bien d’autres moments, dans d’autres lieux, voire au téléphone quand cela fut possible grâce aux indéniables progrès technologiques. Tout en me transmettant ses valeurs, il a su me faire partager ses ressentis, ses épreuves et ses réflexions, son vécu avec sa famille, ses frères et sœurs, son époque d’avant, les diverses guerres et les nouveaux paradigmes. Cette longévité qui a été la sienne pendant presque un siècle lui a permis d’apprendre beaucoup comme il le souhaitait, de constater bien des changements sur lesquels il a su voguer et partir en toute sérénité rejoindre ses galaxies d’âmes.

Dans sa vie, son esprit a pu se libérer de ses chaînes, de ses cordes ancestrales et d’autres secrets familiaux bien gardés, pour adopter une position ouverte et humaniste dans sa vision du monde qui défilait. Il a su maîtriser ses passions et son discernement a entraîné la tolérance. Essayer de comprendre, accepter la différence, accepter l’autre tel qu’il est, c’est une vraie richesse humaine.

Il me disait avec cet accent typique italien que je le soupçonnais d’entretenir, mais qui lui allait si bien :

⸺ Tu sais, ma Lily, nos aïeux nous transmettent les heurs et malheurs aussi bien physiques qu’émotionnels ; il faut être fort devant ces derniers afin de ne pas répéter les mêmes schémas, surtout s’ils sont négatifs, car nous avons notre libre arbitre pour être nous-mêmes, vivre en harmonie le plus possible avec le monde et ses vibrations qui nous entourent.

Et il terminait régulièrement par

⸺ Et nous ne sommes pas seuls !

Au début, je ne comprenais pas toujours le sens de ses phrases, mais à force de les exprimer à des moments bien précis, oui, je finis par être en parfaite résonance avec ce dont il voulait me faire prendre conscience, car grâce à lui, mon chemin spirituel était en train de naître.

Il m’a longtemps accompagnée, me grisant dans une sorte de double vie, entre le ciel et la terre, entre ombre et lumière, entre exotérisme et ésotérisme. Nous avons cheminé ensemble avec grand bonheur pour moi, un temps où il m’a beaucoup appris, tant que cela fut possible.

À son époque, dans la grande plaine du Pô de ce royaume d’Italie, les parents de Pépé Francesco possédaient également de nombreux élevages de bêtes comme les vaches et les brebis qui, le moment venu, donnaient le bon lait et les exquis fromages. Souvent, après la soupe du soir, ils terminaient le repas des travailleurs. Ils avaient perpétué la tradition médiévale du fameux fromage de fosse qui faisait la renommée de la région de l’Émilie-Romagne, restée intacte et inégalable grâce à sa technique de production. Sans oublier les cochons toujours bien nourris des restes de nourriture. Pépé Francesco aimait me relater les nombreuses fêtes traditionnelles de villages auxquelles il participait lorsque le moment de tuer les cochons était venu. Une tradition antique un peu barbare à l’époque, qui transformait les bêtes en cochonnailles diverses, boudins, côtelettes, pour alimenter autant que possible toute l’année les maîtres, les métayers et leurs familles. Une fête au rythme joyeux établie dans toutes les campagnes et dans de grandes familles, et qui se terminait par une grande tablée où était forcément servi du cochon dans ses divers aspects culinaires. Sans oublier la fameuse porchetta dont bien des régions s’octroyaient l’origine ; chacune avait sa recette, mais Pépé me disait que celle de Romagne était la plus succulente grâce aux arômes comme le fenouil dont elle était constituée. Il avait raison, après en avoir goûté plusieurs, je me suis rangée à son fin palais.

Les parents de Pépé Francesco avaient de nombreux métayers à qui les terres étaient louées afin de les cultiver, de partager aussi bien les récoltes et quelques fruits financiers, en tous cas dans cette région de l’Italie d’avant. C’était comme un état dans l’état, une vraie société patriarcale gérée par les époux métayers et leur descendance.

