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Simone a traversé de multiples épreuves durant sa longue existence. Sa famille s'est coupée de ses origines bretonnes au moment de la 1ère guerre mondiale. Nous le retrouvons en Tunisie, sur le bassin d'Arcachon, en Algérie, en Tunisie à nouveau, puis sur la Côte d'Azur et aussi à Bordeaux. Chaque période marque une rupture brutale, des épreuves à surmonter. Mais Simone dominera tous les déchirements, faisant preuve d'une résilience hors du commun. A crépuscule de sa vie, à 98 ans, elle trouve enfin la paix et la sérénité auprès de Mélanie, sa petite fille adoptive. C'est le roman d'une femme forte qui a traversé le XXème siècle comme beaucoup d'autres, anonymement.
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Seitenzahl: 332
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Mon existence … c’est la déambulation d’une vie sans racines.
Chapitre I Bordeaux Mai 2014
Chapitre II Ile Tudy, années 1900
Chapitre III Ferry ville 1916
Chapitre IV Cap Ferret, années 1920
Chapitre V Tunisie 1925
Chapitre VI Louis Gouzien
Chapitre VII Au Pub
Chapitre VIII Algérie, années 1930
Chapitre IX René Bertrand
Chapitre X La vie en France
Chapitre XI Bordeaux, 1980 – 2014
Chapitre XII Bordeaux, 2014 – 2017
Place Charles Gruet, Mélanie descend du tram. Elle ajuste son cabas sur l’épaule gauche et positionne ses lunettes de soleil. Il fait beau ce mercredi 21 mai, c’est agréable de passer sous les arbres de la place. La jeune femme s’engage dans la rue Lafaurie de Monbadon et s’arrête devant les Saveurs d’Ho Chi Minh. Devant la petite boutique des traiteurs vietnamiens il y a déjà la queue alors qu’il n’est pas encore dix heures du matin. Mélanie se dit qu’elle a bien fait de passer hier pour commander. Son tour arrive, tout est prêt, elle prend son sac, paie et remercie la patronne toujours souriante qui lui dit :
—Vous donnerez le bonjour à madame Bertrand ! Comment va-t-elle ?
— Oui, bien-sûr, je n’y manquerai pas, Oh, elle va très bien, toujours bon pied-bon œil, et la tête est toujours très bonne à son âge!
Mélanie repart. Au bout de vingt mètres, elle se rend compte qu’elle a oublié de passer à la boucherie un peu plus bas, de l’autre côté de la place. Et voilà, se dit-elle, quand on a pas de tête il faut avoir des jambes, heureusement que je me suis rappelée à temps, je n’ai pas été trop loin. Allez, hop, demi-tour.
Quelques instants plus tard, elle entre dans le magasin.
— Bonjour Monsieur Moirand, ça va par ce beau temps ?
— Ah, bonjour Mademoiselle, lui répond le boucher, ça va, ça va, il y a du boulot, donc ça va, n’est ce pas ?
—Tout à fait dit Mélanie
— Bon alors, qu’est-ce que je vous sers ?
— Et bien rien pour l’instant, je viens juste vous commander pour le week-end, de la blanquette de veau et un petit rosbeef pour dimanche.
— Pas de problème, je note cela sur mon cahier. Je dépose la marchandise chez Madame Bertrand vendredi si vous voulez ?
— Non, non, c’est gentil mais ce n’est pas la peine de vous déranger. Je passerai samedi matin après avoir pris le pain. Ah ! Et puis mettez aussi du gratin dauphinois pour aller avec la viande, pour deux. Je vais manger avec elle dimanche ! Bon allez, j’y vais, à samedi !
— C’est noté, à samedi, Mademoiselle, bonne journée !
Mélanie prend vers le sud, face au soleil et marche une centaine de mètres pour arriver devant le numéro 60. Elle cherche les clés dans son sac, évidemment elle ne les trouve pas, fouille encore et finalement met la main dessus. Elle ouvre la porte et s’engage dans le hall de l’immeuble qu’elle traverse pour arriver dans la cour couverte, face au deuxième bâtiment de la propriété.
C’est un joli coin, tranquille, pense-t-elle, et en plein centre ville. J’ai vraiment eu de la chance de trouver ce travail quand j’ai décidé de quitter la maison de retraite. J’y ai fait deux ans et je n’en pouvais plus, ici ça fait déjà trois ans et j’ai l’impression que c’était hier. C’est vrai que Simone est assez extraordinaire, toujours contente, loin d’être bête et elle s’ intéresse à tout, on ne croirait pas qu’elle va avoir bientôt quatre vingt seize ans, on lui en donnerait quatre vingt. Bon, il ne faut pas que j ’oublie de lui dire que je pars en vacances début juin ,il faudra tout préparer avant de partir de toute façon pour qu’elle soit tranquille.
Arrivée devant la porte de l’appartement trente trois, c’est bien pour elle qu’elle soit au rez de chaussée, pense Mélanie, elle sonne et entre :
— Bonjour Madame Bertrand, c’est Mélanie !
