Une dernière balle pour l’as de carreau - Herve Carpentier - E-Book

Une dernière balle pour l’as de carreau E-Book

Hervé Carpentier

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Beschreibung

Dans un monde post-apocalyptique, l’officière Modesty Williams doit quitter l’armée et la Californie. Fraîchement arrivée à La Nouvelle-Orléans, elle se retrouve impliquée dans la recherche d’un parrain local, aussi brutal qu’impulsif, qui tente de retrouver un mystérieux arsenal capable d’assurer l’indépendance de La Nouvelle-Orléans. C’est à ce moment-là qu’elle croise le chemin de Sam, qui, ayant tout perdu depuis la destruction du livre d’Ofans Sakre, est déterminé à trouver sa sœur. Deux quêtes, un ennemi commun. Pris au cœur d’une machination terrifiante, alors que les cadavres s’accumulent, le destin les contraint à s’entraider pour leur survie… mais entre survie et vengeance, la frontière est mince.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Hervé Carpentier a toujours été fasciné par les environnements post-apocalyptiques, ainsi que par la façon dont les êtres humains réagissent dans des situations extrêmes. Dans ce récit, il a souhaité incorporer tous les éléments qui lui tiennent à cœur : des personnages ordinaires, une dimension mystique, de la violence et surtout une pointe d’humour noir pour accentuer le côté sombre et tragique des situations auxquelles ses personnages sont confrontés. Il espère que vous prendrez autant de plaisir à le lire que lui en a eu à l’écrire.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Herve Carpentier

Une dernière balle

pour l’as de carreau

Roman

© Lys Bleu Éditions – Herve Carpentier

ISBN : 9791042206703

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

San Francisco

Le 16 février 17 h 28

Le ressac de l’océan Pacifique était faible, le ciel était radieux en cette fin d’après-midi. Un temps idéal pour profiter du soleil rougeoyant qui irradiait de sa chaleur la côte ouest laissant deviner qu’il ferait encore beau, et ce durant quelques jours à venir. Il était encore juste assez haut dans le ciel pour se dorer la pilule sans pour autant risquer un coup de soleil. Mile Rock Beach, une petite plage de sable fin dans les quartiers nord de San Francisco. La plage était encombrée depuis le début de la période estivale, pas un seul endroit où se prélasser au soleil.

Pour d’inconnues raisons, cette plage était le point migratoire de beaucoup de gens, il fallait voir toutes ces âmes en perdition errer sur le sable, les gens faisaient des kilomètres pour venir ici, sauf que curieusement, au beau milieu de l’eau, personne, tout le monde restait sagement sur la plage.

— Deb ?

— Oui ?

— T’es prête ?

— Beh oui, mais on devrait attendre encore un peu.

— Et pourquoi ma chère ? Je pense que tout le monde est là.

— Mouai, perso je n’en suis pas si sûr… et puis ça craint non ?

— Détends-toi Déborah, détends-toi, on est à la plage, tous nos soucis sont derrière nous, il faut profiter du moment présent, tu vois les cabines de bain là-bas ?

— Oui, mais ça implique de traverser la plage, t’es folle.

— Folle ? Madame Déborah ne veut pas mettre de sable dans ses chaussures ?

— C’est pas ça, mais…

— Mais quoi, allez… GO.

— OK alors on y va.

Les officiers Déborah Mckensie et Modesty Williams descendirent le long de la crête pour atteindre enfin la plage.

— Tu vois Deb, d’en haut c’est joli, mais dès qu’on pose les pieds dans le sable c’est magique.

— Pardon ? C’est quoi que tu trouves magique ?

— Mais cette sérénité Deb, la tranquillité de l’endroit, personne ne vient jamais ici.

— Nan déconne, tu ne t’es jamais demandé pourquoi personne ne vient jamais ici ? Moi ça me paraît évident.

— Écoute, tu ne vas pas nous gâcher notre journée. Je t’ai dit que j’allais à la plage, c’est toi qui as insisté pour me suivre ?

— Oui mais je ne pensais pas…

— Pas à quoi ? Tu veux traverser la ville du Nord au Sud ? C’est bon pour les imbéciles, cette plage est à deux pas de la caserne.

Elles se disputèrent quelques minutes encore, lorsqu’un promeneur égaré sur ce petit bout de paradis intervint auprès d’elle de façon assez particulière, disons-le.

— Merde je crois que t’as un ticket.

— Bon beh c’est parti alors.

— Ahhh, j’aime te voir ainsi motivé, ça fait plaisir.

Le promeneur, comme hypnotisé par l’officier Mckensie se rapprochait lentement, puis dès qu’il fut assez prêt, il tenta de la mordre. Déborah le repoussa d’un coup de crosse bien placé, elle arma son fusil à pompe pendant que l’officier en chef Williams mit en joue la population de son M1.

— Et PAN, c’est parti.

Les coups de feu retentirent, lentement mais sûrement, d’une précision remarquable, le M1 écroula les uns après les autres, les touristes décérébrés qui se rapprochaient lentement près d’elles, Mckensie, de son côté, se contentait d’annihiler ceux qui réussissaient à s’approcher un peu trop.

— Il y en a un paquet je trouve.

— Ouaip.

— Je sais pas d’où ils peuvent sortir tous ces zombies.

— Je pense que c’est dans les gênes.

— Les gênes ? Qui est gêné ?

— Nan les gênes, je pense que les zombies gardent les réflexes et les automatismes qu’ils avaient de leur vivant, mais le fait que des morts bougent, ça j’en sais rien.

— Ah ouais p’teh beh madame la psychologue pour zombies, mais dis-moi, t’as pensé à prendre ton maillot ?

— Mon maillot ? Et pour quoi faire ?

— Beh, tiens, à ton avis, pour se baigner.

— C’est une blague j’espère ?

— Beh quoi, tu crois vraiment que j’ai accepté cette mission pour le plaisir ?

— Je comprends mieux. Dès qu’ils ont dit « plage », tu t’es précipité !

— Exact, j’allais pas laisser filer une occase pareille, mais si tu n’as pas pris ton maillot, on se baignera à poil.

— Mais t’es une grande malade toi et si on nous chope ?

— Qui va venir nous choper ici ? Les morts, eux, ils veulent nous bouffer, je pense que voir une paire de fesses les importe peu ma grande.

— Sauf s’ils peuvent planter leurs dents dedans, dans ton cas il y a de quoi mordre.

— Conasse.

Quelques minutes plus tard, les détonations se turent, la plage était maintenant déserte. Le buffet était servi, les crabes pouvaient dorénavant prendre possession des corps criblés de balles tandis que les albatros, eux, viendraient bouffer les crabes. Williams, impatiente de se baigner, s’était octroyé le luxe de faire mouche à chaque cartouche pour profiter un maximum du soleil restant.

— Et voilà ma grande, la plage est nickel.

— Nickel ? Ce sont plus des lunettes qu’il te faut, mais un chien d’aveugle.

— Bahhhhh, fais abstraction ma chérie, fais abstraction.

— Les carcasses de voitures ?

— Fais abstraction.

— La cinquantaine de cadavres ?

— Fais abstraction je te dis.