Quant aux enfants des propriétaires terriens, pour les filles en âge de se marier, généralement elles partaient du clan avec une dot soit dans une grande ville, soit dans une autre grande famille terrienne. Quant aux garçons, en se mariant, ils restaient dans le clan tout en amenant une épouse et sa dot. C’était une forme de bel équilibre pour maintenir la survie des possessions générationnelles acquises.

Dans cette région de l’Italie du Nord, à une époque, il ne manquait presque rien. Cependant la fragilité venait du Sud, cet ancien royaume des Deux-Sicile, qui, après l’annexion du Piémont, perdit son indépendance et son faste. Lâchée également par l’Église ainsi que par la fuite des capitaux du Sud vers le Nord, elle devint une région très pauvre marquée par de nombreuses ré- voltes et en proie au brigandage.

Pépé Francesco me racontait qu’il n’était pas bon d’y être métayer ou ouvrier agricole, même saisonnier, tant les conditions de vie étaient misérables. Il relatait l’histoire de deux amis très rebelles qui, voulant fuir le Nord pour éviter la prison, partirent vers le Sud pour prendre un bateau qui les aurait amenés dans un pays d’Afrique du Nord. Mais avant de prendre le bateau, ils s’arrêtèrent en Sicile quelque temps pour y travailler. Ce fut l’enfer et l’incompréhension : des différences bien trop cruelles malgré la même nationalité.

Le Sud fut petit à petit une région isolée, devint une vraie question politique, appelée il mezzogiorno, une façon péjorative d’évoquer le problème méridional.

Il est surprenant de constater que juridiquement, le royaume d’Italie était un agrandissement du royaume de Sardaigne, dans le Sud du pays !

Que manquait-il à ce royaume qui tentait de s’unifier grâce aux divers rois avec une alliée traditionnelle, la France ?

Ce sentiment d’unification existait, Pépé Francesco en était convaincu et le souhaitait profondément. Il était conscient que l’œuvre à réaliser grâce à un travail individuel et collectif était de taille, mais qu’il fallait cependant bien l’initier.

Il fallait façonner les esprits, et quand bien même la notion d’appartenance à la nation italienne était réelle, il fallait faire les Italiens selon l’expression historique de Massimo d’Azeglio qui fut l’un des grands penseurs du Risorgimento (Résurgence). Il avait développé dans ses écrits le sentiment national et l’unification de l’Italie par la maison de Savoie. Cet homme si brillant que Pépé Francesco admirait tant, bien qu’il soit mort des années avant sa naissance, fut un homme politique libéral modéré, qui devint Premier ministre de Sardaigne. Cependant, avant d’être sur la scène politique, il avait été un artiste accompli dans la peinture et dans l’écriture, car il laissa bien des ouvrages dans lesquels se trouvaient les idéaux du Risorgimento utiles à son pays.

La notion de classe existait bel et bien, notamment dans cette Italie du XVIIIe siècle qui avait formé quelques aventuriers, à la fois romantiques, fantastiques ou agités. Des hommes ou des femmes atypiques aux anecdotes piquantes, qui façonnaient la vie italienne du haut jusqu’en bas de la botte, en passant par les plaines ou les villes, parce qu’ils étaient rois, papes, jésuites, francs- maçons, ou dames galantes. Des aventuriers aux noms qui résonnent encore dans les esprits comme Giacomo Casanova ou Cagliostro qui promettait le grand secret aux imbéciles ! L’Italie était belle par son histoire, ses inventions, ses couleurs, sa lumière, ses arbres, ses créations, son art et ses grands musiciens comme Verdi ou ceux controversés comme Puccini ou Paganini dont on disait qu’il avait fait un pacte avec le diable ! Mais aussi des divisions politiques évidentes, des divisions d’institutions et de régions, des pauvres, des riches, des aristocrates, des bourgeois, des créateurs, des voleurs, des comédiens, des vilains, des beaux, la religion catholique romaine bien ancrée avec ses préceptes et ses codes, mais surtout la puissance de ses papes.