— Bonjour jeune fille, répond une petite voix, je me doute bien que c’est toi, je n’attends personne d’autre ! Alors, comment vas-tu aujourd’hui, il a l’air de faire beau ?
— Oui, il fait beau, il y a du soleil et il doit faire dans les vingt deux-vingt trois degrés, c’est correct pour une mimai. Bon, je mets vos courses dans le frigo, je suis passée chez le vietnamien pour récupérer les rouleaux de printemps. C’est l’époque ! On va se régaler ce midi, ils sont toujours très bons chez eux.
Mais d’ailleurs, comment se fait-il que vous mangiez ce genre de nourriture ? Sans vous vexer, c’est quand même assez rare de voir une personne de votre âge aimer ça !
— Oh, tu sais ma pauvre enfant, tu serais étonnée de savoir tout ce que j’aime encore manger ! Toute ma vie j’ai été curieuse de goûter les saveurs du monde dès que je le pouvais, tu sais, j’ai tout de même vécu une bonne partie de ma vie à l’étranger, plus de la moitié même !
— Oui, je sais, Madame Bertrand, vous m’avez dit que vous étiez en Tunisie, mais je n’en sais pas plus, vous ne m’en avez jamais dit davantage.
— Mélanie, je t’ai dit plus d’une fois que tant que tu m’appellerais Madame Bertrand au lieu de Simone, je ne te raconterais pas mon histoire !
— Mais, j’ai du mal . . . Simone ! dit la jeune femme avec un sourire, mais je vais faire un effort, rien que pour savoir votre histoire, je ne suis pas curieuse, mais j’aime bien savoir ! Et puis maintenant que vous m’avez augmenté mes heures, on aura plus de temps pour discuter, jusqu’ici j’arrivais juste à faire votre ménage, les courses et les repas. D’ailleurs c’est gentil de me faire manger avec vous, pour moi aussi c’est plus agréable que toute seule.
— C’est vrai dit la vieille dame, c’est pour ça également que j’ai voulu que tu viennes davantage, tu sais, à mon âge le temps se fait long, j’arrive sur ma fin tout de même et pourtant les journées ne passent pas si vite. J’ai beau lire mon journal, ou un roman, dieu merci j’y arrive encore, je fais mes mots croisés, une petite promenade en fin d’après midi mais la solitude me pèse tu sais. Les quelques personnes du quartier que je connais encore se font rares, je les ai toutes enterrées, fit-elle avec un demi-sourire en coin, mais bon, c’est la vie, maintenant que tu es là, on pourra discuter, enfin, si tu m’appelles Simone bien sûr !
Les deux femmes se mirent à rire, et Mélanie passa dans la chambre pour faire le lit et commencer le ménage.
— Dites donc, Madame, euh, Simone, l’infirmière est passée ce matin ? Vous aviez une prise de sang ? Il faudra lui dire la prochaine fois de ne pas laisser traîner ses cotons sales, je ne suis pas sa bonniche, et qu’elle fasse attention en vous piquant de ne pas mettre, encore une fois, du sang sur vos draps, je suis bonne pour les changer une fois de plus après elle ! A chaque fois c’est la même chose.
— Pourtant je lui ai dit de faire attention, mais elle est toujours pressée, toujours à la va vite ! Tu veux que je te donne un coup de main ?
— Mais non, mais non ! De toute façon je devais les changer en début de semaine prochaine, ce n’est pas trop grave, mais j’aime bien râler ! dit Mélanie en éclatant de rire.
— Bon, râle dans ton coin, moi je vais finir de lire mon journal, je me mets dans mon fauteuil dans le salon. Préviens moi quand nous passerons à table.
L’aide-soignante change donc les draps du lit, puis elle passe l’aspirateur dans la chambre, le couloir de l’entrée et la salle à manger.
Je ferai le salon tout à l’heure quand Simone aura fini de lire son canard, pense-t-elle, je la laisse tranquille un petit peu. Mélanie sourit en entendant la musique venir du salon, de la musique arabo-andalouse. Voilà, ça y est, Simone est repartie en Tunisie se dit-elle.
Puis elle se dirige vers la cuisine et fait la vaisselle du repas d’hier soir et du petit déjeuner. C’est marrant se dit-elle, finalement je fais le travail d’une aide ménagère alors que j’ai fait mes petites études d’aide soignante et ça ne me dérange pas. Je préfère de loin faire ce que je fais ici que ce que je faisais à l’EHPAD. C’est inadmissible de s’occuper des personnes âgées comme ça, elles n’ont pas mérité ça. Mais tant qu’il n’y aura pas davantage d’embauche de personnel, ça ne pourra pas s’améliorer. Les filles font ce qu’elles peuvent, ce n’est pas de leur faute, mais ce n’est pas normal dans une société comme la notre, les anciens ont le droit à un peu plus d’égards. De toute façon ils ne trouveront personne pour faire ce boulot tant qu’ils ne revaloriseront pas les salaires.