— Les débris datant de la grande pluie ?

— OK mais regarde bien, il reste quoi ? Hein, je te le demande ? La… PLA… GE ma grande, le sable, le sable et l’océan et bientôt mon petit cul sera dans l’eau, PREMMMMS.

En moins de temps qu’il fallut à l’officier en chef Williams pour le dire, elle se retrouva en culotte avec de l’eau à mi-genoux.

— Allez viens, voyons ?

D’abord réticente, l’officier Mckensie se laissa tenter par une petite baignade amplement méritée.

— Ahhh, c’est vrai qu’elle est bonne.

— Tu vois que j’avais raison.

— Dis-moi, si c’est pas indiscret, il te veut quoi l’intendant ?

— Je ne sais pas, je pense malgré tout que c’est à cause de l’histoire de l’autre jour, mais tu n’es peut-être pas au courant, si ?

— L’histoire avec ton mec ?

— Mon EX-mec, je lui ai bien baisé la gueule à celui-là.

— Mouais, j’ai eu vent de quelques ragots seulement.

— Pourtant à son grand malheur, toute la caserne est au courant.

— Ouais, mais moi j’étais pas là, j’étais en intervention sur la 27e avenue.

— Génial alors, j’adore la raconter cette histoire.

Williams et Mckensie déplièrent deux longues serviettes et s’allongèrent face au soleil, elles ne mirent pas très longtemps à sécher.

— Il est génial ton maillot.

— Merci, je l’ai trouvé à la sortie Sud de Frisco, une petite boutique en ruine, pas très loin de Church street.

— Cooool, comment ça s’appelle des maillots comme ça, en deux pièces ?

— C’est un solde.

— Solde ? Je croyais que c’était un bikini, mais j’étais pas trop sur ?

— Mouais moi aussi, mais de partout sur la boutique il était écrit « soldes » et il n’y avait que des soldes en rayons, c’était aussi noté sur les étiquettes alors je suppose que c’est comme ça que ça s’appelle.

— En tout cas, ton solde est trop cool. Alors ? Raconte-moi cette histoire.

— Allez, donc cet enculé se tapait une pouffe qui ne crèche pas très loin de la caserne.

— Tu l’as su comment ?

— On s’en fout, mais sache qu’au lieu d’envoyer un petit mot doux à sa Modesty chérie, cet abruti s’est gouré de prénom, non, mais franchement j’ai une tête à m’appeler Tiffany ? Mais je rêve.

— Ohhhh merde.

— Ouais et donc je ne lui ai rien dit pour mieux préparer ma vengeance.

— Trop cool il en a bavé j’espère ?

— Tu m’étonnes, nous étions où toute la caserne squatte le soir pour aller boire quelques verres, au Mémorial, tu sais le cabaret.

— Oui.

— Je l’emmène derrière dans les coulisses pour faire un câlin, on était dans le noir et là, je lui balance « enlève tes fringues, tu te souviendras de ce moment toute ta vie » et il me répond « on peut pas allez ailleurs il fait noir je te vois pas » mais comme je l’avais chauffé toute la journée il ne s’est pas fait prier.

— Et t’as fait quoi ?

— Ce que j’ai fait ?

— Naaaannnn t’as pas fait ce que je crois que t’as fait ?

— Si ma grande.

— Oui, les deux rideaux se sont ouvert d’un coup.

Elles éclatèrent de rire à n’en plus pouvoir respirer, telles deux bécasses ayant survécu à une saison de chasse.

— Et donc cet abruti se retrouvent le futal et le caleçon sur les chevilles le sourire jusqu’aux oreilles, là, en pleine lumière. Si t’avais vu sa tête, ce con le cul à l’air, sur scène, devant la moitié de la caserne et une bonne vingtaine de gradés qui sirotaient leur bière.

— T’es mortelle Mod, alors je comprends mieux pourquoi tu as été convoqué, c’est le fils du colonel quand même, la honte pour lui, rappelle-toi quand il avait viré le type là, j’ai plus son nom, tu te souviens ?

— Exact, viré de l’armée sur-le-champ.

— Tout le monde croit maintenant que son fils est un détraqué, il aura du mal à justifier quoique ce soit, il est un peu dans la merde, je pense, le colonel.

— Et du coup, sanction disciplinaire pour bibi !

— Mais ils n’ont pas le droit, pas pour ça.

— Pour ça non, mais pour des conneries, équipement mal nettoyé, j’aurai soi-disant perdu un rapport de mission, voilà quoi.

— C’est dégueulasse.

— C’est la vie, mais sur le coup je ne comprends pas pourquoi l’intendant veut me voir.

Elles commencèrent à se rhabiller tranquillement lorsqu’une déflagration brisa le calme de cette fin d’après-midi, le sable explosa à leurs pieds, elles se réfugièrent contre la paroi d’un vieux car scolaire échoué non loin de là.

— Putain je plane, on nous a tirés dessus.

— Sûrement quelqu’un qui nous a pris pour des décérébrés.

— Des décérébrés en uniforme ? Tu plaisantes j’espère, regarde, il y a quelqu’un sur la crête qui s’enfuit.

— Non j’vois personne.

— Merde j’ai pas eu le temps de voir qui s’était.

— Eh beh, t’as des ennemis Mody on dirait.

— Et pourquoi moi ?

— Moi tout le monde m’aime, toi tu as tendance à empoisonner la vie des autres et après le coup que t’as fait.

— Ouais, mais quand même, de là à essayer de me buter.

— Tu sais moi aussi j’ai voulu te buter parfois, mais à mon avis prends ça comme un avertissement.

— C’est ce que je pense aussi, me rater à moins de cent vingt mètres c’est louche.

De retour à la caserne (et habillée), l’officier en chef Williams se rendit au bureau de l’intendant Wokson.

L’homme, un Afro-américain avoisinant la soixantaine, petit et bedonnant était assis derrière un vieux bureau en tôle, les mains croisées sur un sous-main d’époque, on pouvait apercevoir à travers sa tenue et sa gestuelle une grande rigueur militaire ainsi qu’une sévérité certaine, il contrastait fortement avec cette grande blonde, sèche, mais plutôt mignonne, une queue-de-cheval accentuant un sérieux qu’elle ne possédait absolument pas.

— Modesty, Modesty, Modesty

— Me voilà Inten…

— TA GUEULE, Modesty.

— Oui monsieur

— Modesty, pose ton cul de blondasse sur cette chaise et abreuve-toi de mes paroles sans ouvrir ton bec.

— Oui m…

— Ta gueule j’ai dit, ne rends pas les choses plus compliquées.

Modesty resta figée ; jamais depuis qu’elle le connaissait elle ne l’avait vu énervé de la sorte.

— Qu’est-ce que tu fous, tu t’es mis l’état-major à dos, que tu te fasses sauter par l’abruti qui sert de fils au colonel passe encore, le faire passer pour un exhibo passe encore, MAIS… parce qu’il y a un MAIS, c’est le fils du CO-LO-NEL bordel, écoutes, je t’ai vu grandir, je t’ai élevé moi-même depuis la mort de tes parents, tu étais promis à une belle carrière et toi t’as tout bousillé.

