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Elle : c'est un être Inter-dimensionnel Lui : c'est le Phoenix Elle a une mission : le sauver Lui fera t'il confiance ? Elle et Lui vont devoir faire face à la menace. Vont ils succomber ? Mystère Magie Musique Oppression Chantage Pouvoir Argent Mensonge Amour Pardon La Rédemption du Phoenix Secret en Danger Amnésie Finale Laissez vous emporter !
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Seitenzahl: 632
Veröffentlichungsjahr: 2020
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Sommaire
LA RÉDEMPTION DU PHOENIX
NoTime
Voyage
Dans le Game
Le feu sous la cendre
La menace
Confidences
Perte de contrôle
L’ombre en action
L’audace de Jack
Créativité
Confessions
Faire face
Retour vers le passé
Délit d’honnêteté
Un tour de magie
Jared et Mr.R
Le Ranch ou la mélodie du bonheur
La mise en lumière de Vyctoire
NoTime : le bug
Retour à Paris
Derrière le rideau
Le secret du Phoenix
L’Amour pour seul bagage
UNE MISSION POUR VYCTOIRE: SECRET EN DANGER
VYC ET NÉO
LE CAUCHEMAR DE JUNE
LUCIANA
LE SECRET
VISIONS D’HORREUR
LA FACE SOMBRE
BECKIE
SAUVETAGE DE JUNE
L’ÉCHEC DE VYC
LE RETOUR DE JUNE
UN JUMEAU
LES SOUVENIRS
AU-DELÀ DU SECRET
LE JUMEAU SECRET
OPÉRATION RISQUÉE
MANIPULATION
MR.R
LA DISPARITION DE LUCIANA
LA VENGEANCE DE LUCIANA
PAOLO
FIN DE MISSION
UNE MISSION POUR VYCTOIRE: AMNÉSIE FINALE
Cambriolage
Une nouvelle mission
Tony et Jack
Où est Jack ?
Game over pour Tony
Kryptos ou le Phoenix ?
Les fantômes du passé
Julien et Freddy
L’illusion
Junon
Vyc, Néo, Jack…
Reset
Hypnose collective
Amnésie finale
Remise à zéro
- Vyctoire !
- Hum… ?
- Vyctoire ! Réveille-toi !
- Mais… euh… non… je dors !
- Wake up, je te dis.
- Mais… quoi ? Je rêvais et c’était trop trop agréable…
- Vyctoire ! La Source veut te parler !
- Quoi ?!!! Mais pourquoi ne m’as-tu pas réveillé ?
- Euh… ?! C’est ce que je tente depuis dix minutes !
- Donne-moi le transfolighter1
Opale lui tendit l’objet, qui clignotait tout en projetant un rayon multicolore sur les peintures de la chambre.
Vyctoire apposa son œil sur l’orifice prévu à cet effet et immédiatement les murs de la pièce disparurent pour laisser place à un environnement entièrement irisé et transparent. Une boule sans contour précis se tenait devant les yeux de Vyctoire.
- Source, je suis désolée de t’avoir fait attendre, mais je rêvais… euh…
- Je sais Vyctoire. Je connais parfaitement la valeur de ton monde onirique !
- Hein ?!... Euh… oui, mais non… enfin…
Vyctoire sentait la rougeur envahir ses joues. Elle aurait dû se douter que la Source savait exactement à quoi elle pensait, à quoi elle rêvait… !
- Vyctoire, nous avons un problème avec l’objet de ton rêve, justement…
- Comment ça ?
- Il nous paraît approprié de changer un peu le scénario de ce qu’il s’est passé. Nous n’avons pas l’habitude d’effectuer ce genre de chose, mais là… il semblerait que la situation nous échappe !
- Je ne comprends pas ?
- Ta mission va en 1998 juste avant que les choses ne dégénèrent. Tu trouveras toutes les données, dont le nom de ton employeur dans la pièce de transportation. Nous avons longuement hésité à t’envoyer, toi… vu ton passé et ton attachement au personnage. Mais finalement, tu es la seule à avoir suffisamment de bon sens pour ne pas t’évanouir en le voyant et en gardant en tête ta mission. Tu devras faire preuve de discernement, de méfiance. Pendant ton trajet, tu transfèreras les informations nécessaires pour bien connaitre chaque acteur et les leviers qu’ils utilisent pour soumettre les autres. Ton rôle réside dans le fait d’inverser la vapeur. Tu devras te montrer convaincante : n’oublie pas que tu auras affaire à des personnes versatiles, mais intelligentes. Montre-toi plus maline qu’elles.
- Combien de temps va durer la mission ? Enfin, de combien de temps bénéficié-je ?
- Logiquement, tu sauras que ta mission est terminée quand les ennemis auront été démasqués et mis hors d’état de nuire. Alors tu pourras revenir.
- Quand dois-je partir ?
- Maintenant !
- OK, j’ai compris ! je reste en contact.
- Bonne chance !
Vyctoire retira son œil de l’appareil et la chambre reprit son aspect normal. Elle était encore engourdie de son rêve et elle n’avait pas trop saisi les paroles à double sens que la source lui avait dit. Bon, la seule chose qui semblait sûre, c’est qu’elle devait partir en mission en 1998 auprès d’un personnage qui semblait avoir une importance capitale et qu’elle devait « sauver » de ses ennemis !
- Opale !
Opale représentait bien plus qu’une amie, c’était son associée, sa collaboratrice, celle qui s’occupait des ordres de mission, celle qui réceptionnait les messages des différentes dimensions. C’était elle aussi qui gérait la mise en place des dossiers nécessaires pour les transferts dans le téléporteur, qui vérifiait que tout soit nickel et sous contrôle. Une erreur et Vyctoire pouvait se retrouver coincée dans une dimension qui n’était pas la bonne ! Opale, grande et fine, arborait une chevelure grise coupée très courte aujourd’hui. Peut-être que demain elle arborerait une tignasse bleue cascadant jusqu’aux fesses. Sa tenue vestimentaire était résolument garçonne, ce jour. Ses yeux, qui semblaient coulés dans du cuivre, la fixaient. Elle semblait attendre la suite.
- Opale, la Source m’envoie en mission. Elle a dû te transmettre tout ce qui paraît important.
- Oui, tout est prêt. J’ai mis en place tout ce dont tu auras besoin pour cette tâche. Honnêtement… c’est surement la plus belle action que tu vas vivre. Quand tu vas voir à quel endroit tu vas être, et avec qui…
- OK… c’est bon, c’est quoi ces allusions, là ? La Source s’est montrée également très bizarre dans sa façon de me parler de cette situation. Qu’est-ce que vous me cachez ?
- Je ne peux rien te dire. Tu découvriras tout dans le téléporteur. Je peux juste te dire que tu vas adorer cette mission !
- Soit… je file prendre une douche dorée et je suis prête.
Vyctoire se dénuda et rentra dans le sas entièrement blanc. Aucun robinet, aucun bouton. Vyctoire ferma les yeux et visualisa une pluie dorée tomber en cascade sur son corps. Elle se laissa envahir par cette lumière transparente et irisée. Elle sentit sa chaleur, sa douceur. Immédiatement, la fatigue et la langueur s’évanouirent, elle se sentit complètement revitalisée.
Elle sortit du sas et se vêtit de sa combinaison dorée. Ses longs cheveux violets étaient remontés en chignon. Son visage pâle, aux pommettes saillantes, contrastait avec ses mains qui étaient très bronzées. Ses yeux changeaient de couleur selon ses envies et aujourd’hui, Vyctoire portait des yeux bleu-turquoise.