Mais bon, en tout cas, moi j’ai réussi à partir et maintenant j’ai vraiment une bonne place, enfin, en espérant que Simone vive le plus longtemps possible. Parce qu’en plus c’est plutôt bien payé, je gagne bien plus qu’avant, je n’ai pas à me plaindre de ce côté là non plus. Evidemment, on voit bien qu’elle est à l’aise financièrement, mais elle n’est pas radin et ne méprise pas les autres et elle n’étale pas son argent. J’ai hâte qu’elle me raconte son histoire, elle a dû vivre des choses assez incroyables. Depuis trois ans que je viens chez elle, nous n’avons jamais eu le temps de discuter de nos vies. Enfin, moi, je n’ai pas grand-chose à dire, à trente ans, finalement je n’ai pas beaucoup de vécu, surtout par rapport à elle.
La cuisine est propre et maintenant bien rangée, Mélanie revient dans le salon où la musique joue toujours, elle jette un regard attendri sur Simone qui dort dans son fauteuil, le journal sur les genoux, les lunettes un peu de travers.
La mélodie l’a bercée, elle est repartie en Afrique du Nord songe la jeune femme. On ne se rend pas compte finalement de ce qu’ont pu vivre ces personnes, certes leur aspect physique a changé, mais leur tête pas tant que ça, l’intellect ne vieillit pas si vite, ni autant qu’on le croit. Pour certains oui, bien sûr qui perdent la mémoire, mais beaucoup comme Simone gardent toutes leurs facultés si elles sont un peu stimulées. Et bien je vais la stimuler moi Simone ! se dit Mélanie, je l’aime bien, moi cette petite grand-mère, je veux la garder encore et lui donner un peu de joie si je peux dans sa fin de vie. Je me suis attachée à elle. Elle va me raconter son histoire, ça lui fera du bien de se souvenir de tout ce qu’elle a vécu, enfin j’espère qu’il n’y a rien de dramatique non plus, mais bon, même si c’est le cas, ça peut aussi la soulager d’en parler. Et puis, a moi aussi ça fera du bien, je n’ai pas connu mes grand-mères ni mes grand-pères. Eux aussi auraient eu des choses a raconter !
Mélanie repasse dans la salle à manger, met la table et va dans la cuisine chercher le repas. Au bruit des assiettes qui succède à la musique qui s’est arrêtée, Simone se lève et rejoint sa place.
— Je crois que je me suis assoupie !
— Je crois bien, oui, mais pas si longtemps que ça, vous êtes à l’heure pour le repas ! Allez, à table !
Les deux femmes commencent leur repas et discutent de choses et d’autres, des gens du quartier, des nouveaux commerces.
— Ah ben tiens, justement, puisque l’on parle des nouveautés des environs, j’ai vu il y a quelques temps dans Sud Ouest qu’un nouveau restaurant italien c’est ouvert dans le quartier, plutôt haut de gamme, Tentazioni je crois qu’il s’appelle, ou quelques chose d’approchant, et bien ma chère enfant, nous irons y manger à la fin du mois de juin pour mon anniversaire, décrète Simone tout à coup. Mélanie, tu as interdiction de me dire non et tu téléphoneras tout à l’heure pour réserver. Pour le midi, hein, le soir ce sera un peu trop tard pour moi. Je sais, c’est dans un mois et demi, et bien tant pis, comme ça nous serons sûr d’avoir une place. Et ne me dis pas que tu ne peux pas à cause de ton petit ami ou quelque chose comme ça, pour une fois il se passera de toi.
— Oh, ça, ce n’est pas un problème, je n’ai pas de petit copain pour l’instant, le dernier, je l’ai quitté il y a trois mois, il se fichait de moi, il travaillait, pas trop, et pas souvent, il était au chômage la plupart du temps. Je le trouvais devant la télé quand je rentrais le soir, le repas n’était pas prêt, il ne faisait rien à la maison, il profitait de moi, c’est tout, alors je l’ai mis dehors, je lui ai dit de chercher quelqu’un d’autre qui accepterai t son comportement. Et tant pis si je finis vieille fille, il ne faut pas se moquer de moi tout de même. Donc pour le vingt neuf juin, je serai disponible, Madame Simone, sûr !
Le visage de Mélanie s’est empourpré lorsqu’elle a sorti sa tirade, tout d’un bloc, sur un ton saccadé. Puis, semblant soulagée, elle s’excuse auprès de la vieille dame de s’être emportée.
— Simone, pas Madame Simone ! Tu avais sans doute un peu de sentiment pour ce jeune homme puisque tu avais décidé de vivre avec lui, mais tu as eu entièrement raison de le mettre dehors. Il ne faut pas se laisser faire par des hommes qui n’en valent pas la peine, ni par les autres non plus d’ailleurs. Tu sais, moi j’ai attendu l’âge de trente neuf ans avant de me marier, je n’avais pas trouvé le bon avant, aucun d’ailleurs, et si j’avais fini vieille fille comme tu dis, et bien tant pis. Comme le dit le proverbe, il vaut mieux être seule que mal accompagnée. Voilà, donc c’est bon pour aller faire la fête le vingt neuf juin !
Les deux femmes éclatent de rire encore une fois, visiblement, le courant passe bien entre elles. Simone pensa qu’elle avait bien fait de proposer à Mélanie de travailler davantage pour passer plus temps avec elle, et Mélanie se disait qu’elle avait vraiment de la chance d’avoir une telle relation avec cette petite grand-mère qui semble avoir toute confiance en elle.