C’est un de ses livres de Massimo d’Azeglio I miei ricordi (Mes souvenirs) que Pépé Francesco me remit un jour, lors d’une de mes visites en hiver. Nous étions assis confortablement devant la cheminée où scintillaient les belles salamandres crépitantes du feu ; il me racontait cette Italie-là, avant son unification. Ce livre était une forme de sésame pour me faire prendre conscience de mes racines et de son évolution à travers tous les combats menés par ceux qui ont risqué leur vie, mais aussi péri pour l’unification. Des individus qui ont osé le changement pour le bien de leur pays en devenir et de leurs concitoyens.

Pépé Francesco me disait qu’il y avait beaucoup d’illettrés, encore plus chez les pauvres dans cette Italie à peine unifiée, mais fort heureusement l’instruction primaire en 1877 fut décrétée obligatoire. Enfin un semblant de liberté, en tout cas, un début de liberté pour les hommes de bonne volonté qui souhaitaient participer à une vie sociale ou politique interdite jusqu’à une certaine époque. Ce n’est qu’en 1912 que les hommes — uniquement les hommes — ont pu devenir électeurs et pour Pépé, ce fut bien plus tard, à sa majorité.

Les parents de Pépé Francesco étaient d’ardents catholiques pratiquants et selon ce qu’eux-mêmes avaient déjà reçu, ils le transmirent avec ferveur à leur progéniture sans aucune ouverture possible sur un autre choix, même par curiosité intellectuelle ou un partage d’idées.

La tradition du catholicisme, partisane de la souveraineté des papes, était un poids lourd puissant qui vous enveloppait dans un carcan.

Un partage d’idées très difficile à cette époque où les filles notamment n’avaient guère droit à la parole. Les idéaux étaient bloqués dès l’enfance et la rébellion pouvait amener l’enfermement psychiatrique ou le cloître. Elles étaient reléguées aux travaux de la maison, de la cuisine, de la couture pour devenir de parfaites épouses sans vraiment choisir celui qui deviendrait le père de leurs enfants, sans les vrais liens d’amour d’un couple uni par des sentiments et des désirs ; elles devaient juste procréer et maintenir la maison.

Puis, sait-on jamais, s’éloigner de la religion et de ses conventions aurait été un véritable péché mortel méritant la vie éternelle en enfer, car le concept religieux transmis et inculqué était bien celui-ci : enfer ou paradis ou purgatoire. Ainsi, pour gagner le paradis, il fallait avoir une vie parfaite qui obéissait stricto sensu aux commandements de la Bible dictés par Dieu. Il fallait croire à cette seule vérité manifestée depuis des millénaires, notamment à travers le fils de Dieu, Jésus Christ.

Il n’était pas question pour Aldo le patriarche, Gemma l’épouse irréprochable, Giuseppe, Gabriele, Giacomo, Gioacchino, Gloria, Genoveffa et Francesco, le petit dernier de se détourner de l’esprit de Dieu. Malgré tout, l’Italie avait ses anarchistes et des anticléricaux.

Au temps des aïeux

Aldo, le père de Pépé Francesco, était né en 1860, en plein Risorgimento (Résurgence) juste avant la naissance du royaume d’Italie alors appelé autrefois « le royaume de Sardaigne ». Il grandit avec des célébrités comme on le dit aujourd’hui. Des protagonistes politiques qui ont contribué à l’unification italienne, non sans mal, entre guerres, rébellions, révolutions, malheurs, pertes de pouvoir et reconstructions. Des noms impossibles à oublier qui retentissent encore dans le cœur de l’Italie d’aujourd’hui, tels que Giuseppe Mazzini le grand théoricien, Camillo Cavour le grand réformateur, Vittorio Emanuele II qui après quelques titres de roi de certaines régions italiennes, devint roi d’Italie à l’unification. Sans oublier le fameux Giuseppe Garibaldi, militaire, révolutionnaire, chef charismatique et homme d’action qui mena avec peu d’hommes des conquêtes pour réunifier son pays.