Avant de se diriger vers le téléporteur2, Vyctoire prit une photo encadrée. Elle serra l’image sur son cœur. Cet homme lui manquait tellement. Elle ne l’avait jamais connu, mais contre toute attente il avait pris une place inexplicable dans son cœur, dans ses rêves…
Opale l’observait avec un demi-sourire, elle savait beaucoup de choses sur l’avenir de Vyctoire. Des choses que même Vyctoire ignorait.
- Allez, c’est bon : je suis prête ! Ma belle Opale prend soin de toi et j’espère que cette mission sera vite finie pour pouvoir me poser un peu.
Opale, enlaça Vyctoire dans ses bras, un peu plus fortement que d’habitude. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer.
- Eh bien, mon Opale, que t’arrive-t-il ? Je te sens tout émue ? Ce n’est pas la première fois que je pars et que nous sommes séparées… Que se passe-t-il ?
- Je… Ce n’est rien… Va vivre cette mission et ne m’oublie pas…
- Bin bien sûr que non, je ne vais pas t’oublier ! Allez, ça va bien se passer !
- Oui, tu as raison : ça va bien se passer !
Un peu troublée, Vyctoire se dirigea vers le téléporteur au bout du couloir qui séparait sa chambre du reste de la maison. Elle apposa son œil sur l’obturateur et la porte coulissa. Elle se retourna une dernière fois pour regarder Opale. Elle sentait un truc bizarre dans cette mission. Que ce soit la Source ou Opale, jamais elles n’avaient eu ce comportement avec elle jusqu’à maintenant. Elle fit un signe de la main à Opale et s’installa dans la cabine. Dès qu’elle brancha le tube flexible qui reliait la cabine à sa combinaison, la porte se referma. Ensuite, elle fixa un autre tuyau à la hauteur de son visage entre les deux yeux. Là, elle téléchargea toutes les informations dont elle aurait besoin pour ce travail. Et dès la première image, elle se sentit défaillir. C’était lui…
Elle partait en mission pour Le sauver…
1 Objet servant à être en contact avec la Source
2 Moyen pour se projeter dans une autre dimension
Même dans ses rêves les plus fous, jamais elle n’aurait imaginé qu’elle pourrait intervenir dans cet espace-temps et vivre l’espace d’un temps un moment avec lui !
Maintenant, tout prenait du sens : la Source… Opale… elles savaient !
Pendant que les dossiers se téléchargeaient dans son cerveau, elle prenait connaissance de tout un pan de l’histoire qu’elle ignorait. Si elle devait pleurer, c’était maintenant… car dans le game3, elle devrait être forte. Elle sentit les larmes qui coulaient sur ses joues pâles. Elle savait que la Source et Opale l’observaient. Tout au long de ses missions, elle n’était jamais seule. Le contact avec la Source était toujours présent.
Pendant ce travail, elle serait sa maquilleuse. Ainsi elle serait en contact direct et quotidien avec lui. Tout avait été prévu pour que sa maquilleuse attitrée et habituelle soit hors de circuit. La Source avait des moyens d’action qui échappaient au commun des mortels. Et lorsque Vyctoire était en action, elle possédait également des talents qui pouvaient laisser perplexe ou qui pouvaient décontenancer les éventuels témoins.
Vyctoire était dotée d’un pouvoir que tout humain possède, mais la plupart ne savent pas s’en servir ou l’utilisent mal. Elle pouvait matérialiser toutes sortes d’objets juste en l’imaginant, elle pouvait aussi récupérer des objets cachés juste par le pouvoir de la pensée. C’était très rapide et plutôt utile selon les buts à atteindre. Alors qu’elle continuait à charger tous les détails signifiants concernant l’affaire, elle se demandait quel look elle devrait adopter. Clairement, elle ne pouvait pas débarquer à Los Angeles en 1998 avec les cheveux violets, une combinaison dorée et une peau bicolore… ou alors… justement, garder la peau bicolore surtout au niveau du visage. Et le reste plus classique. Oui, c’était une très bonne idée ça. Se présenter à lui le plus naturel possible. De toute façon si ça ne passait pas, elle aurait vite fait de rectifier le tir. Son choix se porta sur une coiffure type bouclée de couleur brune acajou et descendant jusqu’aux épaules, des yeux verts avec des éclats dorés. Pour le maquillage, elle hésitait : style charbonneux ou plutôt nude4 ? Elle opta pour un mix : un trait d’eye-liner fin et noir, un allongement des cils qui donnait l’impression qu’elle portait de faux cils, elle rectifia la courbe de ses sourcils afin que ceux-ci soient légèrement en accent circonflexe, elle ajouta un piercing discret à sa narine droite, des boucles d’oreilles créoles en or complétaient son allure. Un rouge nacré et discret recouvrait ses lèvres. Un coup d’œil dans le miroir qu’elle venait de matérialiser dans la cabine l’informa que l’image qu’elle renvoyait était correcte. Son visage décoloré par endroit lui conférait une touche d’originalité qui risquait de surprendre, voir de déranger. C’était un peu le but !
Il ne manquait plus que le style vestimentaire. Elle passa en revue plusieurs solutions, puis elle se décida pour un ensemble bleu denim en faux cuir. Coupe perfecto pour le haut, pantalon taille haute et fluide. Des escarpins à talons hauts. C’était parfait : elle était classe, jolie à regarder et en même temps atypique. Juste ce qu’il fallait.
Une sensation d’électrisation dans ses cellules l’avertit qu’elle arrivait à destination. C’était toujours une drôle de sensation de se retrouver dans un espace-temps où le temps était figé. Lorsqu’elle n’était pas en mission, elle vivait dans le NoTime. Elle n’avait pas d’âges.
Pour cette mission, la Source lui avait attribué un passé avec une date de naissance et elle avait trente-cinq ans. En clair, elle était née en 1963 en France. Elle était orpheline, ses parents étaient morts dans un accident de voiture alors qu’elle était âgée de dix-huit ans. Avec l’héritage, elle s’était payé une formation dans une école de make up artistique. Par la suite, diplômée, elle était partie en Angleterre où elle avait fait ses armes avec des artistes de renom. À cette époque-là, elle avait rencontré un homme d’origine américaine et elle l’avait suivi. C’est ainsi que son parcours dans l’univers du show-biz avait commencé. Cet homme connaissait beaucoup de monde et l’avait introduit dans divers cercles. À ce jour, Vyctoire était une personnalité que beaucoup d’artistes souhaitaient avoir dans leur staff. Elle s’était séparée de l’homme, mais elle avait gardé des contacts dans de nombreux domaines.
Vyctoire était toujours admirative des possibilités que la Source possédait et là… elle avait tapé fort ! Vyctoire se retrouvait avec un CV qui aurait fait pâlir d’envie une vraie make up artist. Dire qu’elle-même n’avait jamais tenu un pinceau ou un rouge à lèvres ! Il lui suffisait d’imaginer le résultat pour qu’il se manifeste que ce soit pour elle ou pour quelqu’un d’autre. C’était bien pratique, car si elle avait dû se former chaque fois, à chaque mission, aujourd’hui elle serait capable d’être chef dans un grand restaurant ou pilote de ligne ou encore neuro chirurgien…
Quelques fois, elle se rappelait cette époque où elle était limitée. Limitée par son corps et ses capacités cognitives. Et puis un jour… elle avait trouvé… au bout de plusieurs années à œuvrer sur elle : elle avait trouvé l’alignement intérieur parfait. À l’époque, elle était terrienne, elle vivait en France. Elle avait quarante-trois ans et toutes ses recherches concernant la religion, la spiritualité, l’énergétique, l’avait dirigé vers l’ésotérisme puis l’alchimie. C’est à ce moment-là, en 2012, alors que beaucoup de théories circulaient, que Vyctoire fit une expérience sans précédent. Alors qu’elle méditait tranquillement en écoutant une chanson qu’elle affectionnait tout particulièrement, elle se sentit aspirée dans la vibration de la musique. Littéralement, elle se sentit se disloquer, son corps disparaissait : il perdait de sa densité. Et en même temps, un grand calme s’emparait d’elle. Elle ne sut jamais combien de temps dura cette expérience, mais quand elle « revint » à elle, elle était dans un endroit qui ressemblait à l’endroit où elle était pendant sa méditation et en même temps totalement différent. La matière était comme transparente, fluctuante. C’est là qu’elle fit connaissance de la Source : ce fut une expérience à la fois étonnante et déroutante. Ce que Vyctoire apprit ce jour-là fut la confirmation de son cheminement. Depuis ce jour où elle s’était éthérisée et avait « disparue » de la surface de la Terre, elle avait multiplié les missions. Elle allait très souvent dans différents espaces-temps pour aider certaines personnes ou régler certaines situations. Cette fois-ci, la mission était particulière, car c’était la première fois qu’elle devait carrément inverser, empêcher le destin de s’accomplir. Et qu’en plus elle connaissait le personnage. Être une confidente, être proche de lui suffisamment pour l’amener à lui faire confiance tout en gardant ses distances : voilà l’épreuve pour elle.