— Trente neuf ans, vous aviez trente neuf ans quand vous vous êtes mariée ? En Tunisie ? Il valait sûrement le coup d’attendre !
— Oui, en Tunisie. Il valait le coup oui, comme tu dis, René. Il était beaucoup plus vieux que moi, il avait cinquante six ans, mais ça, nous nous en moquions complètement. Nous nous sommes toujours très bien arrangés, et respectés jusque sa mort en 1979. Nous avons été marié pendant vingt deux ans. Ah, bien sûr, nous n’avons pas eu d’enfant, nous ne l’avons pas voulu du fait de cette différence d’âge, et puis c’était un peu trop tard, mais bon... Et après son décès, je suis venu m’installer à Bordeaux. J’aurais pu aller en Bretagne, mais j’ai préféré venir ici.
— En Bretagne ? Mais c’est chez moi ça, vous savez que je suis née là-bas ?
— Ah oui ? Où ça donc en Bretagne ?
— Dans le Morbihan, à Vannes. D’ailleurs je vais y aller en vacances la première quinzaine du mois de juin. Enfin, pas à Vannes, mais en Bretagne. Mais j’arrangerai tout pour vous avant de partir, je vous ferai les menus, passerai les commandes et vous serez livrée, et j’ai demandé à une copine de passer voir si tout va bien. Si vous êtes d’accord évidemment, c’est quelqu’un de bien, elle est en congé maternité mais elle pourra passer de temps en temps.
— Bien sûr que je suis d’accord, elle pourra passer avec son bébé, je te fais confiance. Tu vas où en Bretagne alors ?
— Je vais avec une amie à Loctudy, nous avons réservé un mobil-home dans un camping pas très loin de la mer, il y a des belles plages par là-bas il paraît !
Simone posa sa fourchette et regarda Mélanie.
— Tu vas à Loctudy ! Elle laissa passer un silence. Mes parents sont nés à l’Ile Tudy. Un petit bras de mer sépare les deux communes. Ils ont quitté leur village au moment de la première guerre mondiale, avec mon frère, pour aller en Tunisie. Puis ils se sont installés en Algérie et ne sont jamais revenu en métropole. Moi-même, je n’ai jamais pu y mettre les pieds à l’Ile Tudy. Mais bon, c’est l’histoire de ma famille, une histoire pas toujours facile.
— Ça alors dit Mélanie, son couteau suspendu en l’air, bouche bée. Elle avala sa bouchée et dit à Simone : Vous avez vraiment beaucoup de choses à me raconter.
— Allez, on fini le repas, on discutera cette après-midi.
Le repas s’est terminé dans le silence, puis, Mélanie a débarrassé la table et fait la vaisselle. Simone est retournée sur son fauteuil dans le salon. Elle somnole malgré elle, mais quand la jeune fille revient, elle lève la tête et lui sourit, un peu tristement.
— Ça remue un peu tout ça, n’est ce pas ? demande-telle à la vieille femme.
— Oui, un peu, mais ça remonte à tellement loin ! Je vais commencer à te raconter ça, installe toi bien. Ça sera peut-être un peu confus tu sais, mais c’est l’histoire que mes parents m’ont racontée.
Mélanie s’installe dans le canapé en cuir qui fait face au fauteuil de la vieille femme, puis, Simone commence son récit :
— La vie n’était pas facile à cette époque au sud de la Bretagne. L’Ile Tudy, c’est le pays Bigouden, tu vois, c’est le coin qui représente un peu toute la Bretagne maintenant, un peu partout avec les grandes coiffes. Je te dirais les dates de mémoire, je pense qu’elles sont assez justes tout de même, depuis le temps que je les ai en tête. Je n’ai jamais parlé de tout cela à qui que se soit depuis la mort de mon mari, et même avec lui, nous n’en parlions pas tous les jours.
Mon père s’appelait Dominique Gouzien, Dominique comme son oncle qui était son parrain. C’était comme ça à cette époque, les garçons prenait souvent le prénom de leur parrain et les filles celui de leur marraine. Mon père est né au début du mois de juillet 1886 à l’Ile Tudy. Son père était marin, comme les trois quart des hommes de la commune.
Ma grand-mère était ménagère, ce qui veut dire qu’elle n’avait pas de métier bien particulier. Ce n’est pas pour autant qu’elle ne faisait rien, je te rassure. Elle s’occupait de sa maison, des enfants, mais cela ne l’empêchait pas de faire un peu de pêche aux coquillages pour arrondir les fins de mois ou bien d’aller travailler à l’usine durant la période d’activité.
A la fin du 19ème siècle, l’Ile Tudy était assez prospère, la pêche à la sardine marchait bien et il y avait des conserveries qui transformaient le poisson. La pêche à la sardine se faisait du mois d’août jusqu’à la Toussaint, et au printemps, c’était la pêche au congre. Jusqu’au début des années 1900, il y avait une telle activité liée à la sardine que l’odeur du poisson imprégnait l’air ambiant de tout le village, les vêtements et même les cheveux des habitants sentaient la sardine. Les poissons, autres que les sardines qui allaient toutes aux conserveries, étaient vendus aux halles de Pont L’Abbé et de Quimper ou même transportés dans les autres ports du sud de la Bretagne.