Le père d’Aldo, né en 1823, s’appelait Amedeo ; il était mon arrière-arrière-grand-père. Du sang bleu coulait dans ses veines depuis quelques générations, très digne de porter le titre de marquis. Il était fier de montrer les tableaux de ses aïeux largement encadrés de bois doré, qui ne manquaient pas de parer les murs de son palais génois. Il était passionné de raconter leur destin jusqu’à parfois les agrémenter tout en évitant les parcours compromettants de certains d’entre eux, étant donné leur passé de condottiere. Un passé quelque peu sulfureux puisqu’il s’agissait de mercenaires recrutés tout aussi bien par l’aristocratie qui s’enrichit largement que par la papauté. Cependant, un autre tableau le passionnait, car dans son héritage pesait un autre personnage passé de la nation avec lequel, chaque jour, il était stimulé par ses parents jusqu’à devenir son héros :

Garibaldi, le grand Giuseppe Garibaldi. Son estime pour lui était si forte qu’il reproduisit le même schéma avec ses enfants. Ils grandirent avec ce sentiment permanent qu’il faisait partie de la famille. Ainsi, parmi cette fratrie, se trouvait un illusoire frère, héros de la nation.

Amedeo avait pour épouse Catarina, née en 1828, qui n’avait pas de titre ; c’était l’enfant unique et la fille d’une famille dominante avec un père mécène artistique et banquier d’une des plus grandes banques de dépôt qui fit la prospérité de la ville. Bien plus riche que son futur mari, elle amena sa dot conséquente qui en retour, lui valut un titre nobiliaire.

Un accord parfait pour ces deux personnalités, originaires de la commune puis de la République de la ville de Genova (Gênes) où ils grandirent une bonne partie de leur vie, en régissant la fortune familiale acquise, mais également en construisant la leur.

Aux prémices d’une période appelée Il quarantotto (48) marquée par des luttes pour les libertés politiques et la construction nationale, Amedeo et Catarina, nobles et riches, s’unirent dans un faste quasi princier en cette fin 1847 parce qu’il fallait garantir le présent et assurer l’avenir.

La ville de Genova (Gênes), magnifique cité maritime, fut la rivale de Venise, car elle fut appelée également Sérénissime puis pour se différencier, Superba Repubblica et Genova la Superba.

Cette ville méritait bien son nom de Superba, car c’est à Gênes qu’il y avait le plus de palais, tous plus magnifiques et grandioses que partout ailleurs en Italie ou dans le monde. Des palais construits en marbre blanc, rouge ou grisé (à faire pâlir peut-être le Taj Mahal !), aux jardins extraordinaires, aux fontaines époustouflantes, aux intérieurs meublés somptueusement, aux splendides lustres en cristal, aux murs ornés de fresques dorées et colorées d’œuvres italiennes et étrangères, mais de renom, comme Raphaello ou Rubens. Gênes, ville richissime qui se devait d’accueillir avec le plus grand faste possible les rois, les princes, les ambassadeurs d’Espagne ou d’Amérique, car l’argent venait de ces pays. Rien ne manquait dans les intérieurs pour les réceptions, tout était étincelant, des tables dressées de vaisselle d’or et d’argent ornée de monogrammes aux verres en cristal polychrome venant de Murano, une île rivale qui fournissait tous les palais ainsi que les cours d’Autriche et de France.

Le couple recevait les grands de ce monde, mais côtoyait également les gens de lettres, les artistes et les musiciens de renom qui venaient régulièrement exercer leur art en privé. Leur palais était vivant et accueillant. De nombreux serviteurs, servantes, cuisinières, laquais, dames de compagnie, nourrices, s’activaient en permanence à l’intérieur comme à l’extérieur où les jardiniers et paysagistes œuvraient pour conserver les magnifiques jardins aux essences méditerranéennes et exotiques. Des arbres magnifiques, certains plus que centenaires, venaient compléter ces parcs immenses, riches en couleurs et où le travail ne manquait certes pas.