La sensation de lourdeur dans son corps lui confirma que le trajet était fini. Par la pensée, elle ordonna l’ouverture de la porte de la capsule. Ses yeux clignèrent puis s’habituèrent au paysage : les voitures qui circulent et polluent, les gens qui marchent comme des zombies sans profiter de la beauté de ce qui les entoure. Décidément, elle ne s’y ferait jamais. À chaque fois qu’elle était expédiée dans les espacestemps avant 2035 sur Terre, c’était super compliqué. Elle se souvenait d’une mission qui se déroulait en 2009 juste à côté de chez elle géographiquement. Elle avait été perturbée de croiser son double et d’avoir l’interdiction d’intervenir. Cela avait été extrêmement troublant d’être face à une fractale d’elle-même, de lui parler et devoir faire attention aux mots prononcés pour ne pas influer sur la ligne du temps, de son propre temps. La Source lui avait dit que c’était l’épreuve du Feu : si tu arrivais à faire face à cette situation sans te trahir, cela signifiait que tu avais bien intégré les préceptes du Tout et de sa Sagesse.
Un bref regard à l’extérieur lui permit de s’orienter : elle était bien arrivée au bon endroit. Une nuée de véhicules, de personnes portant des pancartes, voire même certaines qui étaient suspendues au portail pour tenter de voir ce qu’il se passait à l’intérieur. Naïvement, Vyctoire se demandait même si le portail allait s’ouvrir pour elle… au même instant, elle entendit très clairement : tu me prends pour qui ? Bien sûr que le portail va s’ouvrir pour toi !
Elle se dirigea vers l’interphone muni d’une caméra et elle n’eut pas le temps d’appuyer sur le bouton qu’une voiturette de golf se présentât devant le portillon. Vyctoire se composa une mine surprise.
3 Dans le jeu
4 Effet naturel
- Vous êtes Vyctoire Ingold ?
- Oui, en effet, je…
- Le patron vous attend !
- Ah ?
Eh bien, « show must go on », pensa Vyctoire. Elle espérait avoir un peu de temps pour se préparer et envoya une pensée : Merci, la Source !
« Respire »… ça va bien se passer !
- Nous sommes arrivés.
Quoi ?! Mais non… Vyctoire ne se rappelait même pas être montée à bord de la voiturette, elle ne se rappelait même pas le chemin depuis le portail… Ohlala… c’était quoi cette panique ? « Respire »…
- Suivez-moi, le patron vous attend.
- Ah oui ?
- Eh bien… vous êtes bien venue pour l’entretien ?
- Oui… oui.
- Vous êtes stressée ? Je vous comprends, mais vous pouvez lâcher du lest : Jack est vraiment quelqu’un d’extraordinaire. Si vous ne faites pas l’affaire, il ne va pas vous jeter dehors comme une malpropre. Il est très gentil et très bienveillant.
- Merci de vos encouragements. Oui, je suis un peu sous pression… vous avez l’air de bien apprécié, M. Jack…
- Oh oui : il m’a littéralement sauvé la vie en m’offrant ce travail. Sans sa générosité, je serai dans la rue. C’est vraiment quelqu’un d’extraordinaire, je lui suis totalement dévoué.
- Je vois ça. Il a beaucoup de chance d’avoir des employés qui le respecte et le soutienne.
- Oh… ce n’est pas le cas de tous. Je ne devrais pas vous dire ça, mais… certains des employés qui travaillent ici ne savent que profiter des largeurs de Jack. Ils ne mesurent pas la chance qu’ils ont d’avoir un employeur qui prend en charge leurs frais médicaux, puis s’il n’y avait que ça… mais je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout cela. Après tout, vous êtes juste une maquilleuse et toutes ces histoires ne doivent pas vous perturber dans votre travail avec Jack.
Pour Vyctoire, ce premier contact était riche d’enseignement : elle pouvait compter sur cet homme. Il était digne de confiance et d’après ce qu’elle savait, elle aurait besoin de lui dans les jours à venir.
- Merci, Salim, pour votre confiance.
- Comment savez-vous mon prénom ?
- Hein ?! Euh… c’est écrit là, sur votre veste. Ce n’est pas votre prénom ?
Salim regarda Vyctoire, soupçonneux, puis il porta son regard sur l’étiquette qui ornait sa veste. Étiquette qui n’était pas là quelques minutes avant, il en était sûr…
- C’est bien mon prénom…
Vyctoire lui lança un sourire timide en espérant qu’il allait oublier cet évènement rapidement.
- C’est par ici.
Salim indiqua un salon sous une tonnelle. Le décor était magnifique : un mélange qui ressemblait à une forêt vierge avec des plantes fleuries et de grandes fougères. Soudain, une odeur de gardénia apparut. Vyctoire se sentit défaillir. Salim la regardait, la scrutait même. Il n’arrivait pas à savoir ce qu’il se dégageait de cette fille, mais il y avait quelque chose de bizarre.
- Salim, tu peux nous laisser. Merci. Je ne pense pas que cette demoiselle m’agresse.
Cette voix… si douce, c’était comme une caresse, une étoffe de soie qui vous frôle. Vyctoire était en hypoxie et elle devait se ressaisir rapidement !
Quand il apparut devant elle, son sourire emplit la pièce. Vyctoire crut même entendre de la musique. Elle était complètement tétanisée. C’était mal barré ce truc… reprends-toi, ma fille !
Non, mais ce bruit, là… Vyctoire ne rêvait pas : c’était Jack qui faisait des bruits bizarres avec sa bouche et sa tête semblait animer d’une vie qui lui était propre. En fait, il dansait tout en faisant de la musique avec sa bouche : OK normal !
Il frappa dans ses mains devant elle :
- Hello !
Vyctoire revint à la réalité. Elle était en mission et quelle mission : ça allait être plus dur qu’elle ne l’avait pensé.
- Hey jeune fille : est-ce que l’on peut parler de ton parcours qui semble exceptionnel ? Pour tout te dire, je n’ai jamais vu une expérience pareille. Même Katie n’avait pas un tel CV… je dois te dire que ce qui m’a percuté dans ton dossier, c’est ton problème de peau. Et je vois que tu l’assumes bien. Cependant, pour moi, les diplômes ne veulent pas dire grand-chose : l’important c’est la motivation, la volonté, le feeling. C’est ta capacité à me ressentir, à me connaitre pour me donner le meilleur. Face à ton silence, j’en déduis que tu es encore plus timide que moi… ce qui n’est pas évident.