Les conserveries avaient été montées par des industriels venant de Nantes ou de Douarnenez, et les femmes qui y travaillaient avaient délaissé en majorité, la coiffe bigoudène, pour celle de Douarnenez, la Penn Sardin, qui était bien plus commode à mettre et plus pratique pour le travail.
Ma mère, elle, était un peu plus jeune, cinq ans je crois et s’appelait Marie Clarisse Keralum. Clarisse comme sa marraine, et c’est ainsi que tout le monde l’appelait. Elle est née au début de l’année 1891, pas à l’Ile Tudy mais à Quimper. Mais sa mère était de l’Ile Tudy et elle y est revenue ensuite pour accoucher de ses deux enfants suivants, mais pas uniquement pour cela, tu vas voir !
Mon grand-père maternel était aussi marin, à Quimper, mais il était souvent à l’Ile Tudy chez ses beaux parents parce qu’il avait eu des problèmes à Quimper avec ses collègues. Il avait même été condamné deux fois à de la prison avant son mariage pour le vol de poissons à ses camarades pêcheurs. Alors même s’il était devenu honnête par la suite, enfin je le présume, sa réputation n’était pas très bonne à Quimper, tu le penses bien !
C’est pourquoi les Keralum sont venu habiter à l’Ile Tudy pendant quelques années et les premiers enfants ont passés davantage de temps chez leurs grand-parents Halbert, c’est le nom de ma grand-mère maternelle, qu’avec leurs propres parents. Même lorsque la famille est retournée sur Quimper, les trois filles aînées sont restées. Il y en eu d’autres des enfants, douze en tout, huit filles et quatre garçons, et ma mère était la première.
En 1903, mon grand-père Gouzien est mort, il n’était pas vieux, tout juste quarante trois ans. La famille Gouzien était à Bénodet à cette date, le père occupant la fonction de pilote du port. C’est lui qui accompagnait les différents bateaux qui arrivaient ou qui repartaient, il connaissait bien la plupart les pièges de la côte, tous les rochers qui pouvaient représenter un danger. Mon père allait avec lui de temps en temps, à partir de ses douze ans, c’était l’aîné, il apprenait le métier en quelque sorte, la transmission se faisait ainsi.
Dès 1904, mon père était inscrit maritime, il avait 18 ans, c’était obligatoire pour aller à la pêche, puisque évidemment il sera marin lui aussi, comme quasiment tous les hommes de l’Ile Tudy. Les familles avaient beaucoup d’enfants, mon père avait dix frères et sœurs, tu te rends compte, onze enfants en tout, et douze chez ma mère comme je te l’ai déjà dis.
Les habitations n’étaient pas très grandes en plus, basses, avec deux pièces seulement où toute la famille s’entassait, et un petit jardinet avec des poteaux de bois pour mettre les filets de pêche à sécher. Les aînés contribuaient aux frais de la maison tant qu’ils n’étaient pas mariés, et même parfois encore après, surtout que dans le cas présent, les derniers n’étaient pas bien grands quand le père est mort.
Eh tiens, je crois qu’une de mes tantes s’appelait Mélanie, comme toi ! Enfin, je dis que je crois, mais j’en suis sûre évidemment, même si je ne l’ai jamais vu.
— Ah oui ? C’est drôle ça ! dit Mélanie l’air étonné. Elle s’appelait comme moi, ou plutôt, c’est moi qui me prénomme comme elle ? Et vous ne l’avez jamais vue ?
— Oui, oui, ben non, je ne l’ai jamais vu. Tu verras plus tard répondit Simone, attends, je continue.
Donc, euh, je ne sais plus où j'en suis, ah oui, en 1903. La conjoncture économique a changé. La sardine s’est faite rare cette année là, et malheureusement, les années suivantes aussi. Les pêcheurs étaient soumis au bon vouloir des conserveries qui fixaient les prix et la misère a fait son apparition.
Cependant, une activité annexe s’était développée à cette période : la dentelle. Il s’agissait de la dentelle avec le point d’Irlande dont la technique avait été apprise par les femmes de la commune. C’était assez lucratif au début du moins, tant que cela restait une activité d’appoint pratiquée seulement par quelques personnes, mais quand la sardine s’est raréfiée, de plus en plus de monde s’est tourné vers la dentelle. Même les hommes pour qui ce n’était plus rentable d’aller à la pêche, se sont mis massivement à faire de la dentelle, c’est pour te dire ! Mais bien sûr, plus il y d’offre, moins il y a de demande ! Et les prix là aussi ont baissé.
Puis les conflits sociaux sont arrivés avec les industriels des conserveries qui diminuaient leur activité et les salaires des ouvrières. La population ne s’est pas laissé faire, il y a eu des grèves, la petite ville était à gauche puisque c’était un monde ouvrier, en dehors de la pêche. Il y a eu rapidement une section du parti de la SFIO, l’ancêtre du parti socialiste. Mon père s’est mêlé de ça, il était très revendicatif et ne supportait pas l’injustice.