Il est évident qu’être femme à cette époque n’était pas une position facile. Cependant Catarina, issue d’une classe dirigeante très prospère, reçut les meilleurs enseignements en termes d’instruction, mais aussi de religion ou d’art. Catarina n’était pas d’une beauté fascinante. Elle était dotée d’un physique plutôt ordinaire, de petite taille, un peu ronde, avec un visage lunaire à la peau très claire qui faisait ressortir parfaitement ses yeux noirs pétillants entourés d’une chevelure brune épaisse, qui, montée en chignon, l’élevait de quelques centimètres, pour faire illusion.

En revanche, son sourire mutin et attachant, ses réparties, sa diplomatie, son intelligence faisaient oublier ce que la nature et la génétique familiale lui avaient transmis.

Elle devint une femme érudite, indépendante, qui sut imposer ses idées et ses ressources intellectuelles dans une époque complexe. Le fait qu’elle soit enfant unique et fille, renforça cette idée d’indépendance aux parents qui, désespérés de n’avoir pas pu procréer une descendance masculine, acceptèrent que Catarina fût tout à la fois : héritière, forte comme un garçon, formée aux finances, aux lettres, à la musique et aux arts qui ne manquaient pas dans ce futur royaume, bien au contraire.

Les parents de Catarina n’eurent d’autre choix que d’accepter le destin de leur fille unique, car ce manque de lignée, dans les grandes familles, était ressenti comme une douleur. Selon les lois de l’époque, les filles étaient exclues d’héritage en présence d’héritiers masculins. Le patrimoine ancestral devait suivre cette transmission destinée aux mâles et non devenir un patrimoine par alliance, pouvant ainsi le laisser s’échapper.

L’Italie antique et son empire nous ont laissé un passé extraordinaire de beauté, une culture et des chefs-d’œuvre qui encore aujourd’hui nous émerveillent.

Souvent, Pépé Francesco et moi marchions dans la forêt sur le plateau de la Brie proche de sa jolie maison. J’aimais particulièrement cette forêt par sa géométrie qui me rassurait, évitant la peur de se perdre, même si les chemins pour les randonneurs étaient tracés. Plutôt plate aussi, ce qui était parfait pour Pépé à un certain moment pour marcher. J’aimais particulièrement les remarquables spécimens de chênes dont elle était boisée ainsi que toutes les mares qu’elle comptait, charmées par quelques oiseaux. Cette forêt avait aussi ses secrets et ses histoires, mais la plus connue est celle qui raconte que le roi de France Philippe le Bel venait y chasser en épuisant de nombreux chevaux.

C’est pendant ces nombreuses promenades qu’il se confiait en distillant l’histoire dans l’ordre au fil de l’eau. Cette fois-là, il me dit en remuant ses grandes mains, comme s’il mimait une action :

⸺ Ma Lily, j’espère qu’il te plaira de voyager ! Dès que tu seras en âge, mais surtout lorsque ton esprit sera prêt pour découvrir le monde, commence donc par l’Italie et en premier par la ville de Rome. Tu y verras des merveilles, ce que nos ancêtres ont laissé, mais surtout ce que l’Empire romain a construit à une époque où les moyens matériels étaient autres. Comment les Romains ont mis en place un système hydraulique étonnant, comment ils ont été les premiers à créer des thermes que tous pouvaient utiliser, à construire des routes, des ponts, des aqueducs, dont quelques ruines sont encore bien visibles… Tous ces liens sont indestructibles et nous animent quand bien même les siècles sont passés... Parfois, j’ose m’y replonger…!

Puis, il évoquait d’autres villes, bien sûr Gênes le berceau de ses grands-parents et arrière-grands-parents, mais aussi Venise, Pise, et Bologne, cette ville qu’il aimait particulièrement, car il y était allé à l’université suivre les pas de quelques illustres comme Dante Alighieri ou Paracelse. Il avait choisi médecine associée à l’époque à la philosophie et au droit, petit héritage des Maîtres de l’école de Salerne qui avaient replacé la médecine dans le savoir humain, alors qu’elle n’était pas comprise dans les sept arts libéraux depuis l’antiquité.