Il éclata de rire et Vyctoire sentit des larmes envahir ses yeux…
Puis il se mit à fredonner : smiiiile…
Elle sourit et affronta son regard. Elle était là pour l’aider. Et elle allait réussir cette mission même si elle devait y laisser son cœur !
- OK, je suis prête. Je vous propose de procéder à un make up comme cela vous pourrez juger sur pièce.
- Ah bin tu as retrouvé ta voix… Très jolie voix d’ailleurs ! Je suis partant et ça tombe bien, car d’ici deux heures j’ai un rendezvous. Où sont tes affaires ? Veux-tu que j’envoie quelqu’un les récupérer quelque part ? Et s’il te plait : tutoie-moi.
Vyctoire, surprise, improvisa une réponse.
- Non, ça va aller : je vais récupérer mes affaires moi-même. C’est mon côté féminin…
Jack la regarda, intrigué. Décidément, les femmes étaient un grand mystère pour lui.
- J’en ai pour une minute.
- Si tu dois aller jusqu’à l’entrée du ranch, c’est plutôt une heure qu’il va te falloir…
- Une minute.
Vyctoire se dirigea vers la sortie et tout en jetant un coup d’œil autour d’elle, en faisant attention aux caméras, elle matérialisa une valise remplie de produits de cosmétique, de maquillage.
Elle s’empara de la valise, traversa le couloir et revint dans le salon où Jack l’attendait. Salim était là aussi et ils semblaient en grande conversation. Elle sentit leurs regards la transpercer : ces deux hommes étaient très intelligents, elle allait devoir la jouer finement, si elle ne voulait pas être démasquée avant même d’avoir commencé !
- Ah oui… une minute. Tu tiens tes engagements, dis donc ! je ne sais pas comment tu as fait, mais bon…
Jack la regardait encore plus surpris et intrigué. Quelque chose lui disait que cette fille allait chambouler sa vie.
Vyctoire ouvrit la valise et disposa différents produits sur une table. Elle n’en connaissait aucun, mais elle faisait « comme si ».
- Je suis prête. Jack, tu veux bien t’installer sur cette chaise et fermer les yeux.
Jack s’exécuta et se prépara mentalement à une séance de make up qui durait à chaque fois pas loin de deux heures.
Sa surprise fut de taille lorsque cinq minutes plus tard et en ayant à peine senti les éponges ou pinceaux passer sur son visage, Vyctoire lui tendit un miroir en lui demandant son avis.
Il se retint de rire : cette fille était une blague ! Elle se fichait de lui ! Comment pouvait-elle prétendre être une make up artist et lui proposer un maquillage en moins de cinq minutes ?!
Cependant, il décida de pousser la blague jusqu’au bout, il prit le miroir et se regarda. Le miroir lui échappa et tomba par terre sans se briser. Le résultat était spectaculaire ! Cette fille était une magicienne ! Il ne comprenait pas comment elle avait fait, mais elle l’avait fait ! Même Katie n’avait jamais réussi à faire ce type de rendu pourtant, elle le connaissait bien. Jack était subjugué. Clairement, il avait trouvé sa nouvelle MUA5.
Vyctoire n’osait pas broncher : et si elle s’était trompée ?
- Tu es embauchée ! C’est incroyable ce que tu as fait. Tu as un talent rare.
Tu ne crois pas si bien dire, pensa Vyctoire pour elle-même.
- Je te laisse avec Salim qui va te montrer tes appartements, pendant ce temps je vais me préparer pour mon rendez-vous. D’ailleurs, tu te tiendras prête, car tu viendras avec moi. Ma maquilleuse fait partie de tous mes déplacements.
- C’est ce que j’avais cru comprendre, oui. Dois-je changer quelque chose dans ma tenue ?
Jack la dévisagea et estima que son look n’avait pas une grande importance pour ce rendez-vous.
- Non, tu es très bien ainsi. N’hésite pas à faire tes demandes si tu as des souhaits : si tu veux te restaurer ou boire quelque chose. J’ai manqué à tous mes devoirs d’hôte tellement je voulais procéder à notre entretien.
Il fit un signe à Salim :
- Salim, tu feras en sorte que Vyctoire ne manque de rien.
- Bien sûr.
Jack s’éloigna et Salim, accompagné de Vyctoire, se dirigea vers la sortie. Les invités ou les collaborateurs permanents de Jack vivaient dans des pavillons entièrement équipés en périphérie du domaine. L’appartement de Vyctoire, par chance, était situé juste à quelques mètres de l’entrée principale. Lorsque Salim ouvrit la porte avec une carte et un code confidentiel, Vyctoire se retrouva transportée dans un décor digne « d’autant en emporte le vent ». Salim lui expliqua que tous les pavillons destinés aux personnes comme elle étaient décorés avec un thème en lien avec le cinéma parce que Jack était un passionné du 7e art. Si ce pavillon ne lui convenait pas, elle pouvait en changer. Vyctoire le rassura : tout était parfait.
Salim lui jeta encore un regard perçant avant de la quitter.
Vyctoire se laissa choir sur le lit king size, elle était épuisée. Se retrouver face à Jack était une véritable épreuve. Il était exactement comme elle l’avait toujours imaginé avec en plus un humour qui dépassait ce qu’elle supposait. Finalement, sa timidité avait été éclipsée par son rire. Lorsqu’il était arrivé devant elle, vêtu d’une chemise à carreaux, d’un simple pantalon noir et d’une casquette, elle avait failli s’évanouir. La vision de son visage bicolore, comme le sien actuellement, l’avait surprise. Elle avait beau savoir, elle ne s’y attendait pas. Elle l’avait trouvé terriblement beau comme cela, au naturel. Et son parfum de gardénia… ça aussi elle n’était pas prête !
Bon, il fallait qu’elle se prépare : l’heure du rendez-vous se rapprochait. Une petite douche dorée allait la remettre en selle !
Elle se leva et ferma les yeux. Elle visualisa une pluie de particules dorées et vibrantes tournoyer autour d’elle comme une spirale. Chaque paillette venait vibrer intensément dans ses cellules. Elle sentit la lourdeur de son corps physique s’alléger. Enfin, quand elle se sentit totalement alignée elle stoppa la visualisation. Jack lui avait dit de ne rien changer, mais elle décida toutefois de changer son maquillage. Le rendez-vous à venir était déterminant pour elle et elle voulait faire comprendre à Jared Bronco que la maquilleuse ne se laisserait pas endormir la tête. Aussi elle décida de renforcer le contour autour de ses yeux, rallongea ses cils, opta pour un rouge à lèvres pourpre foncé. Elle remonta sa chevelure en chignon. Elle rajouta un tour de cou doré avec une croix celte. Une bague montée d’une émeraude allongée au niveau du majeur droit. Elle transforma les boucles d’oreilles créoles afin que de délicates chainettes dorées se balancent doucement le long de son coup gracile. Elle changea la teinte de son ensemble pour un vert soutenu. Le résultat faisait illusion : elle passait facilement pour une femme d’affaires tout en étant très séduisante. C’était primordial que Bronco saisisse qu’elle en avait sous le capot tout en étant potentiellement corruptible.
Une sonnette retentit quelque part dans l’entrée du pavillon. Sur le petit écran, elle vit le visage de Salim. C’était l’heure !
Vyctoire fit apparaitre une petite valisette avec des produits de maquillage.
Ne pas se retrouver dans la même situation que tout à l’heure. Elle avait eu l’air maligne… Même Salim devait bien se douter qu’elle était louche : il avait bien remarqué qu’elle n’avait pas de bagages quand il était venu la récupérer devant le portail du ranch ! elle devait vraiment être plus vigilante.
Elle se munit également d’une pochette factice pour elle… si jamais elle devait sortir un mouchoir ou une baguette magique !