En 1906, il est parti faire son service militaire. Comme il était marin, il a été affecté dans la Marine nationale, à Brest évidemment, et là, il a suivi une formation de guetteur sémaphorique. Il avait déjà de bonnes notions de ce métier depuis qu’il avait été avec son père au port de Bénodet.
Après avoir passé un an sous les drapeaux, il a été placé en dispense car il était soutien de famille et il est revenu à l’Ile Tudy où il a repris son métier de marin pêcheur, mais ce n’était pas facile. La sardine qui faisait vivre la petite ville n’était pas vraiment de retour, ou de manière très aléatoire. De plus, plusieurs tempêtes ont fait des dégâts, des marins ont régulièrement été portés disparus. Les maisons étaient vulnérables aussi, il fallait faire des barricades et des amarrages solides pour éviter autant que possible que l’eau de mer ne rentre dans les bâtisses ou que les quais soient envahis.
Ma mère, elle, était restée à l’Ile Tudy alors que ses parents vivaient à Quimper. Elle restait chez ses grand-parents et s’adonnait à la pêche aux coques, aux palourdes, aux berniques, aux moules et aux huitres dans l’estuaire de la rivière de Pont L’Abbé. Et souvent, c’est sa mère qui vendait le produit de la pêche aux halles de Quimper, ce n’est pas très loin, en bateau en remontant la rivière Odet. Tu verras bientôt pendant tes vacances dans le coin quand tu visiteras un peu. Car tu auras sûrement quelques jours de pluie en Bretagne, c’est réputé pour cela, donc il faudra s’occuper si vous ne pouvez pas aller à la plage.
Bon, je parle, je parle, mais je prendrais bien un petit café, je commence à avoir soif.
— Attendez, Madame, euh, zut, Simone, je vais à la cuisine préparer le café. Ou peut être préférez-vous un thé ?
— Non, non, un café me convient tout à fait, sans sucre comme d’habitude s’il te plait.
Mélanie quitta le salon, Simone en profita aussi pour aller se dégourdir les jambes. Elle fit un petit tour dans l’appartement, ouvrit la fenêtre de la salle à manger pour profiter un peu du soleil qui tapait fort maintenant au milieu de l’après midi. Le petit jardin était magnifique à cette époque de l’année. Puis elle revint s’assoir sur son fauteuil et Mélanie réapparut, portant un plateau avec deux tasses de café fumant et quelques petits biscuits. Les deux femmes s’installèrent à nouveau confortablement pour prendre leur collation. Mélanie la première rompit le silence.
— Ça va Simone, tous ces souvenirs ?
— Oh, ce n’est que ce que l’on m’a raconté, ce ne sont pas vraiment mes propres souvenirs, moi, je n’étais pas encore née.
Allez, je continue encore un peu, et nous irons faire un petit tour aussi tout à l’heure, il serait dommage de ne pas profiter de ce temps ensoleillé. Nous irons jusqu’au jardin public, ce n’est pas très loin, et, au printemps la végétation est très belle. Tu pourras partir de là-bas pour rentrer chez toi quand ce sera ton heure, je pourrais rentrer toute seule tranquillement après.
— Vous êtes sûre, ça ira ?
— Mais oui, bien sûr, je suis encore capable de rentrer chez moi, ne t’inquiète pas.
Bon, je te disais donc que mon père était revenu à l’Ile Tudy, il avait repris son activité. Il connaissait évidemment ma mère depuis longtemps, depuis toujours même, tout le monde se connaissait sur l’Ile. Ils avaient l’âge de se fréquenter maintenant comme on disait alors, ils sont vraiment tombés amoureux, ils se recherchaient tout le temps, il était évident qu’ils étaient fait l’un pour l’autre. Je te dis ça, je n’y étais pas, mais lorsque j’ai vu moi-même comment ils étaient après que je sois née, cela sautait au yeux. Ils ont toujours été très proches et complices. Ils se sont mariés le trente et un mai 1910 à l’Ile Tudy, en présence de leurs parents respectifs.
Pourtant, Pierre Keralum et Marie Halbert, mes grand-parents maternels, n’étaient pas très favorables à ce mariage, ils espéraient que ma mère épouse quelqu’un de plus riche, enfin, surtout mon grand-père. Mais rien n’aurait pu empêcher les deux tourtereaux de convoler. En fait, mes grand-parents avaient rêvé d’un meilleur parti pour leur fille, en espérant en profiter un peu aussi, surtout depuis qu’il y avait des gens aisés qui fréquentaient la commune et Loctudy en face. C’est à cette époque que le tourisme a commencer à se développer avec des régates.