Il savait évoquer auprès de moi, cette période avec beaucoup d’émotion :

⸺ Mes études à l’université de Bologne furent parmi les plus belles années de ma vie. J’aimais apprendre, ma Lily, j’avais soif de connaissances. Je me sentais libre malgré la charge des études. J’ai fait de belles rencontres et surtout j’ai noué de véritables amitiés qui perdurent aujourd’hui.

⸺ Oui, Pépé, je comprends le sens d’une véritable amitié qui peut continuer bien au-delà du temps et des frontières… Puis, je suppose que tu t’es fait plaisir à animer des soirées amicales en faisant quelques imitations, mais aussi, et sur- tout en chantant quelques airs bien connus, comme la Tosca ou la Bohème… ?

⸺ Bien sûr, ma Lily… mais tu sais qu’il faut faire des choix dans la vie, cela veut dire, sacrifier quelque chose… mais je n’étais déjà pas seul…

⸺ Oui, je le sais parfaitement !

Il aimait que je m’imprègne de la terre qui l’a vu naître, de sa culture et de sa richesse intellectuelle ; il souhaitait me transmettre une part de lui, de ses racines qu’il aimait tant et qui étaient un peu les miennes, mêlées à des sources étonnantes.

Il est vrai que ces merveilleuses balades en forêt, tant que Pépé a pu marcher convenablement, nous ressourçaient en ondes telluriques et ions négatifs. Grâce aux nombreuses conversations que nous avions, soit lors de nos promenades, soit dans sa maison, il a pu évacuer quelques sentiments encore toxiques. Il voulait résolument me transmettre et me révéler ce qui dans sa vie ne devait pas s’éteindre dans le temps. Je devenais dépositaire d’un passé, mais surtout de ses expériences auxquelles je ne pouvais qu’être liée.

Le moment venu, j’ai écouté Pépé Francesco, car au fond de moi, je savais qu’il ne pouvait pas se tromper. Il y a bien des décennies, au sortir de l’adolescence, avec mon amie Dalya, rencontrée très tôt sur les bancs du lycée, mon premier voyage en train pour atteindre la ville de Rome fut très long. Ce fut un train de nuit en couchette non superposée, type-dortoir, plus une partie de la journée pour arriver à la fameuse station Roma Termini.

J’ai découvert ce lieu extraordinaire et magique. J’ai adoré cette ville que l’on nomme « ville éternelle », ce qui lui va si bien, gorgée de lumière et de secrets. Après une promenade dans les magnifiques jardins de la Villa Borghese, je me suis assise sur un banc en partant dans une rêverie d’une autre dimension.

Je me suis plongée dans un rêve éveillé dans ce siècle antique pour comprendre notamment comment était acheminée l’eau pour alimenter les fameux thermes de Caracalla. Cette jouvence d’eau chaude, au profit d’un public avide. Cela fut rendu possible, entre autres, par des milliers d’esclaves qui chaque jour à la chaîne sur des escaliers souterrains, transportaient du bois pour les fourneaux dans des conditions drastiques de chaleur et de confinement quasi insupportables…

Les ruines du Colisée m’ont également interpellée, et j’ai ainsi continué mon voyage dans le temps, pour me propulser à l’époque des gladiateurs et des combats d’animaux sauvages puisque cet édifice servait à cela et à bien d’autres festivités. Je me suis amusée à penser que je n’étais pas dans l’arène à me faire dévorer par un lion, mais sur une chaise souveraine, assise à côté d’un empereur romain, le plus bienveillant possible, mais cette idée était absurde. Bien sûr absurde, car des millions d’animaux étaient tués pendant les jours de fête ainsi que des hommes, comme les gladiateurs dont la vie dépassait à peine vingt-deux ans ; tout cela afin de donner du spectacle au peuple très en demande. Quand bien même c’était l’esprit de l’époque, ce n’était pas de la gentillesse, mais de la barbarie et un spectacle navrant pour les yeux. Ainsi, je me suis demandé de quel côté lors d’une de mes autres vies, je pouvais me situer :

- Le peuple séduit par cette sauvagerie ?