— Je suis dés…

— TA GUEULE.

La main de l’intendant Wokson atterrit sur la joue de Modesty en faisant voler une pile de papiers de son bureau. Elle ne broncha pas le moins du monde.

Elle n’osa même pas frotter sa joue endolorie.

— Il est taré ce gosse… son père, c’est pas mieux, ils ont fait descendre des gens pour moins que ça, tu comprends, c’est une question de jours avant qu’ils ne réussissent à te faire la peau… métaphoriquement… ou littéralement.

— Je comprends monsieur.

— J’ai pas le choix Mody, comprends le bien, tu dois partir, mais je ne suis pas un ingrat, je te considère comme ma propre fille alors écoutes bien, je ne répéterai jamais cela. Demain matin, tu quittes San Francisco.

— Pour aller où ?

— Nouvelle Orléans.

— La Nouve…

Une seconde gifle lui coupa l’envie de la ramener, elle écouta religieusement l’intendant Wokson.

— Oui : j’ai potassé un moment pour trouver un prétexte à la con pour sauver ton petit cul blanc, j’ai eu vent d’une histoire à dormir debout, d’un abri qui ferait accéder à un armement extraordinaire, des mercenaires et la mafia du coin sont dessus mais on s’en branle.

Modesty remua des lèvres mais la main de l’intendant qui commença à se lever du bureau la mura dans un profond silence.

— Dans quinze jours, environ, je recevrai un rapport en provenance d’un agent en poste là-bas, sur ce rapport, l’officier en chef Modesty Williams aura succombé à ses blessures lors de l’attaque d’une caravane marchande par des pillards.

— Mais ?

Il n’eut qu’à lever la main et Modesty se tut.

— On te fera une petite stèle discrète au cimetière militaire de Frisco, on fera semblant de chialer, mais au moins tu resteras vivante, mais il y aura tout de même un point positif à cette histoire, on pourra bouffer des petits fours entre hypocrites en insistant sur tes qualités sans trop y croire. Des questions ?

— Oui une, je ne pourrai plus jamais revenir alors ?

— Non ! bien évidemment que non, dégage maintenant, les adieux c’est pas mon truc.

— Bien monsieur et merci encore.

— De rien ma petite, que Dieu prenne soin de toi, ah et un dernier truc.

— Oui lequel ?

— Efface de ton cerveau tout ce que tu penses de notre armée, tout ça n’est qu’une fumisterie à grande échelle. Ici, nous sommes isolés, pas d’armée gouvernementale, pas non plus de gouvernement, tout ceci n’est que l’autocratie d’un dément en quête de pouvoir. Notre pouvoir s’arrête à la frontière de la Californie, suis la « quinze » et tu verras.

— Merci monsieur.

— Et arrête d’empoisonner la vie des gens, un jour ça se passera mal.

— Bien monsieur.

Modesty se mit à pleurer en sortant du bureau de l’intendant, elle observa autour d’elle, Frisco, la ville, sa ville, elle y avait grandi, elle y avait ses amis, elle devait abandonner tout cela, abandonner sa vie pour aller où ? À La Nouvelle-Orléans ? La Nouvelle-Orléans, un bled paumé au milieu des marécages, adieu San Francisco la plus belle ville du monde, Welcome to New Orleans, capitale de… de rien… ah si des ploucs bouffeurs d’alligators.

— Pffff heureusement, il doit y avoir des plages là-bas, je suis prête à le parier.

Nouvelle-Orléans

Le 16 mars 9 h 41

— LA NOUVELLE-ORLÉANS, ahhhhh, c’est la plus belle chose que je connaisse, enfin presque, franchement, t’as vu ma gueule tonton, franchement, franchement, ch’ui beau gosse il faut reconnaître, même la beauté de cette ville ne peut pas rivaliser… et mon cul, t’as vu mon cul ? Ch’ui quand même gaulé comme un dieu non ? mon cul embellit ce futal, je trouve.

— Merde, mon Lemmy, t’es vraiment obligé de faire ça ?

— Putain Tonton, tu fais chier merde, je bosse moi, je suis un business man moi.

— Euh on dit pas plutôt business ?

— Je t’emmerde Tonton, je t’emmerde.

— Tu m’emmerdes peut-être, mais on dit business.

— Buziness ou business, ça se dit pareil alors arrête de me casser les couilles.

— Pfff ta mère doit se retourner dans sa tombe si elle t’entend.

— Laisse maman en dehors de ça.

— Beh quoi, tu sais combien de passes elle faisait par jour pour vous sortir de la merde ?

— Laisse maman au paradis, ne la mêle pas à ça.

— Au paradis ? Laisse-moi rire, la seule chance qu’elle soit allée au paradis, c’est qu’il y ait un bordel là-haut afin qu’elle puisse y bosser.

— Je t’interdis tonton, c’est de maman que tu parles, je ne te fais jamais de commentaire sur ta sœur qui faisait le trottoir moi.

— Cette sœur-là justement c’était ta mère, mon Lemmy.

Lemmy, le rasoir à la main, fignolait sa joue gauche devant le miroir, alternant le blaireau à l’ancienne et une lame d’un tranchant redoutable.

— Qu’est-ce t’y connais toi ? Franchement.

— Je disais ça comme ça et puis franchement mon Lemmy, t’as vraiment besoin de te raser pour faire deux cents mètres à pied ? Le Tropicana est à côté.

— Pour ces bouseux, je suis « monsieur Lemmy » moi, je ne peux pas laisser tous ces connards se dire « oh finalement il est comme tout le monde, il a des poils qui poussent ».

— C’est de la névrose mon neveu.

— De la quoi ? Ahhhh ne me prend pas de haut avec tes mots à la con qui ne veulent rien dire, je t’en prie, passe-moi mon blouson et mon attaché-case.

— Le bombers ? le tweed ?

— Question débile tonton.

Le Tonton s’approcha d’une grande penderie, vexé il ouvrit les portes battantes violemment, effectivement la question était débile, une bonne quinzaine de blousons d’aviateur y étaient suspendus. Il stockait tout un lot de superbes blousons en cuir brun, chacun d’eux avait de brodé dans le dos un énorme AS de carreau, un petit numéro, brodé lui aussi mais à hauteur de l’épaule gauche distinguait chacun d’eux.

— Pfffff.

— Arrête de râler on y va.

Lemmy, suivi du tonton, descendit les escaliers de sa suite privative et traversa la salle de jeu du Lézard mécanique, à l’entrée, un pauvre type s’approcha de lui.

— Bonjour M’sieur, z’auriez pas une tite pièce ?

— Pardon ? Une petite pièce ? Mais tu sais à qui tu parles là ? BORDEL QUI A LAISSE ENTRER CETTE SOUS MERDE ICI, d’abord je suis MONSIEUR LEMMY.

— Excu…

— ET SACHE QUE MONSIEUR LEMMY N’A PAS DE PIÈCES.

Il fouilla dans sa poche intérieure, extirpa une liasse de billets de vingt dollars et se mit à frapper le mendiant avec la liasse.