La sonnette retentit une deuxième fois.
Vyctoire trottina jusqu’à la porte d’entrée et ouvrit.
- Je suis désolée Salim, je me préparais.
Salim l’observa et hocha la tête.
- Je pense que Jack appréciera le spectacle. Vous êtes parfaite. C’est Jared Bronco qui va être surpris : il ignore que Katie n’est pas là.
- Ah oui ? Et qui est ce Jared pour qu’il ait besoin de savoir si la maquilleuse de Jack est là ou pas ?
- Disons que je m’en méfie. Je ne devrais pas vous le dire, mais cet homme n’est pas honnête avec Jack. Mais je ne suis qu’un majordome, Jack ne me croirait pas si je lui disais ce que je pense.
- Mais encore ? Qui est ce Jared ?
- C’est un avocat de Jack, c’est lui qui s’occupe des finances de Jack et je pense que Jack lui fait un peu trop confiance.
Tout en discutant, ils avaient emprunté le chemin pavé et se dirigeaient vers l’entrée principale.
- Je ne vous ai rien dit. N’en parlez pas, s’il vous plait.
Salim semblait vraiment effrayé et Vyctoire hocha la tête positivement.
- Évidemment que je ne dirais rien : vous pouvez avoir confiance en moi. Je ne suis pas là pour mettre les gens mal à l’aise.
Enfin pas tous, pensa-t-elle pour elle-même. Jared Bronco à nous deux !
Salim l’accompagna jusqu’à une pièce qui ressemblait à une salle de conférence tellement elle était grande. Tout un pan de mur était habillé de livres. Sur un autre mur, une peinture en trompe-l’œil représentait la forêt primaire avec des fougères géantes, des perroquets, des reptiles…
En fait… non. Les reptiles n’étaient pas peints : ils bougeaient !
Il y avait un boa classique et un jaune… oh lala… Vyctoire n’arrivait pas à détacher les yeux des bestioles. Et dire qu’elle voulait montrer son côté guerrière bin là, c’était plutôt raté ! Bon elle n’avait plus qu’à faire appel à ses dons d’hypnose… elle se tourna vers les serpents et envoya les ondes : en deux secondes leurs têtes dodelinaient. Heureusement, Jack était plus focalisé sur elle que sur ses animaux.
Jared Bronco n’était pas encore arrivé. Vyctoire croisa le regard de Jack qui continuait de la fixer, ébloui.
- Je vais te faire une petite retouche, dit-elle.
- Oui, bien sûr… tout ce que tu veux… enfin je veux dire : oui une petite retouche.
5 Make up artist
Mon dieu ce que cette situation était gênante. Et si jamais sa femme débarquait ? D’ailleurs, il n’en avait pas du tout parlé… vivait-elle ici ou pas ? Elle savait que ce couple n’était qu’un coup de communication. Si elle avait pu être envoyée ici un an plus tôt, elle aurait empêché cette union…
Non, tu n’aurais rien empêché : ce n’est pas le sens de tes missions ! La voix de la Source n’avait pas été longue à lui répondre. N’empêche que pour Vyctoire… c’était compliqué.
Vyctoire dévisageait Jack : il était incroyablement beau. Oui bon, c’était son interprétation à elle…
Vêtu de son pantalon noir et de ses bottines noires également, une ceinture avec un soleil miniature en guise de boucle de fermeture, une chemise rouge et une cravate noire, une coiffure courte et bouclée, son chapeau comme toujours pour les rendez-vous officiels ou non d’ailleurs, il était superbe ! Il portait ses lunettes de soleil suspendues à la poche supérieure de sa chemise.
Elle remarqua que le contour des yeux était un peu trop foncé et elle opta pour un effet plus naturel. Elle gardait l’espoir d’amener Jack à changer sa vision de lui-même.
- Tu as déjà fini ?
Jack était encore une fois surpris : il avait à peine senti la fraicheur des mains de Vyctoire sur son visage… c’était comme si elle l’hypnotisait pendant la séance !
- Oui, j’ai fini. De toute façon, je reste là…
Et elle se dirigea vers un fauteuil, un peu éloigné de la table qui trônait au milieu de la pièce.
Jack l’a suivi du regard, cette fille avait quelque chose de spécial : elle dégageait une énergie peu commune.
Jack était quelqu’un qui s’intéressait et qui avait une foi absolue en la magie de la vie. Depuis sa plus tendre enfance, il avait pris l’habitude de confier ses vœux à Dieu. Pour lui, Dieu n’avait pas de forme, c’était plutôt une essence. C’était quelque chose qui le dépassait, qui était plus grand que lui, mais ce dont il était certain c’est que quand il riait il était en contact avec cette essence. Quand une chanson atterrissait dans sa tête, c’était Dieu qui s’exprimait, quand un pas de danse agitait ses pieds, c’était Dieu qui s’exprimait. Pour Jack, Dieu s’exprimait au travers des hommes. Les hommes étaient des médiums, des canaux qui permettaient à Dieu de se matérialiser. À ses yeux, Dieu n’était ni masculin ni féminin, c’était juste une essence. Ce n’était ni positif, ni négatif, ni bon, ni mauvais… c’était ce que les hommes décidaient d’en faire.
Depuis longtemps, il avait compris qu’il pouvait influencer sa vie en se focalisant sur ce qu’il souhaitait. Et ce qu’il souhaitait, c’était aider, à son niveau, les populations en détresse.
Pendant longtemps, il avait cru que c’était le but de tout un chacun, mais la réalité était toute autre : certaines personnes hautement placées dans l’échelle hiérarchique du pouvoir ne souhaitaient pas voir advenir la paix et le partage. C’était tout l’inverse et pour Jack, ce constat était terriblement amer.
En regardant Vyctoire, il avait la sensation de toucher un peu à cette essence si précieuse. Il émanait d’elle une sorte d’aura qui venait le toucher profondément.
Il sentait au fond de lui que cette fille était différente de toutes celles qu’il avait rencontrées jusqu’à maintenant. Elle ne semblait pas déstabilisée par lui, par sa notoriété. Comme si elle se savait au-dessus de cela. Elle ne cherchait pas à l’impressionner, elle ne le couvrait pas de compliments. C’était rafraichissant pour lui.
Vyctoire tentait par tous les moyens de gérer le trouble qui l’envahissait chaque fois qu’elle était avec Jack.
Tu fais illusion, il commence à voir en toi une fille différente : tout est parfait ! La Source venait de rassurer Vyctoire.
Elle se prépara à faire face à Bronco.
Salim ouvrit la porte du bureau et introduisit Jared. Jack s’avança à sa rencontre et lui fit une accolade. Vyctoire se retint de le secouer : comment pouvait-il être aussi gentil ?! Au même moment, son regard rencontra celui de Salim : il pensait la même chose.
- Jared, je suis content que tu aies pu venir aujourd’hui, car demain je veux passer la journée avec les petits. J’aimerais te présenter Vyctoire Ingold, c’est la maquilleuse qui va remplacer Katie.
Joignant le geste à la parole, Jack poussa Jared en direction de la jeune femme. Jared fixa Vyctoire comme pour la jauger : elle ne baissa pas les yeux. Il lui tendit une main qu’elle serra en se forçant à sourire.
- Je ne savais pas que Katie avait un empêchement ?
Vyctoire pouvait voir les rouages du cerveau de Jared et cela lui confirmait que décidément l’entourage de Jack était bien vérolé.
Jack se tourna vers Salim qui était toujours là et lui demanda d’aller chercher des boissons rafraichissantes.
- Oui, Katie a fait une mauvaise chute apparemment. C’est sa maman qui m’a prévenu. Je lui ai fait porter des fleurs et évidemment je prendrai en charge les frais médicaux.