- Le combattant digne de vaincre et d’être applaudi ?

- Ou le noble, fier organisateur ?

Puis, revenue dans la réalité de mon actuelle dimension, étonnamment, moi qui supporte difficilement les grosses chaleurs qui me provoquent des malaises importants, je me suis mise à penser que peut-être, je fus un esclave qui avait contribué à la construction et à l’entretien des thermes ! Des réminiscences que je devrais travailler pour me dissocier totalement de ce phénomène. Je n’en parle pas, sauf à Dalya, source de gentillesse qui avec un sourire qui n’appartient qu’à elle semble approuver, et à Pépé, le seul à me comprendre totalement, sans crainte de passer pour une aliénée.

Comme on le dit, « ça se soigne » au présent quand bien même cela remonterait à plusieurs générations. Ces liens transgénérationnels résonnent parfaitement en moi, car remonter parfois aux sources ancestrales, pour comprendre certains problèmes du présent et les résoudre, est une possibilité offerte à tous. Il est bon de balayer les émotions toxiques, de guérir ses maux, et de remplir sa vie de Joie.

Une fois de retour de ce fabuleux voyage, j’ai rendu visite à Pépé Francesco dans sa maison briarde, accompagnée de Dalya. Il était allongé sur un transat dans son jardin arboré : quelques arbres fruitiers dont un cerisier qui m’a régalé des meilleures cerises et confitures, quelques buissons verts, des hortensias qui avaient bien trouvé leur emplacement grâce sans doute à la main verte de Mémé Carmen. Contrairement à ce que tout le monde lui avait déconseillé, il avait osé planter un olivier à ma naissance, en affirmant que la nature ferait bien les choses même si le climat ne s’y prêtait pas, car l’intention elle, y était ! Il a eu raison : l’olivier, après quelques peines, avait réussi à prendre toute sa dimension.

Dalya et moi avons pris place sur d’autres transats autour de la table de jardin sur laquelle étaient posées nos tasses de thé. Pas n’importe quel thé, le fameux thé noir fumé de Chine, le Lapsang Souchong dont les effluves boisés flattaient nos narines.

J’ai comblé ses attentes en lui décrivant notre voyage :

⸺ Pépé, tu as eu raison de m’encourager fortement à visiter la ville de Rome même si la circulation urbaine s’avérait difficile…

⸺ Certes, ma Lily, je m’en doutais un peu, car tu aimes l’histoire et dans notre beau pays, il y a tellement à savoir.

⸺ Oui, surtout prendre conscience du travail immense qu’à cette époque, cela représentait. En tous les cas, les Romains sont très forts, ils méritaient bien un empire. J’ai été très impressionnée par le fameux Colisée, le monument le plus grandiose de Rome. Les architectes et les bâtisseurs de l’époque avaient bien conçu ce lieu de spectacles. Je me suis éclipsée un moment dans une autre vie, en imaginant être une Romaine utilisant les thermes. Ce sont eux qui ont déployé la magnificence et le luxe avec des chefs-d’œuvre de beauté ; bien qu’ils soient nos précurseurs dans ce que nous utilisons aujourd’hui, cela n’a plus rien à voir !

⸺ Oui, ma Lily, mais à quel prix !

⸺ C’était comme ça à l’époque, les lois du travail étaient inexistantes et, puis le monde a changé petit à petit, laissant un fabuleux travail encore visible aujourd’hui avec parfois des codes à déchiffrer ! Je crois qu’il faut avoir une douce pensée pour ces hommes et ces femmes qui ont donné leur vie pour notre dignité, mais surtout notre liberté…

⸺ La liberté… Oui Lily et à toute époque ! Et toi, Dalya, qu’as-tu pensé de ce voyage ? C’était pour toi aussi, une première visite ?