Des plaisanciers sont venus pour ces compétitions de voiles, des courses de bateaux. Ils logeaient à Loctudy où d’ailleurs ils ont construit des villas en bord de mer. Tu pourras sûrement les voir quand tu iras par là. Les pêcheurs aussi participaient aux courses de voiliers, comme équipages des Parisiens, c’étaient essentiellement des Parisiens, mais il y avait aussi des compétitions entre eux. Et comme pratiquement tous les marins étaient de l’Ile Tudy, les vainqueurs avaient un certain prestige dans le village. Parce que à ce moment là, Loctudy n’était pas une commune maritime importante malgré sa longue façade au bord de l’eau, c’était une ville rurale et agricole. Il y avait des pêcheurs évidemment mais l’activité première de la commune c’était les pommes de terre qu’ils exportaient vers le Pays de Galles et l’Angleterre.
Et donc, mes grand-parents avaient espéré que ma mère rencontre un Parisien avec une belle situation, ou du moins avec un compte en banque bien garni. Mais peine perdu, c’est mon père, qui était presque dans la misère qui eut sa préférence. Le père Keralum avait essayé de convaincre sa fille depuis ses quinze ans au moins, qu’elle aurait été bien plus heureuse avec un homme aisé, d’autant qu’elle aurait eu l’embarras du choix car elle était plutôt jolie, et les prétendants ne manquaient pas. Mais ma mère était têtue, et surtout, elle était déjà amoureuse de Dominique.
Puis, mon frère Louis est né, en mars 1911, le treize exactement, et la vie a continué ainsi. L’atmosphère était parfois pesante car en plus des parents Keralum, les tensions avec l’Allemagne se faisaient de plus en plus présentes et mon père qui n’avait pas fait l’intégralité de son service militaire pouvait être rappelé à tout moment.
Lorsque la guerre a été déclarée en 1914, il a effectivement été mobilisé, mais n’a pas été obligé de partir au front ou sur mer dans la Marine Nationale. Il a pu resté encore à l’Ile Tudy pendant quelques temps car il était soutien de famille, son père étant décédé, ça comptait encore. Cela lui a permis d’enterrer sa mère qui est morte à la fin de 1915. Son dernier frère n’avait que quinze ans, mais c’était l’âge auquel il pouvait déjà naviguer.
Dominique Gouzien, mon père, avait reçu son ordre de mission avant le décès de sa mère, il devait aller sur un cuirassier, mais il ne lui avait rien dit, il savait qu’elle allait mourir car elle était très malade et alitée depuis pratiquement six mois. Il avait obtenu un délai pour son incorporation. Il en a alors profité pour faire une demande afin d’être affecté dans un sémaphore le long de la côte française. Tu te rappelles, il avait fait une formation en 1906, pendant qu’il était à Brest.
C’est ainsi que mon père laissa Clarisse et son fils Louis derrière lui et partit pour l’île d’Oléron, au poste de vigie de Saint Trojan comme guetteur sémaphorique. Ce n’était pas par lâcheté qu’il avait demandé cette affectation, mais il avait charge de famille et pensait qu’il était aussi utile pour son pays dans ce travail et puis, il avait déjà trente ans. Ma mère resta à l’Ile Tudy, pratiquement sans nouvelles, tu sais, il n’y avait pas les téléphones portables comme maintenant, et le courrier était lent. Ils s’écrivaient bien sûr mais c’était une lettre tous les deux ou trois mois au mieux.
Mes parents se languissaient l’un de l’autre, certes, mon père se disait qu’il avait tout de même de la chance de ne pas être au front, ma mère encore plus car elle voyait, elle, les mauvaises nouvelles arriver à l’Ile Tudy. Les morts étaient de plus en plus nombreux parmi les soldats qui avaient quitté la commune. Le courrier n’était pas clément pour tout le monde. C’était le maire qui avait la délicate mission d’aller apporter les douloureuses missives aux familles touchées par la disparition d’un des leurs. Il se livra une douzaine de fois à cet exercice rien que pour l’année 1915 d’après ce que ma mère nous avait rapporté. Et en 1916, il y eut a peu près autant de morts. Pour une petite ville d’un peu plus d’un millier d’habitants, ça faisait beaucoup.
En plus, mon grand-père Keralum harcelait sa fille en lui disant que son mari était parti se planquer plutôt que d’aller au front. Un de ses fils, mon oncle René, y était, lui, dans les tranchées face aux Allemands, c’était un courageux. Ma mère savait pourtant que son frère aurait certainement préféré avoir une autre place, il n'était pas parti le cœur léger en janvier 1916 alors qu’il n'avait que dix neuf ans. La guerre avait déjà commencé depuis deux ans et tout le monde savait ce qui se passait en première ligne : une boucherie.
C’est ainsi que ma mère se fâcha avec son père définitivement, sa mère ne disant trop rien, bien assez occupée avec tous les enfants que lui faisait son mari. Pour te dire, ma dernière tante, Anna, est née en 1912, après mon frère Louis. La tante était plus jeune que le neveu. Et pour couronner le tout, le père Keralum dit même à sa fille qu’il ne pardonnerait jamais à Dominique, mon père, si son fils mourait à la guerre alors que lui s’en sortirait. Clarisse garda cela pour elle dans un premier temps, mais n’oublia pas.