— MONSIEUR LEMMY N’A QUE DES BILLETS, SALE CONNARD LES PIÈCES C’EST POUR LES FOSSES A MERDE DANS TON GENRE.

— Ma…

Il se mit à molester le pauvre homme avec son attaché-case, les billets, éparpillés un peu partout au sol épongeaient le sang qui giclait de son crâne, pendant ce temps, le tonton, lui, s’était calmement allumé une cigarette et accosta une cliente du casino.

— Salut ma poule ? Tu veux que je t’emmène voir la plus grosse tour de la ville ? Et après on ira au 3e ciel, alors ? Tu es tenté ?

— C’est 7e ciel je crois l’expression et c’est gentil, mais comme cela risque fort d’être ennuyeux je vais m’abstenir.

— Sale pute.

Il téta sa cigarette et se reconcentra sur son neveu.

— Ça y est t’as fini ? On peut y aller ?

— Ouais putain, il m’a énervé ce con.

— Toi ce soir, je te trouve une fille, t’es stressé ces temps-ci.

— Non non ça va je t’assure.

Le tonton claqua des doigts en direction d’une hôtesse.

— Mademoiselle ! Venez nettoyer cette merde, qu’en penserait la clientèle ?

La donzelle s’approcha en courant à petits pas.

— Bien, bien monsieur je m’en occ… mais, mais ce monsieur est mort ?

— Dites, vous ne seriez pas un peu conne vous ? S’il était vivant, il serait parti en marchant, allez, grouillez-vous de me déblayer ça et gardez un billet de vingt pour vous c’est mon neveu qui vous l’offre.

— Bien monsieur.

— Bon Lemmy t’as fini ? Boooorrrrdel, je te trouve plein de tension aujourd’hui, t’es à prendre avec des sucettes.

— Des pincettes tu veux dire ? Et non je vais bien je t’assure.

— Mouais, si tu le dis, Lemmy, remonte te changer il y a du sang dessus sur ton blouson.

— Pardon ? Tu me casses les couilles parce que je prends le temps de me raser, tu me les brises parce que, selon ta théorie je peux me permettre de me montrer négligé devant ce ramassis de pouilleux et tu me demandes de changer de veste.

— Non non, reste comme ça, t’as raison et puis si on te demande tu diras que tu t’es coupé en te rasant.

Quelques minutes plus tard, Lemmy et son tonton se retrouvèrent devant le Tropicana, LE resto le plus chic de Louisiane, malgré le fait qu’on ne pouvait pas y trouver de brochettes de mocassins, ni même ces délicieux petits gâteaux fourrés à la chair de lézards que l’on trouvait un peu partout le long de la grande route ou même le long des autres routes praticables, idem pour les lézards finalement, ce qui devenait d’un coup complètement justifié et futile de raconter cela.

À peine vautrés sur la banquette, face au bar central, une poignée de serveuses s’empressèrent de dresser couverts et apéritifs.

— OLAAAAAA tu fais quoi là ma jolie.

— Votre whisky préféré, monsieur.

— Je ne vous parle pas de ça, je vous parle du verre, laissez la bouteille.

— Bien monsieur.

— Donc, mon Lemmy, dis-moi comment tu vas t’y prendre.

— C’est délicat, tu vois cette histoire est bien trop précise pour être une connerie, le vieux m’en avait parlé à maintes reprises.

— Et tu ne peux pas lui demander ?

— Beh, disons qu’on a eu un léger désaccord sur la gestion de mes capitaux.

— Tes capitaux ? Tu veux dire tout le pognon que tu lui as tapé ?

— Merci de le préciser Tonton, mais bon si tu pouvais éviter de le gueuler.

— Tu chies, tu peux pas t’empêcher de flinguer ou d’escroquer qui que ce soit.

— Oui bon beh, c’est fait et je ne peux plus repartir en arrière maintenant, je m’en souviens comme si c’était hier, nous étions à l’église du quartier français, il n’arrêtait pas de tripoter la poignée de sa canne, je ne le supportais plus de le voir faire, il la tripotait tellement qu’elle était lustrée à mort, elle brillait comme un diamant.

— Écoutes, moi, de mon côté j’ai rien trouvé, le vieux ne sortait pas de chez lui, il a dû mettre les pieds deux ou trois fois au club, tu veux que je fasse fouiller chez lui ?

— Surtout pas, je m’en occuperai Tonton.

— Il y a un truc que je ne comprends pas moi.

— Et quoi donc ?

— Ça fait deux ans que tu cherches et là d’un coup tu es pressé.

— Premièrement, JE veux le contrôle absolu de la ville, j’ai fait prospérer cette ville, pas le vieux, alors elle me revient de droit, mais maintenant que j’y suis presque ce connard et les bouchers veulent m’enlever le pain de la bouche, ces débiles mettent à mort ceux qui picolent, les jeux d’argent sont interdits alors enlève à cette ville : l’alcool et le jeu, il reste quoi ? Hein Tonton je te le demande, il reste quoi ?

— Les putes mon Lemmy, les putes, dit-il en mâchouillant on ne sait trop quoi.

— Putain Tonton, je suis sérieux, merde, arrête de penser avec ta queue.

— Mais…

— Tes filles seront au chômage si plus personne ne vient à La Nouvelle-Orléans.

Un homme s’approcha de la table, il remonta ses lunettes de son index droit et jeta son regard autour de lui et se planta devant l’oncle et le neveu.

— T’es qui toi ? Qu’est-ce que tu veux ?

— Laissez-moi me présenter, je m’appelle Becker, Orson Becker.

— Et y veut quoi l’ourson ?

— Non Orson, pas Ourson, mais ce n’est pas grave.

Orson s’installa en face d’eux et invita Lemmy à enlever ses pieds de la table.

— Putain Tonton, c’est qui ce pingouin ? balança-t-il sans retenue, nullement gêné par le fait qu’il puisse l’entendre.

— J’en sais rien moi, me regarde pas comme ça.

— Voilà je représente le syndicat des commerçants de la ville.

— Le syndicat ?

— Exact le syndicat, nous avons monté un collectif afin de vous entretenir des taxes étouffantes qui limitent le développement de nos échoppes et suite à des élections, j’ai eu l’honneur d’être élu pour…

— Merde alors.

— Je ne vous le fais pas dire et si je puis me permettre d’en rajouter, vous avez une petite tache de sang sur votre col.

— Ouais, j’me suis coupé en me rasant.

— Voilà qui est fâcheux, fâcheux et regrettable, vous m’en voyez désolé.

Il remonta une nouvelle fois ces lunettes et cligna des yeux trois fois.

— Je disais donc, nous souhaiterions trouver un arrangement po…

— BORDEL TONTON c’est vraiment une journée de merde.

— Mouais, je vais finir par croire que t’as raison, mon Lemmy ; balança le tonton sans détourner son regard de la serveuse.

— Merci de ne pas me couper la parole s’il vous plaît.

Lemmy dégaina son neuf millimètres et colla une balle au beau milieu du front d’Orson Becker. Il se leva et se pencha sur le corps inanimé.

— Voilà connard je te coupe la parole si je veux et là vas-y je t’écoute, OH PARDON… MONSIEUR, NE DIS PLUS RIEN JE LUI AI COUPÉ LE SIFFLET.