⸺ Oui, monsieur Francesco, c’était fabuleux, une ville magnifique. Je vais me plonger davantage dans la civilisation romaine, car elle m’intéresse puisque, comme vous le savez, mes racines naissent d’une source qui a laissé également des traces immenses : l’empire d’Égypte.

⸺ Bien sûr, Dalya, tu es « née » bien avant nous !

Puis avant de repartir, discrètement, j’ai murmuré à l’oreille de Pépé :

⸺ Un jour il faudra que je te parle de Dalya, de sa vie et de son calvaire.

Amadeo, Catarina : leur vie de famille

Le couple Amedeo/Catarina, déjà bien nés tous les deux, s’était enrichi davantage grâce au fructueux commerce maritime entre la Méditerranée et l’Orient. Esprits commerçants, travailleurs et dotés d’une forte intelligence, leur croissance fut rapide et solide. Catarina était avant-gardiste, elle savait se proje- ter dans un espace-temps plus lointain, elle sentait qu’il ne fallait pas négliger le développement en investissant dans d’autres sources et d’autres projets qui pourraient générer des revenus.

D’où, dans ce qu’elle imaginait d’éternel pour l’humain, sa volonté d’acquérir le maximum de terres et de bétail sur leur propre sol, pour y produire les ressources vitales du pays jusqu’à les exporter et faire fructifier ses investissements. Car sait-on jamais, un revers de fortune est si vite arrivé, tandis que les terres et les animaux produisent toujours de quoi se nourrir. Et dans cette région particulière de l’Émilie-Romagne, il y avait de quoi produire et développer, tant les terres y étaient fertiles. Ainsi, le couple acquit d’immenses domaines et territoires dans cette région féconde, augmentant leur fortune, mais entraînant un généreux travail qui nourrissait les métayers paysans et leurs familles.

Le couple, en dehors de sa richesse, fut comblé par la naissance d’enfants, non toutefois sans malheurs liés à l’époque.

Catarina fut entourée des meilleurs soins pour accoucher dans la chambre de sa somptueuse demeure génoise en toute sérénité. Elle disposait de servantes pour les travaux les plus humbles et discrets, de dames de compagnie de belle culture, formées à la maïeutique pour envelopper d’empathie et de confiance l’accouchement tout en étant à côté du médecin accoucheur.

En 1849, une année marquée par la chute de la République romaine, Catarina donna naissance à son premier enfant. Comme le choix du roi, ce fut un garçon, présumé l’héritier principal. Malgré la coutume des répétitions des prénoms dans les milieux aisés, Catarina souhaita une rupture dans cette tradition. Son premier enfant répondait au prénom de Giuseppe, en hommage au héros de l’unification italienne, et c’est seulement en deuxième prénom qu’il porta celui d’Amedeo.

Ce fut une joie immense pour cette famille bénie, chanceuse de naissance, qui suscitait de la part des envieux de bien mauvaises grâces et les exposait à leurs attaques.

Catarina, noble de cœur, avait compris comment dissimuler cette supériorité pour éviter les nuisances d’autrui, ces envieux menaçant de destruction son bonheur. Soustraire à la vue sa fortune, ses possessions, rester humble, comme le dit un proverbe persan « la modestie est le plus sur antidote contre l’envie ». Dans son instruction, elle avait appris et compris l’histoire racontée par Cicéron, de Damoclès qui, félicitant le tyran Denys de Syracuse pour son immense puissance, voulut échanger sa place pour profiter de sa richesse et de son pouvoir. C’est quand il fut à sa place qu’il se rendit compte qu’au-dessus de sa tête, il y avait une épée, soumettant son immense pouvoir à des contraintes non visibles que l’on ne pouvait imaginer… on comprend aujourd’hui facilement ce que veut dire « avoir une épée de Damoclès sur la tête » dans beaucoup de circonstances.