Sur l’île d’Oléron, Dominique devint un excellent guetteur et une opportunité se présenta à lui à l’été 1916. La Marine cherchait des volontaires pour partir en Afrique du Nord. Mais il fallait s’engager pour trois ans. Mon père réfléchit un petit moment, il était seul pour prendre une décision qui allait malgré tout conditionner la vie de sa famille, il ne voulait pas se tromper. Mais personne ne pouvait dire combien de temps la guerre allait encore durer. Il pouvait y en avoir encore pour des années au rythme actuel, c’était une guerre de position, dans les tranchées de part et d’autre. En plus, la situation à l’Ile Tudy n’était pas réjouissante non plus, et après la guerre, cela ne serait sûrement pas fameux. Un poste dans un sémaphore ne lui déplaisait pas, finalement, il restait au bord de la mer, peu importe où il aurait été muté. Mais ce qui lui fit accepter l’offre, c’était que s’il acceptait de partir en Afrique du Nord, sa famille pouvait le rejoindre, avec effet immédiat !
Et voilà comment mes parents sont partis de métropole en septembre 1916. Mon père a signé un engagement de trois ans et il a été promu quartier-maître. Dominique, Clarisse et le petit Louis qui avait maintenant cinq ans sont arrivés en Tunisie, mon père allant prendre son poste au sémaphore du Cap Bon.
Simone ne put retenir un bâillement et dit :
— Bon, eh voilà, nous allons nous arrêter ici pour aujourd’hui mademoiselle. Allons faire notre petit tour.
Mélanie se releva de son fauteuil et répondit :
— Déjà ? je n’ai pas vu le temps passer. Mais et vous alors Simone, dans tout ça ?
— Moi, mais je ne suis pas encore née ! dit Simone en souriant.
Elle se leva à son tour et se dirigea vers le couloir pour se chausser et prendre sa veste.
— Eh bien, vous êtes pressée on dirait. N’oubliez pas votre canne et vos clés, si vous voulez rentrer chez vous tout à l’heure.
— Dites donc, jeune fille, tu crois que je n’ai plus ma tête peut être ! Tu ferais mieux d’aller chercher ton sac que tu as oublié dans la cuisine.
Simone titilla Mélanie avec sa canne et cette dernière se mit à rire et fit un aller-retour vers la cuisine.
Les deux femmes quittent l’appartement et passent alors dans le jardin de la résidence. Mélanie regarde autour d’elle la végétation. Le jardin n’est pas très grand mais il est très joli et très bien entretenu.
— Ce n’est même pas utile d’aller ailleurs ! C’est drôlement beau ici, et calme, même les bruits de la ville ne nous parviennent pas.
— Oui, c’est vrai, répondit Simone, j’y viens souvent, presque tous les matins avant que tu arrives, enfin, s’il ne pleut pas. C’est très agréable. Mais c’est bien d’aller voir la vie urbaine, et puis j’ai besoin de voir un peu de monde aussi. Allez, en route.
Simone et Mélanie traversent le hall de l’immeuble donnant sur la rue, ouvrent la porte, et se retrouvent sur la chaussée. Elles prennent sur la droite vers la place Gruet et arrivent à la rue Fondaudège. Le conducteur du tram qui s’approche actionne la cloche pour prévenir les piétons de son passage, elles attendent un peu et traversent pour attraper la rue de la ville de Mirmont.
— Ah, vous passez par là pour aller au jardin public ? demande Mélanie.
— Oui, tu ne connais pas ce passage ? Tu vas voir, c’est plus court et la rue a un trottoir assez large, c’est beaucoup plus tranquille et plus sûr, même s’il n’y a pas trop de voitures par là. Ah, ah, tu vas connaître le quartier avec moi.
— C’est vrai que finalement je ne connais pas très bien le coin, je viens toujours directement de chez moi avec le tram et je vais tout de suite chez vous. A moins que je ne fasse quelques courses en passant, mais je ne suis jamais venue au jardin public, je l’avoue.
— Tu habites toujours du côté de l’hippodrome ?
— Oui, oui, j’y suis très bien dans ma résidence, c’est assez neuf, j’ai tout ce qu’il faut à proximité pour faire mes courses, que demander de plus ? En plus il y a le parc du Bouscat juste à côté où je peux faire des courses aussi, mais là c’est du sport, je vais y faire mon jogging deux ou trois fois par semaine, il faut que je garde la forme pour pouvoir vous suivre Simone ! Et puis c’est assez pratique finalement pour venir chez vous, la ligne de tram est directe. Par ici c’est drôlement bien aussi et c’est vrai que c’est sympa de passer par là, c’est joli et nous sommes déjà arrivées, ça n’a pas été bien long. On marche encore un peu pour trouver un banc ?
— Allons vers la gauche vers le muséum, il y a une aire de jeux pour les enfants donc nous y trouverons des bancs. En plus, nous sommes mercredi et il y aura des gamins un peu partout. J’aime bien les regarder s’amuser, ils sont joyeux et plein de vie, dit Simone.
Elles trouvèrent une place pour s’installer, une maman se décalant aimablement pour leur permettre de s’assoir.
— Merci dit Mélanie, c’est gentil. Puis, s’adressant à Simone : C’est fou tout de même que votre grand-père ait eu ce comportement, c’était sa fille tout de même, et elle avait un enfant, c’était son petit-fils !