Lemmy, sous l’œil attentif du Tonton monta sur la table et se frappa la poitrine de sa main toujours armée.

— JE SUIS LEMMY ET JE VOUS EMMERDE TOUS, VOUS ENTENDEZ, JE VOUS EMMERDE.

L’intégralité du personnel ainsi que la plupart des clients du restaurant se turent à l’annonce de Lemmy. Ce qui était choquant c’est que le coup de feu n’affola personne, c’est l’éclat de voix de Lemmy qui retint l’attention.

— Bon, il vient ce steak ?

— Tu ne penses qu’à bouffer, c’est pas possible.

— Mais j’ai faim moi.

Le 17 mars

Au lever du jour,

Quelque part sur la route no 49

(très loin de St Francisco)

Une silhouette parcourait la « quarante-neuf » depuis une éternité. Le soleil, lui, encore timide se levait tranquillement sur la Louisiane du Nord.

La différence nord/sud était flagrante, le nord était désertique mais passé Lafayette ou Bâton rouge, la Louisiane reprenait vie, sa faune hostile, sa végétation, hostile également, ses marais, hostil… enfin bon.

La silhouette inconnue synchronisait ses pas avec les vestiges du marquage au sol séparant les différentes voies routières qui se trouvaient dans un état de délabrement avancé. Vêtue d’un trench-coat qui ne demandait qu’à tomber en lambeaux et la tête recouverte d’une longue capuche faite probablement avec un morceau de toile cirée, bardée d’un immense sac à dos pesant facilement dans les trente kilos, elle peinait et se contentait d’une allure assez faible.

Pour seule distraction durant un tel périple, elle passait son temps à des futilités du genre : combien de cactus jusqu’au prochain croisement ou même compter ses pas les uns après les autres jusqu’à cent, voire mille, puis en toute logique recommencer encore et encore, mais…

Quatre-vingt-trois pas plus loin (ou quatre souches de cyprès brûlés plus tard), la silhouette arriva à la hauteur d’un échangeur d’autoroute à la sortie des ruines de Willow Glen. Quatre types à l’apparence peu recommandable, égal à eux-mêmes, c’est-à-dire égal à ces petites bandes de pillards qui survivaient le long des routes en braquant tout ce qui se braque, violant tout ce qui pouvait se violer et bien sûr, tuant gratuitement tout ce qui pouvait se tuer.

On pouvait sentir leurs vapeurs d’alcool à facilement quinze mètres, sans parler de l’état de leur système sanguin à la vue des avant-bras couverts d’hématomes et ravagés à coup d’aiguille, la proportion, hormis par consanguinité, que les quatre soient diabétiques était faible, trop faible.

Ils s’en prenaient à une humble caravane marchande, deux d’entre eux s’en donnaient à cœur joie sur un petit vieux à qui ils faisaient goûter les semelles de leurs bottes, les deux autres, comme de convenables « gentlemen » tentaient de violer la femme en la menaçant d’un couteau.

L’arrivée de l’inconnu en trench et au visage caché par l’immense capuche créa comme un léger malaise car nullement perturbé par ce qui était en train de se passer, il continuait de marcher mécaniquement, sans ralentir ou accélérer son rythme.

— Qu’est-ce que tu regardes toi ?

— Moi ? Rien, je ne fais que passer.

— Eh beh file-moi ton sac et casse-toi.

— Non ce sac est à moi, désolé.

— Nan mais tu me cherches on dirait ?

Tous laissèrent en suspend leur occupation récréative et se rapprochèrent du voyageur.

— Allez mon gars, file-nous tes affaires, on te passe à tabac, mais on te laisse en vie, plutôt cool non ? T’as de la chance, moi et mes potes on est de bonne humeur aujourd’hui.

— Lorsqu’on est poli, on dit « mes potes et moi »

— Tu l’auras voulu sale fils de p…

Une longue lame glissa de la manche du trench-coat et arriva dans la main de l’inconnu comme par miracle pour terminer sa course plantée dans la gorge du bavard, l’empêchant ainsi de finir sa phrase. Les deux autres n’eurent pas plus de chance. Par sentiment de supériorité, ils s’étaient un peu trop rapprochés de leur future victime devenue bourreau. Au moment où ils tombèrent au sol, aucun d’eux n’avait encore compris qu’ils étaient morts. Le deuxième, un trou béant s’étant formé pile entre les deux yeux tomba à genoux. Le dernier sentant le vent tourner en sa défaveur prit ses jambes à son cou.

Le voyageur, restant d’un calme olympien, ne bougeant pas, laissa la balle de calibre 45 rattraper avec précision le mollet du junkie qui s’affala dans un somptueux pied d’aubépine de près de trois mètres. Le corps et le visage criblés d’épines et en sang, le pauvre homme hurlait de douleur, son calvaire prit fin lorsque treize grammes de plomb éparpillèrent son crâne, maculant de rouge les délicates fleurs blanches de l’aubépine.

La silhouette rengaina son arme et regarda son couteau, elle le tenait toujours à bout de bras, le pillard toujours au bout de la lame, elle le retira d’un coup sec permettant à sa première victime de pouvoir chuter lourdement au sol, le vieillard et celle qui semblait par déduction être sa fille ne cessèrent de la remercier.

— Mille mercis, monsieur, mille mercis, ces dingues allaient nous tuer.

— Ramassez vos affaires et fichez le camp.

— Oui très bien, merci monsieur.

— Moi c’est MADAME.

Le 18 mars

Nouvelle-Orléans,

Au beau milieu de la nuit

— Allez… allez… claque… claque.

Un « Clac » imperceptible brisa le silence d’une nuit calme à N.O

— Bingo, ma jolie.

Modesty tourna la poignée de la porte de service. Cette porte appartenait au musée dédié à la Seconde Guerre mondiale, le lieu le plus mystérieux de La Nouvelle-Orléans. C’était un immense entrepôt, massif, construction typique des années vingt d’avant-guerre, ce qui en toute logique indiquait qu’il n’avait pas été construit pour y recevoir cette tranche du passé. Il trônait fièrement, non loin du Tropicana et de l’ancienne station de tramway qui desservait à l’époque les universités et l’immense parc d’attractions de City Park à l’abandon depuis une éternité (ou deux éternités, je ne me souviens plus très bien).

Elle passa le revers de sa main sur son front étalant la sueur provoquée par la moiteur du lieu, à moins qu’elle ne se soit laissée enjôlée par le stress. Elle essaya de nouveau, mais celle-ci ne voulut rien savoir.

— Bordel de M… me fais pas ça, ouvre-toi s’il te plaît, tu as déjà le mérite d’avoir accompli ta tâche à la perfection, tu peux céder maintenant. Tu sais qu’on a des points communs toutes les deux ? On est têtue comme une mule et on est terriblement sexy, enfin toi plus que moi… et nos différences nous rapprochent toi et moi, on est copine maintenant. Je sais que la vie d’une porte n’est pas la vie la plus simple. On a tous nos soucis, moi par exemple : on me dit toujours de la fermer, ce qui est ironique tu ne trouves pas ? Ou je vois de l’ironie ? Mais partout, voyons, le monde n’est qu’ironie, alors que toi ; Toi tu es bien plus forte que ça. Demain, personne ne saura que tu m’as tenu tête, seras-tu gratifiée ? NON, pourquoi ? Parce que pour le commun des mortels tu n’es qu’une porte, pour moi, tu es une amie, c’est sincère tu sais, voilà je te l’annonce ma grande, une amie que je ne pourrai jamais oublier.