- Je te reconnais bien là, toujours aussi généreux.
Jack sourit à Jared. Il avait de la chance d’avoir un avocat expérimenté et qui était dans son staff depuis de nombreuses années. Cet homme était arrivé au bon moment dans la carrière de Jack : il pouvait s’occuper des contrats, des affaires financières, et pendant ce temps-là Jack avait la tête libre pour créer. Jared était de très bons conseils même si au premier abord Jack était tenté de prendre des décisions différentes. Mais finalement, il arrivait à lui démontrer où était son intérêt. Comme cela s’était passé quelques années auparavant. À la suite d’une plainte sans fondement, Jack voulait aller au tribunal pour prouver son innocence, mais Jared l’avait convaincu de ne pas faire ça. Cela aurait compromis toute la tournée qu’il faisait à ce moment-là. Il valait mieux conclure un accord au tribunal civil et continuer la tournée : financièrement, il y aurait moins de perte. De plus, c’était l’assurance qui avait payé, ce n’était pas Jack lui-même. Cependant, à l’époque Jack avait très mal vécu cette épreuve et les médias s’en étaient donné à cœur joie. Sa réputation avait été trainée dans la boue. Il s’était senti complètement déshumanisé. Cette époque le hantait encore. Mais il n’avait jamais laissé tomber son projet d’aider le monde. Il avait continué son œuvre humanitaire. Aujourd’hui, Jared était là, car Jack voulait le mandater pour faire une proposition d’achat aux studios Silver-Moon6. Pour Jack, acquérir les droits sur les productions des studios SilverMoon, c’était s’assurer un avenir confortable. Au-delà d’être une pop star reconnue mondialement, Jack était un homme d’affaires et pour lui investir dans de l’actif qui rapporte était plus intelligent que d’acheter un Jet ou une flotte de bateaux. Il avait déjà fait des opérations similaires dans le passé et aujourd’hui il était dans le viseur de certaines personnes, car il représentait un danger : un noir qui réussit dans un domaine à large spectre et qui est riche… C’est un homme qui a du pouvoir !
Les deux hommes prirent place autour de la table et Jack remplit les verres placés devant eux. Un thé glacé avec des rondelles de pêches, car Jack ne buvait pas d’alcool. Il versa le breuvage dans un verre et se leva pour l’amener à Vyctoire qui était toujours à l’écart. Ils échangèrent un regard et lorsque leurs doigts se frôlèrent, tous les deux furent électrisés. Vyctoire eut la sensation qu’une bulle transparente s’était formée autour d’eux comme pour les isoler temporellement du temps terrestre. Que se passait-il ? C’était la première fois qu’elle était confrontée à tout cela…
« Il y a quelque chose qui m’échappe : le Jack qui est ici avec moi depuis le début est en train de disparaitre ! » la Source venait de lui répondre et ce n’était pas rassurant ! Cette mission prenait une allure complètement incroyable.
Puis la magie s’arrêta et Jack retourna auprès de Jared, totalement perturbé.
- Tu voulais me parler d’un projet d’acquisition ?
Heureusement que Jared avait les pieds sur terre, lui.
- Euh… oui. J’aimerais que tu fasses une proposition aux Studios SilverMoon parce que…
- Quoi ?! Tu veux acquérir SilverMoon ? Mais ce n’est pas possible !
- Ah bon ? Et pourquoi ? Il y a bien eu une OPA7 qui est parue, donc pourquoi ne pourrais je pas me porter acquéreur ?
Jack était surpris de la réaction de Jared.
Parce que si tu deviens propriétaire de SilverMoon, en plus du reste, tu pèseras trop lourd dans le game. Et que les élites qui gèrent ce monde ne veulent pas que tu détiennes ce pouvoir et que ton pote Jared a été embauché pour veiller à ce que tu n’atteignes pas ce pouvoir, pensa fortement Vyctoire.
Mais même si elle le pensa fortement, Jack ne l’entendit pas !
- Si bien sûr, tu peux te porter acquéreur… mais je ne voudrais pas que tu sois déçu…
- Jared, ce ne sont que des affaires… du business : si l’affaire me passe sous le nez et bien j’attendrai la suivante. Mais en attendant, j’aimerais que tu fasses une proposition. C’est une opportunité très intéressante pour moi.
- Très bien, je vais voir ce que je peux faire pour que tu sois placé en bonne position. Je te tiens au courant de la suite.
- Je te remercie Jared. Je suis vraiment content et heureux de notre collaboration.
- Moi aussi… vraiment.
Vyctoire qui entendait l’échange entre les deux hommes avait des envies de meurtre. Mon dieu ce Jared mentait comme un arracheur de dents. Il était temps que Jack ouvre les yeux sur son entourage.
Ce qui choquait Vyctoire c’était cette confiance aveugle que Jack avait posée en cet homme sous prétexte qu’il était là depuis des années. Il fallait qu’elle trouve un moyen pour qu’il ait l’idée de se plonger dans la comptabilité de son empire financier. La chute serait cruelle, mais il fallait qu’il se réveille et reprenne le contrôle avant que sa vie devienne un cauchemar. Il fallait stopper cette conspiration !
Jared se leva et après une accolade de Jack, il sortit sans un regard pour Vyctoire.
Jack allait rejoindre Vyctoire lorsque son téléphone sonna. De ce qu’elle entendit et à l’expression du visage de Jack, Vyctoire comprit qu’il y avait encore un problème et ce problème semblait la concerner, car il ne la quittait pas des yeux.
Il raccrocha et se dirigea d’un pas décidé vers elle.
- Qui es-tu ? Pour qui travailles-tu ?
- Pardon ? Tu sais bien qui je suis : une make up artist et c’est toi mon employeur… ?
- Non… qui t’envoie ? Il se passe des choses bizarres depuis que tu es là : juste avant que tu arrives, j’ai téléphoné à Katie et j’ai eu une conversation avec sa mère. Depuis que tu es arrivée, j’ai tenté par trois fois de la rappeler pour la rassurer et apparemment la ligne n’est pas attribuée… J’ai envoyé un de mes chauffeurs sur place et… il n’a pas trouvé la maison de Katie ! Comme si elle n’avait jamais existé ! Donc je te le redemande : qui es-tu ?
Jack ne la quittait pas des yeux et il semblait à la fois effrayé et curieux.
La Source, il y a un problème là et j’ai besoin d’une réponse rapide ! Vyctoire devait gagner du temps parce que là pour le coup ça devenait n’importe quoi ! « Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé, mais c’est bon, j’ai restauré l’illusion ! Dis-lui qu’il envoie un autre chauffeur ! ». La Source, très réactive comme d’habitude, avait l’air paumée face à la situation.
- Écoute, je ne sais pas quoi te dire, mais il doit y avoir une raison rationnelle… peut-être, ton chauffeur s’est trompé d’adresse ? Tu sais avec la chaleur, la fatigue… pourquoi n’enverrais-tu pas un autre chauffeur ?
- Est-ce que tu es en train de me dire que mon personnel n’est pas sérieux ?
- Non pas du tout… je vois que cette histoire te perturbe vraiment.
Elle tendit la main vers lui, spontanément. Elle voulait le soutenir et lui montrer qu’il n’avait rien à craindre d’elle. Mais il garda ses distances.
- S’il te plait : ne te méfie pas de moi. Jamais je ne te ferai de mal. Qu’as-tu à perdre à envoyer un autre chauffeur ?
Jack lui tourna le dos non pas par méfiance, mais pour échapper à cette fascination qu’elle exerçait sur lui. Il se reprit et fit ce qu’elle lui proposait : il appela un autre chauffeur et l’envoya à l’adresse de Katie. Il serait vite fixé comme cela. Katie habitait à quelques kilomètres du ranch depuis quelques années. Après avoir passé pas loin de dix ans au ranch même, elle avait déménagé pour vivre et s’occuper de sa mère âgée. Jack lui avait proposé de faire venir sa mère au ranch pour plus de facilité, mais Katie avait refusé.
