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Extrait : "Deux belles choses, deux choses curieuses à voir et à étudier dans notre vieille Europe: un palais de rois, une maison de fous. De ces deux demeures, laquelle préféreriez-vous habiter? Les insensés qui vivent auprès des monarques sont trop méthodiques, trop monotones; ceux qu'on relègue à Charenton ou chez le docteur Blanche, me semblent moins à plaindre. On a pitié de leur état; ils mangent, à leur gré, assis ou debout..."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN
Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.
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Seitenzahl: 32
Veröffentlichungsjahr: 2015
Paris, ou le Livre des Cent-et-Un publié en quinze volumes chez Ladvocat de 1831 à 1834, constitue une des premières initiatives éditoriales majeures de la « littérature panoramique », selon l’expression du philosophe Walter Benjamin, très en vogue au XIXe siècle. Cent un contributeurs, célèbres pour certains, moins connus pour d’autres, appartenant tous au paysage littéraire et mondain de l’époque, ont écrit ces textes pour venir en aide à leur éditeur qui faisait face à d'importantes difficultés financières… Ainsi ont-ils constitué une fresque unique qui offre un véritable « Paris kaléidoscopique ».
Le présent ouvrage a été sélectionné parmi les textes publiés dans Paris ou le Livre des Cent-et-Un. De nombreux titres de cette fresque sont disponibles auprès de la majorité des librairies en ligne.
(MAISON DU DOCTEUR BLANCHE)
Deux belles choses, deux choses curieuses à voir et à étudier dans notre vieille Europe : un palais de rois, une maison de fous.
De ces deux demeures, laquelle préféreriez-vous habiter ? Les insensés qui vivent auprès des monarques sont trop méthodiques, trop monotones ; ceux qu’on relègue à Charenton ou chez le docteur Blanche, me semblent moins à plaindre. On a pitié de leur état ; ils mangent, à leur gré, assis ou debout ; ils saluent sans se courber jusqu’à terre ; il leur est permis quelquefois d’avoir une volonté, de la manifester, de la soutenir. Ils parlent haut ; ils contrôlent les actions du chef ; ils résistent aux menaces, ils ne cèdent qu’a la force… Ce sont presque des hommes.
Dites-moi la vie des fous qui naissent et meurent dans les palais des rois ; moi, je vous dirai celle des êtres qui s’agitent dans des cabanons. Il y aura peut-être de la morale dans mon récit. Je les ai vus d’abord avec effroi, puis avec intérêt, plus tard avec un sentiment de commisération qui n’était pas sans douceur. La raison nous est souvent funeste, en ce qu’elle nous éclaire sur nos maux, sans avoir la puissance de nous en guérir… Ces gens ne sont donc pas tant à plaindre, puisqu’ils n’ont pas toujours le sentiment de leur infortune.
Qui n’a point d’égal n’a point d’ami ; c’est un axiome, vrai seulement pour ceux qui voient loin dans le cœur humain. Un ami me souriant d’un sourire de protection, me serrerait le cœur ; je ne l’aimerais plus. Tant pis pour moi si je suis ainsi organisé. De l’amour, de l’amitié, voilà ma vie.
L’historique d’une maison de fous, tracé par un fou, est une chose assez bizarre. J’étais fou quand j’ai écrit ces pages… Ma raison revenue j’ai voulu les lire… Tout y est vrai, précis ; il m’a semblé sage de n’y rien retrancher ; c’est un portrait que je gâterais en le corrigeant ; je vous le livre.
M. Blanche a trente-cinq ans. Sa taille est moyenne, son embonpoint atteste un corps robuste. Il a le verbe bref, rapide, acerbe. Un homme en parfaite santé serait toujours prêt à lui demander raison de la crudité de certaines expressions dont il a l’habitude de se servir ; un fou les redoute et se tait devant les menaces. Une blessure grave reçue à l’œil droit dorme à son regard un caractère équivoque, de sorte qu’on dirait qu’il médite, qu’il étudie, quand il ne fait que voir. Il produisit sur moi une fâcheuse impression ; cela devait être : je me sentis sous sa verge de fer, moi qui n’ai jamais su obéir qu’à une volonté de femme…