Une larme d’émotions s’écrasa au sol, du revers de la main, Modesty essuya la seconde avant qu’elle ne quitte sa joue.

La porte grinça légèrement. Modesty se pencha sur le pêne pour constater que cela faisait bien avant son monologue que la porte était ouverte, ouverte, mais bloquée par un insignifiant gravillon qui fut pour l’occasion, traité d’une multitude de noms d’une bassesse honteuse pour quiconque possède un minimum d’éducation.

Il fut expulsé, banni sans le moindre ménagement grâce à la lame du couteau qui faisait des va-et-vient sous la porte. Soulagée, Modesty tourna doucement la poignée du bout des doigts.

— Sésame ouvre-toi… euh ? Merde ouvre-toi j’ai dit, mais elle va s’ouvrir cette saloperie de porte.

Côté discrétion, c’était raté. Modesty se sentit seule, seule et détestée ; détestée par sa bonne étoile bien sûr, mais aussi dégoûtée par son karma. Comment quelqu’un pouvait-il avoir aussi peu de chance ?

Elle fut obligée d’y aller à grands coups d’épaule, la porte étant grippée sur ses gonds, elle ne céda que dans un affreux couinement strident à faire rompre l’émail de n’importe quel chicot.

Enfin, elle pénétra discrètement dans le ventre de l’entrepôt.

La porte donnait sur la réserve du bar-restaurant où de nombreux casiers à bouteilles étaient pleins à craquer d’alcool en tous genres et de sodas périmés depuis environ quatre cents ans, elle ne perdit pas de temps, contourna le bar et traversa la salle d’exposition.

Le long des murs, des dizaines de vitrines brisées et vidées de leur contenu laissait deviner que le bâtiment avait été pillé il y a fort longtemps, fort longtemps a en jugé par l’absence de débris de verre. Au milieu trônait un authentique P47 Thunderbolt aux couleurs de l’US army. Des mannequins dépouillés de leur tenue d’époque, tous alignés dans une rigueur quasi militaire (un peu normal pour l’endroit me direz-vous), s’étalaient dans cette salle si grande et si sombre qu’elle ne pouvait en distinguer le bout. Le fond avait été aménagé en casino, Black Jack, Roulettes, Craps tout y était, le nombre de tables présentes donnait un genre « industriel », jamais l’expression « industrie du jeu » n’avait eu meilleur ambassadeur que le musée, tout était encore en place, les jeux de cartes disposés sur les tables étaient encore emballés, les tabourets n’avaient sûrement jamais senti une paire de fesses sur leur coussin, ce casino vraisemblablement n’avait jadis jamais ouvert ses portes, elle se dirigea vers les escaliers menant aux étages supérieurs du musée.

L’escalier, d’à peine quelques volées de marches, menait a une sorte de passerelle métallique qui passait juste au-dessus d’une petite ruelle reliant le bâtiment d’à côté.

Elle pencha la tête en arrière et jaugea la hauteur de l’hôtel.

— Merde et comment je sais à quel étage il crèche lui ? Faut être malade quand même pour squatter un endroit pareil.

Elle traversa prudemment pour se retrouver dans un minuscule hall tapissé de fleurs de lys.

— Et ça, c’est quoi ce truc ?

Elle s’approcha d’une cabine métallique revêtue de parement de bois et de tissu dont les deux portes rentraient dans les murs pour s’ouvrir, au-dessus de celles-ci, toute une ribambelle de numéros dans l’ordre croissant.

— Il est curieux ce placard, moquette sur les murs et… et… des poignées pour se tenir ? Vraiment bizarre. Pourquoi a-t-on besoin de se tenir dans un placard ? Et pourquoi n’y a-t-il pas de rangements, d’étagères ?

L’officier en chef, s’intéressa fortement à cette sorte de penderie haut de gamme, sur la droite un panneau de cuivre parsemé de boutons allant de « casino » à « Suite privée » en passant par les chiffres de « un » à « trente-sept »

Elle passa ses mains sur les boutons puis appuya à tour de rôle sur plusieurs d’entre eux.

— Qu’est-ce que ça peut bien être ces trucs ?

Elle n’eut pas le temps de faire autre chose, les grosses portes métalliques se refermèrent, Modesty les martela sauvagement en hurlant.

— Qui que vous soyez, ouvrez ces portes, ce n’est pas drôle, ouvrez bon Dieu.

Une petite musique douce et lancinante envahit l’atmosphère lorsque tout le placard se mit à trembler, Modesty, ne sachant plus que faire, tambourina aux portes avec frénésie, le placard semblait se déplacer, désemparée elle tenta une dernière fois en suppliant avant de pleurer, prostrée dans un coin du placard.

— Arrêtez, s’il vous plaît, arrêtez, je vous en supplie.

Ces prières furent entendues. Un tintement retentit et le placard stoppa net, plus rien ne se passa pendant une seconde, ce qui parut à l’officier Williams des minutes entières.

La petite musique s’était arrêtée, prise de panique, elle dégaina son arme et la pointa sur les portes.

— Ouvrez ces putains de portes ou je tire.

Les portes obéirent sans la moindre hésitation, comme par magie ou simplement intimidées par la petite blonde. S’apprêtant à ouvrir le feu, tel ne fut pas sa surprise : personne, pas de comité d’accueil, pas un rat, elle sortit timidement du placard vérifiant de chaque côté, se préparant à une confrontation avec un comité d’accueil. Un long couloir s’offrit à elle de chaque côté. Comment ce placard a-t-il pu se retrouver en plein milieu du couloir ? Elle se calma un peu lorsqu’elle aperçut, plaquée au mur, dans le même genre que celle du placard maudit, une petite plaque de cuivre avec le numéro « 11" gravé dessus, elle se retourna et observa de nouveau la plaque de la boîte à mystères.

— Merde alors, j’avais appuyé sur « Onze » et me voilà à « Onze », putain j’ai pigé.

— Pi-gé/mot inconnu.

Modesty sursauta au risque de décrocher le lustre qui pendait nonchalamment au plafond. Réfléchissant avec son index, elle vida le chargeur de son 22 à silencieux sur la carcasse métallique d’une boîte de conserve à jambes.

— Hostilité/présenter/excuses/toutes/mes/excuses/cher client.

— Bordel de merde, mais t’es qui toi ?

— Bonjour/je suis/MAC/pour/vous/servir/cherchez/vous/votre/chambre ?

— Euh non, SI, en fait.

— Merci/de/bien/vouloir/me/communiquer/le/numéro.

— En fait, je suis attendue par monsieur le gouverneur.

— Monsieur le gouverneur/suite/vous/devez/être/la/prostituée/mais/pourtant/nous/ne/sommes/pas/mercredi.