Vyctoire s’approcha de lui et posa délicatement une main sur son épaule.
Et alors toute la pièce disparue, les murs furent pulvérisés. Ils étaient seuls, tous les deux, face à face. Les yeux dans les yeux, leurs mains soudées comme si elles ne formaient qu’un seul bloc. Une lumière translucide qui semblait à la fois liquide et gazeuse, pailletée, les entourait et tournoyait autour d’eux. Leurs corps se rapprochaient comme s’ils étaient aimantés. Lorsque leurs lèvres se rencontrèrent, une explosion et des éclairs partirent dans tous les sens. Autour d’eux, tout était pris dans une tornade. Leur tsunami intérieur se projetait à l’extérieur.
L’éclat d’un flash les ramena à la réalité et la pièce reprit sa forme. Une employée de Jack venait de prendre une photo très privée : Jack en train d’embrasser sa nouvelle maquilleuse !
Nul doute que ce cliché allait lui rapporter une belle fortune si Jack n’intervenait pas avant.
Mais Jack était trop chamboulé pour réagir.
Vyctoire tentait de comprendre ce qu’il se passait.
Le téléphone sonna et Jack répondit : c’était le chauffeur qui l’informait que la maison de Katie était bien à la bonne adresse et qu’il avait même aperçu la mère de Katie dehors.
Donc Vyctoire avait raison. Et ce qui venait de se passer était particulièrement gênant et dérangeant. Il n’avait jamais vécu une telle attirance. Lui qui d’habitude se sentait plus en sécurité avec les animaux ou les jeunes enfants. Il se trouvait face à une femme adulte qui le troublait profondément. Pourtant il ne devait pas oublier la situation dans laquelle il se trouvait. Marié à une femme pour qui il n’avait jamais eu de sentiment amoureux. Il l’aimait d’une certaine manière, car elle lui avait permis d’être père même s’il aurait préféré que cette paternité arrive avec une femme dont il soit réellement amoureux. Mais il devait bien être honnête avec lui-même : quelle femme accepterait d’avoir des enfants avec lui et l’aimerait, lui, indépendamment de ce qu’il représentait ?
Sa vie et sa situation étaient loin d’être un conte de fées comme certains le croyaient. Pour beaucoup de personnes, l’argent et les richesses matérielles sont l’élément principal du bonheur. Lui, il savait que ce n’était pas vrai. Il avait connu la pauvreté, il avait partagé son lit avec ses frères pendant des années. Il avait vu ses parents cumuler des emplois pour leur permettre à lui et ses frères et sœurs d’avoir à manger quotidiennement. Il avait dormi, entassé avec ses frères dans la voiture familiale quand ils allaient faire des prestations dans d’autres états et que les hôtels ne voulaient pas leur louer une chambre parce qu’ils étaient noirs ! Il savait ce que c’était d’être rejeté pour sa couleur de peau, il savait ce que c’était le formatage mental, il connaissait bien l’oppression que subissent les artistes noirs dans l’industrie musicale. Lorsque son père avait signé le premier contrat qui allait le basculer lui et ses frères dans le star-système, il y a fort à parier qu’aucun d’eux ne savait vraiment dans quoi ils allaient plonger. Quoi qu’il en soit, Jack avait été celui qui avait été choisi très rapidement pour son talent et ses capacités. Tout en subissant pendant des années les diktats des maisons de productions, il était devenu le principal tiroir-caisse pour beaucoup de personnes de son entourage. Passer d’un statut de jeune enfant « pauvre » au rôle d’ambassadeur pour toute une jeunesse en perdition avait été perturbant pour lui. Il se sentait investi d’une mission : montrer l’exemple.
Aujourd’hui, il était riche et faisait régulièrement la Une de la presse à scandale. Et lorsqu’on est une personnalité publique de son niveau, il y a une image à vendre. Une audience à ne pas décevoir. C’est ainsi. Le public se fait souvent balader entre la personnalité projetée publiquement et la vraie personne.
Jack avait toujours fait son possible pour que l’image qu’il montre soit en alignement avec qui il était, mais quelques fois il avait dû se soumettre à d’autres autorités : à celles qui investissaient dans les mai-sons de production. Car finalement, c’était elles qui avaient le dernier mot. Et pour négocier avec elles, il fallait avoir de l’argent… car l’argent achète le pouvoir et inversement. Et cela, Jack l’avait compris très tôt. Son père, au-delà d’une éducation stricte et sévère, lui avait appris des notions de business et de « art work8 » qui lui servaient encore aujourd’hui. De sa mère, il avait le côté bienveillant et fondamentalement gentil. Jack était tout ce mélange, ce paradoxe. Un artiste complet doublé d’un sens des affaires et en même temps souillé par une fracture psychologique qui se traduisait par un besoin de guérir le monde. Jack savait que son public l’aimait et il le leur rendait au centuple, mais son public ne savait pas ce qu’il traversait en coulisse. La plupart prenaient pour vérité ce que les médias écrivaient sur lui. Que ce soit ses pseudos histoires d’amour ou ses pseudos opérations chirurgicales. La réalité, c’est que certains ne seraient pas prêts à voir le côté vrai, le côté humain du personnage. Ils veulent rêver… donc ça leur fait du bien de penser que Jack est heureux parce qu’il est papa.
Mais personne ne se pose la question de savoir comment il gère cette situation tout en continuant à faire des tournées et tenter d’échapper aux paparazzis.
La richesse apporte des possibilités, c’est certain… mais elle amène aussi son lot de doutes et de méfiance : comment savoir si les personnes s’intéressent à soi pour les opportunités financières ou pour des raisons altruistes ?
Jack avait bien vu comment les adultes se comportaient face à quelqu’un qui a de l’argent et qui est généreux… il voyait des dollars s’afficher dans leurs yeux !!
Il se rappelait encore bien comment cela s’était passé la première et dernière fois qu’il avait écouté son corps… les conséquences humaines avaient été beaucoup trop élevées.
Il regarda Vyctoire : se pouvait-il qu’elle soit réellement différente ? Il se prenait à vouloir y croire !
Vyctoire de son côté sentait qu’il fallait mettre de la distance.
- Si tu n’as plus besoin de moi, je vais retourner à mon pavillon. Je reviendrai ce soir pour te démaquiller.
- Euh… oui… attends…
Jack hésita : n’était-il pas en train de faire une lamentable erreur ?
- Est-ce que tu accepterais de partager mon repas de ce soir ? Vers vingt et une heures ?
Vyctoire ne savait pas si c’était une bonne idée, mais elle s’entendit répondre par l’affirmative.
Voilà, c’était officiel : elle ne pouvait rien refuser à cet homme. Il lui avait volé son cœur des années auparavant et il ne le savait pas. Quelle ironie !
Son retour dans sa chambre lui échappa tellement qu’elle crut un moment s’être téléportée.
6 Maison de production cinématographique
7 Offre Publique d’Achat
8 Maitrise du concept artistique
Elle n’était pas fatiguée, mais elle s’écroula sur le lit tout de même. Depuis qu’elle était arrivée, c’est-à-dire en temps terrestre à peine cinq heures, beaucoup trop d’évènements étaient survenus. C’était du condensé cette mission.
Elle en était là de ses ruminations lorsqu’elle aperçut un papier par terre. Il avait dû être glissé sous la porte et elle ne l’avait pas vu.
Intriguée, elle le ramassa et le déplia.