— Comment ça la prost… OUI, c’est ça je suis la put… prostituée.

— Revenez/demain/seulement/le/mercredi/je/dois/vous/raccompagner.

— Mais voyons, bien sûr que si nous sommes mercredi.

— Mercredi/erreur/fichier/datation/retour/maintenance/pour/check-up/maintenance.

— Oh oui il vaudrait mieux on dirait. Toi je te soupçonne d’avoir un problème d’horloge interne.

La machine tourna sur elle-même et repartit au bout du couloir.

— Et euh désolé pour les impacts de balles… vraiment hein… sans rancune.

— Impacts/balles/chiens/interdit/dans/établissement/abattage/contrevenant/sécurité/en/route.

— Oh merde.

Modesty s’empressa de rentrer dans le placard et pressa le bouton « Suite » fermement, mais avec une certaine appréhension, les portes se refermèrent à nouveau, ce qui ne fut pas sans l’angoisser quelque peu.

— Un ascenseur, bordel, c’est trop classe, c’est la première fois que j’en vois un.

Tout se mit à trembler à l’intérieur du placard mobile, plus longtemps que la fois précédente, vu la taille de la tour, le voyage durant presque une minute, son niveau de claustrophobie grimpait aussi vite que l’ascenseur ses étages. Au bord de l’étouffement, le tintement, ce fut la délivrance : les portes s’ouvrirent et Modesty prit instantanément une bonne bouffée d’air pour se remettre de ses émotions.

Elle ne demanda pas son reste et s’enfuit de l’ascenseur, elle resta ébahie par la splendeur de la suite, elle était semi-circulaire, le salon était entouré de vitres dont certaines étaient cassées, une vue sur toute la Nouvelle Orléans, mais pas seulement, une bonne partie de la région pouvait être observée de cet endroit. Elle resta subjuguée par ce que devait être cet endroit à l’époque.

Le vent qui s’engouffrait dans les carreaux cassés donnait vie au mobilier, un rideau flottait mollement, quelques papiers couraient sur le sol. Un craquement se fit entendre.

— Il y a quelqu’un ? Je sais bien que je n’ai pas à être ici mais je cherche monsieur le gouverneur… bon… personne.

Elle entreprit de fouiller la suite, elle remarqua l’étrangeté du lieu, rien ne laissait voir que cette suite était habitée, rien n’avait changé de place, chaque meuble, chaque vase, lampe et autres babioles vintages n’avaient bougé depuis des lustres, la poussière en témoignait, des oiseaux avaient même fait leur nid dans la trompe d’un phonographe, qui aurait laissé faire un truc pareil ? Qui ? Personne… personne n’habitait ici depuis fort longtemps pourtant un immense tableau au mur l’indiquait clairement « gouverneur et bienfaiteur ». Elle observa cet homme, il était imposant, chauve, les mains jointes sur le pommeau d’une canne, ce tableau avait quelque chose de dérangeant.

— Alors c’est vous le gouverneur ? enchantée. C’est du délire cet endroit, mais ou peut bien-t-il se cacher ?

Elle décida d’emprunter l’escalier qui menait à la partie supérieure de la suite, en entrant dans ce qui semblait être une chambre, elle tomba nez à nez avec une pile d’ossements déposé dans un cercueil au pied d’un grand lit à baldaquin, pas un de ces cercueils bas de gamme pour le commun des mortels mais plutôt un caisson étanche, ce genre de caisson que l’on utilisait dans les hôpitaux pour mettre les malades ou les cadavres en quarantaine et ainsi éviter la propagation d’agents pathogènes, mais il faisait surtout penser à une grande cantinière de l’armée avec une vitre sur le dessus voire… un garde-manger.

— Ah c’est dégueu ce truc, fit-elle en s’appuyant sur le couvercle.

À l’intérieur, on pouvait difficilement distinguer le type d’ossement, mais un fémur trahissait l’origine humaine de ces derniers, puis un fragment de mâchoire lui confirma l’horreur de ses soupçons.

— Littéralement dévoré, putain, il y a des traces de dents, quelqu’un ici bouffait des gens, ça craint cette histoire, c’est quand même censé être pas normal.

— Abasourdie, elle s’assied sur le lit. Ces yeux devinrent ronds, elle comprit que quelqu’un venait de lui mettre une main aux fesses. D’un bond, elle se releva et fit volte-face.

Sa première pensée fut celle du tableau, le gouverneur, ses mains sur le pommeau.

— Merde, les petits doigts. Il vous manque vos petits doigts comme sur le tableau. Eh beh, faisons les présentations, je présume que vous êtes… étiez le gouverneur, enfin ses mains, moi c’est Modesty, Modesty Williams et je ne voudrais pas être grossière, mais dans votre état vous n’avez pas grand-chose à m’apprendre, vous sauriez ou se trouve le reste de… de… de votre corps ?

Le gouverneur avait-il été dévoré ? était-ce ses ossements dans le caisson ? pas si sûr car il devait y avoir au moins cinq ou six personnes là-dedans.

Elle resta un moment à examiner les mains de monsieur le gouverneur. Posées simplement sur le lit à baldaquin, aucune trace de sang n’indiquait qu’elles furent coupées ici, Modesty en déduit qu’elles avaient été disposées là, méthodiquement, symboliquement peut être. Elle continua de scruter sous tous les angles la chambre de l’étrange gouverneur mais rien à se mettre sous la dent.

Pour elle, c’était la fin d’une légende, quelque chose de mystique entourait cet homme, bon nombre de conflits s’étaient terminés d’eux-mêmes à La Nouvelle-Orléans de peur qu’il n’intervienne, jusqu’à Frisco, on avait entendu des histoires sur ce gars.

Elle ne maîtrisait plus la situation, coupable ? victime ? plus elle cherchait plus il lui semblait s’éloigner de ce dépôt d’armement secret.

Visiblement déçue, elle passa une dernière fois en revue le salon de la suite et retourna à l’ascenseur.

Elle repartit lentement pour finalement stopper sa marche à quelques encablures de l’ascenseur.

— Comment peut-on vivre sans jamais pouvoir se gratter l’oreille ? Ça ne devait pas être drôle tous les jours.

Elle regarda ses mains, ses auriculaires en particulier.

— À la différence monsieur le gouverneur que moi j’ai les deux miens.

Modesty se gratta l’oreille gauche et repartit comme elle était venue.

Un peu plus tard au Tropicana

— Excusez-moi madame, pourriez-vous revêtir quelque chose de… euh comment dire, de plus adéquat sinon je serais dans l’obligation de devoir vous raccompagner.

Modesty resta bouche bée devant ce pingouin, la cinquantaine qui avait énormément de difficulté à employer des mots normaux, mais sapé, disons-le, avec classe, si ce n’est que le pantalon à pinces rayé verticalement n’était pas assorti avec sa veste rayée… horizontalement.

— Vous quoi ? Qu’est-ce qu’elle a ma tenue ?

— Regardez autour de vous madame, une certaine étiquette est demandée.

— Ah oui je vois et où pourrais-je trouver quelque chose qui convienne ? À cette heure-ci ?