COMPTE LES JOURS QUI TE RESTENT
Wôw ! Eh bien, l’ennemi n’avait pas mis longtemps à se montrer. Les lettres étaient tracées au marqueur, mais à la main… l’auteur ne devait pas avoir eu le temps de découper des lettres dans un magazine !
Même si elle avait sa petite idée sur qui se cachait derrière la missive, elle voulait faire les choses correctement. Elle devait vérifier s’il avait laissé des traces, genre des empreintes. Elle visualisa un fluide bleu et scanna la feuille et bingo ! Il y avait plusieurs empreintes digitales. Elle les envoya toutes à la Source afin d’avoir un résultat fiable. Le retour ne se fit pas attendre : une série d’empreintes correspondait à Bronco !
Donc il avait soit pris peur, soit il espérait qu’elle, elle allait avoir peur… soit il espérait qu’elle allait se plaindre auprès de Jack histoire de le fragiliser encore un peu plus.
En tout cas, elle était fixée. En attendant le repas de ce soir, il lui restait encore quelques précieuses heures et elle comptait bien les utiliser intelligemment.
À nous deux, Jared. Voyons voir, de quelle manière tu t’y prends pour spolier ton employeur ?
Elle se concentra et par la visualisation, elle matérialisa un fichier de plusieurs pages. C’était le fichier comptable du trust de Jack. Il n’était pas question de lire des lignes et des lignes de documents chiffrés aussi Vyctoire demanda à voir ce qui était primordial dans sa recherche. Immédiatement, le livret se mit en mouvement, les pages tournèrent et quand le fichier s’immobilisa, des lignes en surbrillance apparurent. Vyctoire en eut froid dans le dos, la situation financière de Jack était bien pire que tout ce qu’elle avait imaginé. Et dire qu’il croyait que son empire financier était géré de main de maitre par Jared… une main sale, ça, c’était certain !
L’homme n’avait pas hésité à contracter des prêts financiers au nom du trust et en signant de son propre nom. Les prêts se montaient à plusieurs millions de dollars et Jack l’ignorait ! Le pire dans tout ça, c’est que cet argent était ensuite dirigé vers un compte offshore…
Elle trouva aussi des lignes d’écritures vraiment bizarres : des individus avaient été payés pour des prestations pour le moins douteuses. Des journalistes travaillant pour des tabloïds.
C’était vraiment puant tout cela.
Maintenant qu’elle était au clair avec les finances de Jack, elle décida de passer au propre les différents employés qui travaillaient pour Jack. Ici, au ranch, mais également dans les autres domaines. Très rapidement, elle se brancha au cloud énergétique virtuel, dans la bibliothèque invisible. Elle fit défiler chaque employé devant ses yeux, vérifiant leur parcours, leur passé, leur situation familiale, leur situation financière. Ainsi, elle put trouver ceux qui n’étaient pas nets, ceux qui avaient des soucis d’argent. Elle nota dans un coin de sa tête le nom de ceux dont il faudrait se méfier.
Pendant qu’elle y était, elle opéra une recherche sur les évènements du passé qui avaient contraint Jack à faire des choix dont il payait encore le prix aujourd’hui.
Ce qu’elle découvrit vint lui confirmer que ce Jared était vraiment une pourriture et qu’il avait intégré le staff de Jack dans un seul but : le surveiller et le cas échéant le soumettre !
Depuis que Jack avait explosé tous les records de vente et qu’il avait acquis les droits sur le catalogue des Kerrings Star, il était dans le viseur des élites blanches. Voir un noir réussir là où ils échouaient, ça leur faisait avaler la pilule de travers !
Eh oui Jack cumulait plusieurs cordes à son arc : un vrai talent musical dû à un don qu’il avait travaillé sans relâche, une éducation stricte et le non-droit à l’erreur avaient fait naitre chez lui une attitude perfectionniste, un besoin de reconnaissance et d’amour, mais surtout un besoin d’apporter sa contribution à un monde en perdition, une relation avec un public de tout âge et de toutes races, un profond respect pour ses fans, un sens des affaires aiguisé. Jack, c’était tout cela et bien plus encore.
Pour les élites qui financent l’industrie musicale et le cinéma, qu’un noir réussisse un petit peu c’est bien. Cela leur permet de toucher une autre partie de la population, mais lorsque ce noir commence à peser plus lourd qu’eux en termes de pouvoir d’influence, il faut le faire taire. Il faut le tenir en laisse. Et pour cela, ils ont des sbires qui sont prêts à vendre leur mère pour avoir un beau compte en banque. C’est ainsi que Jared Bronco s’était retrouvé sur les rangs, astucieusement proposé, pour gérer les affaires de Jack. Eh oui : Jack devait se consacrer à son art et laisser les affaires triviales à ceux dont c’est le travail…
Tout ce petit monde : avocat, manager, conseillers divers et variés étaient prêts à vendre son âme au système pour un peu d’argent. Et pour l’éthique, la valeur de l’honneur ? Foutaise !
Jack était pris dans une situation dont il n’avait pas idée même s’il savait qu’il avait dû faire des compromis par le passé, il était encore loin de se douter du piège qui s’était mis en place autour de lui depuis plus de dix ans !
Vyctoire était encore très en colère quand elle décida de se préparer pour la soirée.
Prendre une douche dorée était plus que nécessaire : elle avait grandement besoin de restaurer son alignement intérieur.
Ces missions sur la Terre matérialisée étaient toujours perturbantes pour elle, mais cette fois-ci elle prenait cher quand même !
Elle fit durer la douche suffisamment longtemps jusqu’à ce qu’elle sente l’apaisement s’emparer d’elle.
Totalement calme et zen, elle décida de se présenter devant Jack dans un style en adéquation avec son énergie intérieure. En un instant elle se retrouva vêtue d’un pantalon type sarouel multicolore, une tunique en soie légèrement transparente de couleur turquoise. Une ceinture en perle vint compléter sa tenue. Des sandales plates et bleu-turquoise mettaient en valeur ses pieds fins et bicolores. Ses ongles de pieds étaient vernis verts d’eau. Sa chevelure était rousse, bouclée et libre sur ses épaules, ses yeux d’un vert éclatant étaient ourlés d’un eyeliner épais rose fuchsia. Ses cils étaient teintés en rose fuchsia également. Un collier en perle de culture assorti à des boucles d’oreilles donnait un côté simple et classe à sa tenue. Plusieurs bracelets en rubans sur chacun de ses bras lui conféraient un vrai côté prêtresse spirituelle. Ses mains nues n’avaient besoin d’aucun autre artifice, la manucure sophistiquée qu’elle avait créée était suffisante.
Elle était prête depuis quelques secondes lorsque la sonnette retentit. C’était Salim qui venait la chercher.
Lorsqu’elle ouvrit la porte, il la dévisagea puis regarda derrière elle, perplexe.
- Quelque chose ne va pas Salim ?
Salim revint poser son regard sur elle toujours aussi abasourdi.
- Comment faites-vous cela ?
- Quoi donc ?
- Eh bien… changez votre physique comme cela ?!
- Voyons Salim… ce n’est que du maquillage, des accessoires de beauté… vous savez qu’il existe quantité de trompe-l’œil aujourd’hui pour changer l’aspect d’une personne : le maquillage, les perruques, les lentilles de contact…
- Oui, je sais bien tout cela… c’est juste que chez vous… on dirait… que c’est naturel…
- Ah et bien… Salim, voilà un très beau compliment : cela me prouve que je suis douée dans mon travail…
Salim hocha la tête, pas convaincu pour autant.
- Allez, je vous suis, mais avant je prends la mallette pour tout à l’heure.
Ne pas commettre les mêmes erreurs dans la même journée !
Vyctoire avait l’impression d’être là déjà depuis des mois tellement les situations sulfureuses s’empilaient.