— Bon, vous avez mon entière sympathie jeune fille, mais je ne puis vous accorder passage.

— Bon et bien, je les enlève.

— Enlever quoi ! Je vous en prie, ôtez la crainte qui agace mon esprit !

— Mes vêtements, je suis la nouvelle strip-teaseuse, alors franchement, me foutre à poil ici ou dans cinq minutes sur scène, c’est du pareil au même.

— Je vous l’interdis voyons, le club, c’est le club, la nudité est interdite au casino, M. Lemmy me ferait limoger sans préavis.

— M. LEMMY ? C’est marrant c’est pour lui le strip-tease, figurez-vous que je suis son cadeau d’anniversaire.

— Fichtre, l’anniversaire de M. Lemmy ? Mais je croyais que c’était en mai.

— En mai ? Mais vous êtes dingue, ne lui dites jamais ça, en mai c’est l’anniversaire de son frère jumeau.

— Monsieur Lemmy a un frère jumeau ? Je ne savais pas.

— Oui, ils ne s’adressent plus la parole depuis au moins 10 ans, quand ils étaient gamins.

— Gamin ? Mais monsieur Lemmy à la trentaine, il n’était pas gamin, pas à vingt ans.

— Pardon ? Vous ne m’écoutez pas, je viens de vous dire que cela fait vingt ans qu’il ne parle plus à son frère, ils avaient dix ans à l’époque.

— Ah oui, là ça fait trente effectivement.

— Ah cool vous suivez, mais dites, vous papotez, vous papotez, je vous laisse, si j’arrive à la bourre il va me frapper.

— Vous frappez ? Seigneur Dieu, non, tout mais pas ça, allez-y vite jeune fille, Monsieur Lemmy n’est pas un mauvais bougre même si parfois il est un peu violent.

— Merci, vous êtes adorable, vous.

Modesty, heureuse de son coup de bluff magistral, s’engouffra alors dans le casino.

— Il est vraiment con celui-là, pensa-t-elle à voix haute.

Elle se rendit tout de même compte qu’il avait raison sur un point, elle faisait « tache » au beau milieu de tous ces gens, elle sélectionna avec grands soins, une femme du même gabarit qu’elle et sortit discrètement son couteau, elle s’approcha discrètement. La femme, une grande et belle femme d’environ la quarantaine, délicieusement cintrée dans une robe noire, dos nu, elle faisait machinalement tourner le médaillon de sa clef de chambre d’hôtel entre ses doigts comme si cela pouvait lui porter chance.

« Désolé ma jolie, se sera toi ».

Le coup de couteau fut brutal, précis et rapide, si rapide qu’elle rengaina son arme avant que la femme n’eût le temps de hurler.

— Hééééééééééééé !

— Oh excusez-moi madame je suis désolé, j’ai déchiré votre robe.

— Vous pourriez faire attention tout de même, je vais appeler la sécurité ils vont vous jeter dehors.

Elle prit sa splendide mimique de chien battu (apitoyée niveau pro ++)

— Oh je suis vraiment désolé madame, c’est mon premier jour ici et monsieur Lemmy va me virer, s’il vous plaît, puis-je réparer cet accroc à votre robe ? J’en ai à peine pour un instant, s’il vous plaît madame.

Cinq minutes plus tard, Modesty se retrouva assise sur le lit de la pimbêche en train de parfaire ses travaux d’aiguille.

— Dépêchez-vous voyons.

— Je fais de mon mieux madame, mais allez-y je laisserai votre robe sur le lit.

— Eh bien, ce n’est pas assez rapide et non je ne vous laisserai pas seule dans ma chambre.

— Eh bien, vous vous en contenterez, je crois.

— Pardon ? Vous avez dit quoi là ?

— Non rien, je disais juste que le tissu est particulier.

— Particulier ?

— Oui, vous savez je suis couturière de métier, mais mon truc c’est de recoudre les cadavres.

— Les ca…

— Oui les cadavres, mais vous savez, je ne bosse plus là-dedans, j’ai été virée.

Bizarrement, la femme s’était calmée et avait trouvé au fond de son cœur de pierre du respect pour Modesty, à moins que cela ne soit de la peur.

— Viré ? Euh… ma pauvre enfant.

— Baaah ce n’est pas grave madame, j’ai été viré tout ça parce que j’aimais tellement coudre que parfois je n’attendais pas forcement qu’ils soient morts, et comme mon supérieur m’avait réprimandé…

— Réprimandé ? Avouez que c’est justif…

— Oui et du coup, nous ne nous sommes plus jamais quittés.

— Plus jamais ? Mais je croy… Vous l’avez épousé ? Comme quoi parfois il arrive des trucs étranges.

— Non, vous n’y êtes pas, j’en ai bavé pour l’empailler, mais avec du temps et de la patience, vous savez le plus important en ce monde, c’est qu’il faut garder espoir.

— EMPAILLÉ ?

Elle devint livide et commença à bafouiller.

— Espoir pourquoi ?

— Vous savez je bosse dur pour avoir un jour les moyens d’en avoir une comme celle-ci.

La femme fit trois pas en arrière, son regard jaugea la distance entre elle et la porte, juste au cas où.

— Vous savez, avoir une belle robe un jour, ça c’est mon rêve.

— Une belle robe ? Écoutez-moi.

— Oui ? Madame ?

— Laissez tomber cette couture et prenez donc une robe dans ma penderie.

— Oh c’est gentil, mais je n’ai pas les moyens de vous la payer.

— Considérez ça comme un cadeau jeune fille, prenez la robe et fichez le camp.

— Vous êtes sûr ?

— Oh que oui.

— Vous êtes très aimable madame, je ne sais pas comment vous remerc…

— Ne me remerciez pas, c’est tout naturel voyons, allez, filez maintenant.

— Au revoir madame.

— C’est ça, au revoir.

Et voilà. Voilà comment l’officier Williams réussissait à se sortir de tout, elle parlait, elle parlait jusqu’à hypnotiser ses victimes, les hypnotiser ou les lobotomiser, cela dépendait des fois.

Elle ressortit de la chambre, délicieuse comme personne, une robe courte à paillettes bleu nuit, très classe flanquée sur une paire d’escarpins habilement négociés avec la robe. Telle une star des années trente. Sa chevelure blonde et bouclée contrastait avec la robe attirant le regard jaloux des femmes et affolant les hormones de ces messieurs. Elle retourna au casino où elle changea une dizaine de dollars contre son équivalent en jetons.

— AHHHH les gens goberaient n’importe quoi, c’est dingue.

Elle posa son séant sur un petit tabouret de bar rouge, face à face avec le pire ennemi des gens optimistes ; discrètement noyé dans une lignée de plus de quarante machines, le bandit manchot numéro dix-sept, certes, cette machine n’avait rien d’extravagant, enfin rien de plus que les autres, mais si elle pouvait parler elle dirait qu’elle était la plus formidable machine à tuer de la Nouvelle-Orléans, elle seule pouvait s’en vanter, pourquoi cette machine-ci ? Dieu seul le sait, mais ce que nous savons tous, c’est que le seul dieu en activité est le dieu Dollar.

Modesty la caressa du bout des doigts.